your love was handmade for somebody like me / isis

Pourquoi avait-il posé la question ? Owen le regrette fortement, parce qu’il a l’impression que tout a changé en une demi-seconde. Tout se passait pourtant bien, même s’il restait stressé mais peu à peu, Isis aurait réussi à le mettre plus à l’aise, surtout autour d’un bon repas. Là, c’est elle qui a l’air de ne plus vouloir être là. Elle ne parle plus, son visage semble complètement fermé alors qu’il exprimait beaucoup de choses avant. Mais il le comprend tout à fait. Tout ça doit être extrêmement dur pour elle. Ne pas savoir. Supposer le pire. Espérer le meilleur, sans qu’il arrive pour autant. Rien n’arrive finalement, et c’est sans doute ça le pire. Il voudrait pouvoir aider, mais il sait qu’il en est incapable. Tout ce qu’il peut faire, c’est la serrer contre lui, tout en sachant que ça ne guérira rien. Son père sera toujours porté disparu, et elle sera toujours triste. Mais un câlin, ça peut apaiser un peu, juste pour un instant. Et il n’a rien d’autre à lui proposer de toute façon. Ses bras autour de ses épaules, il ferme les yeux un instant, s’attendant à une réaction de la part d’Isis. Elle finit par poser une main dans son dos, mais c’est tout. Il n’entend pas de sanglots, la sent toujours aussi tendue. Il rouvre les yeux et fait un signe négatif de la tête au serveur qui les regarde. Il respire son parfum et il voudrait qu’elle se sente bien, comme lui. Mais pour ça, sans doute aurait-il dû éviter de poser cette question. Pourtant ça paraissait normal d’en parler, quand ç’avait été le sujet de plusieurs de leurs lettres et qu’il avait bien vu son inquiétude au travers de ses mots. Elle finit par se détacher de lui, et lui assure qu’elle va bien. Il n’y croit pas vraiment, mais n’insiste pas. Owen ne s’attendait pas à un miracle, mais est tout de même déçu. De lui surtout. C’est lui qui a tout gâché. Le serveur de tout à l’heure revient vers eux et ils peuvent le suivre jusqu’à une table. Il ne sait pas si l’ambiance s’apaisera pour le repas, mais il l’espère sincèrement. Il était heureux de la rencontrer, et ça semblait être réciproque. Il espère que sa toute petite bêtise ne gâchera pas tout. Il tire une chaise pour Isis avant de s’assoir en face d’elle. Le serveur leur donne un menu chacun, mais Owen pose le sien sur la table pour observer Isis. Il ouvre la bouche une fois, puis se ravise. Elle ne veut plus en parler. Et quoi qu’il ait à dire, ça ne changera rien à la situation. « Tu te plais à la boutique d’antiquités ? Tu y bosses à temps plein ou tu es toujours étudiante ? » S’il veut garder espoir que les choses s’apaisent, il vaut mieux changer de sujet. Quelque chose où il ne risque pas grand-chose en théorie. « Enfin… tu n’es pas obligée de parler. Si tu as d’autres questions pour moi, je peux faire le plus gros de la conversation. » Peu importe ce qui la met le plus à l’aise, il est prêt à faire l’effort. Tant qu’elle sourit à nouveau. Ce joli sourire qu’il vient de découvrir et qui lui manque déjà.

