American way of life ♣ Damian & Sienna

Si on me demande comment je suis arrivée là, au milieu de supporters des Yankee de NY un soir de match, je ne ne réponds plus de rien. Entre les new-yorkais et les visiteurs conseillant le fameux match de ce soir, ma "conseillère" personnelle à l'hôpital, les patients, les journalistes... ça aurait été de la rébellion de ne pas venir. L'ambiance est survoltée. Les Yankee mènent ce soir et je suis le match de près.

La kiss cam a été une nouveauté pour moi, cette fameuse caméra qui passe de rangée en rangée filmer les amoureux transis. Il y a déjà eu une demande en mariage ce soir. A croire que le couple de tourtereaux avait prévenu les organisateurs. Un peu après la quatrième manche je sens les regards des curieux se tourner vers ma rangée et plus particulièrement sur moi et mon voisin, un roux aux cheveux courts et avec un petit bouc. Hé merde, c'est la kiss-cam qui a fait le focus sur nous. Voilà que mon voisin joue des coudes et me prend par l'épaule " Tu me dois un baiser ma belle ! " dit-il en riant, une forte odeur d'alcool dans l'air. Je pense un instant accepter, jouer le jeu. C'est marrant comme scène. Quelle pourcentage de chance y avait-il pour que, la seule fois où j'assiste au match des Yankees, la caméra se fige sur moi et mon voisin ? Mon cerveau cherche toujours le rationalisme, même dans de pareilles situations. Je tourne la tête de droite à gauche en signe de refus. " Non je suis désolée ce n'est... pas mon truc. " lui expliquai-je calmement. Il ne l'entend pas de cette oreille ; finissant par prendre mon visage en coupe entre ses mains. Je me défends ardemment et lui colle une beigne devant tout le monde... la caméra ayant bien sûr tout filmé. " Nan mais ça va pas ! " je m'exclame devant lui. La honte... je vous jure, après ça si l'hôpital de Bellevue en entend parler je vais me faire passer un sacré savon.

Okay, je vous accorde que gifler ce type pendant que la kiss-cam nous filmait était une très très très mauvaise idée. M'emporter ne fait pas partie de mes habitudes pourtant je n'ai pas pu faire autrement. Le type doit être un imbécile pour forcer une femme à l'embrasser devant toute l'assemblée. « T'es sérieuse là ? Tu viens de m'en mettre une ? Putain. » Je prends peur et me recule vers le siège arrière. Les possibilités de fuite ne sont pas des plus folichonnes. Mes yeux s'écarquillent et mon cœur accélère sa course effrénée tandis que mon voisin se fait des plus menaçants. C'est à ce moment qu'un ange salvateur intervient. A partir de là je me fais toute petite. Si je pouvais me cacher dans un trou de souris j'irai tout de suite. Leurs échanges sont houleux et le soulard a l'air de se calmer.
« Y'a un truc que t'as pas compris dans ce qu'elle t'a dit ?
- T'es qui toi d'abord ?
- Ralentis peut-être un peu sur la bouteille. »
Je lève les yeux vers mon sauveur pour le remercier, toutefois l'espace de quelques secondes je perds mes mots. Quel canon ce type. Il doit être mannequin. Ou pompier. Ou policier. Ou... un métier qui fait de lui un héros. Comme ce soir. Je ferme la bouche et je crois que je devrais vérifier si je n'ai pas bavé en le détaillant de près. Enfin il me demande si je vais bien. Sa question me permet de reprendre mes esprits et je secoue la tête pour me rafraîchir les idées. " Euh oui... désolée... enfin merci. Je n'aurais pas dû réagir aussi violemment. " j'explique avec gêne. Je crains d'avoir plombé l'ambiance de ce match survolté. Je n'y connaissais rien du baseball et je crois que ça ne changera pas ce soir. Il vaut peut-être mieux que je parte avant que les joueurs ne sortent des vestiaires. " Heureusement que vous étiez là, merci encore. J'espère ne pas avoir gâché le match... c'est la première fois que je viens. Je pense que ça serait mieux que je parte avant que Mr whisky revienne me chercher des noises. " En même temps ça m'emmerde de partir alors que le type alcoolisé n'aurait pas dû me forcer à l'embrasser. J'imagine que l'hôpital, qui a payé ma place en guise de bienvenue, a payé cher pour avoir ce beau placement... " Ou bien je devrais appeler la sécurité ? " je demande au beau brun, qui a l'air d'un fin connaisseur vu les commentaires qu'il a fait au cours de la compétition.

