ghosts that we knew (wailey)

L’anxiété n’a rien à voir avec ce que je ressens quand je passe les portes de cet amphithéâtre. C’est à vrai dire tout l’inverse qui se produit. Rentrée des classes 2019, le premier cours que j’ai c’est avec des premières années, fraîchement arrivés qui ont soif d’apprendre. Et c’est ce que j’aime avec ces élèves, parce qu’ils sont curieux, attentifs et normalement décidés à réussir. Les années supérieurs sont un peu plus durs à cerner, il faut pouvoir leur donner ce pourquoi ils continuent mon cours, dans leur parcours spécifiques. J’ai hâte de pouvoir commencer à me reconcentrer sur ces cours, parce que c’est uniquement là où je me sens enfin en adéquation avec moi-même, là où je me sens le plus utile et le plus vivant. En revanche, j’ai moins hâte de rencontrer mon assistante, qui apparemment vient m’étudier pour le premier cours. J’ai pas l’habitude de devoir partager mes cours, et c’est année c’est mon tour d’être le tuteur d’une dernière année d’étude. Posant mes quelques affaires sur le bureau, je connecte mon ordinateur au rétroprojecteur. Je regarde ma montre et me fait bouillir. J’avais demandé à cette assistante d’arrivée 5mn à l’avance pour que je puisse la rencontrer et la préparer à ce qu’elle devait faire aujourd’hui, mais visiblement la ponctualité n’est pas quelque chose de sérieuse chez elle. Je désapprouve totalement lorsque la porte s’ouvre et que les premiers étudiants rentrent et s’installent. Certains me saluent, ceux qui s’installent devant : les petits fayots qui sont prêt à valider leur année avec brio. Certains s’en foutent, et s’installent derrière avec l’air de se foutre royalement de leur présence ici. J’étais comme eux à l’époque, loin de vouloir étudier et de vouloir donner le meilleur de moi-même, mais j’ai vite appris que c’était dans ce genre d’élève qu’on finit par y croiser des perles. Ceux qui en musique ont un sens et un cœur. Tout le monde sait que si je suis un bon prof, j’ai des principes. 5 mn de retard, et vous restez sur le palier, alors quand les fameuses minutes sont écoulées, je m’avance au centre de l’estrade. « Bonjour à tous ! Je me présente, je suis Warren Dimitrios, votre prof de musique théorique. » Les mains dans mes poches, je regarde l’assemblée qui me contemple avec les yeux grands ronds. « Avant de vous expliquer les fondamentaux de mon cours, j’aimerai faire une petite expérience avec vous… » Je m’avance pour éteindre les lumières de la salle, m’empêchant de voir tous les étudiants. « Pour plus d’immersion, j’ai besoin que vous fermiez les yeux…les petits malins qui ne le font pas, je le saurai » Certaines rient mais la plupart m’obéissent – du moins j’espère. Je sors ma keynote et appuie sur play pour diffuser un fond sonore. Premièrement des vagues de mer, apaisantes et régulières. « J’aimerai que vous écoutiez le son des vagues…que… » La porte de l’amphithéâtre s’ouvre et me fou en rogne. Voilà pourquoi je n’aime pas les retardataires. Je ne distingue qu’une silhouette, et au son de sa voix, je sais qu’il s’agit d’une nana : « Mademoiselle, vous êtes en retard. La porte est derrière vous. »