Owen se doute que tout n’est pas résolu et qu’une étreinte n’a pas suffi à effacer la peine d’Isis, mais il est tout de même heureux qu’elle parle à nouveau. Elle semble sortie de sa coquille, et ça lui suffit pour l’instant. Il ignore si lui, en aurait été capable. Peut-être maintenant, oui, parce qu’il a muri mais quand il avait perdu des proches, il s’était complètement refermé sur lui-même, ne laissant que le sarcasme l’emporter. Il avait été idiot à l’époque, et l’adolescent un peu bouffon qu’il était avait pris de mauvaises décisions. Pourtant, ce sont celles-ci qui l’ont amené où il en est aujourd’hui. Doit-il donc les regretter pour autant ? Mais peu importe ce qu’il en pense, parce que toute l’érudition du monde ne lui permettra pas de revenir en arrière. Tout ce qu’il peut faire, c’est regarder vers l’avant, et commencer par profiter de ce repas en compagnie d’Isis. Elle semble savoir où elle va, aimer ce qu’elle fait. En effet, ses journées doivent être bien remplies mais quand on aime ce qu’on fait, ça ne pose pas de problème. « Tant mieux alors, je suis heureux pour toi. Et il faut croire que tu es meilleure pour t’organiser que tu ne le penses. » Isis donne à la fois l’impression d’être une femme forte et qui sait ce qu’elle veut, mais aussi d’avoir ses faiblesses et de parfois manquer de confiance en elle. Owen la trouve très touchante et sent déjà qu’il s’y attache à nouveau, comme il avait pu le faire dans leurs échanges par courrier. Ça ne le surprend pas exactement, mais il ne s’attendait pas à ce que ça soit si rapide. A ce que ça paraisse si naturel dès le début. Alors quand c’est à son tour de parler de lui, il le fait sans problème, évoque ses hésitations concernant sa vie d’homme libre et son futur. Ça paraît peut-être étrange de tout recommencer à son âge, et il est l’un des plus âgés dans ses cours, mais ça le rend heureux alors il sait qu’il a pris la bonne décision. Et il estime que son rêve n’a rien d’impossible. Ce n’est pas comme s’il voulait se mettre au stand-up. « Pas vraiment non… je suppose que j’ai souvent pris mes décisions par défaut, parce qu’elles se présentaient à moi simplement, mais ce n’était pas ce que j’aimais vraiment. » Et sans doute que son passage par la case prison n’a rien arrangé. Se retrouver encore dans les forces de l’ordre, peu importe son rang, ça ne l’intéressait pas. Il est encore un peu dans ce corps de métier pour l’instant, mais à ses yeux, ça n’a rien à voir. La plupart du temps, son métier consiste à séparer deux drogués qui se battent dans la salle d’urgences. Et ce n’est que temporaire. Sa véritable ambition étant de pouvoir travailler dans un restaurant bientôt. Vocation qui semble étonner Isis, avant qu’elle n’y trouve un avantage. Owen observe ses joues rougir, et se demande si elle pense à la même chose que lui. Il essaye de se concentrer sur le menu, mais ses pensées vont déjà vers un second rendez-vous avec Isis. S’ils sont chez lui, seuls, ça sera sans doute plus compliqué de se concentrer. A nouveau, le contenu de leurs lettres grivoises lui revient en tête. Il faut dire que c’était chaud comme une baraque à frites, si bien qu’Owen n’ose pas répondre, de peur qu’elle puisse comprendre ce à quoi il pense. Alors que l’idée d’un second rendez-vous avant même qu’ils n’aient terminé le premier le rend terriblement heureux. Isis finit par reprendre la parole, ce qui permet à Owen de se reprendre, alors qu’il n’a toujours pas vraiment étudié le menu. « Je pense que oui, enfin je n’ai encore empoisonné personne. Mais tu pourras le vérifier par toi-même un jour ou l’autre. » Il reste vague, alors que s’il s’écoutait, il proposerait qu’ils fassent ça demain soir. Mais il doit rester un tant soit peu raisonnable. Leur laisser le temps d’apprendre à se connaître à leur rythme, sans trop presser les choses. Il a déjà failli tout gâcher, il ne veut pas recommencer. Le serveur ne tarde pas à arriver, et il prend la commande d’Isis, pendant qu’Owen regarde le menu en quatrième vitesse. « Je vais prendre une pizza quatre fromages. » Il repose le menu, avant que le serveur ne l’interroge sur le choix de boisson. « Pour moi, ça sera un verre de vin rouge… Celui-ci. » Dit-il en montrant le menu, ayant reconnu un nom de vin. Après quoi, le serveur se tourne vers Isis, attendant son choix. Une fois qu’elle l’a fait, il repart et ils se retrouvent à nouveau seuls, tous les deux. « Si ton envie de pizza revient, tu pourras me prendre une part. Je ne suis pas sûr d’avoir assez faim pour une pizza entière de toute façon. »

