can't help myself (miles)

Un sourire, une porte fermée masquant à peine la musique de la fête qui a lieu à l’intérieur, et Miles tourne les talons pour reprendre l’ascenseur. Dernière livraison de la soirée, le restaurant doit déjà être fermé, à moins de clients retardataires, et pour lui, il est l’heure de rentrer. On lui avait bien proposé de rester à cette fête où il avait livré une demi-douzaine de pizzas, mais il avait refusé. Là, alors qu’il enfourche son vélo, il a surtout envie de son lit. Il a l’impression d’avoir couru partout ce soir, et envisage un bon bain avant de se mettre sous la couette pour une nuit réparatrice. Un plan parfait selon lui. Rien de prévu demain, il pourra même traîner au lit autant qu’il le voudra. Peut-être essayer de prendre son ordinateur et d’écrire quelques mots pour son roman. Ou peut-être pas. En tout cas, il pédale en direction de son quartier, quand il est surpris par la sonnerie de son téléphone. Qui l’appelle à cette heure-là ? Une dernière livraison de dernière minute ? Il s’arrête au bord du trottoir et sort son téléphone, étonné de voir le nom de Mila s’y afficher. A-t-elle besoin de quelque chose avant qu’il ne rentre à l’appart ? En décrochant, il comprend rapidement la raison de son appel tardif. Un trop plein d’alcool peut avoir cet effet. Déjà que sans alcool, il n’a pas un sens de l’orientation à toute épreuve. Sans, c’est bien pire. Il répond positivement à son amie, avant de mettre l’adresse dans son téléphone. Vingt-cinq minutes en vélo. Il envisage de prendre un métro plutôt mais il devrait porter son vélo, et n’arriverait pas forcément plus vite. Alors à nouveau, ce sont les pédales qui l’emmènent à travers les rues de la ville. Le pont traversé, il se retrouve à Manhattan, et continue de rouler, évitant soigneusement les voitures, toujours présentes, quelque soit l’heure. Enfin, il arrive à destination, et voir Mila lui faire signe, depuis le trottoir devant la boîte de nuit. Il descend de son vélo en arrivant à sa hauteur, et le tient d’une main. Il lève les yeux au ciel quand elle l’accueille par une plainte. Ça lui apprendra à venir à sa rescousse tiens. Heureusement, elle le remercie ensuite. « Pourquoi est-ce que j’aurais changé d’avis ? Je suis un ami génial. » En toute modestie. Mais jamais il n’aurait laissé Mila seule, ou n’importe qui d’ailleurs. « Ça va en fait, tu tiens toujours debout. Je m’attendais à pire vu ta voix au téléphone. Même si t’as une sale tronche. » Il espère surtout qu’elle ne va pas vomir, parce qu’il risquerait de l’imiter s’il la voit faire. Et ça ne faisait clairement pas partie de son programme de ce soir. « Bon je te propose pas de monter derrière moi à vélo, j’ai lavé mes cheveux ce matin, j’ai pas trop envie que tu me vomisses dessus. On va se trouver un métro ? »

« A cette heure-là, j’ai rien trouvé d’autre. » A son tour d’hausser les épaules. Comme s’il allait laisser Mila seule, ivre et dehors de toute façon. Même s’il aurait préféré aller se mettre au lit, il n’avait pas eu besoin de réfléchir avant d’arriver ici. Le bonus qu’il a trouvé à cet acte de bonté est simple : se moquer de Mila. C’est vrai qu’elle semble crevée et donc elle n’a pas bonne mine. Elle peut être beaucoup plus belle selon Miles, non pas qu’il ira le lui dire. Elle risquerait de prendre la grosse tête, et il veut lui éviter ça. « Je pense que tu devrais vraiment attendre de croiser un miroir avant de dire des choses comme ça. » Enfin pour trouver un miroir, il faut déjà qu’ils rentrent. Même s’il pressent que Mila s’échouera vite sur son lit, sans passage par une salle de bain. Tenir debout jusqu’à la prochaine station de métro promet d’être un défi important, mais Miles doit sans doute pouvoir l’aider. S’il avait réfléchi, il n’aurait sans doute pas pris son vélo, mais il était parti directement, sans penser qu’il faudrait la ramener et qu’il ne pourrait donc plus pédaler. « Merci. Parfum noix de coco, t’en penses quoi ? » Il se passe une main dans les cheveux, sans avoir peur du ridicule. Dans son état, Mila ne s’en souviendra peut-être même pas. Et la voilà qui râle à l’idée de marcher, râle de ne pas pouvoir monter sur son vélo. Miles lève les yeux au ciel tout en passant son bras sous celui de Mila pour commencer à marcher. L’alcool la rend râleuse, il l’avait déjà constaté. Enfin elle paraît plus drôle quand il a bu aussi, ce qui n’est pas le cas ce soir. « Tu pourras monter dessus demain. Si tu arrives à sortir du lit. » Et ça aussi, elle aura sans doute oublié. Miles, il n’aime pas avoir quelqu’un derrière lui à vélo, parce qu’il aime aller vite et que c’est tout de suite moins pratique. « Alors, dis-moi... tu fêtais quoi ce soir ? T’as oublié de m’inviter je crois. » Il travaillait, certes, mais elle aurait pu lui proposer. Surtout si c’était pour l’appeler quelques heures plus tard pour lui demander son aide.

