and if we played fair game + MEGHONEL

F E V R I E R , 2 0 1 9 – Tu souris, tandis qu’elle te remercie. Tu n’oses pas imaginer le rendez-vous. Tout prendrait réellement un sens lorsque tu apercevras ce petit être qui se cache derrière son ventre couvert par des vêtements. Ce n’est que dans quelques jours. Ça arrivera plus vite que tu ne le penses. « Vu la situation, je pense que tu t’y es très bien prise. » Qu’aurait-elle pu faire de mieux ? Ça faisait quelques mois que vous ne vous étiez pas revus, ni adressé la parole. Alors comment aurait-elle pu s’y prendre ? Non, tu penses qu’elle y est prise de la bonne manière. Valait mieux briser les glaces d’entrée. Au moins, tu ne t’es fait aucune fausse idée, pas de fausse joie. Vous arrivez à hauteur du restaurant. Et comme tu t’en doutais, il était déjà plein à craquer. Il a très bonne réputation, et ses pizzas sont les meilleures de la ville. Tu t’empresses d’ouvrir la porte à Meghan. Enfin vous allez pouvoir retrouver un peu de chaleur, et enlever toutes vos épaisseurs. Sans même annoncer ton nom, le serveur prend les devants et vous guide jusqu’à votre table, celle à l’écart de quasiment toute nuisance. Tous deux installés, tu regardes autour de toi. C’est vrai que ça fait tout drôle. Revenir là, dans un de restaurants que vous aviez souvent fréquentés. Tu aurais pu en choisir un autre, peut-être. « Oui, c’est vrai. Je me suis dit qu’il n’y avait que des bons ici, et qu’on allait pouvoir être tranquille. » Votre histoire passée ne comporte pas que de bons souvenirs. Il y a de hauts comme des bas. Enfin, tu n’en étais pas réellement conscient. C’est Meghan qui en a surtout bavé. Bavé de ton manque d’investissement dans votre couple. Qu’est-ce que tu as pu être crétin. « Et puis, on n’a jamais été déçu. On parle toujours plus lorsqu’on savoure de bons plats. » C’est certain que ça créer une bonne ambiance, vous met dans de bonnes conditions. Pas la peine de regarder la carte, tu prendras comme d’habitude, plat comme boisson. On ne change pas une équipe gagnante comme on dit.

Tout ça aurait pu mal se passer, c’est certain. Meghan sait qu’elle doit relativiser mais ça ne l’empêche pas de paniquer parfois. Elle ne sait pas de quoi sera fait son futur, elle qui aime toujours tout savoir. Visiblement, Leo veut s’impliquer dans cette grossesse, mais Meghan ne sait pas ce qu’elle doit en penser. Bien sûr, elle pense que ça peut être une bonne chose, mais comment savoir s’il restera si ce n’est pas son enfant ? Mais c’est son droit de vouloir avoir sa place, et c’est elle qui le lui a donné en l’informant de sa grossesse. Et Meghan fait le choix de prendre les choses comme elles viennent et donc de se concentrer d’abord sur ce dîner au restaurant ce soir. Dans ce restaurant particulièrement, avec lui. Des souvenirs reviennent. De bons souvenirs. Quand ils étaient heureux et que la conversation se faisait toute seule, sans qu’ils aient à se poser la question. Ce soir, ils ne sont pas malheureux pour autant, mais Meghan éprouve tout de même un léger pincement au cœur en repensant à tout ça. « Tu as bien choisi. » C’est vrai que ses souvenirs ici sont aussi liés à l’excellente cuisine donc elle ne peut pas se plaindre de ça. Elle ouvre le menu et le regarde sans vraiment faire attention à ce qu’elle lit. Pourtant, elle commence à avoir faim. Elle a toujours faim en ce moment. Tellement qu’elle a dû cacher sa balance pour éviter de paniquer dès qu’elle monte dessus. Elle sait que c’est normal, il n’empêche qu’elle n’a pas l’habitude. « Surtout qu’on a beaucoup de choses à se dire, donc les plats ont intérêt à être délicieux. » Ce dont elle ne doute pas. De toute façon, elle est d’humeur à parler, à éclairer un peu les choses entre eux. Ça ne peut que leur faire du bien. « Je crois que je vais prendre une calzone, je n’en ai pas mangée depuis longtemps. » Sans doute depuis la dernière fois qu’ils étaient venus ici. « Et toi ? Comme d’habitude ? » Elle serait étonnée qu’il ait changé son menu habituel mais sait-on jamais.

