Invité a posté ce message Mer 24 Oct 2018 - 22:54#
Let me get drunk —
— EVE & JULIETA
La nuit est tombée depuis longtemps sur New York quand la jeune femme décide qu’elle a gagné assez d’argent pour aujourd’hui, à moins que ce soit la décision des flics qui commencent à s’intéresser un peu trop à l’artiste de rue, la regardant encore de loin. Soit. Elle enfile un sweat trop large qui lui descend jusqu’aux cuisses et fourre les pièces et billets qu’on lui a donnés dans son sac en bandoulière qu’elle jette sur son épaule avant de partir.
Il est tard, en passant devant une pharmacie elle voit qu’il est 22h20. Vraiment tard. Et il fait froid, même si ce n’est pas qu’à cause du froid que ses mains tremblent. Elle les serre dans ses poches en se dirigeant vers un bar où elle pourra se réchauffer, et boire un verre ou deux. Peut-être même manger, car elle n’a pas mangé de la journée et son estomac commence à le lui rappeler. Il est rare qu’elle reste si longtemps le soir, surtout en semaine, et maintenant que l’automne est bien installé, les gens se promènent moins, prennent moins le temps de s’arrêter pour la regarder. Les mains sortent moins des poches chaudes pour déposer une pièce dans le gobelet. Tant pis, il lui suffirait de trouver de meilleurs endroits, quitte à devoir changer plusieurs fois dans la journée à cause des flics. Courir un peu, ça réchauffe.
Elle arrive finalement à l’Union Pool, entre et file directement sur la terrasse pour aller commander à manger au food truck, encore installé. Elle attend quelques instants que sa commande soit prête et va s’asseoir à une table libre. Un serveur ne tarde pas à arriver, à qui elle deux verres de vodkas.
« Vous attendez quelqu’un ? s’étonne-t-il. – Pas du tout, pourquoi ? »
Le regard qu’elle lui lance lui ôte toute envie de faire la moindre remarque sur le fait que, oui, elle compte bien boire ces deux verres de vodka. Où est le problème après tout ? Elle les paye, alors elle peut bien les boire. Il repart sans répondre, et sans qu’elle ne le quitte du regard.
Eve est comme ça. Elle ne supporte pas qu’on lui fasse remarquer qu’elle boit beaucoup, et encore moins des inconnus. Enfin, ici il n’y a presque que des inconnus de toute façon, et personne pour la regarder autrement qu’en la jugeant quand elle commande deux verres d’alcool. Ça passerait sans doute mieux si elle les commandait l’un après l’autre. Cela donnerait sans doute moins l’impression qu’elle en buvait plusieurs, mais comme elle sait qu’elle va les boire…
« Et puis merde !! »
Elle mord à pleines dents dans son sandwich chaud et soupire longuement de bien-être. Bordel, ce que ça fait du bien de manger. Elle attrape une frite et la plonge dans le ketchup, à s’en mettre sur les doigts, avant de la gober elle aussi. Elle se met alors à trépigner de plaisir sur son banc. Après une longue journée de travail, rien de tel qu’un bon repas chaud et de la vodka ! Si ce serveur veut bien se décider à l’apporter.