« Ça te ferait relativiser et tu réaliserais qu’en fait, je suis loin d’avoir une sale tête. » Certes, il ne s’est pas regardé dans un miroir depuis qu’il est parti pour le travail, mais ça peut difficilement être pire que Mila. Enfin il insiste pour se moquer d’elle, mais malgré son état, elle est loin d’être moche. Ça serait nouveau. « J’ai lu dans un magazine que ça les abimait de les laver trop souvent, alors je résiste à l’envie. » Un magazine pour filles sans doute, mais des cheveux sont des cheveux. Et puis il n’a pas l’impression d’avoir besoin de le faire plus souvent, même s’il aime l’odeur et la sensation sur sa tête le jour où il les lave. Enfin tant que Mila peut éviter de lui vomir dessus, ça lui conviendra. Et pour ça, mieux vaut éviter qu’elle monte sur son vélo, malgré l’envie de la jeune femme. Il préfère la soutenir du bras, faisant rouler son vélo de l’autre, jusqu’au métro. Ce qui n’est pas aussi facile qu’il y paraît, mais ils devraient arriver en un seul morceau. « Tant pis pour toi alors. » Vu l’état dans lequel elle risque d’être, ça ne serait sans doute pas une bonne idée. Mais ça pourra toujours être une autre fois. Plus probable si Miles est dans le même état qu’elle après une bonne soirée. En général, c’est le cas. Il ne manque donc pas de le faire remarquer à Mila, feignant d’être vexé de ne pas avoir été invité. Même s’il travaillait et n’aurait pas pu venir dans tous les cas. Mila confirme qu’elle aurait voulu qu’il vienne, mais qu’il n’était pas là. Sans doute déjà parti travailler. « Et oui, certains travaillent. Tu verras quand tu seras grande ! » Il joue les moralisateurs, rôle qui ne lui va pas du tout. Il aurait voulu être libre et s’amuser avec Mila, ç’aurait été beaucoup mieux. « Ah parce que tu crois que t’es amusante toi ? T’es surtout lourde en fait. » Et pour illustrer son propos, il bouge un peu le bras qui la soutient, avant de la rattraper avant qu’elle ne bascule vers le sol. « T’as trop bu et moi pas assez, c’est pas le bon plan. Mais rien n'est perdu. » Il n’a même pas bu du tout, peut-être qu’il devrait rattraper son retard. Mais là, Mila a surtout besoin de son lit, et ils n’y sont pas encore. Alors au lieu de continuer d’avancer, il s’arrête, tenant toujours Mila. Son vélo appuyé contre un mur, il sort son téléphone et appuie sur une playlist de musique au hasard. « T’es encore capable de danser ? » Il commence à rouler des hanches sans la lâcher, alors qu’il reconnaît la musique. Il y a bien longtemps qu’il ne l’a pas entendue, mais il a toujours les paroles en tête et commence à les chanter. Il trouve qu’elle lui correspond bien cette musique. I’m sexy and I know it.