F E V R I E R , 2 0 1 9 – Meghan déclare que tu as bien fait de choisir ce restaurant. Au moins tu es rassuré sur ce point, tu n’as pas faire d’erreur. C’était tout ou rien en venant ici, mais vous êtes assez adultes pour savoir faire la part des choses et mettre de côté le passé. Si vous repensez à chaque chose que vous avez fait ensemble l’an dernier, alors vous ne feriez plus grand-chose. Ça vous boufferait la vie. « N’en doute pas, le chef sait qu’il a des clients très exigeants à cette table. » Dis-tu en plaisantant. Tu n’es en rien quelqu’un d’exigeant sur les plats. Tu pourrais manger de tout. Même ce qui semble ragoûtant pour les autres, ne l’est pas à tes papilles. Et puis, dans l’état actuel de Meghan, tu doutes qu’elle soit exigeante. Enfin c’est ce que tu as lu dans certains magazines. Elle doit manger pour deux, et ses papilles gustatives se sont développées. Tu te demandes si elle a su qu’elle était enceinte parce qu’elle avait soudainement une envie de fraises et de chocolat. Quel cliché ! Et la jolie blonde vient tout briser, elle ne prend rien de sucré, mais une calzone. Ça te soulage dans un sens. Tu te dis que ce que tu as en tête des femmes enceintes est totalement absurde. Tu signes de la tête, approuvant ce qu’elle va commander. « Oui, oui, on ne change pas de vieilles habitudes, tu me connais. » De la main, tu fais signe au serveur que vous êtes prêt à passer commande. S’il y a bien un endroit où tu es impatient, c’est à table. Ton ventre crie facilement famine et ton cerveau y répond sans se poser la moindre question. « Tu veux peut-être boire quelque chose, en dehors de l’eau ? » Tu doutes fortement qu’elle aille demander un verre d’alcool. Elle est raisonnable, loin de jouer avec la santé du bébé. Le serveur arrive rapidement vers vous. Tu lui annonces ce que vous allez prendre et prends bien note de préciser également ce que ton ex souhaite boire. Il s’en va, tourne en cuisine vous laissant à nouveau tout seuls. Vous allez pouvoir parler sérieusement, évoquer les raisons de vos retrouvailles de ce soir. Tu n’as pas vraiment hâte d’en parler, mais il faut bien passer par là. « Donc … -tu te racles la gorge- revenons-en à nos moutons. » Tu te demandes dans quelle optique se trouve l’autre homme, celui qui est, également, probablement le père de l’enfant. Est-il investi, autant que tu souhaiterais l’être ?

« C’est vrai que tu as ta réputation. » Elle sourit, se moquant un peu de lui au passage. Pas une mauvaise réputation cela-dit, le chef doit savoir qu’il a un habitué et ça doit être flatteur. Meghan est presque sûr qu’il est venu régulièrement depuis leur rupture, parce qu’il y allait déjà avant qu’ils ne se connaissent. C’était une des raisons pour laquelle elle n’y était pas allée, elle. Dans une séparation, c’est normal que certains lieux soient réservés à l’un ou à l’autre. Mais ce soir, ils sont là ensemble, parce que leur destin leur a joué un drôle de tour. Ou peut-être pas. Il n’empêche que ce doute suffit à les réunir. Et même si beaucoup de questions persistent, Meghan choisit d’apprécier le moment. Surtout avec la carte qui lui donne envie. Elle sourit à nouveau quand elle a confirmation que Leo n’a pas changé. Toujours la même commande. « Je vais prendre un thé glacé. Ça me changera des cocktails sans alcool. » Même si elle aime les fruits, elle commence à en avoir marre. Le serveur arrive à leur table, et la commande est rapidement passée. Elle croise les jambes sous la table alors qu’ils se retrouvent seuls à nouveau. Leurs moutons. Elle ne sait pas par où commencer, et voudrait bien que Leo le fasse. Après tout, c’est surtout à lui d’expliquer ce qu’il ressent. Elle, elle a choisi de garder cet enfant, sans en connaître toutes les modalités. « Je suppose qu’il est temps, oui… » Pourtant, elle en a envie, et à la fois, pas du tout. Elle aime bien cette ambiance entre eux, comme avant. Mais elle sait que ça n’est qu’une illusion, que ça ne durera pas. « Qu’est-ce que tu veux savoir ? » Il doit bien avoir des questions. A sa place, Meghan en aurait sans doute. Elle en a, mais préfère qu’il commence.

