Les écouteurs vissés dans mes oreilles, les yeux fermés, c’est de cette manière dont j’ai profité du vol retour vers New York, préférant ne pas me préoccuper des commentaires de mon coach concernant les combats que j’ai gagné. A son regard lorsque je suis descendu du ring j’ai compris qu’il n’était pas tout à fait ravi et je n’ai pas eu besoin de chercher bien loin pour en comprendre la raison. Je ne me suis pas donné à fond. Non pas parce que je n’en avais pas la force, j’avais simplement pas envie et les concurrents que j’ai affronté ne méritaient clairement pas que je donne le meilleur de ma personne. Ça n’a pas dérangé les fans et toutes autres personnes venues assister aux combats, mais mon équipe n’était pas ravie. Ce qui n’a pas changé une fois dans l’avion mais pas d’humeur à supporter leurs critiques, je me suis enfermé dans ma bulle et personne n’a essayé de m’en sortir. Parce qu’ils savent. Ils savent très bien que quand je commence à sentir que je m’énerve, il ne faut pas trop me pousser mais plutôt me laisser me calmer. Les yeux fermés, j’ai su qu’ils me regardaient avec inquiétude malgré tout et une fois chez moi – enfin chez Kate et moi – j’ai directement rejoins mon lit pour le plus grand bonheur de mes muscles endoloris. Si je n’ai pas pour habitude me lever tard, l’idée de me lever à huit heures du matin un samedi, le lendemain d’une série de combats, ce n’est pas vraiment ce à quoi j’aspire non plus. Pourtant, un grognement m’échappe, la tête enfouie dans mon oreiller, lorsque j’entends un peu trop bien la musique provenir du salon. Je la déteste. Enfin je l’adore autant que je la déteste, mais là, je la déteste. Attrapant un autre oreiller, je le plaque contre ma tête, espère bêtement pouvoir retrouver un semblant de sommeil mais c’est sans compter sur la voix de ma cadette qui semble bien déterminée à me lever du lit. Nouveau grognement. Je repousse ma couette, sors les jambes du lit et attrape un tee-shirt que j’enfile puis mon jogging avant de sortir de ma chambre, les cheveux dans tous les sens et clairement grognon. « T’es une vraie emmerdeuse, j’espère que tu le sais ?! » Je lâche en traînant des pieds jusqu’à la cuisine. J’ai besoin d’un café. Une bonne dose de caféine dont je me débarrasserai une fois que j’irai courir parce que j’en aurais besoin pour ne pas être un peu trop colérique toute la journée. « Pourquoi ce réveil matinal ? T’as décidé que c’était la journée pour m’emmerder ? Parce que tu le fais depuis des années déjà, je tiens simplement à te le signaler. » C’est une emmerdeuse, Kate. Je le sais depuis des années, avant même que notre relation s’améliore. Petite dernière et princesse de la fratrie Rhodes, si je l’aime, j’ai tout de même très envie de l’assommer, de couper la stéréo et de retourner dormir. A la place je sirote mon café, mon regard sombre posé sur elle.

Il n’y a pas plus désagréable comme réveil que celui que mon adorable demi-sœur a pris soin de m’offrir. Pas franchement réveillé une fois dans la cuisine, la seule chose à laquelle j’aspire c’est ma tasse de café dont une seule gorgée devrait me suffire à sortir du brouillard dans lequel je me trouve. Et … dans lequel j’hésite à rester très longtemps tant que Kate sera là. « Chieuse … » Grogné-je en soufflant sur ma tasse fumante avant de l’emmener à mes lèvres et d’en boire une gorgée. Je grimace légèrement et me rappelle qu’à défaut de prendre la marque de café à laquelle je suis habitué, j’ai dû me rabattre sur n’importe laquelle et n’importe laquelle a un goût dégueulasse. « Mon vieux cul, comme tu le dis, avait sérieusement besoin de se reposer. » Comme tout mon corps qui a pris quelques coups la veille malgré mes victoires. Je ne serais pas surpris d’avoir quelques hématomes dans les prochains jours. Il va peut-être falloir que je passe voir Kat pour qu’elle soulage mon corps avec ses doigts de fées. « Pour une fois, je ne te contredirais pas sur mon café, il est vraiment pas terrible. » Ce qui ne m’empêche pas de le boire parce que j’ai vraiment, mais alors vraiment, besoin de caféine. Surtout si je dois supporter le flot de paroles qui sort de la bouche de ma cadette déjà bien trop réveillée à mon goût. Tasse de café posée sur la table, je vais me préparer un jus de fruits et réfléchis à ce que je pourrais bien avaler en guise de petit-déjeuner, mon estomac grognant un peu trop maintenant que lui aussi est réveillé. Mais mon attention se porte sur Kate tandis que je dévisse le bouchon de la bouteille de jus. « Y a quelque chose que tu ne déteste pas ? » Lâché-je en me servant pour finalement soupirer. « T’as de la chance, j’ai besoin de passer voire ma rééducatrice et il se trouve qu’elle n’est pas loin de là où je dois t’amener. Ne prends pas ça pour une porte ouverte vers le fait que je te conduise tous les jours, j’ai mieux à faire qu’être ton chauffeur. » Pas aujourd’hui malheureusement. J’ai trop besoin qu’on s’occupe de mes muscles pour prendre le risque de rester ici simplement pour tenir tête à ma sœur. « Je vais me faire une omelette, t’en veux ou tu préfères picorer comme un oiseau ? » Je demande en désignant d’un geste du menton ses fruits coupés et ses amandes.

