Ce soir, l’anglais a envie de s’amuser. Il a passé la journée à la maison, à bosser sur un morceau qu’il a composé il y a quelques semaines. Il ne cesse de se répéter que ça ne sonne pas bien, que ça manque de quelque chose. Philip lui dit qu’il est très bien et qu’il plaira au public mais ce n’est pas l’avis de James, qui chipote plus qu’il ne le fait habituellement. Il ne sait pas pourquoi cette chanson occupe tant son esprit, peut-être parce qu’il l’a écrite quand il était sur le point de déménager ? De Londres à New-York, il y a tout un monde. Si la langue n’est pas une barrière entre les habitants de l’Angleterre et des États-Unis, il y a bien d’autres choses qui les différencient. Les mentalités, par exemple. James ne saurait pas dire si sa préférence va aux anglais ou aux américains. Pour le moment, il se contente de se mettre en retrait et d’observer, ce n’est qu’une phase avant qu’il ne se mette à attaquer. Et pour preuve, ce soir, il a bel et bien décidé de s’amuser. Il a dit à Philip de ne pas l’attendre pour quoi que ce soit – en fait, il doute qu’il l’aurait fait même s’il ne l’avait pas précisé – et il s’en est allé : direction le premier bar suffisamment accueillant qu’il croisera sur sa route. Ce qu’il trouve agréable à New-York, c’est que celle ville est constamment animée et qu’il ne faut pas forcément se balader en voiture pour arriver à destination. À pieds, il ne lui faut donc que quelques minutes pour entrer dans un de ces bars, toujours aussi bondé. Ce n’est pas le monde qui l’effraie, voilà pourquoi le brun entre sans se poser la moindre question et se fraie un chemin jusqu’au comptoir. Quand il arrive dans un lieu tel que celui-ci, son but est toujours le même : se commander une boisson alcoolisée, la boire sans modération et repérer une personne avec qui il pourrait passer du bon temps. Il n’enchaîne pas bêtement les coups d’un soir, il n’est pas un animal en rut, non, mais il aime bien le faire de temps en temps. Un homme, une femme : tout dépend de la personne qui lui tapera dans l’œil. Ce soir, c’est finalement un homme qui retient son attention. Brun, légèrement barbu, sûrement un peu plus vieux que lui. Voilà comment il procède : sirotant son verre, James reste quelques minutes sagement à sa place pour vérifier que l’homme qu’il vient de repérer n’est pas accompagné. Une fois certain de pouvoir attaquer, il ne se fait pas prier et file à sa rencontre. J’ai connu des nuits plus mouvementées que celle-ci. Voilà ce qu’il confesse à l’homme une fois à sa hauteur, il parle assez fort pour se faire entendre parmi la foule et le regarde, histoire qu’il comprenne bien qu’il s’adresse à lui. J’te paye un verre ? Loin de se douter que celui-ci est hétéro, il n’hésite pas à le lui proposer. Des hommes proposent à d’autres de leur payer une tournée sans que ça semble bizarre, mais avec James, c’est toujours bourré de sous-entendus.
