(ff) - kenneth - these are the things we lost in the fire

J'ai beau n'avoir jamais partagé la nuit avec un homme de ma vie. Je reste une fille tactile. Un peu comme un enfant qui a tout le temps besoin de câlins, de bisous, j'aime ça. Son odeur m'envoûte et plus je me rapproche physiquement de lui, plus j'ai du mal à m'en séparer. Heureusement, monsieur le radiateur le bat aujourd'hui. J'ai les mains gelées et j'ai hâte d'avoir mon chocolat chaud pour me les réchauffer. « t'arriveras pas à me supporter plus de deux jours. » je rigole. Je suis pas contre partir en vacances avec lui mais ça me semble trop gros, trop beau pour être vrai. A voir s'il me le repropose un jour, pour l'instant, je prends ça comme des paroles en l'air. Merde, Kenneth remarque que je rougis et je secoue la tête en levant les yeux au ciel, amusée. « n'importe quoi, c'est parce que j'ai froid imbécile. » je suis en train de me dire que si ça tombe, ça le  fait kiffer de me voir perdre mes moyens devant lui. Mon corps, il me trahira toujours. J'ai un mental en béton, mais le traître c'est mon cerveau qui envoie des signaux partout dans mes membres pour que je réagisse bizarrement.  « hey ! non on ne juge pas tant qu'on a pas goûté. » je le menace de mon doigt comme si je le mettais en garde. Je colle mes mains sur le chauffage pour les réchauffer et je fais une petite moue à sa question. « pas grand chose... mis à part que tu m'as tellement manqué que j'ai passé des nuits entières à regarder grey's anatomy pour enfuir mon chagrin. » haha, que je suis drôle. A l'instant d'après, une serveuse nous apporte notre commande et je me rue sur le croque-monsieur. J'en prends une bouchée avec ma fourchette et je lève mes yeux au ciel. « c'est tellement bon... ouvre la bouche ! » je ne lui laisse pas le choix. Je picore dans mon assiette pour lui tendre ce bout de pain grillé, de fromage fondu tout chaud. Je suis spontanée comme fille, un peu trop parfois. Mais je m'en fous, c'est ma folie naturelle qui me rend si attrayante il parait.

Sans y réfléchir plus longtemps, je m’entends lui parler d’un voyage ensemble en Europe. Ça ne m’avait jamais traversé l’esprit avant ça, mais pourquoi pas, ce n’est pas une si mauvaise idée. Leah ne semble pas partager mon point de vue, tentant presque de m’en dissuader et j’en ris à mon tour. « Je supporte bien mes sœurs, plus chiantes qu’elles, ça n’existe pas. » Je lâche toujours aussi amusé, même si ce n’est pas faux. Je les aime, mais parfois, elles sont insupportables. Ce n’est pas une chose que doit ignorer Leah d’ailleurs, bien que j’imagine qu’elle va défendre ma sœur aînée qui est l’une de ses amies. Il ne faut toutefois pas qu’elle se méprenne, je ne la vois pas du tout comme une énième sœur, loin de là même. La demoiselle se met ensuite à rougir et je lui fais une petite remarque à ce sujet, de quoi lui faire lever les yeux au ciel. « Bien évidemment. » Je souris, moqueur sans le cacher une seule seconde. Je suis loin d’être idiot, ce n’est clairement pas le froid qui l’a fait rougir, mais bien moi. Un nouveau rire m’échappe quand elle me menace avec son doigt, je pourrais presqu’avoir peur. Presque. Je ne dis cependant rien, levant les mains en signe d’innocence, rigolant à nouveau face à son moment caliméro. « J’ai un peu de mal à croire t’avoir manqué à ce point. » C’est tout bonnement impensable, je n’ai pas une telle importance dans sa vie. Une serveuse nous amène par la suite notre commande, je la remercie, puis chope un des beignets et en mord une bouchée sans attendre. Leah fait de même avec son croque-monsieur et me force à en manger un bout avec sa fourchette, me laissant à peine le temps d’avaler mon bout de beignet. Je saisis donc ce qu’elle me tend, mastique puis avale avant de lâcher : « Ouais, ça reste un croque-monsieur quoi. » Je souris au coin, complètement amusé. « Mais j’avoue, il est bon. » Je dois au moins reconnaître ça, il est plutôt bon. « Enfin, pas autant que ce beignet. T’en veux un bout ? » Et je lui tends le beignet que je tiens en main depuis tout à l’heure, attendant patiemment qu’elle en prenne un morceau.