Par moment, j’ai un peu l’impression d’être le bouffon de sa majesté, d’être là uniquement pour l’occuper et parfois même – comme ce matin – d’être là pour la conduire où bon lui semble. J’aimerai dire avoir eu la même sœur pendant des années, mais mon autre demi-sœur (du côté de ma mère s’entend) est bien moins pénible que Kate peut l’être. Malgré ça, je l’aime tout autant même si je ne suis pas capable de retenir mon sarcasme en sa présence. « Très drôle … t’as pensé à faire un stand-up ? Tu rendrais hilare n’importe qui … » Dis-je, parfaitement cynique. Je me reposerai lorsque je serais mort … Sait-elle que parfois c’est ce que je risque lorsque je monte sur un ring ? Mourir ? Il suffit d’un coup mal placé et ça en sera terminé de moi et puisque l’underground est bien moins régi par des règles que les ligues officielles de boxe autant dire qu’un petit séjour à l’hôpital n’est pas rare. Cela dit, je pourrais aussi mourir à cause d’une personne grivoise, tellement désireuse de mon corps qu’elle serait capable de tout pour m’avoir, quitte à me tuer – ce qui est une pensée très sale finalement. « C’est plutôt toi qui va avoir le privilège de poser ton cul dans ma voiture. » Je rectifie en battant les œufs de la seule chose solide qui va aller dans mon estomac ce matin. Au réveil, je ne suis pas un grand mangeur et si je pouvais me contenter de mon café, je le ferais. Mais avec tout ce que je dépense, manger beaucoup et sainement c’est presque vital. « Je devrais peut-être le noter, mon érudition à ton sujet ne fait qu’augmenter de jour en jour. » Non pas que je m’amuse à accumuler un savoir la concernant, mais c’est important de lui signifier qu’elle est parfois si chiante que sa famille doit noter tout pour ne pas oublier ce qu’elle aime. La chanson modifier par les soins de ma cadette, Wannabe des Spice Girls se met à résonner dans l’appartement tandis que je verse mes œufs battus dans une poêle bien chaude. « Yo, I'll tell you what I want, what I really really want. So tell me what you want, what you really really want. I'll tell you what I want, what I really really want. So tell me what you want, what you really really want. I wanna, I wanna, I wanna, I wanna, I wanna really really really wanna zigazig ha. » Que je me mets à chanter en rythme avec ces filles qui, mine de rien, ont bercé mon enfance. Je continu de m’improviser chanteur sur cette chanson jusqu’à être coupé par la merveilleuse voix de Kate. « Comme je te l’ai dit : rééducation. Les combats d’hier n’ont pas été tendres et j’ai les muscles en feu. J’ai besoin d’un massage. » Dis-je en haussant les épaules. Je préfère y avoir le droit après mais je ne peux pas demander à ce que Kat me suive partout, je ne suis pas son seul client. Omelette coupée en deux, je verse une barre dans deux assiettes et glisse celle de Kate dans sa direction. « T’as vu Cassie récemment ? » Je demande en me posant devant l’ilot central, penché de sorte à ce que mes avant-bras soient en appuie dessus. Cassie, elle passe un mauvais moment depuis son accouchement imprévu, et si je n’ai pas été capable de la faire réagir, peut-être que Kate si.

