though we don't share the same blood, you're my brother. (leroy)

Leroy prend plutôt bien cet échec amoureux et tant mieux. Au fond, ce n’en est pas réellement un finalement. Ils n’étaient juste pas faits l’un pour l’autre, n’ayant pas les mêmes envies et attentes. Alors c’est bien qu’il ne le vit pas mal, ça lui permet d’aller de l’avant et, surtout, de ne pas tenter de récupérer la demoiselle. Chose qui serait une erreur monumentale et je ne me gêne pas pour le lui dire. Pas de langue de bois entre nous. S’il y a une chose à dire, même si ça pourrait faire mal, il faut le dire. C’est sûrement pour ça que je ne lui parle pas du jeu entre Naleya et moi-même, je sais déjà ce qu’il me dirait. Que c’est mal, que ce n’est pas très saint ni respectueux envers son copain tout ça. Je le sais parce que je le pense dans le fond, mais venant de Leroy, ça aurait un impact bien plus important. Ça me ferait tout arrêter, sans aucun doute possible. Le problème est que je ne veux pas arrêter justement, donc je me tais en me répétant que ce n’est rien de bien grave. À la place, je me contente d’écouter ce que mon meilleur ami a à me dire et hoche la tête en guise d’accord avec lui. Il a raison, elle mérite quelqu’un qui l’appréciera vraiment. Sa question me fait réfléchir quelques secondes. « Pas mal, oui, j’avoue. Mais je sais pas, j’entends souvent ça dans les films à la télé. Je me suis dit que ça sonnait bien. » J’hausse les épaules, comme si c’est totalement normal d’utiliser des expressions tirées de films juste pour voir ce que ça donne en vrai. Pour le coup, ça ternit mon image d’homme sage avec des paroles profondes, mais ce n’est pas le genre de chose qui m’inquiète. « J’espère qu’elle tombera quand même sur quelqu’un qui a autant de valeur que toi. » Que j’ajoute, buvant ensuite une gorgée de mon café, avant de tourner la tête vers Leroy et lui demander : « T’es quelqu’un de bien, tu sais ? » Tout d’un coup, ça me semble important de le lui dire. J’imagine bien qu’il en a conscience, mais si ce n’est pas le cas, une piqûre de rappel ne sera pas de trop. « Et tu vois, si j’avais été gay, t’aurais été mon idéal masculin, je crois… Ouais, je t’aurai choisi pour compagnon. » Forcément, un air taquin prend place sur mon visage. Il fallait que j’ajoute une connerie à ma petite déclaration, n’ayant jamais aimé faire dans le sentimental.

Si bien souvent, les deux meilleurs amis passent leurs temps à déconner, se moquant gentiment des personnes les entourant ou bien d’eux-mêmes, il leur arrive également de tenir une conversation sérieuse lorsque cela se présente, comme aujourd’hui. Leroy comprend la curiosité du tatoué puisque les deux n’ont pas eu une réelle discussion concernant la rupture récente de l’agent immobilier. Alors, ce n’est pas si étonnant. Les deux amis ont l’habitude de tout se dire, de parler de tout alors forcément, un jour ou l’autre, le sujet aurait été mis sur la table. Anton s’en est chargé. Un Anton qui redevient assez rapidement celui que tout le monde connait : drôle et léger. Pas mal, oui, j’avoue. Mais je sais pas, j’entends souvent ça dans les films à la télé. Je me suis dit que ça sonnait bien. Ça le fait sourire, Leroy. Il aime ce côté-là d’Anton, le fait qu’il ne cherche pas une excuse bidon à tout ce qu’il fait. Il n’a pas peur de paraître stupide et c’est justement parce qu’il ne l’est pas. Sois gentil, restes toi-même. Ne te transforme pas en un personnage de série télé trop plat. Mou, cliché, bateau, ect… Les adjectifs sont nombreux pour décrire tous les spécimens qu’on peut voir sur écrans. J’espère qu’elle tombera quand même sur quelqu’un qui a autant de valeur que toi. Leroy relève la tête de son assiette pour sourire à son meilleur ami. C’était un compliment ça, un qui lui va droit au cœur. Rien de comparable à ce qui suit. T’es quelqu’un de bien, tu sais ? Le métis fronce les sourcils, un sourire amusé sur les lèvres. Anton l’a définitivement pris au dépourvu. Ce n’est pas leur genre de se dire des choses comme ça, tous deux étant très pudiques. Leroy ne sait pas quoi dire à part le remercier. Merci, frère. Parce que c’est ce qu’il est : son frère d’une autre mère. Son frère malgré tout. Et tu vois, si j’avais été gay, t’aurais été mon idéal masculin, je crois… Ouais, je t’aurai choisi pour compagnon. Leroy laisse échapper un rire qui le détend aussitôt. Clairement, il n’est pas à l’aise avec le déballage de sentiments. Mais on est compagnon. T’as juste pas le droit de toucher mon petit cul. Voilà une conversation avec laquelle il est plus à l’aise. Légère, facile, rigolote. Un sourire aux lèvres, Leroy finit son assiette. La journée commence bien.

