unsteady / alexys

Ça y est, je joue le moralisateur. C’est tout de même assez hypocrite de ma part. Totalement "fais ce que je dis et pas ce que je fais" mais tant pis. J’en ai marre que plus rien ne tourne rond, que ça soit un enchaînement de nouvelles désagréables depuis cinq mois. Je fatigue et je sais que ça signifie qu’une seule chose : il va être temps pour moi d’aller voir du pays et de souffler un bon coup. Seulement ça ne va pas être pour tout de suite. Ça ne va pas être avant fin septembre, une fois la saison de courses derrière moi. Je ne peux pas me permettre de lâcher tout le monde sous prétexte que ça ne va pas à la maison, il faut que je fasse la part des choses et que je me calme rapidement avant de faire une connerie sur le circuit. Sauf que là, je suis blasé. Oui, c’est le mot parfait. Complètement blasé, épuisé, lessivé et tout ce qui va avec. Ce n’est quand même pas trop demander qu’au moins une chose aille bien ! J’ai conscience de me décharger sur Alexys, qu’elle n’a rien demandé et que ça lui coûte de m’avouer quelque chose d’aussi énorme. Sa tête est encore baissée. Merde et moi je l’enfonce comme un gros connard ! Bravo, vraiment … « Je suis complètement tombée sous son charme avant de l'apprendre ... » D’accord, ce n’est pas si catastrophique que ça. Enfin si ça avait été le cas j’aurais fait quoi ? L’enfoncer et l’engueuler alors qu’elle sait pertinemment qu’elle fait une connerie ? « Mais ... je savais qu'il était marié quand on a couché ensemble ... » Ah … Les yeux plissés, je passe ma langue sur mes lèvres et commence à jouer avec le capuchon de mon café. Il me faut quelques instants de plus avant de trouver quoi lui dire bien que je ne sois pas sûr de moi. « Je suis pas ton père Alexys, juste ton frère. Je dirais pas que tu me déçois parce que ça serait un peu abusé mais franchement … quelle idée t’as eu ? » Demandé-je bien plus calmement cette fois. « Tu feras quoi s’il décide de choisir sa femme plutôt que toi ? Tu vas en souffrir alors que tu mérites mieux que ça. T’es pas la seule fautive, c’est un enfoiré de profiter de la situation, de vous faire ça, seulement tu penses pas que même si t’es attachée à lui tu devrais prendre tes distances ? » En fait je pense que j’ai surtout envie de défoncer son patron. Pour qui il se prend ?! Jouer avec une femme aussi merveilleuse et altruiste que ma sœur ? Et quel homme ferait ça à sa propre femme en plus ? « Ça fini jamais bien pour les maitresses ces histoires. » Ajouté-je en soupirant. La dernière chose dont j’ai envie c’est qu’elle souffre à cause d’un con.

Je me comporte comme un salaud à réagir au quart de tour. C’est la dernière chose que je m’attendais à entendre de sa part. Une relation avec un homme marié. La seule chose qui vient adoucir cette nouvelle plus que surprenante c’est qu’elle n’était pas au courant. Et quand je dis adoucir, c’est une façon de parler. A vrai dire j’ai surtout envie d’aller voir son patron et de lui faire comprendre ma façon de penser. Quel salaud putain ! Je pensais en tenir une couche, mais lui ? Coucher avec une autre alors qu’il est marié ? Est-ce qu’il pense au moins au mal qu’il fera à ces femmes lorsque l’une saura qu’il l’a trompé et que l’autre sera abandonnée ? J’en doute ou alors ça ne semble pas être suffisant pour qu’il arrête tout avant que ça aille trop loin. J’ai conscience de ne pas être franchement très clean de mon côté mais au moins je ne trompe personne et je suis très clair sur mes intentions dès le début. Je ne veux pas de quiproquo et de situations gênantes. Lui, il est en plein dedans sauf qu’il a fait l’erreur d’y mêler l’une de mes sœurs. En définitive c’est plus contre lui que je suis énervé que contre Alexys qui se sent déjà bien assez mal. « C'est pas vraiment un truc auquel j'ai pensé Cam ... Je ne me suis pas réveillé un matin en me disant que j'allais briser un mariage aujourd'hui ... » Je grogne, ma façon bien à moi de lui faire comprendre que je m’en doute. Ça ne lui ressemblerait pas d’agir comme ça. Alexys est trop droite dans ses bottes pour ne serait-ce que penser à faire du mal à quelqu’un. « C’est pas ce que j’voulais dire. » Je rétorque en pinçant à nouveau l’arête de mon nez. Enfin de toute manière, elle n’aurait rien pu faire vu que l’autre lui mentait ou, du moins, lui cachait une partie de la vérité. Vraiment, quel salaud ! Ce qui ne m’empêche pas de faire un peu la morale à ma cadette. J’ignore si c’est ce dont elle a besoin dans un moment pareil mais je ne suis pas du genre prendre des pincettes. « Je sais que je vais souffrir, mais même si je prends mes distances tout de suite, je vais souffrir d'une façon ou d'une autre ... (…) De toute façon, je suis destinée à rester seule et me faire abandonner, ça fait un moment que je le sais ça. » Mes yeux ne quittent pas le visage encore légèrement baissé d’Alexys. Ça me suffit à comprendre qu’elle a honte mais je pousse un soupir exaspéré en entendant ce qu’elle finit par lâcher. « Arrête, personne n’est destiné à finir seul. Et imaginons que ça soit le cas, c’est mieux qu’avec un connard qui t’utilise pour oublier. » J’en sais quelque chose, je suis moi-même un connard hormis que je ne suis pas marié ni même fiancé … ou tout bonnement en couple en fait. « Je sais que c’est pas agréable ce que je dis mais c’est ce qu’il est. J’en suis un, je pense être à même de reconnaître des gars comme moi. » Continué-je en sirotant ensuite mon café. Ma faim, elle, est passée. « T’as pensé à chercher à bosser ailleurs ? Ça non plus c’est pas agréable à entendre mais ça serait sans doute pas plus mal. » Je ne dis pas que c’est la décision à prendre ou même qu’elle sera facile, ça peut tout de même être envisagé. Pour son bien et lui permettre de ne pas être que la petite maîtresse de son patron. Parce que s’il choisit sa femme et qu’elle continue de travailler avec lui ça va la détruire, autant couper le cordon tant qu’elle le peut encore.

Ne pas juger, je ne sais pas faire. Je n’ai sans doute pas toutes les informations mais le peu que j’ai suffi à me faire voir rouge. Alexys pourra dire ce qu’elle voudra, essayer de me convaincre par tous les moyens, elle n’y parviendra pas. Pour moi son patron est un connard et je n’aime absolument pas qu’il mêle ma sœur à sa merde. S’il veut être infidèle, ne pas savoir quoi faire, grand bien lui fasse, mais il évite d’y mêler une personne à laquelle je tiens, particulièrement quelqu’un de ma famille. Je suis borné. Je ne compte pas changer ça dans les prochains jours. Loin d’être parfait, je l’ai accepté il y a bien longtemps et je ne changerai pour personne. On me prend comme je suis ou on ne me prend pas du tout. « C'est pas un connard. Et toi non plus d'ailleurs. » Mes sourcils se froncent, une manière silencieuse de lui demander si elle est sérieusement en train de prendre sa défense. Qu’elle soit persuadée que je suis un homme bien ça pourrait être touchant si elle ne se trompait pas autant mais je garde seulement en tête le fait qu’elle défend ce crétin. « Enfin, pour lui ... de faire ça à sa femme, ce n'est vraiment pas bien, mais lorsqu'il est seul avec moi, ce n'est pas un connard. Il a toujours été très attentionné avec moi et même avec Nate. Puis c'est pas parce que tu couches avec beaucoup de femmes que t'es un connard pour autant. » Le muscle de ma mâchoire trésaille en entendant qu’elle a fait en sorte que mon neveu et ce type se connaissent. Ce serait presque normal puisqu’il est son patron, seulement ils couchent ensemble et ça … je n’apprécie pas. C’est à elle de gérer l’éducation de Nathan comme bon lui semble mais je ne suis pas d’accord malgré ça. « Sous prétexte qu’il s’entend bien avec Nate et qu’il est bien avec toi ça ne fait pas de lui un connard ? C’en est un, que tu sois d’accord avec ça ou non. » Je lâche sans la quitter des yeux. Je n’en démordrai pas, Alexys me connaît assez bien pour le savoir. J’ai rangé ce type dans une case de merde, il n’est pas prêt d’en sortir. « Je suis désolé de casser l’image que t’as de moi, Lex, mais je suis un connard. Le seul moment où j’ai arrêté de l’être c’était en étant avec Ollie, mais j’en suis bel et bien un. » Oliana, elle m’a toujours rendu meilleur. En être privé c’est retourner à la case départ. Je n’ai pas honte à admettre ce que je suis. Ce n’est pas quelque chose dont je dois être fier mais j’emmerde le monde. « J'ai passé des années à jongler les boulots pour subvenir aux besoins de mon fils et à être malheureuse dans ce que je faisais dans la vie. (…) Et je peux pas me permettre financièrement de quitter mon emploi du jour au lendemain. » Je m’attendais à cette réponse à l’instant où j’ai parlé de chercher ailleurs et là c’est à mon tour de soupirer. « T’as de l’expérience maintenant, de quoi trouver dans la même branche avec peut-être un meilleur salaire tout en étant aussi épanouie. Mais tu préférerais voir le type qui te prend pour maîtresse tous les jours ? Je comprends pas … » Ou peut-être que si mais l’idée que ma sœur soit déjà amoureuse de ce connard risque de me mettre hors de moi. « Et l’excuse de l’argent, elle marche pas avec moi. Tu sais très bien que si t’es dans la merde j’ai largement de quoi t’aider. » Je pourrais même déjà prendre ma retraite mais j’aime trop ce que je fais pour abandonner, alors qu’elle me sorte ça en excuse, non ça ne passe pas.