Merde, merde, merde! Évidemment, c'est ma première journée et je sais que je vais être en retard. J'ai volontairement réglé mon alarme pour être certaine que ça n'arrive pas et voilà que depuis ce matin, tout est contre moi pour que ma journée se déroule bien. Réveillée trop tôt, j'étais déterminée à ce que tout se passe bien et déjà en cherchant mes vêtements, je n'ai jamais trouvé ma petite robe préférée. Bon, après avoir fouillé partout dans l'appartement, j'ai dû me faire à l'idée que je devais vraiment me préparer et seulement trouver autre chose à mettre. J'ai tout de même choisi une robe en ajoutant ma veste en jean par-dessus. Il fait encore beau à New-York, mais comme je ne veux pas attirer tous les regards sur moi pour ma première journée, j'y vais pour quelque chose de plus décontracté avec la veste. Déjà en retard sur mon planning, je file rapidement à la cuisine, mange rapidement puis retourne boucler un peu mes cheveux et mettre du mascara. Encore une fois, je préfère ne pas trop en faire. Je ne sais pas du tout à quoi m'attendre. Préférant de loin ne pas en savoir trop sur le professeur que je vais assister cette année, je ne me suis pas du tout informé sur lui. Je préfère me faire ma propre idée et surtout ne pas savoir à l'avance s'il est trop stricte et chiant. Des plans pour que je sois encore plus nerveuse, ce qui, de toute façon, est déjà le cas. Je panique depuis des semaines à l'idée de ne pas être à la hauteur et maintenant que la journée est finalement arrivée, tout est très loin de se passer comme je le voudrais. Déjà certaine que je vais arriver en retard, j'arrive près de ma voiture après avoir descendu à toute vitesse les escaliers de mon appartement et en m'installant dedans, elle ne démarre pas. Bordel! Quelqu'un a vraiment décidé de me punir et j'ai l'impression de vraiment le mériter. Je soupire, tentant de trouvé une idée pour me rendre rapidement à Columbia et la seule qui me vient en tête c'est d'appeler un taxi, parce que, je le sais, le transport en commun, ce sera vraiment trop long ce matin. Je suis furieuse lorsque le taxi arrive finalement chez moi. Je vais payer une fortune et quand même arriver en retard. À la première journée en plus. Foutue voiture de merde! Beaucoup trop de temps plus tard, j'arrive au campus, donne rapidement l'argent que j'ai économisé, et sort à la course de la voiture pour arrivé devant la porte de mon cours à bout de souffle. J'ouvre la porte même si j'entends le professeur parler et tente de faire cela discrètement en m'excusant à quelques étudiants de les déranger tout en descendant les marches une à une. « Mademoiselle, vous êtes en retard. La porte est derrière vous. » Bon, évidemment, je suis tombée sur quelqu'un qui déteste les retardataires et je comprends dans un sens puisque cela pertube son cours. Sans le voir de trop près encore, je regarde plutôt ce que je fais pour ne pas en plus tomber dans les escaliers et mourir de honte. « Je suis désolée.. je.. suis Hailey Farrell votre assistante.. j'ai.. eu un imprévu ce matin.. » Une fois les marches de l'amphithéâtre descendu, je lève les yeux et m'approche de lui avant de figer totalement. Merde! Mon professeur c'est Warren? Le mec que j'ai rencontré au bar l'autre jour? « ... vraiment désolée » Dis-je affreusement gênée, alors que ce n'est vraiment pas mon genre de l'être.