Je ne cache pas le fait que mes paroles sages sont tirés de films en tout genre. À quoi bon ? Si ça se trouve, il aurait fini par l'entendre un de ces jours dans un film et m’en aurait fait la remarque. Puis je suis comme ça moi, pas le genre de mecs à se chercher des excuses ou à faire semblant pour ne pas montrer ce que je suis réellement. Après, tout dépend de quelle partie de ma personne il est question. Leroy sait quasiment tout de moi, mon enfance dans les quartiers pauvres, mon adoption. Ce qu'il ne sait pas concerne ma maladie, mais ça, il n'y a que mes parents adoptifs qui sont au courant et c’est le sujet tabou à mes yeux. C'est bête, je sais que mon meilleur ami me soutiendrait, mais c'est comme ça. Je ne peux pas en parler, je n'y arrive tout simplement pas. Ce que me dit le jeune homme à mes côtés me fait légèrement rire. Il n'a pas tort. « Je vais essayer de suivre tes conseils, ô grand sage Leroy. » Je le regarde avec des yeux pétillants de malice. J'aime bien le taquiner, il a toujours du répondant et on se marre bien du coup. Pourtant, ce n'est pas pour m'amuser de lui que j’ouvre la bouche à nouveau, mais plus pour une sorte de déclaration d'amour. Amicalement parlant, évidemment, chose qui est déjà très rare. Autant Leroy que moi, on est très pudique sur nos sentiments. Je n'ai jamais dit "je t’aime", pas même à mes parents adoptifs. Ça ne veut pas dire que j’aime personne, juste que je ne le dis pas, je préfère le montrer par des actes. Mon meilleur ami, c'est un peu le même que moi, alors je ne m'offusque pas lorsqu'il ne fait que me remercier. Quand d'autres voudraient en avoir plus, moi, j'en suis très heureux. Ce qu'il ajoute me fait arborer une petite moue et je place une main sur mon cœur, lâchant : « Arrête, ne remue pas le couteau dans la plaie. » Scène des plus grands drama du monde. J'aurai dû me lancer dans de l'acting, j'aurai fait fortune. Tout comme mon compère de toujours, je finis le contenu de mon assiette et prends mon bol de café en main pour le boire. « Tu commences à bosser vers quelle heure ? » Que je demande à mon meilleur ami, avec plus de sérieux cette fois. Et surtout une idée derrière la tête, comme une envie de jouer à un jeu vidéo.

Je vais essayer de suivre tes conseils, ô grand sage Leroy. Le Leroy en question affiche un léger sourire amusé. Qu’est-ce que son meilleur ami peut être bête lorsqu’il le souhaite mais c’est justement une des raisons pour lesquelles ils s’entendent si bien. A deux, ils peuvent être de véritables gamins. Il n’y a personne d’autre avec qui Leroy retombe aussi facilement en enfance et honnêtement, ça fait un bien fou. Non pas qu’il n’aime pas sa réalité, son quotidien mais ça ne fait jamais de mal de se déconnecter un moment. Arrête, ne remue pas le couteau dans la plaie. Théâtral, Anton sait l’être également. Il le prouve à nouveau alors que cette fois, Leroy est son seul spectateur. Preuve qu’il ne cherche pas à faire l’intéressant, Anton. On en revient à ce côté déconneur qu’ils ont en commun. Le petit déjeuner touche à sa fin. Tandis qu’Anton termine son bol de lait, Leroy vide son café. Il a le ventre rempli, de quoi lui donner des forces pour la masse de travail qui l’attend aujourd’hui. Tu commences à bosser vers quelle heure ? Anton ou l’élément perturbateur. Le métis voit tout de suite où souhaite en venir son ami : il veut jouer. Dans un geste machinal, Leroy tourne la tête pour lire l’heure inscrite sur le four. Il cède. « Va brancher la play pendant que je range tout ça dans le lave-vaisselle. » Une partie ou deux, pas plus. Leroy a du travail. Le temps où il repoussait ses devoirs jusqu’à la dernière minute est derrière lui et pour cause, ce n’est plus l’école qui est en jeu mais son gagne-pain.

~ fin.