T'as du mal à y croire pourtant tu marques Kenneth. Yep, t'as ta trace dans ma vie, là c'est sur. Si tu pars du jour au lendemain sans nouvelles, je pense que je vais avoir du mal à m'en remettre. Est-ce que j'éprouve la moindre petite chose pour toi ? Oui, non, peu importe. Car on ne parle pas de ce genre de choses. Toi et moi, c'est de l'amitié pas vrai ? Rien de plus. Même si je te trouve craquant et que je rêve de te croquer. Malheureusement, je ne suis pas ce genre de femme séductrice qui arrive à attraper un homme quand elle le souhaite. Moi c'est simple, j'ai jamais attrapé qui que ce soit. Est-ce que Kenneth s'en doute tiens ? Je veux pas savoir. Je suis déjà assez rouge comme ça rien que d'y penser. « c'est si dur à croire ? » que je relance, sourcils froncés avant de prendre une bouchée de mon croque-monsieur. J'ai eu envie de partager mon plaisir buccal alors je lui ai carrément fourré la fourchette dans sa bouche. Oups, encore un peu et je te pétais une dent. Je l'observe avec le sourire en attendant sa réaction. En échange, il désire me faire goûter son beignet. Avec plaisir, moi j'adore bouffer. Je rapproche mon visage de sa main qu'il me tend pour croquer dedans et je laisse le sucre s'imprégner dans ma bouche. « mmh trop bon, attends, je prends encore juste une petite bouchée. » et au lieu de ça, je lui chope carrément tout son beignet, gamine que je suis et je le mets dans ma bouche. Je m'étouffe à rire en essayant de le manger avant que Kenneth n'essaye de me bondir dessus. « quel joli couple vous formez ! » what. Pardon ? Une serveuse vient de nous dire ça en passant et je la regarde d'un air bizarre. Et je suis tellement choquée et mal à l'aise que j'en perds mon beignet qui se retrouve sur mes cuisses et salit mon pantalon de farine. Et tout ce que je trouve à dire c'est : « merci. », maladroitement, je déglutis. Je regarde Kenneth puis je prends vite mon chocolat chaud pour boire de grosses gorgées brûlantes qui me rendent encore plus angoissée. J'ai peur, peur qu'il trouve ça hallucinant qu'on ose penser ça de nous, ou plutôt que ça l’amuse en fait.

Sa question me décontenance quelque peu. Est-ce que je lui manquerais autant que ça si je venais à disparaître un jour ? J’en doute pas mal, je ne suis qu’un ami, que le frère de son amie, non ? Je n’ai sûrement pas autant d’importance dans sa vie. « Un peu, oui. » Réponse honnête. Ouais, j’ai du mal à y croire. Mais ça me démange d’en savoir plus, j’ai besoin d’avoir des réponses de sa part. « J’ai une si grande importance pour toi, Leah ? » Parce qu’elle, elle en a tellement dans ma vie que ça serait douloureux de me rendre compte que ce n’est pas le cas de son côté. Au moins un peu. Me proposant de goûter à son croque-monsieur, elle n’attend pas que j’accepte pour m’enfoncer le bout dans la bouche. Je le déguste, puis lui propose un morceau de mon beignet, le tendant du bout des doigts. Il ne faudrait quand même pas qu’elle me les bouffe. Les traits de son visage me font comprendre qu’elle apprécie, encore plus lorsqu’elle l’annonce à voix haute. Pas le temps de réagir qu’elle me chope le morceau qui reste. « Eh, chapardeuse ! » Dis-je d’un air outré, tentant de récupérer mon bout de beignet, m’allongeant à moitié sur la table. Elle le fourre dans sa bouche, riant comme une gamine et j’arbore une moue boudeuse. Je pourrais essayer de le récupérer dans sa bouche, mais ça serait déplacé, non ? À la place, je me recule et m’appuie contre le dossier de mon siège, prenant mon chocolat chaud et le buvant. Le tout en boudant un peu, ouais, mon côté gamin qui revient à la charge. « Quel joli couple vous formez ! » Je manque de m’étouffer avec mon chocolat chaud, la gorgée que j’étais en train de prendre passant de travers dans ma gorge. Je toussote en suivant des yeux le départ de la serveuse, les reposant ensuite sur Leah, un air gêné prônant sur mon visage. Un morceau de beignet tombe sur son pantalon, tandis qu’elle lance un "merci". Je cligne des yeux plusieurs fois à la suite, ai-je bien entendu ? C’est une chose que cette femme nous ait pris pour un couple, et ça en est toute une autre que mon amie la remercie. Ça ne la dérange pas que la serveuse ait pu insinuer que nous sommes ensemble ? « Ça fait bizarre, la première fois. » Que je sors, ne sachant pas quoi dire pour couper à ce silence pensant. La première fois où quelqu’un te désigne en couple avec celle qui s’avère être ton crush. Je me persuade que son remerciement est dû à ça, qu’elle ne savait pas quoi répondre à cause de la gêne. Ouais, voilà, c’est bien plus simple.