F E V R I E R , 2 0 1 9 – Tu te mets à rire lorsqu’elle évoque ta réputation au sein du restaurant. Et dans un sens, elle n’a pas tort. À la longue, tu as fini par rencontrer le chef, sympathiser avec lui et le restant de l’équipe. T’es certainement leur plus fidèle client, et ça de longue date. La première fois que tu es venu ici, c’était pour fêter ton entrée au sein des Yankees, il y a déjà près de dix ans. Comme les années se défilent à une allure folle. « Quelque peu. » Dis-tu amusé, alors que la jeune femme fait le tour de la carte. Tu la dévisages, un sourire aux lèvres, puis te reprends en te raclant la gorge. Tu penses que c’est mal, que ça peut plus vous faire du mal qu’autre chose. Tu ne peux la regarder comme tu le faisais avant, elle pourrait le prendre mal, se lever, prendre ses affaires et appeler un taxi. Elle ne doit pas partir, la soirée vient uniquement de commencer. Ça fait des jours que tu attends ce rendez-vous, si tu peux appeler ça ainsi. « Tu ne m’en veux pas, si je prends une bière ? » Tu ne sais pas si tu dois te mettre au même régime qu’elle. Faire un sevrage pour montrer que tu la soutiens véritablement. Après tout, s’est-elle qui récolte tous les côtés négatifs. Enfin, la plus grande partie.
Commande expédiée, tu te décides de te jeter à nouveau à l’eau. Tant que tu en as encore le courage. Elle-même ne semble pas en avoir plus envie que toi. C’est assez bizarre comme conversation. Vous ne vous adressez pas la parole pendant des mois, et voilà que vous parlez de chose ultra sérieuse. D’un avenir. Mais quand est-il véritablement ? Il y a tout un tas de questions que te viennent à l’esprit. Mais la première est celle-ci. « Je vais paraître abrupt, mais quand est-il de l’autre ? … L’autre homme. » Tu te pinces les lèvres, espères ne pas avoir toucher là où ça fait mal. C’est une question qui t’obsède. Tu veux savoir si tu n’es pas le seul à t’impliquer, si tu vas devoir faire face à l’homme qui a couché avec elle juste après toi. Tu pourrais le frapper. Coucher avec une femme triste. Quel profiteur ! « Et surtout, dis-moi ce que tu veux de moi. Je ne veux pas que tu penses que je m’impose, et que ça devienne oppressant pour toi. On va à ton rythme. »

« On non, pas du tout. Profite pour nous deux du coup. » Meghan ne demanderait jamais de quelqu’un qu’il se prive de quelque chose qu’elle ne peut pas avoir de toute façon. L’alcool lui manque un peu, mais c’est pour une bonne cause qu’elle en est privée. Elle aura tout le loisir de recommencer à boire quand elle aura eu son bébé. Mais ça ne signifie pas que Leo doive se prive aussi. Ce n’est pas comme si elle était en sevrage et tellement accro qu’elle ne pouvait pas résister. Elle n’en est pas encore à ce point, heureusement. Elle, elle se contente d’un thé glacé, ce qu’elle aime beaucoup. De toute façon, c’est plus la pizza qui lui fait envie, et elle a hâte que le serveur revienne avec leur plat, même si ce temps leur laisse la