Miles a déjà vu Mila ivre maintes et maintes fois, mais alors que lui est complètement sobre, c’est une première. Et c’est loin d’être aussi amusant, surtout quand il doit la ramener chez eux et subir ses moqueries alors qu’il est venu la sauver héroïquement. « Je dois le prendre comment ? » Miles, il assume pleinement de lire des magazines féminins. Il apprend toujours un tas de choses, et il estime que la plupart des hommes devraient le faire. Certains en auraient bien besoin en tout cas. « Mais oui, t’es très grande. » Elle a la chance de ne pas devoir travailler en plus de ses études, elle a raison d’en profiter après tout. Au moins, elle peut sortir comme ça, quand elle le souhaite. Miles aurait bien voulu l’accompagner ce soir mais il travaillait, donc ç’aurait été impossible. Même la rejoindre pour boire et danser après sa soirée de livraisons, il n’est pas certain qu’il en aurait été capable. « Je peux te lâcher alors ? » Il a déjà tenté de le faire un peu, ça n’a pas été un franc succès. A se demander comment elle fait quand il est trop ivre aussi pour la supporter comme il le fait ce soir. Peut-être que comme ils sont dans le même état tous les deux, ça fonctionne mieux. Enfin il ne va pas boire chez eux, mais plutôt se mettre au lit aussitôt Mila couchée. En revanche, danser, il peut encore le faire, même en pleine rue. Il ne met quand même pas la musique trop fort, parce qu’il n’est pas ivre et sait qu’il y a sans doute du monde qui habite dans la rue, et commence à danser tout en reprenant les paroles de la chanson. Elle trouve quand même le moyen de critiquer, tout ça parce qu’elle est incapable de danser comme lui le fait. Même s’il ne se lâche pas complètement, justement parce qu’il ne peut pas la lâcher. Ni la faire tourner, au risque de la faire vomir. Ce qu’il essaye d’éviter depuis qu’il l’a retrouvée. Une fois la chanson terminée, Mila promet de ne plus sortir sans lui. Ce n’était pas forcément ce qu’il voulait prouver mais il accepte l’idée. « Qui est-ce qui tue l’ambiance maintenant ? T’es trop fatiguée pour t’amuser ? » Miles sourit, tout en éteignant son téléphone. Ça tombe bien, la chanson qui commençait lui plaisait moins. Et puis il a bien envie de regagner son lit aussi. « Allez, on rentre si c’est comme ça. » Il récupère son vélo et peut reprendre sa marche avec Mila sur un bras et le guidon sous l’autre. « T’as mangé un peu au moins ce soir ? » Pour le coup, pas étonnant qu’elle trouve qu’il n’est pas amusant, mais il s’inquiète réellement. Il a l’impression qu’elle est en très mauvais état. Mais encore une fois, ça pourrait être parce que lui, est sobre.

« Tu n’en lis pas toi ? Tu devrais peut-être, pour avoir meilleure mine. » Elle peut très bien en lire ou non, Miles s’en fiche en vérité. Chacun fait ce qu’il veut. Mais lui, il se fiche bien que ça lui donne un air ‘soigné’ comme elle dit. Il apprend toujours des choses et il ne compte pas arrêter. Il n’a pas encore d’abonnement parce qu’il n’a pas de magazine préféré, mais peut-être qu’il devrait y penser. Enfin pour l’instant, il a autre chose en tête. Ramener Mila à la maison. Mais il est détourné de cette mission le temps de lui prouver qu’il est encore amusant, même quand il n’a pas fait la fête avec elle et arrive au moment où elle est terminée. Pour la partie un peu moins agréable d’ailleurs. Une fois sa petite danse effectuée, ils peuvent alors reprendre leur chemin. Même s’il en plaisante, Miles a vraiment l’impression que Mila ne va pas bien. Il ne sait pas s’il l’a déjà vue dans cet état. En tout cas, elle n’avait jamais eu besoin de l’appeler ainsi auparavant. « T’as eu de la chance. A dix minutes près, j’étais dans mon lit et quand c’est comme ça, impossible de me réveiller. » Surtout qu’il aurait mis son téléphone sur silencieux – enfin s’il y avait pensé – pour ne pas être dérangé avant le lendemain matin, le plus tard possible. Mais de toute façon, il est là pour elle, et ils peuvent avancer vers la bouche de métro la plus proche, même si la position n’est pas des plus confortables. Il sourit quand elle lui avoue ne pas avoir mangé depuis cet après-midi. Pas étonnant qu’elle soit dans cet état donc si elle n’a rien dans l’estomac. « En fait, c’est un miracle que tu tiennes debout. Même si ce n’est pas parfait. » La preuve, elle aurait un peu plus de mal à tenir s’il la lâchait, mais il ne compte pas essayer pour de vrai. « S’il me restait une pizza, c’est que je n’aurais pas bien fait mon boulot. » Heureusement, il a tout livré. Ça arrive parfois qu’on ne lui réponde pas et qu’il se retrouve avec une pizza sur les bras, ce qui n’est pas vraiment pratique. Mais ça reste très rare. En général, quand on commande une pizza, c’est pour la manger. « Tu veux manger un truc ? » Il ressort son téléphone, cette fois pour chercher quelque chose d’ouvert à proximité. « Y’a un fast-food juste au coin de la rue… là-bas. Un truc bien gras, ça devrait te plaire, non ? » Lui aussi il se pourrait qu’il ait faim. Ils pourraient très bien attendre d’être rentrés pour ça mais ils ne trouveront pas de frites grasses à l’appartement. Quelle tragédie.