CODAGE PAR AMATIS | @WARREN DIMITRIOS

La ponctualité a toujours été quelque chose envers laquelle j’accordais une grande importance. Avant tout, c’est du respect envers la personne qui vous attends, et croyez-moi, vous n’avez pas envie de mal vous faire voir dès votre premier jour. Mais visiblement, cette nouvelle assistante s’en contre-fou de l’impression qu’elle veut me donner. Etre en retard, c’est donner une mauvaise impression, un mauvais premier départ, des premiers aprioris et des préjugés. Comment pouvoir bosser avec quelqu’un en toute confiance s’il n’est pas capable de respecter la seule chose que je lui ai demandée ? C’est peut-être excessif, mais j’ai toujours fonctionné comme ça. Je déteste les retards. C’est une source de colère et d’angoisse, autant que si vous êtes la personne en retard ou celle qui attends. La plupart de mes étudiants savent à quel point je respecte cette première qualité – faut croire qu’elle ne s’est absolument pas renseigné sur moi. Lorsque je la vois plutôt descendre au lieu de prendre la porte, je croise les bras sur le torse et m’arrête. « Je suis désolée… » J’ai une bonne ouïe, généralement. C’est pour ça que j’aurai pu très vite percé en tant que musicien célèbre. Cette voix je l’ai déjà entendu, mais je n’arrive pas à me rappeler où. « Je..suis Hailey Farrell votre assistante. J’ai…eu un imprévu ce matin » Son visage s’éclairci grâce à l’écran et pendant une seconde, j’ai l’impression d’halluciner. Hailey, la nana que j’ai draguée ouvertement dans le bar cet été est là devant moi. Dans une petite robe et sa veste en jean comme une parfaite étudiante. Bordel. Merde. Merde. Merde. « …vraiment désolée » Ses joues ont rougies, mais c’est surtout la surprise que je lis aussi dans ses yeux. Une surprise que je n’affiche absolument pas, parce que j’ai trop longtemps appris à masquer mes émotions derrière mon masque de fer. « Et bien...Très bien, Hailey. Vous commencez mal votre premier jour » J’annonce fermement sans une once de compassion devant l’amphithéâtre rempli. « Allez-vous asseoir » Je ne peux définitivement pas la renvoyer, parce que la direction me passerait un bon savon. Mais savoir que je peux transcrire une règle à mes étudiants ne me plait pas. Alors, je tente de rester aussi droit que possible. « Si mademoiselle Farrell le veut bien, reprenons. » Elle sursaute, constatant qu’elle est toujours plantée devant moi, à m’étudier. Elle s’excuse une nouvelle fois et regarde autour d’elle pour dénicher la première place qu’elle croise. Enfin assise, je reporte mon attention sur les centaines de regards qui me scrutent, avant d’ajouter : « Je disais donc. Fermez les yeux et concentrez-vous sur les vagues » J’appuie de nouveau sur ma petite télécommande et le son s’amplifie. « Videz vos pensées, ne pensez qu’à cette plage, à l’eau turquoise et à ses hauts palmiers. Laissez votre esprit s’évader….pleinement. » Je marche, en laissant le temps à mes étudiants d’assimiler ce que je leur demande. « Maintenant, vous allez la rattacher à un souvenir, à une personne…à quelque chose qui vous tiens à cœur. Quelque chose qui vous fait sourire et vous apaise à la fois… » Une pause se fait marquer, avant que j’annonce : « La musique. Elle vous transmet des émotions, vous rattache à des souvenirs, des choses qui vous ont marqué. » La plupart des étudiants ouvrent les yeux en voyant que j’ai changé de ton. « Cette petite méthode…ne prends uniquement cinq minute à un patient atteinte d’Alzheimer de se remémorer quelque chose qui n’arrivait pas à retrouver » Je claque des doigts, passionné par ce que je veux démontrer : « Et c’est ce que je veux vous apprendre cette année, comment de simples sons peuvent vous aider dans votre vie ou celle de vos futurs patients. »

