"Au diable les rêveurs qui, ne tenant pas debout, se lient des bagues aux doigts.."
Saez - On meurt de toi
Le café préféré de Thomas bordait Central Park et c'est là, emmitouflé dans une chemise blanche, un costume noir sous un manteau long aussi noir, les yeux cachés derrière une paire de lunettes de soleil que le batteur tuait son samedi après-midi. Strauss s'était assoupi sur ses Doc Martens et semblait oublier le monde, la circulation et les premiers chants d'oiseaux qui s'entremêlait dans l'air de New-York.
Les vapeurs de tabac et de thé à la violette ne faisait qu'une en atteignant le visage de Thomas, le soleil lui chauffait la peau et l'homme soupira de contentement en avalant la dernière gorgée du breuvage. Sa main vint se perdre dans ses cheveux, dans ceux du chien et finalement s'éleva dans les airs pour interpeller le serveur. C'était son troisième thé, ce ne serait pas le dernier. A son poignet, la montre pointait seize heures.
Il avait passé de nombreuses heures sur cette terrasse au cours des trois dernières années, souvent en binôme avec le chien aux allures de sauvage, parfois accompagné d'une demoiselle aux airs de civilisations. Eden était de celles-là. Thomas l'avait fréquentée en arrivant à N-Y, le temps de quelques mois. Rien de sérieux, juste ce qu'il faut pour ne pas se lasser juste de quoi occuper les nuits et les après-midi.
Thomas n'avait jamais senti la différence d'âge entre eux mais il avait très vite espéré qu'Eden ne ferait pas l'erreur de s'enticher de lui. Il avait le sentiment que, l'un comme l'autre, ne cherchaient pas à bâtir quelque chose mais à trouver quelqu'un qui aiderait à tuer le temps. Tom se mit, tout en cherchant une réponse au fond de sa tasse, à se demander si Eden était aussi désabusée que lui. Probablement que non, elle ne l'était pas encore. Certains soirs, il en venait à maudire les rêveurs, les naïfs et autres idéalistes, ceux qui croient encore que l'amour est fait pour eux, que le bonheur leur est dû.
Il espérait qu'Eden ne s'entiche pas de lui pour qu'elle continue à croire en tout ça, au bonheur, à l'amour et toutes ces sornettes. C'est donc avec un plaisir relatif qu'il avait appris qu'elle s'était mise en couple, un an et demi plus tôt. Leur relation avait alors évoluée différemment, vers quelque chose d'aussi bon enfant qu’ambigu. C'était peut-être ce qu'il préférait : les non-dits, les incertitudes et la tension.
Instinctivement, il tâta la poche de sa veste à la recherche de son téléphone et rédigea un bref message à l'égard de l'objet de ses pensées.
Un thé à la violette, c'est chouette. Un thé à deux c'est mieux !
Il y a longtemps qu'il avait arrêté de faire semblant. Eden était une femme sympathique, attirante et Thomas ne s'était jamais caché de le penser. Il se ralluma une cigarette d'une main, la seconde perdue dans la fourrure de Strauss qui était venu poser la tête sur le genou de son maître.
Il n'avait qu'à attendre une réponse, ou de la voir débarquer, le soleil dans le dos. Si elle venait, tant mieux : il aura une main à caresser d'un air faussement naïf, taquin et ordinaire. Si elle ne venait pas, qu'importe ?
Invité a posté ce message Jeu 14 Mar 2019 - 22:03#
La matinée a été plutôt longue. Elle adore son boulot, c’est la partie de sa vie qu’elle préfère, pour dire, mais parfois, c’est trop pour elle. Trop fatiguant, épuisant même, aussi physiquement que mentalement. Elle en a fait l’une de ses priorités, et pourtant il lui faut du temps en dehors. Ca fait quelques temps qu’elle n’a pas pris de vrai repos. Elle est tellement dedans qu’il lui arrive même de travailler sur ses jours de repos, et elle a beau savoir que ce n’est absolument pas sain, elle ne peut pas s’en empêcher. Aujourd’hui est une de ces journées où elle a besoin de souffler. Elle ne va pas directement aller s’enfermer chez elle. Elle veut profiter du temps qu’il fait, certes pas estival, mais le soleil est quand même là. Prendre l’air. Pourquoi pas aller courir pour évacuer. Bien sûr, Bart sera de la partie, alors elle doit repasser chez elle rapidement pour le récupérer, se changer aussi, elle se voit mal aller faire son jogging en jean et en bottines à talons. Quinze heures, elle met les pieds dans Central Park. Legging, pull polaire, baskets fluo et queue de cheval se balançant de gauche à droite au rythme de ses foulées, la voilà partie, Bart devant elle. Les écouteurs dans ses oreilles diffusent une musique entrainante, sans paroles. Ca l’aide à se concentrer, à ne plus penser à rien. Tout est idéal, honnêtement, et elle rêve déjà de la longue douche brûlante qu’elle prendra en rentrant. Elle se demande vaguement ce qu’elle fera par la suite, peut-être passer voir Mila, ou Aiden, si l’un des deux à lui accorder. Elle sait juste qu’elle n’a pas spécialement envie de passer la soirée chez elle non plus. A croire que son loft ne lui sert absolument à rien, à part recevoir son courrier. Mais elle est comme ça, elle n’aime pas l’immensité du lieu qui lui parait bien trop vide à chaque fois. Mais en même temps, elle n’aurait jamais pu vivre en colocation. Elle n’a pas à se creuser la tête bien longtemps puisqu’elle reçoit un message tout de suite après avoir fini sa course, alors qu’elle retournait vers le métro. Sourire aux lèvres, elle change de direction au dernier moment. ‘Commande moi un café, j’arrive.’ Répond-elle en traversant la rue. Pas besoin de demander où il l’attend, elle connait l’endroit par coeur pour y être allée plusieurs fois avec lui. Sans surprise, il se trouve exactement là où elle s’y attendait. Son café est même déjà sur la table, prêt à être englouti. Elle se voit déjà se jeter dessus avec avidité. Arrivée à sa hauteur, derrière lui, le sourire aux lèvres, elle pose ses mains sur ses yeux, sachant pertinemment qu’il n’aura aucun mal à deviner de qui il s’agit. Elle ne reste pas longtemps comme ça, retirant ses mains bien vite avant de se pencher pour déposer un baiser sur sa joue pour le saluer. Purement amical, bien sûr, même si on pourrait s’y méprendre en les regardant de plus près. « Tu excuseras mon allure, j’étais partie courir. » Bart, visiblement épuisé, s’allonge à ses pieds, et elle demande immédiatement de quoi le faire boire. « Alors, je te manquais ? » Demande-t-elle à Thomas une fois son chien servi en eau, un sourire taquin au coin des lèvres.