Il ignore si Isis va vraiment mieux ou si elle fait illusion pour lui faire plaisir. Si c’est le cas, elle est bonne actrice. Peut-être pas aussi bavarde et enthousiaste que tout à l’heure, mais les choses semblent revenir à la normale. Et ça lui fait du bien. Ils parlent simplement, de leurs vies, de leurs espoirs. Une conversation qui pourrait tout à fait correspondre à un premier rendez-vous. Après tout, même s’ils se connaissent déjà, savent sans doute des choses l’un sur l’autre que beaucoup ignorent, quatre ans sont passés depuis la dernière fois qu’ils ont échangé des mots. Beaucoup de choses ont changé dans leur vie, même si dans le cas d’Owen, les changements sont assez récents. Et pas des plus passionnants selon lui, même si Isis semble s’étonner qu’il ait choisi la cuisine. Lui non plus, ne se serait pas imaginé là-dedans il y a cinq ans. Mais le choix paraît vraiment logique, et il ne pense pas le regretter. A moins d’apprendre qu’en vérité, il n’est pas doué pour ça, mais pour l’instant, ça ne se passe pas trop mal. Enfin il n’a empoisonné personne, comme le suggère Isis. Ni en prison d’ailleurs, même s’il ne faisait rien de très travaillé là-bas. C’est ce qui a réveillé cette envie chez lui, même s’il n’avait jamais arrêté de cuisiner. Pas comme un travail, mais pour lui, pour ses proches. Finalement, il pourrait en faire une carrière, s’il a de la chance. Et une carrière qui lui plairait. « Je vais peut-être éviter oui, surtout que je sors à peine de prison. Ça ferait suspect. » Et encore une fois, il pourrait être emprisonné alors que là, il ne l’aurait pas fait exprès. Mais à moins de mettre des aliments dangereux dans ses plats, ça ne devrait pas arriver. Il y a bien un poisson qui, mal cuisiné, peut être dangereux, mais Owen n’a pas prévu de s’y attaquer tout de suite. « Si ça te tente bien sûr. Tu peux même passer commande d’un plat en particulier, dans la mesure où je sais à peu près le cuisiner… » Il ne veut pas non plus trop s’avancer, ni dans sa réussite culinaire, ni dans la possibilité qu’elle accepte de venir manger chez lui. Mais il a envie d’être optimiste, au moins une fois. Il a envie que ça fonctionne entre eux, même s’il va sans doute un peu trop vite. Le serveur arrive à ce moment-là, et ils passent commande tous les deux. Le nez d’Owen se plisse une seconde quand Isis parle d’elle comme de quelqu’un qui a envie de boire. Lui aussi a pris de l’alcool mais c’est simplement un petit plaisir pour accompagner sa pizza. Mais il choisit de ne pas s’attarder là-dessus. Il a déjà abordé un sujet qui fâche, il ne va pas prendre le risque de recommencer. Surtout qu’il n’a aucune légitimité pour faire un commentaire. Elle n’a plus tellement d’appétit, ce qui paraît étonnant parce qu’il aurait presque pu entendre son ventre gargouiller tout à l’heure. Mais au moins, elle est toujours là, ils peuvent toujours discuter, et c’est le principal. « Ils proposent peut-être des doggy-bags, on verra bien. Enfin je ne t’oblige pas, c’est seulement si tu en as envie. » Et peut-être qu’il aura assez faim pour tout manger, il n’en sait rien encore. Tout va dépendre du goût de cette fameuse pizza. Il pose ses coudes sur la table, et se penche un peu en avant, regardant Isis sans trop la fixer pour autant. Mais elle est belle, très belle. Plus belle que sur les photos qu’il avait vues. C’est à son tour de poser une question, et Owen sourit à mesure qu’elle le fait, hésitant sans doute sur la façon de tourner les choses. Il n’est pas le seul à être gêné, et ça le rassure un peu. Il comprend qu’elle demande. Et à vrai dire, ça l’arrange, car il voudrait bien savoir la même chose. Après tout, en quatre ans, elle a largement eu le temps de trouver quelqu’un. Voire même plusieurs personnes, ce à quoi Owen n’aurait rien à redire. Et ce, même s’ils avaient continué de s’écrire des lettres endiablées. « Tu as tout à fait le droit de poser la question… Après tout, nous sommes en tête-à-tête dans un restaurant italien. » Il suggère que c’est un rendez-vous, sans pour autant le dire complètement. Il ne veut pas trop s’avancer. « Donc je ne vois personne en ce moment. Je vois mon ex assez souvent, mais ça se résume à Paige la plupart du temps… Je ne sais pas si tu t’en souviens, c’est ma fille. Je me suis surtout concentré sur elle et sur ma carrière depuis que je suis sorti. » Ce qui lui a déjà occupé pas mal de temps. Ça ne veut pas dire qu’il est fermé à rencontrer quelqu’un, loin de là. Il espère même peut-être l’avoir déjà fait. Mais il doit s’assurer de quelque chose d’abord. « Et toi alors ? Si ce n’est pas trop indiscret… »