L'hiver : ma saison préférée. Un sourire est inscrit sur mon visage alors que je porte une tasse à mes lèvres afin de goûter à mon chocolat chaud maison. Un plaid reposant sur mes jambes, je prends plaisir à regarder au travers de la baie vitrée, comme tous les jours. C'est presque un rituel quotidien que de m'installer devant l'immense fenêtre afin de regarder dehors, profitant de la vue, des oiseaux qui s'envolent ou encore des enfants qui rient et se chahutent en plaisantant. L'instant est paisible, quelle que soit la boisson chaude ou froide que je prends plaisir à garder entre mes mains. Je pourrais rester des heures à regarder ce tableau qui s'offre à ma vue et qui change en permanence, notamment de couleurs, mais pas seulement. Penser à cela étire davantage encore mon sourire, alors que la quiétude ainsi que la solitude m'accompagnent. Je ne sais pas vraiment durant combien de temps je suis restée installer près de la baie-vitrée, sur une magnifique méridienne qui m'a plu dès l'instant où j'ai porté mon regard sur celle-ci. Portant une main sur le velours de la dite méridienne, afin de profiter de sa douceur, je me dis qu'il faudrait que je me bouge un minimum. J'ai la chance de pouvoir vivre de ma passion, pouvant écrire n'importe où, que cela soit à l'appartement ou encore dans un café, mais également dans de nombreux autres endroits. Généralement, je prends plaisir à écrire aux côtés de mon frère Alejandro, afin de lui faire part de mes idées et cela se déroule très souvent à l'endroit où nous amenaient nos parents. Il n'y a aucun doute quant à notre capacité à déborder d'imagination lorsque nous nous y rendons, nos ordinateurs portables devant nous, alors qu'une tasse fumante ou qu'un verre glacé nous accompagnent pendant que nous sommes en train d'écrire. Seulement, aujourd'hui, j'ai décidé de prendre du temps pour moi, d'autant que nous avons bien avancé et que nous sommes dans les clous niveau date d'échéance pour notre nouveau récit. Le temps défile sans que je ne m'en rende compte. Confortablement installée devant la télévision, je zappe entre les chaînes infos, durant les publicités qui coupent les programmes que je regarde. Étant une grande amatrice de séries policières, mais pas seulement, je suis happée par ce que je regarde, ne prenant pas la peine de regarder l'heure. Je n'avais pas prévu quoi que ce soit de spécial aujourd'hui, puis mon frère jumeau n'étant pas présent, je m'étais dit que je pouvais me permettre de rester à l'appartement, tout en me bougeant en faisant du rangement, ce que je n'ai pas fait. Pourtant, grande maniaque dans l'âme, j'aurais pu m'atteler à la tâche, seulement, je n'en ai pas eu le courage ni l'envie. Peut-être devrais-je me sentir honteuse, sans doute, je ne sais pas vraiment. Le fait est qu'avec le peu de lumière que nous offre la fin du mois d'octobre, je m'endors, bercer par les bras de Morphée…
« Rejoins-moi au Union Pool, qu'on passe une soirée entre copines. »
C'est le son du texto que je reçois qui me réveille, alors que mes prunelles papillonnent. Ai-je envie de sortir ce soir ? Je ne sais pas vraiment. Me pinçant les lèvres, alors que je me demande ce que je pourrais répondre à mon amie, je me dis que c'est finalement l'occasion de bouger, comme je désirais le faire plus tôt. De ce fait, même si je me rends dans ma chambre à reculons, j'ouvre les portes de mon dressing. Peu désireuse de tomber malade même si j'aime sentir le froid de l'hiver mordre mes joues qui en conséquence prennent une jolie couleur rosée, j'enfile un jean ainsi qu'un pull épais blanc, afin d'avoir un minimum chaud. Évidemment, je complète ma tenue avec des bottines, mais également une jolie écharpe ainsi que ma veste en cuir noir, dont je ne me sépare jamais. Une fois parée, je quitte l'immense appartement pour profiter de ma soirée, d'une façon inattendue. Émergeant rapidement au Union Pool, j'envoie un rapide imessage à mon amie, l'attendant devant celui-ci. Après une bonne dizaine de minutes, je décide de pénétrer le lieu, ne voulant pas attendre plus longuement encore, comme une cruche. Après de nombreuses questions qui se bousculent dans ma tête, alors que je suis au bar et que j'attends ma dite amie qui n'a pas encore pointé le bout de son nez, je me rends compte que je n'ai fait que grignoter durant la journée. C'est donc d'un pas décidé et avec mon ventre qui gargouille que je me rends sur la terrasse, puisque celle-ci dispose d'un food truck. Après avoir récupéré mon sandwich composé de morceaux de poulets ainsi que de frites et d'une sauce blanche dont je raffole, je m'assois à l'une des tables étant libre, l'une des rares même alors que j'aperçois une jeune femme arriver. Je souris alors que je la regarde faire, dévorant à pleines dents son sandwich, avant d'enfoncer l'une de ses frites dans du ketchup, se moquant apparemment d'en avoir partout sur les doigts. Un rire s'échappe d'entre mes lèvres alors que je croise son regard, le mien étant amusé. « Pardonnez-moi, je ne me moque pas de vous. À vrai dire, c'est votre plaisir de dévorer vos frites et votre sandwich qui m'a fait sourire puis rire. » Je me sens rougir alors que je me pince les lèvres, posant mon regard sur le serveur qui revient, apportant deux verres de vodka à la jeune femme présente non loin de moi, puisque nos tables sont disposées l'une à côté de l'autre. « Pouvez-vous m'apporter une bière s'il vous plaît ? » Je demande au dit serveur, alors qu'un son s'échappe de mon iPhone, il s'agit d'un imessage. Mon amie s'excuse, m'expliquant qu'elle ne peut pas me rejoindre alors que je me suis déplacée uniquement pour elle. Poussant un soupire, je réponds rapidement avant de poser mon téléphone sur la table, dépitée, ne sachant pas ce que je vais faire de ma soirée. Pour l'heure, je me dis que je peux rester, du moins jusqu'à ce que je termine le sandwich que j'ai payé, ainsi que la bière que j'attends, me moquant que ma nourriture devienne froide rapidement. Alors que je regarde en direction de la porte où doit réapparaître le serveur à qui j'ai commandé ma bière, je pose de nouveau mon regard sur ma voisine de table, lui offrant un mince sourire. « Vous êtes seule ? » Je lui demande, puisque je ne désire pas rester seule justement, pas ce soir du moins.