La colle qu'il me pose. Pourquoi ? Merde, j'ai dit quelque chose qui a attisé sa curiosité et j'ai trop parlé. A chaque fois, ma langue se délie toute seule et je me mets dans des situations pas possible. Je suis sûre, je suis en train de rougir ou non, de devenir pâle, d'avoir des sueurs et le palpitant qui s'excite. Respire Leah. Qu'est-ce que ça veut dire au juste avoir de l'importance pour quelqu'un ? Mes amis sont tous importants, ma famille et mes frères aussi. Mais Kenneth. Non, il n'est pas simplement important, il est bien plus que cela. Qu'est-ce que je réponds ? Je bas des cils et je serre mes doigts nerveusement sur ma fourchette plantée dans la table. « eumm... oui ? tu l'as toujours su non ? c'est pas compliqué de le savoir. » okay. Je viens de confirmer qu'il me plait depuis tout ce temps, depuis le début et je ne sais plus du tout où le mettre. Disons que je suis une fille assez expressive même si elle veut tout garder à l'intérieur. J'ai des mimiques qui ne trahissent pas. Comme ce côté tactile que j'ai avec lui... j'aime bien l'emmerder, le taquiner. Comme voler son beignet comme une enfant. Mais alors que je pensais que j'étais assez ridicule comme ça, la serveuse vient en remettre une couche. J'en perds l'usage de ma bouche qui fait tomber la nourriture sur mes cuisses. Et Kenneth, je l'entends s'étouffer dans son chocolat. Je vais mettre ça sur le fait qu'il est trop chaud et qu'il a avalé de travers. Le ma-laaaise. Je ramasse le beignet et je le dépose sur ma serviette en frottant mes mains. Kenneth, il rompt le silence mais me met dans l'incompréhension totale. Je retrouve peu à peu ma joie de vivre, même si j'ai les mains toujours moites et je grimace. « la première fois de... ? » je vide mon chocolat à la vitesse de l'éclair et pour me détendre, je sors la première réplique qui me vient à l'esprit. « je crois qu'en fait elle a pas vu que tu sortais avec une vieille. » des allusions, toujours des allusions. Je souris. C'est vrai, on a six ans d'écart. Je suis peut-être la plus gamine dans ma tête mais je suis plus vieille que lui. Kenneth, il est même pas majeur svp. « elle va surement appeler la police pour détournement de mineur. » la pique que je lui lance. Mais c'est de sa faute ! il n'a pas le droit de me poser des questions gênantes juste pour son petit plaisir personnel.