Elle n’insiste pas et, putain, j’ignore si ça doit me réjouir ou m’agacer encore plus. Avec son silence, elle admet que ce type est bel et bien un connard. Ce n’est pas seulement qu’elle me laisse avoir le dernier mot là-dessus, c’est aussi qu’elle sait que j’ai raison. Son soupir est une preuve supplémentaire en ce sens. Mais merde, dans ce cas pourquoi elle s’accroche autant à ce type ? Vraiment, il y a des fois où le comportement des femmes m’échappe. Alors, oui, je reste attaché à Oliana, une part de moi le sera à tout jamais, mais je tente de passer à autre chose comme je le peux. Même si c’est en redevenant le connard que j’étais avant. Celui qui n’en a rien à foutre de jeter une femme après qu’elle soit devenue lassante à ses yeux. La perfection j’en suis loin, très loin même. Vraiment … pour le coup je ne la comprends pas du tout. « Et moi je continue de croire que tu n'en ai pas un. De toute manière, que tu le sois ou non, je vais toujours t'aimer pour qui tu es. » Les yeux levés au ciel, c’est à mon tour de soupirer. J’oublie souvent combien elle peut être aussi bornée que je le suis. Et cette fois c’est à moi de ne pas insister. Non pas parce qu’elle a raison – elle a complètement tort – mais parce que ça ne servira à rien et nous allons finir par tourner en rond sur ce point. Alexys continuera de penser que je suis un homme bien alors que je tenterais de lui faire comprendre à quel point elle se trompe. Autant passer à autre chose même si ça reste très lié à ce pauvre type. Le genre de gars qu’il ne vaut mieux pas que je rencontre ou alors il faut que je sois accompagné d’une personne qui sera capable de me contenir. « Je ... peux pas quitter comme ça ... il a besoin d'une assistante puis je connais tous les dossiers par coeur.. j'ai pas vraiment envie de partir.. peut-être que parce que je le vois à tous les jours justement.. » Ça me fait grincer des dents. Mais elle s’entend bon dieu ? Je dois me retenir de serrer ma main autour de mon gobelet que je relâche pour poser ma main sur ma cuisse et serrer mon genou à la place. « Il a besoin de rien du tout ! » Grogné-je sans la quitter des yeux. « C’est un grand garçon, il en trouvera une autre d’assistante. » Et elle se démerdera pour apprendre les dossiers comme ma sœur l’a fait, un point c’est tout ! « Evidemment que tu n’as pas envie de partir. Je te connais par cœur, t’es en train de tomber amoureuse de ce type et c’est ce qui me fait peur, Lex. Parce que s’il joue vraiment la carte du salaud jusqu’au bout, il va te briser et c’est la dernière chose dont j’ai envie pour toi. Tu mérites nettement mieux bon sang … » Pourquoi est-ce qu’elle ne le voit pas ? Pourquoi faut-il qu’elle s’accroche à un pauvre type alors qu’elle pourrait trouver un homme bien meilleur pour elle ? « Tu sais que j'ai toujours apprécié tout ce que tu fais pour Nate et moi, mais je ne peux pas toujours me fier à toi Cam.. » Enième soupir. Ça, en revanche, je peux le comprendre. « Toujours est-il que t’as le moyen de t’éloigner … T’en as parlé à Mia et Ollie ? » Si c’est le cas – ce qui ne me surprendrait pas – je serais bien curieux de savoir ce qu’elles en disent.