Je n'ai jamais été ponctuelle, j'arrive toujours en retard et je sais que c'est un énorme défaut. J'ai tenté de ne pas faire cette erreur ce matin et évidemment, la vie a fait en sorte que j'arrive en retard quand même. Bordel! Je vais vraiment faire une mauvaise impression à mon professeur - et par conséquent patron. En arrivant en classe, je me demande surtout pourquoi la vie me puni en me donnant en plus un homme qui déteste les retardataire. Oh oui. Il a vraiment fallu que je tombe sur un prof trop sévère pour mon premier poste d'assistante. Surtout que si je ne réussi pas cette tâche, je peux dire aurevoir à mon diplôme et à mon boulot de professeur à l'Université. Déjà là, je sais que je donne vraiment une mauvaise impression et à voir les gros yeux de tous les étudiants lorsque je descend les escaliers de l'amphithéâtre, je comprends rapidement que je suis la seule conne à ne pas m'être informé sur lui. Ils savent probablement tout sur ce qu'il aime et qu'il déteste et moi, évidemment, je n'ai pas voulu savoir comment il était avant de commencer pour ne pas trop être nerveuse avec ça. Ma naïveté m'aura un jour et sans doute le fait d'avoir trop foi en l'humanité alors que je ne devrais pas. Surtout pas après tout ce que j'ai vécu par le passé. Descendant rapidement les escaliers, je regrette presque d'aller un peu trop rapidement lorsque je vois finalement son visage. Mais oui, il a fallu que je tombe en plus de ça sur un mec que je connais, que j'ai dragué et avec qui j'aurais probablement passé la nuit s'il n'était pas parti. Mais bon, ce professeur a beau être hyper canon, il a aussi l'air hyper chiant et j'ai l'impression qu'après aujourd'hui, je vais avoir bien des problèmes. Surprise de le voir, je vois bien que ça ne semble pas réciproque. Son regard est sombre. À peine cinq minutes de retard et j'ai l'impression d'avoir commis la pire erreur du monde. « Et bien...Très bien, Hailey. Vous commencez mal votre premier jour. Allez-vous asseoir. » Oui ça j'avais compris. Affreusement gênée, le silence dans la classe est incroyable et tous les regards sont encore vers moi. J'aimerais vraiment ne pas exister aujourd'hui, surtout en ce moment. J'ai bien envie de lui répondre, mais je reste figée devant lui, sans rien ajouter. Probablement parce que je sais très bien que ce serait me mettre encore plus dans le trouble de faire ça. « Si mademoiselle Farrell le veut bien, reprenons » Ça me trouble encore de l'avoir devant moi alors qu'il n'y a pas si longtemps, il était assis dans un bar, incapable de regarder ailleurs, ses yeux sur moi. Un peu comme je le fais en ce moment. « Je... désolé.. encore » Mais j'ai perdu tous mes mots ou quoi? Moi qui est incapable d'arrêter de parler, faut croire qu'il me déstabilise totalement. Son assurance et son autorité sur moi c'est vraiment troublant, peut-être même un peu trop. Je dois me trouver une place avant d'avoir l'air encore plus stupide que je ne le suis déjà. Je prends place sur le premier siège que je trouve et me concentre sur ce qu'il dit, sortant mon cahier de notes, je continue d'écrire avant qu'il ne me regarde à nouveau pour que je ferme les yeux moi aussi et écoute ses directives. « Je disais donc. Fermez les yeux et concentrez-vous sur les vagues (...) Maintenant, vous allez la rattacher à un souvenir, à une personne…à quelque chose qui vous tiens à cœur. Quelque chose qui vous fait sourire et vous apaise à la fois… » Je souffle un moment et me concentre sur tout ce qu'il dit. C'est vrai, c'est profond et surtout, ça fonctionne vraiment. Je pense immédiatement à un souvenir, je me laisse complètement aller. Je ne le connais peut-être pas beaucoup, mais il sait clairement ce qu'il fait. « La musique. Elle vous transmet des émotions, vous rattache à des souvenirs, des choses qui vous ont marqué. (...) Et c’est ce que je veux vous apprendre cette année, comment de simples sons peuvent vous aider dans votre vie ou celle de vos futurs patients. » Et j'ouvre finalement les yeux dès qu'il arrête de parler. J'oublie presque de respirer en le voyant à côté de moi, mes yeux se posent sur ce qui se trouve à ma hauteur avant de les lever vers ses yeux. Je tente de rester concentré, absorbe chacune de ses paroles. Très mauvais départ, ça me gêne encore affreusement et je suis tout autant perturbée. Merde, pourquoi il a fallu que j'arrive en retard et que je tombe sur lui?