« Oui, je crois... » Songeur, je me plonge dans mes souvenirs pour essayer de trouver des gestes de sa part qui auraient pu me faire comprendre que je compte autant. Mais rien ne vient, je dois m’y résigner. « Enfin non, pas à ce point-là en tout cas. » Honnêtement, je pensais que la seule personne réellement attachée, c’était moi et juste moi. Que pour elle, je ne suis qu’un ami parmi tant d’autres. A priori, je me suis trompé sur toute la ligne et, finalement, ça me plaît de le savoir. Ça me rend encore plus souriant qu’à l’habitude, même si je finis par bouder après qu’elle m’ait volé un morceau de beignet. Ça ne se fait pas d’abord ça ! Et j’étais prêt à lui faire la tête pendant un bon moment, si seulement cette serveuse n’avait pas lancé cette petite bombe. Des paroles qui manquent de me faire m’étouffer avec mon chocolat chaud. Il devrait être interdit de balancer des choses comme ça lorsqu’une des personnes concernées est en train de boire. Un jour, ça pourrait mal se finir. Me remettant de mes émotions, je balance la première chose qui me vient en tête. Le questionnement de la jeune femme à ce propos est suivi d’une réaction bien trop étrange, me rendant assez dubitatif. À quoi pensait-elle ? Une possibilité me vient en tête, mais je la chasse vite de mon esprit. Non, clairement, ça ne peut pas être ça. « La première fois que quelqu’un nous pense en couple... À quelle première fois tu pensais, toi ? » Mon ton se fait inquisiteur face à cette réaction suspecte. Je lève ensuite les yeux au ciel, ce qu’elle peut en débiter des âneries cette Leah. Bien souvent ça me fait rire d’ailleurs et là, je pense que j’aurai pu en rire, mais je veux conserver un peu de sérieux pour ce que je m’apprête à dire. Ça me semble important qu’elle comprenne que je ne plaisante pas. « Tu dis des conneries, Leah. On a que six ans d’écart, c’est peu. » Quand on y réfléchit, ce n’est pas énorme. Enfin, elle entrait tout juste en primaire lorsque j'ai vu le jour, mais c’est tout, ce n’est pas un drame. « Mais si tu tiens à ce point à te considérer comme telle, sache que pour une vieille, t’es vraiment magnifique. » Je suis formel, elle est très belle cette fille. Prétendre le contraire serait un mensonge des plus honteux. « Et puis, au pire, ne t’inquiètes pas. Je dirais au tribunal que j’étais pleinement consentant. » Un air espiègle vient se placer sur mon visage. Je la taquine bien évidemment, parce qu’elle n’aura aucun souci avec la justice. Surtout pas d’ordres sexuels puisqu’on a jamais rien fait elle et moi à ce niveau-là.

C'est quoi cette tournure de conversation ? Comment on en est arrivé là ? A force de faire des allusions surement. Quoi que, la serveuse nous a bien coupé l'herbe sous le pied. Je suis en train d'avouer maladroitement mon attirance à Kenneth et je ne pensais pas que ça se passerait comme ça. D'ailleurs, je me suis toujours jurée de jamais le dévoiler, d'enfuir tout ce que je peux ressentir au plus profond de moi. Car ça me fait peur, car c'est l'inconnu. Car je n'ai pas été éduquée comme ça. Mon père m'a toujours dit de méfier des garçons, mes frères aussi. J'ai vingt-six ans et des poussières et je suis en train de rater ma vie, de passer à côté de pleins de choses. A quelle première fois on parle ? Merde, on a l'air de ne pas se comprendre. Et si je dis quelque chose d'absurde ? Ou qu'il se mette à rire ? Je me pince les lèvres et j'hausse les épaules.« j'sais pas... la première fois que je dis à un garçon qu'il me plait plus que les autres ? » je souffle. Je passe mes mains sur mon visage tout rouge, ma peau brûlante et je ferme les yeux, timidement. « j'suis gênée. » moi, la première fois de ta vie que tu me vois dans cet état devant toi. Yep, ça aussi c'est une grande première. Je préfère jouer l'humeur, blaguer sur la différence d'âge et Kenneth, il en rigole moins. Est-ce qu'il est sérieux ? Magnifique ? Je le regarde attentivement en penchant ma tête sur le côté. « juste magnifique ? » je souris jusqu'aux creux de mes joues. ça va, il a quand même dit 'vraiment', c'est pas rien. Kenneth lance une nouvelle réplique pour alimenter la mienne et je pouffe de rire. « ça, ça ne risque pas d'arriver. » encore une fois je parle trop vite. Je perds mon sourire peu à peu et je regarde mes pieds, ou plutôt mes cuisses et je les masse nerveusement. Merde, je ne veux pas qu'il s'imagine que... je n'en ai pas envie ou que sais-je. C'est juste que... « j'veux dire... ne pense pas que ça ne me plairait pas, pas du tout. » que je tente de rattraper du mieux que je peux. « c'est juste que... je suis vierge alors... » je lève les yeux au ciel en les faisant rouler. Alors tu comprends quoi. C'est pas très sexy et attirant tout ça donc contente-toi juste de me trouver magnifique, ça me va. Ou presque. Une partie de moi te désire tout entier et c'est chaque jour un peu plus fort. Mais je n'ai aucune idée de comment gérer mes pensées malsaines et tordues. T'es mon ami, le petit frère de mon amie, ça devrait s'arrêter là. Je pensais que j'allais être morte de honte à lui avouer ma virginité mais tout compte fait, c'est plus gérable que dans mon imagination. Puis peut-être qu'il l'a toujours su aussi, en même temps, j'ai jamais vraiment eu de relation sérieuse à part Warner il y a un bail, et Kenneth ne m'a jamais vue en compagnie d'un homme.

