thunderclouds. (marlon)

Avec une violence qui ne lui est pas habituelle, Leroy claque la porte derrière lui. Mardi soir, début de soirée, celle-ci vient de prendre un tournant plus qu’inattendu et loin d’être agréable. Alors qu’il s’apprêtait à se poser devant le premier match de la saison régulière de NBA en compagnie de Jill, il a reçu un appel qui lui a complètement fait changer d’humeur. Adieu les pizzas et les bières, bonjour le poste de police ! Marlon vient de se faire arrêter. Parmi les choses qu’il apprécie de faire avec son petit-frère, être obligé d’aller le récupérer au commissariat ne fait pas partie de la liste. Leroy n’a rien contre le fait que le dernier de la famille soit engagé. Au contraire, il trouve ça bien que Marlon ait un but dans la vie. Cependant, ce qu’il n’apprécie pas, c’est les ennuis que son engagement pourrait lui apporter comme se retrouver en garde à vue. Ça, c’est un gros ennui. Autant dire que son frère va se prendre une bonne soufflante ! Pourtant, il déteste ça, Leroy devoir lui faire la morale. Il n’est pas son père, c’est quelque chose sur laquelle il est catégorique. Malheureusement, ce dernier étant parti il y a de nombreuses années, Leroy est parfois obligé d’endosser ce rôle dans certaines situations et ça, bien malgré lui. Lorsque ce n’est pas lui, c’est Noah mais ce soir, c’est bel et bien lui qui a été contacté.
Jillian lui ayant prêté sa voiture, il arrive au poste de police une vingtaine de minutes après avoir reçu ce fameux coup de fil. Il se gare et pénètre dans le commissariat d’un pas déterminé. Il s’annonce à l’accueil, l’officier lui demande de bien vouloir patienter jusqu’à ce qu’un supérieur puisse se libérer. Une fois arrivé, celui-ci ne manque pas de lui faire remarquer « qu’il faudrait contenir ce garçon ». A croire que Marlon est connu ici ou du moins, qu’il a une réputation ce qui n’étonne pas le métis. Il connait la popularité de son cadet dans le quartier et plus encore. Leroy écoute les recommandations du policier mais cela ne fait que davantage l’énerver. Il déteste qu’on lui dise quoi faire et c’est clairement ce que fait cet homme. Les mains dans les poches de sa veste, l’agent immobilier se donne un air détendu lorsqu’il arrive enfin devant son frère ou plutôt devant les barreaux qui le séparent de Marlon. Seulement, ce n’est qu’un air justement. Le plus jeune des deux le connait suffisamment pour le savoir. Pas un mot envers son cadet durant toute la procédure. Leroy attend qu’ils soient sortis du poste de police pour engager la conversation. Tu m’expliques. Ce n’est pas une demande, le ton employé le fait clairement savoir. Appuyé contre la voiture de Jill, Leroy attend la fameuse explication de son petit frère et dieu seul sait à quel point elle a intérêt d’être bonne.

@Marlon Jones

Bleues, bosses et égratignures. Ca devait pas se finir comme ça. C’était ce que le jeune homme n’arrêtait pas de se répéter dans sa tête. Enfermé entre quatre murs il espérait qu’on ne le laisse pas trop crépir ici. Il se retraçait aussi la chronologie des événements. Une manifestation pour un petit garçon afro-américain qui s’était fait gracieusement insulté à l’école et qui s’était fait virer pour avoir simplement retourné l’insulte. Jusque-là "tout allait bien". Jusqua l’intervention de la famille du gosse qu’il avait insulté. Des racistes qui n’essayaient même pas d’se cacher. Comment Marlon était censé resté calme face à ça.
Quand le grand frère insolent l’avait regardé droit dans les yeux pour lui dire de retourner dans « ses quartiers » pour aller vendre « sa drogue ». Son sang n’avait fait qu’un tour. Un poing serré, un pied balancé, des sirènes de police. Tout s’était enchaîné si vite. La rage au ventre il se demandait si son adversaire lui aussi s’était fait embarquer. Si lui aussi il s’était retrouvé dans une cellule toute humide. Même si il avait haï se faire toucher par des bleues, il devait s’estimer heureux, une caution et il serait sortit. Fallait-il encore que quelqu’un accepte de venir le chercher. Il avait hésité entre appeler Noah, Leroy ou Joy. Leroy avait été son choix final. Il savait que dans tous les cas il allait sûrement prendre cher, mais il préférait de loin la morale de Leroy à celle des deux autres.
La tête basse, mais le regard plein de haine il attendait de se retrouver seul avec son frère pour se redresser. Non pas qu’il avait honte ou qu’il regrettait ce qu’il avait fait, loin de là. C’était juste qu’il ne voulait pas faire le malin devant son frère. C’était du respect envers son frère, pas envers l’officier. Jamais. « Un type raciste à une manifestation. Mais j’suis sûr que quoi que je dise j’aurais tord, alors à quoi bon ? » . Il aimait jouer les victimes, ça permettait de retourner un peu la situation à son avantage. De limiter les dégâts. Puis dans sa tête, c’était lui qui avait raison, ces coups il ne regrettait pas les avoir donnés.