CODAGE PAR AMATIS | @WARREN DIMITRIOS

« Je…désolé…encore. » Elle est loin d’être la fille entreprenante et sexy que j’ai croisé dans le bar l’autre jour. Et au fond, ça m’amuse de la voir autant galérer face à moi. Parce que nous sommes dans un tout autre contexte et qu’il exige maintenant que ce soit moi qui sois droit et respectueux. Pourtant, je lutte pour ne pas afficher un sourire à son égard. Mais ce sera sans doute à moi de ne pas faire comme si quelque chose aurait pu se passer l’autre soir entre nous deux, parce que je ne veux rien risquer. Pas même ma carrière. D’ailleurs, je reprends mon cours là où j’en étais, en leur montrant ce que la musique peut leur apporter en quelques minutes. Je me balade un peu dans la salle et lorsque les étudiants ouvrent de nouveau les yeux, je suis juste devant Hailey qui semble étonnée de me voir. Est-ce qu’elle vient juste de… ? Non, je dois halluciner. J’espère pour moi que mon jean soit assez large pour masquer ce que j’ai entre les jambes. Perturbé mais toujours concentré, je fini par m’éloigner d’elle et continuer mon cours. Je leur explique les fondamentaux de l’année, ce qu’on va potentiellement travailler ensemble, et comment je valide mon année. Je ne demande pas forcément une thèse, un dossier de milles pages. Au contraire, c’est assez théorique, mais la musique se pratique aussi en vie et condition réelle, et c’est surtout grâce à des cas de travails, des interviews ou la rencontre de témoin que je validerai surtout une année. Lorsque l’heure tourne, et que je vois certains étudiants commencés à ranger leur affaire, j’ajoute : « Bien. Pour la semaine prochaine, je veux que vous fassiez une rétrospective de votre vie en musique. Identifiez quelle musique vous ramène à tel souvenir. Ou comment vous associez aujourd’hui une mélodie à une période. » Je rejoins mon bureau dans le brouhaha avant de regarder mon téléphone. Quelques mails et sms, mais surtout un message de Teddy, mon parrainé, qui me demande s’il on peut se voir aujourd’hui, parce que je cite : ‘il va mal’. La silhouette d’Hailey hésite à approcher, mais je ne la calcule pas encore pour pouvoir lui répondre que je peux le voir dans l’après-midi, s’il veut bien venir jusqu’à l’université. Message envoyé, je remets mon téléphone dans la poche, et me tourne vers elle. Mes fesses rencontrent le bureau, mes bras se croisent et  je constate enfin que nous sommes seuls dans l’amphithéâtre. « J’en attendais mieux pour un premier jour. » Elle allait devoir se faire à mon professionnalisme. Si en dehors, je suis une autre personne, je ne déconne pas lorsqu’il s’agit de mon boulot, parce qu’à vrai dire, il ne me reste que ça de solide dans ma vie. Hors de question que je bousille ça pour qui que ce soit.

Je reste concentré sur ce qu’il dit parce qu’il est tellement intéressant et que si je suis ici, c’est que forcément la musique me passionne autant que lui. Il sait clairement de quoi il parle et en ce moment, je regrette presque que ce soit lui mon professeur alors qu’il y a quelques semaines, son regard ne me lâchait pas dans le bar où nous étions. Peut-être est-ce pour cette raison que mes yeux s’arrêtent où ils ne devraient pas et au moment où je relève les yeux vers lui, je prie pour qu’il n’ai pas vu cela. Merde Hailey, t’es plus au bar, c’est ton professeur, ton boss pour ton premier job d’assistante professeur. Des paroles qui résonnent plutôt fort dans ma tête parce que je sais très bien que je ne peux pas ruiner tout ça. C’est peut-être ma seule chance de faire ce que je veux finalement après avoir eu mes rêves de gymnaste complètement brisés il y a déjà plusieurs années. La première impression est toujours tellement importante et même si ce n’est pas la première fois qu’il me voit, je sais qu’il va probablement prendre seulement en considération ce qui s’est produit aujourd’hui. Mes yeux ne le quittent pourtant pas, mais je sais que ce n’est pas parce qu’il est attirant - puisque ça, je suis déjà au courant - c’est surtout parce que ce qu’il me dit m’intéresse. « Bien. Pour la semaine prochaine, je veux que vous fassiez une rétrospective de votre vie en musique. Identifiez quelle musique vous ramène à tel souvenir. Ou comment vous associez aujourd’hui une mélodie à une période. » Je prends quelques secondes pour écrire tout ça à mon agenda. Je sais qu’avec le retour des cours, je vais sans doute devoir diminuer mes heures à la salle de gymnastique et au Union Pool et comme j’ai besoin d’argent, je n’aime pas spécialement cela sauf que bon, je dois vraiment mettre mes priorités au bon endroit et c’est ce que je compte faire avec ce job d’assistante. D’autant plus que je vais devoir être à la hauteur pour ne pas garder ma réputation de retardataire jusqu’à mon évaluation. Le cours terminé, j’attends que l’amphithéâtre se vide avant d’oser faire un pas vers Warren. Je sais que je me suis déjà excusée devant tout le monde et je ne compte pas le refaire encore et encore puisque je crois qu’il a compris et qu’en plus ce n’était que cinq minutes de retard, mais au moins aller lui parler comme j’aurais dû le faire en arrivant un peu avant le cours. Silencieuse, la Hailey confiante du bar ne sais plus trop où se mettre lorsqu’il lève finalement les yeux vers moi, les bras croisés contre son torse. « J’en attendais mieux pour un premier jour. » Visiblement, il ne compte pas s’excuser d’avoir fait toute cette scène devant la classe au complet, mais je peux comprendre. Je fronce doucement les sourcils, croisant mes bras contre ma poitrine, ce qui, sans le vouloir la fait un peu remonter dans cette petite robe d’été que je porte. « Oui moi aussi, mais ça arrive à tout le monde des imprévus. » Que je dis un peu trop certaine de moi. Je ne suis pas plus heureuse que lui d’être arrivée en retard, surtout que j’ai vraiment fait des efforts ce matin. À voir son regard, ma réponse ne lui plaît pas spécialement. Ou peut-être qu’il ne s’attendait pas à cela. « Tu n’aimes pas les retards, je comprends, mais je me suis déjà excusée. » Et je le pensais sincèrement. Bon, peut-être que je devrais recommencer à le vouvoyer puisque nous sommes à l’école, mais je me permets d’éviter cette petite politesse-là.