On ne parlait vraiment pas de la même première fois et celle qu’elle évoque me donne une sensation bizarre. Il y a une époque où j’aurai tout donné pour qu’elle me dise ce genre de chose. À présent, je ne sais plus trop où j’en suis, mais dire que ça me déplaît serait un mensonge. « Je te plais vraiment, Leah ? Je n’ai jamais imaginé, même pas une seule seconde, que tu me voyais de cette façon. » J’ai toujours cru que j’avais juste l’image du petit-frère, du simple ami, et ça me perturbe. Elle, elle est gênée et pas besoin qu’elle me le dise pour que je le comprenne. Ses joues toutes rougies suffisent. Pourtant, elle relève la tête lorsque je dis qu’elle est magnifique. Elle semble avoir des doutes sur ce que je peux penser d’elle et ça me fait lever les yeux au ciel. « Serais-tu en manque de compliments ? » Je la taquine, un sourire étirant toujours mes lèvres. Je fronce les sourcils quand elle pouffe de rire et, notamment, pour ce qu’elle dit par la suite. Donc si on résume, je lui plais, mais visiblement pas assez pour envisager une nuit avec moi ? Ça ne devrait pas, mais ça me vexe quand même un peu. Je ne dis pourtant rien, mangeant un nouveau morceau de beignet en silence, ne désirant pas la mettre encore plus mal à l’aise qu’elle ne l’est. Je l’entends d’ailleurs cafouiller quelques mots, pour se rattraper je suppose, et je l’écoute jusqu’à ce que le mot "vierge" me fasse à moitié étouffer avec mon beignet. Bordel, ce n’est clairement pas le jour... Je lève les yeux vers elle, un air ébahi sur le visage. « T’es... Vraiment ? Je... Je ne pensais pas que c’était possible... » Comment j’aurai pu l’envisager, sérieusement ? Je reprends contenance, fixant le beignet entre mes mains. « Je veux dire, t’es belle Leah, les mecs se battent sûrement pour tes beaux yeux et sûrement pour t’avoir sous les draps. » Des mecs qui m’ont souvent rendu jaloux lorsque j’étais plus jeune. Mais à priori, il n’y a jamais rien eu de plus et, au fond, ça me soulage. Honnêtement, ça me ferait bien chier de savoir qu’elle se serait donner à n’importe qui. À mes yeux, une première fois doit se dérouler avec une personne importante, comme moi, je l’ai eu avec Ella. Je casse un nouveau morceau et le fourre dans ma bouche, avant de reposer le regard sur la jeune femme. « T’as jamais eu envie de le faire ? Il y a jamais eu quelqu’un avec qui t’as voulu que ça arrive, au moins une fois ? » Nous, les hommes, ne sommes pas les seuls à avoir des envies après tout. Peut-être bien qu’il lui arrive d’y songer, parfois.