CODAGE PAR AMATIS
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Invité a posté ce message Jeu 25 Oct 2018 - 11:43#
Let me get drunk —
— EVE & JULIETA
La nourriture des food trucks, des fastfoods, les sandwichs bon marchés achetés dans les épiceries, voilà l’alimentation de base d’Eve. Sortir manger un kebab, commander une pizza ou dans un cornet de churros, c’est toujours ce qu’elle fait quand elle a faim. Se préparer à manger ? Cela fait bien longtemps qu’elle ne l’a pas fait. Oh bien sûr, l’appartement qu’elle loue ici est équipé d’une cuisinière, d’un frigo, mais tout cela est encore inutilisé. Évidemment, cela lui reviendrait certainement moins cher de manger chez elle. Mais chez elle, elle est toute seule, et même si ce ne sont que des inconnus dehors, au moins elle est entourée. Et puis, après avoir passé plusieurs années sans domicile fixe, on a parfois du mal à se réaccorder au confort basique à toute personne « normale ». Eve ne l’est pas, elle le sait, comme elle sait qu’elle est maudite. Faire des courses pour se préparer des plats faits-maison reviendrait à planifier, à voir demain avant qu’il ne soit là… et ça fait longtemps qu’elle ne se l’est plus autorisé. Vivre au jour le jour, voilà où est son confort. Passer sa journée à chanter, à danser, pour gagner l’argent qu’elle utilisera le soir pour manger, boire… éventuellement plus si elle a de la chance.
Eve est comme ça, comme un petit chat errant. Farouche, indépendante. Menant sa vie sans se soucier des gens autour d’elle, de ce qu’ils pensent, quand ils veulent bien éviter de se rappeler à son bon souvenir. Elle sort de ses pensées en entendant un rire à sa droite, où est installée une femme. La femme la regarde manger, et s’excuse de son rire en expliquant qu’elle ne se moque pas d’elle. Oui, Eve aime manger, et n’est pas assez précieuse pour se soucier de s’en mettre partout. Eve la fixe quelques instants et porte ses doigts à sa bouche pour sucer le ketchup, silencieuse. Farouche.
Mais le serveur se présente enfin devant elle avec ses deux verres d’eau de feu. Elle le remercie à peine et entend l’autre femme se commander une bière. Eve coule de nouveau un regard vers elle. Une femme qui commande une bière, c’est pas si banal que ça. Elle regarde alors son téléphone et Eve replonge dans son sandwich, se disant que la femme ne va pas rester seule longtemps. Et puis… elle demande à Eve si elle l’est. Eve retient un soupir en levant les yeux au ciel. Qu’est-ce que les gens ont tous à s’intéresser à elle ce soir ? C’est si choquant de voir quelqu’un commander deux verres ? Elle avale sa bouchée et essuie sa bouche avant de regarder de nouveau la femme.
« Oui. Seule. »
Eve n’est pas quelqu’un de très loquace. En tout cas, pas quand elle n’a pas encore bu. D’ailleurs… elle avale d’une traite le premier verre et lâche un petit gémissement de contentement en sentant l’alcool chauffer son œsophage jusqu’à son estomac. Pas très loquace. Mais elle sait voir quand quelqu’un désire de la compagnie, talent qui lui a rapporté pas mal d’argent d’ailleurs. Enfin… cela l’étonnerait grandement que cette femme veuille ce genre de compagnie… les femmes ne paient pas pour ça. Mais bon, parler un peu n’a jamais tué personne.