Boire. La seule chose qu’il voulait faire ce soir, c’était boire. Il se posait trop de questions et ça lui prenait la tête. Il avait été chez un psy pour parler, mais parler de quoi réellement ? Le manque qu’il ressentait chaque jour de la perte de Julia ou alors cette mission qui le rendait juste dingue. Il avait la raison de sa mission, elle était proche de lui et il la fréquentait. Elle était intrigante la brune, elle avait quelque chose de magnétique et il l’avait ressenti depuis le début. Ce n’était pas explicable, dans l’histoire rien ne l’était de toute manière. Ael devait sûrement le dire à son patron, mais il y avait quelque chose dans cette histoire qui l’empêcher de le faire. Il n’y avait jamais réellement pensé, mais si elle avait pris la fuite ce n’était pas pour rien, si elle avait coupé contact avec son père c’était parce qu’il y avait une raison. Sûrement une raison une béton pour avoir disparu à ce point. L’ancien soldat soupira doucement avant de finir son verre d’une gorgée, il en recommandait un dans la foulée. Le brun était dans ce bar depuis un moment à présent, il était rentré dans le premier qu’il avait croisé n’ayant pas fait attention et le monde était apparu au fur et à mesure. Les différentes discussions qu’il entendait autour de lui n’arrivait pas à lui occuper l’esprit assez longtemps, il entendait les mêmes choses, les mêmes jérémiades et c’était barbant. Alors il repensait à sa femme, à sa Julia qui rendait tout plus incroyables à ses yeux. Elle savait par sa présence le faire sourire, le rendre heureux et faire en sorte qu’il profite du moment présent. Sans elle ce monde n’était qu’un puit sans fond alors il continuait de tomber encore et encore. Ael sortit de ses pensées en entendant une voix d’homme à ses côtés et qui apparemment s’adresser à lui, il haussa les sourcils avant de répondre assez rapidement. « Pareil, c’est un peu ennuyant dans l’coin. » Le brun haussa les épaules, une nouvelle fois, un tic qu’il possédait depuis longtemps et il avait du mal à s’en défaire, malheureusement. Face à la question, il finissait son verre très vite avant de le reposer. Avec un sourire en coin, il le regardait pour répondre. « Avec plaisir. » Il ne disait jamais non à un verre puis il ne voyait surtout pas le mal dans cette demande. Il était bien naïf pour le coup.
L’homme que James vient d’aborder est d’accord avec lui, il trouve également que cette soirée est ennuyante. Le brun serait totalement capable d’attaquer dès le début en lui disant qu’il connaît un moyen de pimenter tout ça : finir la nuit avec lui, que ce soit dans les toilettes sûrement miteuses de ce bar ou chez le garçon. Pas chez lui, non, il n’a pas envie d’imposer une autre présence à Philip. Ils n’ont pas instauré de règles précises à ce sujet-là, il ne se voit simplement pas ramener ses conquêtes sous son nez. Évidemment, le brun compte tourner autour du pot et c’est bien pour ça qu’il ne lui a pas dit ça. Il lui propose plutôt de lui payer un verre, ce que l’homme à ses côtés accepte après avoir rapidement terminé celui qu’il avait déjà entamé. Un large sourire étire les lèvres du musicien, tandis qu’il fait un signe au barman pour que celui-ci s’intéresse à eux. Qu’est-ce que tu prends ? La réponse de son nouveau compagnon de beuverie donnée, il demande à l’employé de leur en servir deux. Un pour lui, un pour l’homme qu’il va désespérément tenter de séduire. Il se laisse quelques secondes pour réfléchir à la manière dont il souhaite réellement l’aborder, il ne peut pas passer outre le verre qu’il vient de finir et ceux qu’il a sûrement consommé en début de soirée. Tu viens noyer quels problèmes ? Demander le prénom et l’âge d’une personne, c’est carrément surfait : on fait ça quand on a pour but de revoir la personne après. Peut-être que son prénom sera une question qui viendra un peu plus tard durant la conversation, il aime quand même savoir l’identité des hommes et des femmes qui goûtent à son corps. Il se doute bien qu’il a déjà eu droit à de faux prénoms, tout comme à de faux numéros : peu importe, encore une fois, ce n’est pas dans un lieu tel que celui-ci qu’il rencontrera l’amour de sa vie. À supposer qu’il n’en existe réellement qu’un et que toutes femmes et hommes sont destinés à une seule personne. Pour lui, ces histoires ne sont que des foutaises et il n’a pas envie de se pencher réellement dessus. S’il doit se pencher sur quelque chose, ce soir, ce sera sur l’homme présentement à ses côtés. Et dans tous les sens du terme. Le barman arrive avec leur boisson, le brun attrape son verre et le tend vers le barbu à ses côtés. Trinquons à l’idée que cette nuit se finira mieux qu’elle a commencé. Encore une fois, beaucoup de sous-entendus, sans pour autant entrer dans les détails. N’importe qui pourrait dire ça.