L'animosité légendaire entre Yankees et Red Sox est bel et bien présente ce soir. J'ai beau rien n'y connaître, dans les bouquins et les films auxquels je m'intéresse il y a souvent des allusions à ces deux équipes et ce n'est pas pour prendre le thé. Mon voisin ne pipe plus mot depuis qu'un beau brun l'a repris. J'hésite un instant à partir afin d'éviter un nouvel incident avec la kiss-cam. Bon, j'imagine que les caméraman vont boycotter notre coin des gradins.  « Non... il a juste besoin de décuver un peu. » Je hoche la tête, quelque peu incertaine. Je ne suis plus très à l'aise à côté de mon voisin, et vu les regards noirs qu'il me lance du coin de l’œil je pense que lui non plus. Quelle tâche !

« Vous voulez que je me décale ? » La proposition de mon voisin de gauche arrive à point nommé. Pas besoin de réfléchir longtemps avant de secouer frénétiquement la tête de haut en bas. " Oui ! Merci beaucoup... C'est une très bonne idée. " Je n'avais pas prévu que trois supporters se lèvent de concert pour se décaler : ce n'est pas une, mais trois personnes qui me séparent désormais de mon ancien voisin. Je me dirige en vitesse vers la place libre avant qu'ils ne changent d'avis ; j’atterris juste à coté de l'homme qui a pris ma défense quelques minutes plus tôt. Heureusement que les supporters sont solidaires, sinon je n'aurais probablement pas pu suivre la partie jusqu'à la fin. " Premiers match, alors ? " j'entends à côté de moi. " Exact. Mes patrons m'ont offert cette place, ils m'ont dit qu'il fallait absolument que je vois les Yankees pendant mon séjour ici et maintenant je comprends pourquoi... même si je n'y connais pas grand chose. " dis-je alors avec une pointe d'humour. J'espère qu'il n'est pas de ceux qui pensent que si on ne s'intéresse pas au sport, on a rien à faire dans ce stade. " Je m'appelle Sienna, au fait... et vous ? " je demande au moment où les écrans affichent les vestiaires en gros plan et où les joueurs sortent les uns après les autres. Il a l'air de s'y connaître, mon voisin. Peut-être que pour les prochaines heures j'en apprendrai beaucoup sur ce sport grâce à ses lanternes ?

HJ:

Un large sourire se peint sur mon visage à l'évocation de la facilité d'apprentissage du jeu qui nous attire tous ici ce soir. Moi qui n'y comprend rien du tout maintenant... est-ce que ce serait un miracle si à la fin je comprenais les tenants et les aboutissants du base-ball ?

Son prénom sonne bien à l'oreille. Damian. Pas très courant il me semble, pourtant c'est un beau prénom. Et Matthew, son collègue, qui me fait signe à coté. " Enchantée vous deux ! Je pense qu'on va passer les prochaines heures côte à côte, pour le coup. " Je lève la main pour lui rendre la politesse puis suis attirée par le jeu qui reprend. Il s'agit de ne pas en perdre une miette. Le beau brun semble un peu taciturne, sur la réserve. Je ne sais pas trop ce qui m'intrigue dans son comportement. Finalement il parle de lui-même, je comprends qu'il est concentré sur le jeu. Il doit être là à tout les matchs, non ?  « Joli strike... Arriver à frapper la balle dans une zone bien définie, entre le milieu de buste et les genoux. » me dit-il en guise d'explication. Je pousse un soupir de compréhension, heureuse de pouvoir enfin détecter les rouages du baseball. Les manches s'enchaînent, ponctuées de quelques explications éparses de la part de mon voisin. Lui et son collègue se parlent tout bas et échangent certainement sur le déroulement du match, ou autre chose... J'aimerais être une petite souris pour pouvoir épier leur conversation. Finalement je commence à comprendre ce qu'est un "beau jeu", le rôle de chaque joueur, le déroulement de la compétition de ce soir. Petite victoire personnelle pour moi.

Les supporters continuent de scander " let's go Yankees " tel une prière au Dieu du baseball. Elle semble être entendue puisque les Yankees mènent de loin. " Il me semble que l'on va gagner, ce soir ! " je dis à mon voisin. " Vous venez souvent au match j'ai l'impression ? "

L'ultime manche est en train de se jouer. Le joueur vedette se positionne sur le terrain, joueur que Damian a l'air d'apprécier. La tension est à son comble dans les tribunes, le coup final est porté et... les Yankees de New-York sont déclarés vainqueurs. Je me lève en même temps que tout les autres supporters, Damian et moi nous retournons l'un vers l'autre d'un même mouvement et je sautille de joie, yeux pétillants, sourire déployé. Mes patrons ont eu raison : c'était à voir ! Je lève les bras en signe de victoire et entame une danse approximative qui doit en faire rire plus d'un ; avant de passer mon bras sous celui de Damian pour célébrer le moment. " On leur a mis la paté ! " dis-je d'un air revanchard. Le pire c'est que je ne suis à NY que depuis 10 jours, qu'est-ce que ça sera dans six mois ?

HJ:

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