La première chose que remarque Leroy lorsqu’il aperçoit son frère derrière les barreaux, c’est que celui-ci n’est pas sorti indemne de la bagarre qu’il a apparemment lancé. Ce sont les dires de l’officier l’ayant appelé et convié à venir récupérer son cadet au poste de police. Leroy attend surtout la version de son frère. Marlon n’est pas un menteur. Leroy le sait. Du moins, il espère pouvoir toujours compter sur l’honnêteté de son frère. La procédure se fait en silence autant du côté des Jones que de celui des policiers. Les regards, eux, sont très expressifs. Leroy remarque sans mal le dédain et les jugements dans les iris des hommes en uniforme et dieu seul sait à quel point il déteste ça. Il n’aime pas que quelqu’un, n’importe qui, regarde son frère de cette façon parce qu’il sait que Marlon est quelqu’un de bien. C’est un bon gars, engagé, trop peut-être, prêt à beaucoup de choses pour sa cause. Il dépasse les limites mais il reste une belle personne. Alors, le métis prend sur lui. Heureusement, il a bien plus de sang-froid que son cadet. Sinon, la situation aurait pu dégénérer à cause de simples regards. De simples regards qui en disent long.
Une fois dehors, à l’abri de ces foutus regards, l’agent immobilier interroge enfin son frère. Il veut savoir ce qui s’est passé ce soir. De base, ça ne devait être qu’une simple manifestation pour un gamin expulsé injustement de son école mais il faut croire que ce n’est jamais qu’une manifestation. Un type raciste à une manifestation. Mais j’suis sûr que quoi que je dise j’aurais tort, alors à quoi bon ? Marlon commence très mal son explication. Il agace déjà Leroy qui une nouvelle fois, prend sur lui. Le regard sévère, plongé dans celui de son petit frère, il répond. Arrête ça. Si je viens te chercher ici, c’est que t’as ta part de responsabilités. Marlon serait capable de blâmer les flics, d’affirmer qu’il n’a rien fait, qu’il a été mis en cage parce qu’il est noir. Leroy le sait et c’est pour ça qu’il enchaîne, ne lui laissant pas le temps de répliquer. Ils m’ont donné leur version, je veux la tienne maintenant. Pas patient pour un sou, il regarde son frère et lui fait comprendre que c’est le moment de réellement s’expliquer. Pas de fausse excuse cette fois, la vérité.

La voix de son frère de faisait grave et sévère. Il n’aimait pas ça. Pourtant il aurait dû y être habitué non ? Non pas que son frère soit tout le temps sur son dos, non loin de là. C’était juste que souvent ses frères étaient ceux qui le corrigeait quand il fautait. Il en avait bien besoin le petit. Parce qu’il avait été privé de repères à un moment crucial de son enfance. Oui parfois, même si il détestait l’admettre, ses frères jouaient malgré eux la figure paternelle dont il avait manqué. Parce qu’il n’était pas sage, il rentrait dans aucune case Marlon. Enfant bousillé, enfant perdu, enfant en colère. Il l’était toujours après toutes ses années.
« On manifestait pour un ptit qui s’est fait virer d’une école injustement. Et puis la y’a un mec, le grand frère du ptit qui l’a fait viré , il est venu et … », il serrait les poings maintenant. « Il m’a dit que je devrais retourner dealer dans mon ghetto parce que j’étais bon qu’à ça. Alors je l’ai frappé. » ; oui dans sa tête ça paraissait logique. Parce qu’avec les gens comme ça, les mots ne fonctionnaient jamais. Ils avaient la tête et le cœur dur, rien ne leur ouvrirait jamais leurs esprits étriqués.

Cette situation est loin de plaire à Leroy qui aimerait davantage être installé dans son canapé devant un match de basket comme c’était prévu. Malheureusement, c’est une situation qu’il doit gérer. Son cadet a fauté, encore une fois mais cette fois-ci, c’est jusqu’au poste de police que sa connerie l’a mené. Quelque chose que l’agent immobilier ne peut pas laisser passer. Ce rôle de moralisateur, il ne l’apprécie pas Leroy mais en partant, son père a totalement déséquilibré la vie de ses gosses et notamment des plus jeunes, Joy et Marlon. Plus d’autorité paternelle, ajouté à ça une mère qui part en vrille. Leroy a dû endosser un rôle qui n’est pas le sien : il est devenu en plus d’un frère, un père de substitution, aidé par Noah. Rien ne l’y obligeait mais le métis ferait tout pour sa famille. Voilà pourquoi il doit gérer ce soir.
On manifestait pour un ptit qui s’est fait virer d’une école injustement. Et puis là y’a un mec, le grand frère du ptit qui l’a fait virer, il est venu et …Il m’a dit que je devrais retourner dealer dans mon ghetto parce que j’étais bon qu’à ça. Alors je l’ai frappé. Leroy inspire et expire longuement par les narines. Lui aussi, c’est le genre de remarques qui auraient pu lui faire perdre son calme étant plus jeune. Alors, il comprend mais ce n’est pas pour autant qu’il doit se montrer trop clément avec Marlon. Et tu crois que le frapper était la solution ? Je pense pas que sa famille ait dû venir le récupérer au poste, lui. Leroy regarde son petit-frère longuement avant de poursuivre. Marlon, je sais bien que ce genre de remarques, c’est dégueulasse. Je suis passé par là mais si tu dois frapper tous les racistes de la Terre, frère, t’as pas fini. Parce que des idiots, la Terre en est remplie. Ça, Leroy l’a compris assez tôt mais Marlon, il est plus sanguin, bien moins calme que son aîné alors forcément, il rentre dans le tas. Il agit avant de réfléchir, impulsif qu’il est.