CODAGE PAR AMATIS | @WARREN DIMITRIOS

On dirait une poupée, dans sa jolie robe à fleur, ses cheveux retombant sur ses épaules. Le destin aime trop s’amuser avec moi pour que ce genre de situation ne m’étonne vraiment. Je ris jaune encore de savoir que cette fille draguée à la sauvage dans un bar est en réalité mon apprentis. Cela dit, ça fixe déjà les limites de notre collaboration, parce que je dois vite oublier le fait que j’ai eu envie de la baiser. Ce serait trop déplacé, et j’en perdrais mon poste. Pourtant, lorsqu’elle croise ses bras et que sa robe remonte un peu, je me fais violence pour ne pas mater ses jambes fines. « Oui moi aussi, mais ça arrive à tout le monde des imprévus. Tu n’aimes pas les retards, je comprends, mais je me suis déjà excusée. » J’hausse les épaules en précisant : « Je déteste ça » Mon regard planté dans le sien, on se bat mutuellement dans nos positions mais je finis par soupirer et décroiser mes bras pour retourner derrière mon bureau. « A l’avenir, vouvoie-moi, devant les élèves, Hailey. » Je ne dis rien lorsqu’on est tous les deux, parce que ce serait stupide. Mais je ne tolérerai pas un moindre comportement déplacé qui viendrait mettre en péril ma carrière. « Bien, maintenant qu’on sait tous les deux que tu ne seras plus en retard… » Je lui sors un léger dossier et le lui tends. « Ce qu’on va étudier cette année. J’aimerai que tu me parles de ton projet et de sa validation. » Je regarde ma montre, et lève les yeux au ciel : « Mais là, il faut que j’y aille. » Je range rapidement mes affaires avant de lui ajouter. « Mon numéro est sur le dossier….en cas d’imprévus. »  Même si elle sait que maintenant, les imprévus risqueront de me mettre hors de moi. Voilà pourquoi j’aurai aimé la voir avant de commencer le cours, parce que je n’ai pas pu discuter comme j’aurai voulu le faire. Pressé par le temps, je saisis mon sac, ma veste et l’invite à monter les marches de l’amphithéâtre. Pourquoi ? Pour laisser mes yeux s’arrêter sur ses petites fesses qui balancent devant moi. Oh, je me foutrais des baffes parfois ! Une fois là-haut, je la précède en sortant et finit par apercevoir Teddy qui m’attends sagement. « Hésitez pas à m’envoyer votre projet, que j’y réfléchisse avant le prochain cours, Hailey. » Elle acquiesce docilement avant que je m’avance vers Teddy, la délaissant. « Alors, mon ami, dis-moi ce qui se passe. »

THE END.