« Je suppose que je peux prendre le risque. » Après ce moment de panique pendant lequel Isis s’était complètement fermée à lui, Owen est heureux de la voir sourire à nouveau. Alors il sourit aussi. Envisager dès maintenant un second rendez-vous, voire même plus, ça peut paraître fou. Et pourtant, ça lui semble terriblement logique. Il a l’impression de déjà la connaître et, de ce fait, n’a pas l’impression de griller les étapes. Pourtant, même si l’envie est présente, il ne se précipite pas trop. S’il a l’impression de connaître Isis par cœur, ce n’est pas exactement le cas. Il ne connait pas ses réactions, les expressions de son visage, ou même ce qu’il s’est passé pour elle ces dernières années. Il a déjà fait une bourde en parlant de son père, toujours porté disparu, il n’a pas envie de recommencer. Alors peut-être qu’il réfléchit trop, mais ça a toujours fait partie de sa personnalité. Par écrit, c’était plus facile. Pas besoin de tourner la langue sept fois dans sa bouche avant de parler. Il pouvait juste écrire des brouillons avant la lettre qu’il envoyait finalement, espérant toucher Isis avec ses mots autant que ceux de la brune le touchaient. Pour le choix du repas, il n’a pas besoin de trop réfléchir. Cependant, quand Isis lui avoue ne plus avoir beaucoup d’appétit, il se sent à nouveau coupable. Elle semblait pourtant mourir de faim avant. Il ne compte pas insister là-dessus, comprenant bien qu’il ne fera que lui causer plus de peine. Pleurait-elle derrière son stylo quand elle lui parlait de son père ? La question lui vient, et à cet instant, il aurait envie de l’enlacer à nouveau. De lui dire que tout va bien se passer, alors qu’il n’en a aucune idée. Mais elle semble déjà aller mieux. Ou elle fait bien semblant. Owen ne sait pas s’il doit en être heureux ou non. C’est qu’elle est triste tout de même, mais qu’elle tient assez à leur moment ensemble pour passer outre. Et, égoïstement, ça l’arrange un peu. Il n’avait pas envie qu’ils se quittent si tôt. Tout comme il n’a pas envie de penser à la fin du repas. Il veut juste profiter de la compagnie d’Isis, apprendre à la connaître encore plus. Et il a l’impression que c’est réciproque, surtout avec la question qu’elle lui pose une fois le serveur reparti avec leur commande. Si elle l’interroge sur sa vie amoureuse, d’une façon qui montre à quel point elle n’est pas à l’aise, c’est parce qu’elle est intéressée. Non ? Owen ne veut pas se faire d’illusion mais est-ce une question qu’on pose à un ami ? Peuvent-ils vraiment se qualifier d’amis ? Isis avait été sa confidente, et il s’était imaginé bien plus. Pas seulement imaginé d’ailleurs, vu le contenu des lettres qu’ils s’étaient échangées. Owen n’a pas grand-chose à dire sur sa vie amoureuse. En même temps, ce n’est pas sa priorité. Même si ça pourrait toujours changer. Enfin depuis sa sortie de prison, il a eu d’autres choses à faire, et surtout, il a pris du temps pour Paige. « Je pense que ça se passe plutôt bien. En tout cas, elle a toujours un grand sourire quand je viens la chercher. Mais… je crois qu’elle m’a un peu trop idéalisé, à force d’entendre parler de moi sans vraiment me connaître. » Avec Isis, il a envie d’être honnête. Ce genre de choses, il n’en a parlé qu’à sa sœur pour l’instant. Il a peur de décevoir Paige, qu’elle réalise qu’il n’est pas celui qu’elle croit, qu’il n’est pas assez. En attendant que son moment arrive, irrémédiablement, il fait tout pour être à la hauteur. Enfin il préfère se concentrer sur la réponse d’Isis quand il lui retourne la question, curieux de savoir si elle a quelqu’un dans sa vie. Espérant forcément une réponse négative. Réponse qui ne tarde pas. Il réprime un sourire, puis fronce doucement les sourcils quand elle évoque un homme dans son passé. Ça paraît logique qu’elle ait eu des relations. C’est une belle femme, vraiment une belle femme. Mais à la façon dont elle évoque cet homme, Owen se dit qu’il doit lui manquer, au moins un peu. Et à nouveau, il ressent de la peine pour elle. « Ce sont des choses qui arrivent malheureusement. » Si toutes les histoires finissaient bien, ça se saurait. Pourtant, Owen ne désespère pas. Ça serait dommage. D’autant qu’après quatre ans derrière les barreaux, il ne compte pas vivre reclus et sans laisser une place à l’amour. Il voudrait bien poser sa main sur celle d’Isis, mais les bras croisés de la brune ne le lui permettent pas. Alors il se contente de lui sourire en la regardant. « On est deux dans ce cas alors. Enfin je ne suis pas fermé à l’idée, avec la bonne personne. » Clairement, il sous-entend qu’elle pourrait être cette personne. Ils sont interrompus un instant lorsque le serveur leur amène leurs verres, puis repart rapidement. La main d’Owen se pose autour du verre, sans qu’il ne le prenne pour l’instant. Il observe les lieux rapidement, avant de poser à nouveau son regard sur Isis. « Il a l’air très bien ce restaurant. Maintenant que je pense devenir cuisinier, je suis plus attentif à certains détails. Mais tu dois sans doute connaître plus de bonnes adresses que moi. »