Chanter, y compris devant un public restreint qui ne compte qu’une personne – ma petite sœur qui plus est – ce n’est pas franchement dans mes habitudes. Les seuls moments où j’aime me donner en spectacle, c’est sur un ring. Le reste du temps, je préfère faire profil-bas ce qui n’a pas toujours été simple avec une mère qui a une grande renommée. Je vis bien avec ça malgré tout et là, je suis de bonne humeur. Rien à voir avec le réveil brutal auquel j’ai eu le droit grâce à Kate, mais la musique me met en transe. Ça a toujours été le cas. Ce n’est pas pour rien si, lorsque je sens que je perds le contrôle, j’enfonce mes écouteurs dans mes oreilles et je me coupe du reste du monde. À mes yeux la musique est un moyen parfait pour communiquer et aider à se calmer. « Qu’est-ce que tu essayes d’insinuer par-là ? Riley et Logan auraient-ils eu une conversation avec toi pour te dire que je devrais me "détendre" un peu plus ? » Que je lui demande en utilisant mes doigts comme guillemets dès que je parle de me détendre. Riley et Logan sont dans mon équipe depuis que je me suis lancé dans l’underground, Logan m’a connu en prison où il était mon psychologue. Tous les deux semblent convaincu que je ne m’envoie pas assez en l’air. Je doute qu’ils aient parlé de ça avec ma sœur mais on ne sait jamais. « Elle s’en sortira mais elle va avoir besoin de nous même si elle dit le contraire. Je l’ai jamais vu comme ça et elle a passé des années à porter le poids du monde sur ses épaules, il est peut-être temps qu’on l’aide à s’en délester un peu. » Répondis-je avant de mâcher un bout de mon omelette qui, pour mon plus grand plaisir, fait passer le goût affreux de mon café. « La force de caractère c’est de famille. En plus de ça, elle n’est pas toute seule. Son petit ami ne la laissera jamais gérer tout ça seule. » Ils sont devenus parents, je suppose que c’est même assez logique qu’il soit là pour elle. Cassie en a besoin. Sa famille sera toujours là, nous l’avons prouvé, mais son petit ami c’est plus encore. Il fait partie d’elle en quelque sorte et il est devenu son roc, plus puissant que nous ne le saurons jamais. « Oh ça, j’imagine que ça doit déjà être prévu. Les Rhodes et Farrell trouvent toujours une excuse pour faire une soirée, là ça concerne les deux familles en même temps, je veux même pas me mêler de l’organisation. » J’aurais trop peur de me faire tuer juste parce que j’aurais fait l’erreur de ne pas être du même avis pour une fichue décoration.

« Non, mais je pense que je vais les contacter d'ici peu, ça m'a l'air d'être des gens pleins de bon sens. » Je plisse les yeux, pas franchement ravi à l’idée qu’elle aille discuter de quoi que ce soit me concernant avec Riley et Logan. J’ai beau les adorer tous les trois, je les connais assez pour savoir que s’ils décident de comploter ensemble je signe mon arrêt de mort, rien que ça. « J’aimerais assez que ma petite sœur évite d’aller parler de ma vie sexuelle avec mes potes, ça ne te regarde pas. » Et je n’ai pas autant besoin de me détendre que ce qu’ils prétendent. Quand bien même serait-ce le cas, je préfère largement cogner dans quelque chose, me défouler sur un tapis ou des machines de musculation plutôt que de m’envoyer en l’air avec la première venue. Même si elle est choisie par trois personnes qui me connaissent par cœur. « Cassie à toujours tout supporter, je pense qu'elle ne se rend pas compte à quel point, elle est indispensable dans nos vies, Blake. » Je le sais ça. C’est un fait que j’ai assez vite cerné. A la mort de leur mère, elle a tout encaissé, elle a gardé la tête haute pour Kate et Samuel sans réellement penser à elle. Rien que pour ça, elle est devenue un pilier pour nos cadets mais là, elle doit se reposer sur nous pour une fois. « Tu sais que c’est à elle que tu dois dire ça ? Pas à moi … Elle a peut-être besoin de l’entendre un peu plus régulièrement pour accepter de freiner un peu. » Dans tous les cas, elle ne sera pas seule. Aucune personne de ma fratrie ne sera abandonnée, je m’y refuse. Pas même Kate cette casse-pieds que je supporte tous les jours pour avoir eu l’idée folle de vivre avec elle. « Je suis toujours appelée quand il s'agit d'organiser des fêtes. » Les yeux levés au ciel, je termine mon plat puis mon café, mon estomac satisfait d’être plein. « Je te serais extrêmement reconnaissant de m’oublier pour les préparatifs. Aucun souci pour dépenser pour couvrir Peter de cadeaux, mais m’en demande pas plus. » Dis-je les mains levées. Il n’est pas question que je supporte maman Farrell et mes sœurs qui organiseront tout ça. De toute manière j’ai assez à faire, ce que je pense d’autant plus en voyant ma cadette se mettre à chanter et danser sur I’m sexy and I know it. Je souris autant que j’ai envie de pleurer tandis qu’elle disparaît. J’en fais de même dans ma chambre, me change rapidement, enfonce mes affaires pour les entrainements de l’après-midi dans mon sac et ressors. « Parce que je suis une bonne âme, si jamais je finis tôt ma séance de rééducation, t’as besoin que je vienne te chercher ? » Je lui demande alors qu’elle sort de sa chambre, finalement prête elle aussi. En boule d’énergie, ça ne m’étonne pas qu’elle est tout expédiée aussi vite, m’entraînant dans son sillon.