possibilité de discuter de choses un peu plus sérieuses. Elle sait bien que c’est la raison pour laquelle ils sont là ce soir, mais peut-être qu’elle espérait gagner encore un peu de temps. Un peu de normalité, même si elle ne sait plus ce que c’est entre eux. Une soirée au restaurant, c’était normal… avant. Là, il y a beaucoup plus en jeu et quand Meghan lui propose de poser les questions qu’il se pose, elle ne s’attendait pas à ce qu’il attaque directement ainsi. Mais après tout, c’est normal qu’il s’interroge. Difficile de savoir la place qu’il veut prendre sans avoir toutes les informations. Elle devrait le corriger, lui dire qu’il y a deux autres hommes, mais elle se remémore sa rencontre avec Swan et se dit que ce n’est peut-être pas la peine d’en parler. S’il est sûr de ne pas être le père, elle devrait le croire. Deux pères potentiels, c’est déjà bien assez. Toujours trop. « Et bien… c’est un peu compliqué. Il est au courant de tout mais je crois qu’il est encore en train de tout digérer. » Elle se mordille l'intérieur de la joue, un peu gênée. Elle n’a pas envie de lui dire qui c’est, parce qu’alors, il saurait qu’il est marié. Elle n’arrive pas à croire qu’une nuit qui n’était qu’une erreur passagère puisse tout changer à leurs vies. Sans doute aurait-il été plus simple pour elle de ne pas avoir ce bébé. En tout cas, elle apprécie le geste de Leo, le fait qu’il ne désire pas s’imposer. La vérité, c’est que Meghan ne sait pas exactement ce qu’elle attend de lui. La seule certitude dans tout ça, c’est qu’elle est bel et bien enceinte, qu’elle va avoir ce bébé. Le reste, tout ce qui va avec, est encore très flou. « A vrai dire, je ne sais pas exactement ce que je veux. Si tu souhaites t’impliquer, je suis partante aussi, bien sûr. » Cela serait même le scénario idéal mais… « Mais je ne peux pas te garantir que cet enfant est le tien, alors je préfère savoir tout de suite ce que tu en penses. On ne pourra le savoir qu’à la naissance. Il existe bien un test, mais il implique une grosse aiguille, et… déjà que je n’aime pas les petites. » Peut-elle vraiment lui demander de s’impliquer avant qu’il ne sache si cet enfant est le sien ou non ? Ils ne sont plus ensemble, alors si c’est un autre qui l’a mise enceinte, tout ça ne le concerne en rien.

F E V R I E R , 2 0 1 9 – Lorsque tu lui demandes si ça ne la dérange pas que tu prennes une bière, elle te répond immédiatement. Elle refuse que tu t’abstiennes pour elle. Au contraire, elle souhaite que tu boives également pour elle. Il ne faut pas te le dire deux fois. Elle le sait. Tu ne peux t’empêcher de lui sourire comme un enfant. Heureux de pouvoir manger une pizza tout en buvant une bière mousseuse. Tu en prendras qu’une, faut pas oublier que tu es chauffeur ce soir, que tu escortes deux personnes ce soir. Tu n’es pas du genre à mettre qui que ce soit en danger. Et encore moins en voiture. Tu penses trop à l’accident qui as tué tes parents sur le coup.