« Ton copain t’a posé un lapin ? »
Ce disant, elle désigne le téléphone de la demoiselle d’un léger geste de main. Les mecs sont des mufles de toute façon. Tous des connards, sauf mes papas. Elle fouille dans son sac à la recherche de son paquet de cigarette, dont elle en sort une et l’allume.
Je ne peux cacher mon amertume, alors que j'aimerais avoir des explications quant au « pourquoi » mon amie m'ayant invité à la rejoindre à Union Pool ne peut finalement pas venir. A-t-elle eu des soucis ? J'espère évidemment que ce n'est pas le cas, cependant, je n'aime pas lorsque l'on agit de cette façon. Cela n'est pas correct, d'autant que je lui ai envoyé un imessage et qu'elle a mis du temps à me répondre. J'ai poireauté devant le bar durant une dizaine de minutes, avant d'y pénétrer pour l'attendre au chaud. Ensuite, j'ai commandé quelque chose à manger et je me suis installée pour attendre à nouveau : seule. Poussant un soupire et passant ma main sur mon front, je me sens idiote, sotte, mais également gênée, parce que l'endroit grouille de monde alors que je suis désespérément seule. Je ne cesse de le répéter dans ma tête puisque je déteste cela, préférant la compagnie de mes amis qui généralement me rejoignent rapidement. Je ne sais pas d'où me vient ce souci de sécurité, ayant toujours peur lorsque cela arrive, bien que j'essaye de ne pas le montrer. « La peur n'évite pas le danger. » Ne cesse de me répéter nos parents à Alejandro et moi, quand je me dis que je pourrais lui envoyer un texto pour avoir ne serait-ce qu'une conversation, même par écran interposé, parce qu'il sait me rassurer, puisqu'il me connaît par cœur. La solitude n'a jamais été une amie fidèle, bien au contraire même, j'aime me trouver en groupe. Le brouhaha de personnes que je ne connais pas m'a toujours « fragilisé » si je puis dire, ainsi qu'effrayer d'une certaine façon et par ailleurs, durant de longues années, cela m'a même paralysé. Attrapant l'une de mes frites alors que je jette des coups d'œil sur mon téléphone portable ainsi que sur la porte où le serveur doit émerger pour m'apporter ma bière, la jeune femme a qui je me suis adressée me répond, non sans montrer son exaspération en levant les yeux au ciel. En même temps, je ne peux que la comprendre puisqu'effectivement, ma question est stupide, puisqu'elle mange sans qu'on l'accompagne, puis elle boit aussi, sans se soucier des personnes aux alentours. J'aimerais avoir sa force, son courage, puis peut-être que la solitude est l'une de ses amies fidèles, puisque cela arrive. De toute façon, je ne connais pas son parcours, et même si j'aime imaginer la vie des personnes que je ne connais pas, je n'en ai pas la force ce soir. Les lèvres pincées, alors que mes joues sont à présent assez rouges, je commence à manger quelques frites qui sont évidemment froides. Toutefois, même si cela rebute pas mal de monde, ce n'est pas mon cas. Je dois bien admettre que j'aime lorsque la nourriture devient froide, mais en étant au préalable très chaude. Je n'aime pas lorsque l'on me prépare un café avec de l'eau tiède qui devient froide, mais j'aime lorsque l'eau de celui-ci est brûlant pour devenir ensuite froide. C'est étrange, on me le dit assez souvent quand on ne le sait pas, lorsqu'on le découvre, lorsque l'on ne me connaît pas. M'emparant à présent d'un morceau de poulet alors que je me demande encore si je dois envoyer un texto à un proche, pour ne plus être seule, la jeune femme que je semblais agacer me parle à son tour, du moins, elle me pose une question qui peut sembler personnelle pour certaines personnes, toutefois, cela n'est pas mon cas. Posant mon regard sur ma voisine de table pour lui répondre en la regardant - ce qui est toujours préférable durant un échange - je hausse auparavant les épaules, puis je lui réponds : « Non. Ce n'est pas mon copain. À vrai dire, il s'agit d'une amie qui m'a demandé de la rejoindre ici. » Je perçois la déception dans ma voix, alors que je rougis plus encore. Baissant le regard, faisant mine d'inspecter mon sandwich composé de frites, je hausse une nouvelle fois mes épaules, comme pour faire croire que je m'en moque, que ce n'est pas important, ce qui est évidemment tout le contraire. Bien sûr, je sais que cela se remarque, seulement, je le fais sans même y penser, c'est automatique. « Peut-être devrais-je rentrer. » Je prononce tout bas pour moi-même, avalant un morceau de poulet que je mâchouille sans envie. Un « ding » se fait entendre, provenant de mon téléphone. Il s'agit de mon amie qui m'a donné rendez-vous avant d'annuler quelques minutes plutôt. Curieuse, fronçant les sourcils, je déverrouille celui-ci et je lis son message. Ma mâchoire se décroche alors que je relis ses mots. « C'est pas vrai ! C'est une folle à lier ! » Je prononce assez fort, me levant même de ma chaise, quand j'entends une personne se racler la gorge. Il s'agit du serveur m'apportant ma bière qui doit sans aucun doute me prendre pour une folle, justement. « T'es une grande malade. » Je peste alors que je m'assois à nouveau, lorsque je rencontre le regard de la jeune femme qui a allumé sa cigarette.
