bad luck / miles

D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, elle a toujours fêté la St Patrick. Que ce soit plus jeune en Angleterre, ou depuis qu’elle est arrivée aux Etats-Unis, elle a toujours mis un point d’honneur à honorer ses anciens voisins irlandais. Elle même de distants cousins venant du pays des leprechauns, du côté de son père. Elle ne les a jamais vus de sa vie, mais ça lui a toujours suffi comme prétexte pour fêter ce jour. Bien sûr, elle ne s’est réellement ‘lâchée’ que depuis qu’elle a quitté l’emprise critique de ses parents. Vêtue de vert, un drapeau vert, blanc et orange sur une joue, un trèfle à quatre feuille sur l’autre, la voilà partie pour suivre la parade. C’est plus une excuse pour sortir et boire, mais elle apprécie l’ambiance générale dans la rue ce jour-là. Elle a été plutôt raisonnable jusqu’ici. Elle n’en est qu’à sa première bière, mais elle sait que ce ne sera pas la dernière. Elle n’est pas venue seule en plus, mais elle a depuis longtemps perdu la trace de Mila avec qui elle est venue. Son amie a dû trouver quelqu’un de plus intéressant qu’elle, et elle ne peut pas vraiment l’en blâmer. Après tout, le but aussi de cette journée, en tout cas pour elle, c’est de faire de nouvelles rencontres. Bon, pour le moment, ce n’est pas franchement une réussite. Elle se contente de suivre la parade et les nombreux chars des yeux, en restant sagement à sa place et en sirotant sa bière. Bière qui coute un bras au passage, et qu’elle savoure pour ne pas devoir se resservir trop souvent. Seulement, elle a beau y faire attention comme à la prunelle de ses yeux, à un moment donné avec le monde qu’il y a autour d’elle, elle ne peut pas faire de miracles. Et de nulle part, un type vient la bousculer. Vraisemblablement poussé par quelqu’un d’autre (une bagarre ?), il s’étale au sol mais Eliza n’a pas l’occasion d’essayer de l’aider, puisqu’elle se retrouve elle-même projetée dans un inconnu qui se trouvait derrière-elle. « Merde » souffle-t-elle en voyant sa bière et son téléphone qu’elle tenait dans son autre main finir leur course sur le sol. Elle n’a pas un mot pour la personne qu’elle vient de bousculer, trop préoccupée par la recherche de son téléphone. Elle s’en souciera plus tard, mais toute sa vie est dans cet appareil, et elle n’a définitivement pas les moyens de s’en offrir un autre.

Quel meilleur moyen de célébrer la Saint Patrick que de descendre dans les rues new-yorkaises et de boire plusieurs bières ? Miles n’en a jamais trouvé et ce, depuis qu’il est adolescent. Peut-être qu’il pourrait aller en Irlande mais en attendant, New York fait très bien le change. Il n’a absolument aucun sang irlandais, mais ça ne l’empêche pas de chanter des chansons dont il ne connait pas les paroles exactes mais qu’il chante à tue-tête tout de même, tant qu’il est dans la foule. Il était venu avec deux amis, qui ont tous les deux fini par partir travailler mais lui, est resté. Pourquoi serait-il parti ? Dans ce genre de fête, on n’est jamais vraiment seul, et Miles s’amuse bien trop pour envisager de rentrer. Il a sa journée et compte bien en profiter. Une nouvelle bière à la main, il acclame le char qui passe avec des Leprechauns pas très habillés. Il n’est pas le seul à le faire et Miles, il adore ça. Il se laisse porter par la foule autour de lui et sait que la journée sera excellente. Il devrait peut-être ralentir sur les bières s’il veut continuer de tenir debout, surtout qu’il a quelque chose de prévu ce soir, mais pour l’instant, il n’y pense pas. Il bouge un peu, trinque avec des inconnus et… s’arrête net juste avant que son pied ne se pose sur une forme noire. Il ne sait même pas pourquoi il regardait le sol à ce moment précis, mais heureusement. Il se penche entre les fêtards pour ramasser le téléphone en question, et cherche du regard la personne qui pourrait être en train de le chercher. Il allume l’écran, mais ne trouve pas de photo du propriétaire en fond d’écran. Autant dire que ça ne l’aide pas. Alors il se déplace un peu, interroge quelques passants, sans résultats. Jusqu’à voir une paire de fesses, appartenant à une personne qui regarde au sol. Il s’approche et tapote dans son dos. « Ça ne serait pas à… ? » Pas le temps de finir sa phrase parce que la propriétaire des fesses se tourne vers lui et il la reconnaît. « Eliza ? Bah merde alors ! »