nicola&oksana | matriochka

       
       

Oksana se fait servir un verre rempli de liquide ambré corsé. Oksana est exténuée, sa voix est fébrile ; les heures de vol l'ont assommée. Elle était de retour sur le sol américain depuis moins de trois heures. Sa première envie était de le retrouver, cet homme, qui apportait un souffle nouveau sur son esprit épuisé. Elle savait qu'il allait rapidement la rejoindre. Un message bref envoyé à la sortie de l'aéroport. Oksana était encore en tenue de travail. Un tailleur bleu marine parfaitement ajusté. Un chemisier blanc, découvert du blazer qui le cachait, laissant apparaître un soutien-gorge beaucoup trop foncé. Elle s'était trompée. Le souci du détail lui avait échappé. Il était même trop grand pour sa petite poitrine. Elle porte le verre à ses lèvres dégarnies de gloss pour une énième fois. La banquette du bar est un peu trop confortable. Elle y est adossée, les jambes croisées, le bras gauche appuyé sur l'accoudoir, tenant sa tête. Oksana est tracassée ; le passage à la douane de l'aéroport a failli lui coûter sa peau. Le stewart novice devant elle s'était arrêté pour se faire contrôler. Elle est restée silencieuse malgré la pression envahissant son corps tout entier. Elle a tracé, lorsque le dos du douanier était tourné. En effet, au détour d'une aile de l'aéroport, elle sortit quelques sachets de son soutien-gorge. Oksana soupire, secoue la tête, se gratte les yeux. Elle était partagée entre l'idée de consommer un rail ou de le revendre dans un quartier du bronx, avant de rentrer.

       Elle ne pouvait rentrer avec ces sachets. Habitant une colocation dans le quartier est, elle ne voulait plus prendre de risques. Deux de ses colocataires étaient des représentants des forces de l'ordre. Situation délicate, avait-elle pensé. Elle était rarement présente. Elle y dormait uniquement, de quoi éviter les questions indiscrètes. Elle risquait gros. Elle a perdu depuis longtemps la notion de danger. Elle se sentait presque intouchable. Dans le pire des cas, Dieu la protégera. Elle était silencieuse, constamment. Elle avait besoin de parler. Besoin de se souvenir. La jeune femme finit son verre. Elle allait l'attendre. La nuit s'était emparée du ciel depuis une dizaine de minutes. La valise d'Oksana était à ses pieds. Pour une fois, rien que des habits, des chemises froissées, une trousse de maquillage salie de poudre renversée. Elle doutait, la blonde ; elle doutait, la peureuse. Son téléphone vibre. Elle l'éteint. Elle ne voulait pas rentrer. Elle s'impatiente. Elle commande un autre verre.
       
       

matriochka ★ @Oksana Kovaleva

Une journée compliquée pour le juvénile dont le travail et ses occupations illégales prennent de plus en plus de temps. Il peine à mêler les deux, une vie telle que la sienne ne s’improvise pas, après tout. Désormais à la tête d’un grand réseau longtemps géré par le patriarche Ivanovitch, Nicola doit faire ses preuves afin que les grands dignitaires soient derrière lui, qu’ils soient loyaux. Avoir leur confiance requière presque du miracle. Les russes sont réputés têtus, cet adage n’est pas du tout un cliché, il est totalement vrai. Le juvénile en est la preuve incarnée, heureusement, il a conscience de ce côté buté de sa personnalité. Faute avouée, à moitié pardonnée. S’en rendre compte permet déjà de méditer là-dessus et de faire des efforts. Cet entêtement pourrait bien amener à sa perte et à celle de tout son clan. Même si son père génétique n’est pas dans son cœur, les gens qui travaillent pour lui ne méritent pas d’être jetés en pâture. Leurs familles comptent sur lui. Le poids de la responsabilité pèse sur ses épaules bien juvéniles pour une telle tâche. Au fond, peut-être aurait-il préféré ne jamais croiser la route de son père et ne pas baigner dans ses affaires louches. Mais aujourd’hui, faire machine arrière n’est plus une option, ce n’est qu’un fantasme, une utopie. Une inspiration à une vie normale dénuée d’illégalité et de danger. Chaque jour, les risques pris peuvent être fatals. Chaque matin, Nicola sait qu’il peut finir entre quatre murs. Une seule erreur suffit pour que la police l’accable et ait suffisamment de preuves pour l’envoyer au trou. Là où il restera sûrement jusqu’au bout de sa vie. N’oublions pas que la Russie le recherche également. Bref, il serait dans un sacré merdier. Toute sa vie serait alors compromise et celles de ses collaborateurs. Dont Oksana. La famille Kovavela a toujours été proche, encore plus depuis ces dernières années. Nicola la protègerait au péril de sa vie. Il sait les risques qu’elle prend en faisant circuler de la drogue grâce à son activité d’hôtesse de l’air. Une opportunité qu’a sur saisir Nicola, totalement conscient de la difficulté de la chose.

Ce soir, la jeune femme revient d’un long voyage avec évidemment quelques consommations précieuses. Ils ont rendez-vous dans un bar miteux du coin afin de ne pas se faire remarquer. Au milieu de la misère humaine, ils savent s’y noyer pour y être invisibles. Quelque peu retardé par quelques appels, le juvénile parvient finalement au lieu de l’entrevue. Il repère aisément son amie, accoudée à une table, la fatigue se lisant parfaitement sur son visage. Le blond s’assoit face à elle, arborant un fin sourire. « Salut, t’as l’air crevée. » Dit-il dans la langue de la Mère Patrie qu’ils partagent tous les deux.
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