Tu attaques fort, et lances un sujet qui peut tout faire basculer. La jolie blonde pourrait le prendre extrêmement mal, trouver qui tu t’immisces dans sa vie, et que ça ne te regarde nullement. T’es peut-être un poil trop curieux. T’as envie de savoir qui il est, mais jamais tu ne poserais la question. Et pourtant, elle te répond sincèrement. T’aimes le fait qu’elle se livre à toi. Tu sens qu’elle est en toute confiance. « C’est une situation délicate. » Délicate dans tous les sens du terme. Déjà apprendre que l’on va devenir parent chamboule toute une vie, mais si en plus on apprend qu’un autre homme fait parti de l’équation, tout se mélange. On pense au fait qu’il y a une chance que tout reste comme tel. On essaye de s’accrocher à cette idée. « Honnêtement, si je n’avais pas Martin dans ma vie, je ne pense pas que j’aurai encaissé la nouvelle aussi rapidement. » Si elle t’avait parlé d’enfant avant le décès de tes parents, t’aurais essayé de la persuader de se faire avorter. Tu pensais surtout à ta carrière, et ne savais pas l’importance des enfants. Ils vous apportent tellement de choses. C’est un véritable bonheur. Et pour rien au monde, tu reviendrais sur cette décision, devenir le tuteur de ce petit être. T’aimerais que les choses avancent plus vite, de pouvoir lui annoncer que tu es officiellement son parent. « Je sais. Ça va être difficile, j’en ai conscience. » Tu as peur de t’attacher, de trop t’impliquer et de finalement recevoir un coup de massue. Comme te l’a dit Tessa ou encore Tommy, t’es un sentimental. Mais tu ne peux pas reproduire la même erreur qu’avant. Meghan t’a quitté en te reprochant de ne pas assez t’investir dans votre relation. Tu ne peux reproduire cette erreur. Il faut avancer, et apprendre du passé. « Je ne … ok, ne parlons pas d’aiguille. Pas de test, ça attendra. » Toi-même, tu détestes ça. Un frisson te parcourt, rien qu’à l’annonce de ce mot. Bien sûr, tu voudras savoir si tu es le père. Genre là, tout de suite. Mais qui ne voudrait pas connaître la vérité ?

Délicate, la situation l’est très clairement. Ce n’est absolument pas ce qu’elle avait rêvé pour une première grossesse, elle a l’impression de tout faire dans le désordre et, surtout, de la mauvaise façon. Comme si, parce qu'elle a toujours eu des envies bien précises pour son futur, le destin se moquait d’elle en mettant tout ça sur son chemin. Mais c’est elle qui a choisi tout ça. C’était elle qui avait rompu avec Leo. C’était elle qui avait choisi de garder ce bébé, tout en connaissant tous les paramètres compliqués qui allaient avec. Ce sont ses choix qui font qu’elle en est là aujourd’hui, et elle doit vivre avec. Tout en espérant que tout finira par s’arranger. Mais tant qu’il reste une si grande part d’incertitude, elle sait que rien ne sera simple. Pour personne. « En même temps, c’était une sacrée surprise. Pour tout le monde. » Leo est, semble-t-il, celui qui prend ses responsabilités le premier. Du moins, il l’a invité pour en discuter. Mais il ignore si ce sont vraiment ses responsabilités. Le bébé qui grandit doucement – ou parfois un peu trop vite à son goût – dans le ventre de Meghan pourrait être le sien, comme il pourrait ne pas l’être. Et elle n’a aucun moyen de vérifier. Pas avant la naissance, si elle ne veut pas prendre aucun risque et, surtout, éviter de rencontrer une aiguille énorme. Il sait que ça va être difficile mais Meghan ne sait pas exactement ce que ça veut dire. Souhaite-t-il s’investir uniquement si le bébé est de lui ? Et du coup, que compte-t-il faire en attendant de savoir ? Elle en est encore au début de sa grossesse, et elle a l’impression d’être toujours terriblement perdue. « Ça ne te dérange pas ? De ne pas savoir ? » Elle, ça la dérange, et elle aurait aimé que tout soit plus simple. Si elle savait que cet enfant était de Leo, ils pourraient discuter du futur sans avoir cette épée de Damoclès au-dessus de leur tête. « Je comprendrais que tu ne veuilles pas t’investir trop avant de savoir. Après tout, moi je sais que je suis concernée mais toi, peut-être que tu n’as aucune inquiétude à avoir. » Son ton n’implique aucun reproche. Elle essaye de se mettre à la place de Leo, s’imagine ce qu’il doit ressentir. Pas facile. Surtout quand il n’avait jamais réellement parlé de futur ou donné l’impression qu’il désirait quelque chose de vraiment sérieux. Pourtant, un enfant, il n’y a rien de plus sérieux comme engagement.

