you've got that power over me (tomessa)

« Tu mets ça, un point c’est tout ! » La voix de Cassie est sans équivoque et pendant quelques instants j’oublie que ma webcam est allumée et qu’elle me voit grimacer via notre conversation vidéo sur Skype. Dani étant déjà partie pour la fête, c’est à la brune encore présente que j’ai demandé conseil et j’aurais dû me douter de ce choix. « Il fait beau, c’est un barbecue, tu viens pas en jean et baskets. » Nouvelle grimace de ma part. « D’accord, c’est bon. Va retrouver tes invités, je te vois tout à l’heure. » Appel vidéo terminé, je soupire une nouvelle fois. J’aurais dû me douter qu’elle allait me dire ça et si j’hésite encore quelques minutes, j’enfile tout de même une jupe longue noire fleurie et un haut imprimé que j’enfonce dedans. Mes cheveux bruns attachés pour supporter la chaleur, j’enfile tout de même des petites tennis et sens mon cœur s’accélérer au moins où je quitte ma chambre. Il va être là et ça provoque une telle terreur que j’ai pensé à annuler au dernier moment. Je dois prouver être plus forte que ça même si le voir sans pouvoir me glisser contre lui va être une torture. Les quelques minutes me séparant de l’adresse Tommy passées, j’ai un nouveau moment d’hésitation puis je frappe et est immédiatement accueillie par Cassie qui, bien sûr, félicite ma tenue. « Tessaaaa ! » Cherchant brièvement cette voix enfantine que je connais que trop bien, mon regard tombe sur Tyler qui débarque de nul part. « Salut champion ! » Dis-je en le serrant contre moi lorsque ses bras viennent entourer ma taille. Lui-même fier de sa tenue, il m’en parle tandis que je vais saluer les invités jusqu’à sentir sa main tirer la mienne en arrière. « Viens, papa est par là. », « Ty’, je suis pas sûre que … » Mais il semble tellement content que j’arrête ma phrase et le suis un peu plus loin. Tout mon être devine sa présence avant même que mon regard l’aperçoive. Bon sang comment fait-il ça ? Je le vois, Peter dans les bras, et immédiatement mes hormones sont en folies. Voilà qui pourrait me faire regretter ma stérilité, voir Tommy Matthews un bébé dans les bras et complètement gaga. « Papa ! J’ai trouvé Tessa ! » Tyler me tire encore jusqu’à ce que je sois face à son père et que ma respiration sa coupe. « Salut … » Soufflé-je, avec si peu d’air qu’on dirait que je viens de courir un marathon. J’ose le regarder dans les yeux, le cœur battant trop fort dans ma poitrine. Venir, ce n’était pas une bonne idée … je meurs d’envie de le toucher nom de dieu.

Sur le point de défaillir, j’en suis certaine, j’ai presqu’envie de trouver une excuse bidon à servir à Tyler pour fuir avant qu’on ait rejoins son père. Je ne suis pas prête. Absolument pas prête à le voir. La dernière fois c’était dans un café et si j’ai joué un peu avec le feu une fois assise face à lui, ça n’a pas été assez long pour que je perde la tête. Mais là … les jours se sont poursuivis et le manque est devenu de plus en plus fort. J’ai plus de temps pour moi, il m’y a forcé après mon petit incident, je ne dors pas mieux pour autant. Bien que nous ne dormions pas tous les soirs ensemble, ne plus le faire du tout a rendu mon lit trop vide. Je déteste ça et me réveille sans arrêt à la recherche d’une personne qui n’y est pas. Ça me fait perdre la tête et aujourd’hui je vais devoir le voir sans pour autant en profiter comme je le voudrais. « Salut » Deux adolescents. J’ai l’impression que c’est exactement ce que nous sommes. Mes joues sont rosies étant donné la chaleur qu’elles dégagent et Tommy … il sourit un peu trop. Pas que ça me dérange, j’adore son sourire, mais il n’est pas plus à l’aise que moi. « Je suis content que tu sois là » Mon rythme cardiaque s’emballe. C’est agréable de comprendre qu’il voulait me voir malgré la torture que c’est. « Cassie ne m’a pas vraiment laissé le choix. » J’aurais été traînée de force ici, que je le veuille ou non. C’est soit disant la meilleure façon pour moi d’aller mieux, combattre le mal par le mal. Bah voyons ! « Papa ! Tu me laisse voir le bébé ? Il est tout petit ! », « T’étais à peine plus gros à son âge tu sais. » J’observe la scène sans retenir mon sourire. Dans les bras de Tommy, Peter s’agite doucement, entourant le doigt qu’il suçote de ses petites mains. Vraiment trop adorable. « Aussi petit ? », « Demande à ta tante Tessa si tu me crois pas. T’étais une petite crevette. » Vais-je réussir à retrouver un rythme cardiaque normal aujourd’hui ou suis-je condamnée à sentir mon corps entier s’emballer à chaque fois qu’il va lever les yeux vers moi ? « Aussi petit et après tu n’as pas arrêté de grandir … bientôt tu seras plus grand que moi. » Dis-je d’un air triste. Etant donné la taille de son père, je ne serais pas étonnée qu’il soit vraiment plus grand que moi dans quelques années. « C’est pas grave ça, je t’aimerais toujours. » Affirme Tyler en me serrant contre lui, sans doute parce que j’ai vraiment l’air triste. Les Matthews veulent ma mort. Je souris malgré tout, sans lâcher Tommy du regard. « Je vais aller prendre l’air deux minutes, je vous retrouve après. » Sauf qu’au lieu de prendre la direction de la terrasse, je prends celle de la cuisine. Simplement une ou deux minutes le temps de me calmer et de me préparer à passer des heures avec Tommy dans les parages.