Je souris en haussant les épaules en guise de réponse. Oui, tu me plais. Et franchement, c'est pas difficile à le deviner. Ou faut être aveugle. Mais bon, plaire est un grand mot. Je vais rien te faire. J'vais pas te manger tout cru. Je ne sais même plus comment on est tombé sur cette conversation, mais ça a dérapé au moment où la serveuse nous a prise pour un couple. Lui et moi. J'en ai des sueurs froides. Mon coeur bat vite et je panique de nouveau. « non, juste... arrête de me dire ça, je suis surement toute rouge. » pourquoi je lui dis moi ? ça l'amuse surement de me mettre dans tous ces états. Respire, calme-toi. Mais le sujet est loin d'être tombé aux oubliettes. C'est même pire que ça. Je le regarde en essayant de paraître normale mais mon estomac se tord. Autant lui dire la vérité tout de suite. Yep, je passerai bien une nuit avec toi mais le soucis, c'est que je suis vierge, qu'aucun homme n'a eu le malheur de passer la nuit avec moi. Alors je préfère éviter. Je ne sais pas comment je dois prendre la réaction de Kenneth qui s'étouffe avec son beignet. Reste parmi nous quand même. « possible ? parce qu'il y a un âge pour donner son corps à quelqu'un ? » que je dis légèrement irritée en croisant les bras sur la table. Mais il reprend. Et là, je ris aux éclats. Là, tu abuses mon cher. C'est même ridiculement ridicule. « non, je t'arrête tout de suite. personne ne s'intéresse à moi. je suis pratiquement invisible. ose me dire le contraire. » c'est vrai quoi, je reste dans ma bulle, je sors peu de chez moi. Les seules fois où on me remarque c'est quand je danse dans un club pour arrondir mes fins de mois. Mais ça, Kenneth ne doit pas être au courant, personne ne le sait. Et quand je pensais que tout ce qui était gênant était fini, Kenneth en rajoute une couche et je le fusillade discrètement de mes deux yeux. Je prends un moment de silence en passant une main sur mon front pour voir si j'ai pas de la fièvre. Si, t'es bien chaude, enfin, à la tête. « si bien sûr... je ne suis pas un extraterrestre, j'ai des besoins. mais j'fais avec.  » regarde comme j'ai bien esquivé la question de la personne avec qui j'ai envie de le faire. Bien sûr que c'est toi abruti, j'arrive même à t'imaginer dans mes rêves les plus tordus et assez souvent en plus.

Elle me demande d’arrêter pour ne pas rougir encore plus et je le fais, ne voulant pas la gêner plus qu’elle ne l’est déjà. Ce n’est pas le but, si on souhaite passer une bonne fin d’après-midi, il ne faudrait pas qu’elle ne veuille plus me parler ensuite. Je ne peux cependant pas retenir mon étonnement lorsqu’elle m’avoue être toujours vierge. Je n’aurai jamais pu y croire si je ne l’avais pas sous les yeux pour voir qu’elle ne me ment pas. Elle n’a jamais couché avec un mec, et ma curiosité l’emporte sur ma raison. Je n’arrive pas à me contenir plus longtemps et dis le fond de ma pensée. Elle ne semble pas bien le prendre et je grimace, réalisant que mes propos n’étaient sûrement pas les bons et qu’elle ne les a pas interpréter comme je le voulais. « Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire... » Pas le temps d’en dire plus qu’elle rit, me faisant froncer les sourcils. « Tu racontes vraiment des conneries, Leah. Il faut que tu cesses de te rabaisser, tu n’es pas invisible. » Il faut être aveugle pour ne pas remarquer les regards que certains mecs lui lancent. Elle pourrait avoir qui elle veut, je ne doute pas de ça, même si j’espère que le jour où elle choisira quelqu’un, ça sera la bonne personne. Comme moi, j’ai eu la chance de tomber sur Ella, quand bien même elle m’a brisé le cœur. Deux fois. Ma curiosité mal placée reprend encore le dessus quand je la questionne de nouveau et je me mords la lèvre en voyant son regard noir. Si elle avait pu, elle m’aurait tué sur-le-champ, je crois bien. Je l’écoute et hoche doucement la tête. « Ouais, je comprends. » Parce que ça fait des mois que je n’ai rien fait, que le désir est là, mais que je dois me contenir et faire avec. C’est dur, mais c’est comme ça. De toute façon, ce n’est pas comme si j’allai le faire avec la première venue, ce n’est pas mon genre. Je prends une gorgée de ma boisson, puis mords un bout de beignet, avant de lui tendre la moitié qui me reste en main. « Tiens, t’avais l’air de bien les aimer. » Que je dis dans un sourire. Il faut bien que je me rattrape un peu pour cette conversation assez étrange. Elle accepte en me souriant à son tour et la bonne ambiance revient, de quoi finir cette journée sur une bonne note.

the end.