F E V R I E R , 2 0 1 9 – Tu ne peux qu’approuver. Jamais tu n’aurais pensé à cette annonce. Tu n’as même jamais pensé à devenir père. Ce n’a jamais fait partie de tes propriétés. Et ça même lorsque tu étais fiancé à Destiny. Ce n’était pas son genre et tu n’en avais pas vraiment le temps. À quoi bon avoir un enfant si c’est pour ne jamais le voir ? Aucun. Actuellement, tu n’as pas l’impression d’être un futur père. Tu sais ce qui t’attends, mais tu n’imagines pas véritablement ce que tu vas devenir. Peut-être que tout prendra forme lorsque Meghan aura un ventre bien arrondi, que tu auras vu en image cet petit homme. Et là, tu le sais, tu tomberas amoureux. Sentimental, rappelle-toi. « Que ça me dérange ou non, ça changerait quoi ? Tu fais avec, je fais avec. Il faut seulement prendre sur soi. » D’ici quelques mois, tout sera au clair. Il ne vous reste que six mois approximativement. Ces derniers s’écouleront rapidement, plus vite que tu ne le penses. Et l’affaire sera classée. Tu seras si tu es véritablement un papa, un papa poule. Et si tu ne peux prendre soin de lui, alors dans l’immédiat, tu prendras soin d’elle, de Meghan. « T’en fais pas pour moi Meghan. » Voyant le serveur s’avancer vers vous, tu te tais. Un silence de quelques secondes survole au-dessus de vous. Vos histoires n’ont pas à être entendues, elles ne concernent que vous. Les boissons arrivent, un thé glacé et une bière. D’un sourire sincère, tu remercies l’homme qui repart rapidement. « Tu te souviens de ce que tu m’as dit lorsque tu m’as quitté ? » Ce n’est pas véritablement une question. Elle comme toi, connaissez la réponse. « Tu m’as reproché de ne pas assez m’impliquer. Je ne refais jamais deux fois les mêmes erreurs. » Tu regrettes déjà assez la première. Elle te reste bloquée en travers de la gorge. Tu n’es plus aussi penché sur toi-même, sur ton passé douloureux. Tu aspires à une meilleure vie, à penser aux autres avant tout. Le verre entre tes mains, tu le portes à ta bouche et savoures cette bière fraîche.

Si elle ne le connaissait pas comme elle le connait, elle pourrait prendre sa phrase pour de la désinvolture. Elle sait cependant que ça n’en est pas. Il a raison, s’ils ne peuvent pas savoir, pourquoi s’acharner sur un sujet qui restera sans réponse ? Alors même si Meghan voudrait bien savoir quelle serait sa réaction s’il s’avérait que cet enfant n’était pas le sien alors qu’il s’était investi. Peut-être que lui-même l’ignore, et que c’est pour ça qu’il n’y répond pas clairement. Meghan aime que les choses soient claires, prévues. Mais rien de tout ça ne l’est. Alors tout ce qu’elle peut faire, c’est de s’inquiéter, c’est plus fort qu’elle. Même si on inquiétude ne changera rien à tout ça. « Oui, tu as sans doute raison. » Elle aussi, elle voudrait bien savoir pourtant. Devoir attendre encore six mois, ce n’est pas facile pour elle. Mais le test, c’est hors de question, alors elle n’a pas d’autre choix. Le silence s’impose de lui-même quand le serveur leur apporte leurs boissons. Une bière pour lui, un thé glacé pour elle. Elle le remercie d’un signe de tête, avant de regarder la buée formée sur le verre. Meghan relève les yeux vers Leo, étonnée de l’entendre parler de leur rupture. Son cœur manque un battement. Ce n’est pas la première fois qu’il s’excuse, comme s’il cherchait à se repentir. Et ça lui fait toujours un petit effet. Les quelques mois passés depuis leur séparation n’ont pas suffi à guérir son cœur. Pas tout à fait. Et le revoir dans ses conditions, ça n’aide pas. Ses doigts glissent le long de son verre, tracent quelques formes abstraites sur la buée. « Je… j’apprécie que tu me dises ça. Beaucoup. » Elle aurait préféré qu’il le réalise tout seul, et quand il était encore temps surtout. Mais ils ne peuvent pas revenir en avant. « Enfin ce n’est pas pour autant que tu dois te sentir obligé de t’investir là-dedans. Je ne t’en voudrais. » Elle lui offre bon nombre d’occasions de se défiler, tout en espérant qu’il ne les saisira pas. Elle a beau se montrer forte devant ses proches, elle n’a pas envie d’être toute seule là-dedans.