Les rencontres dans les bars, ce n’est pas nouveau pour Eve qui, d’ailleurs, peut rencontrer des gens partout. Mais habituellement, les gens sont les mêmes, des marginaux, des personnes perdues, comme elle. Des gens que les autres ne veulent pas voir pour ne pas se rendre compte que leur environnement n’est pas aussi ‘classe’ et ‘branché’ qu’ils le pensent. Il est alors rare qu’une femme bien habillée comme sa voisine de table essaie de lui faire la conversation. Eve n’est pas idiote, ni naïve, ça elle ne l’est plus depuis longtemps. Elle se doute que si cette femme lui parle c’est parce qu’elle est à côté, parce qu’elle est seule et qu’elle ne veut pas l’être. Et cette femme lui répond finalement que ce n’est pas son copain mais une amie qui lui a posé un lapin. Eve lève doucement les sourcils en réprimant un sourire en coin. Sérieusement ? Sa pote l’invite à aller prendre un verre et elle la laisse là, comme ça ? C’est un peu pupute ça, non ? Mais cette femme a l’air gêné d’être seule comme ça, et triste également, malgré le haussement désinvolte de ses épaules. La femme marmonne qu’elle devrait rentrer, ce à quoi Eve ne sait trop quoi répondre. C’est si embêtant d’être seule ? Pour Eve, c’est son quotidien, et elle sait trop bien qu’il vaut mieux être seule parfois, car certaines personnes sont trop malveillantes.
Eve tire sur sa cigarette avant de continuer à manger son sandwich, en fixant son deuxième verre de vodka, hésitant à l’attaquer tout de suite. Pourquoi pas ? Ça a été une bonne journée, et son repas ne lui a pas coûté cher, elle sait qu’elle pourra s’en commander d’autres. Et puis, qu’est-ce que ça peut faire qu’elle boive ? Elle est libre, aujourd’hui, de faire ce qu’elle veut. Sa voisine se lève brusquement, en criant, faisant un peu sursauter Eve qui ne s’attendait certainement pas à un tel éclat venant de la femme. Elle l’observe fulminer, mâchant une frite, la curiosité piquée. Eve lui fait un sourire quand la femme la regarde, un sourire un peu amusé, mais pas moqueur.
« Wow. »
Les regards des clients sont aussi fixés sur sa voisine, Eve devine que ça va la mettre mal à l’aise et se sent mal pour elle, une empathie remontant qu’elle enfouit habituellement. Alors elle se lève, balance lestement son sac sur le banc en face de sa voisine puis va s’y installer avec son repas et son verre encore plein, l’air de rien, comme si elle avait été invitée. Comme le serveur est en train de poser la bière sur la table, Eve lui en demande une également. Il la regarde sans rien dire un instant avant de hocher la tête.
« C’était quoi ça ? » Commence Eve avant d’engloutir une frite. « Qu’est-ce qu’elle a fait ta pote pour te mettre dans un état pareil ? »
Vraiment, elle veut savoir. Eve est plus accroc aux potins qu’elle veut bien l’admettre, même lorsque cela concerne des personnes qu’elle ne connait pas. Quand une histoire croustillante est à portée de ses oreilles, il faut qu’elle sache, ça a toujours été comme ça. Au point qu’elle ne s’excuse même plus de jouer les curieuses, à tendance voyeuse. C’est que… sa vie n’a pas grand-chose de passionnant, celles des autres sont beaucoup plus divertissantes.