« Mais t’as quel âge, Tessa ?! » Que je peste contre moi-même une fois dans la cuisine. Elle est vide, tant mieux ! Il me faut quelques minutes de solitude pour me ressaisir et faire passer l’envie de repartir comme je suis venue. Je ne vais pas y arriver, une phrase qui tourne en boucle dans ma tête. Ça devient trop dur à gérer. Bon sang, comment en sommes-nous arriver là ? Nous ne devions qu’être sexfriends, rien de plus. Maintenant je sais surtout que j’ai du mal à ne pas le voir aussi souvent que je le voudrais. Il me manque atrocement et je sais que je suis trop habituée à quelque chose que je n’aurais jamais dû avoir dès le départ. C’était si simple pourtant. Parler avec lui, le taquiner, sourire par sa simple présence puis l’embrasser, le toucher, finir dans ses bras et ne plus jamais vouloir les quitter. Je me suis fait avoir, mon cœur a pris le pouvoir sur mon cerveau. Il ne me reste plus qu’à souffrir de tout ça désormais. « Tessa ? » Je me redresse brusquement, presque dans un sursaut et me tourne vers l’entrée dans la cuisine. « Je t’ai pas demandé de t’habiller comme ça pour rester dans la cuisine. Il doit te voir. » J’aimerais dire que je ne comptais pas rester là, cachée, mais … une minute ! Comment ça, il doit me voir ? Ma bouche s’ouvre alors que je comprends. « Je te déteste ! », « Je te crois ! » Sauf qu’elle ne me croit pas du tout. Je me retiens de lui signaler que j’aurais pu venir habiller d’un sac poubelle que l’effet aurait été le même mais ça serait me jeter des fleurs et ce n’est pas mon genre. Sans avoir le temps de protester, je suis entraînée vers la terrasse où il y a trop de monde à mon goût. Cassie m’abandonne pour rejoindre son petit ami et j’en profite pour me glisser discrètement dans un coin tranquille. J’ai accepté de venir, ça ne signifie pas que j’ai envie de me mêler à tout le monde. Mon regard balaye l’assemblé jusqu’à me mettre à marcher en m’éloignant encore un peu plus, observant les alentours comme un moyen d’occuper mon temps alors qu’aller discuter serait bien plus simple. Finalement, même si je suis visible, je continue de me cacher.

Je connais tout le monde – enfin presque – et malgré ça, j’ai la sensation d’être une étrangère. Je ne suis pas à ma place et même si je suis heureuse du bonheur inattendu qu’on fête, je n’ai pas le cœur à ça. Je n’ai pas envie d’être fausse, de sourire alors que je n’en ai même pas la force. Je n’ai pas non plus envie qu’on me demande si je vais bien ou comment se passe ma vie actuellement. C’est la merde, du moins si on parle de ma vie amoureuse, celle qui semble avoir pris le plus d’importance face au reste. La raison se trouve à quelques mètres. Enfin ce n’est pas exacte. La raison de mon état est un pauvre type qui s’amuse aux dépends des autres en les faisant chanter. Tommy, il n’y est pour rien et je sais qu’il n’est pas franchement mieux que moi. Je voudrais bien prétendre qu’il le cache bien sauf que je le connais un peu trop et que je sais lire en lui. Ma présence, même si elle lui fait plaisir, ne doit pas l’aider et je suppose que rester aussi loin de tout le monde est aussi pour cette raison. Malheureusement, ça ne fonctionne pas. Je sens sa présence. Je veux dire que je la sens réellement sans pouvoir l’expliquer. Je sais qu’il est là et il sait que je suis là. C’est suffisant pour me mettre dans tous mes états et me faire encore perdre mes moyens. Les quelques minutes dans la cuisine n’ont pas été suffisantes. Je soupire, me retourne à la recherche du sportif que je trouve en train de me regarder. Mon estomac se contracte aussitôt à la fois douloureusement et agréablement. A croire que ça suffit à m’exciter même si je sais que ma frustration joue pas mal. Je reste plantée là à le regarder qui me regarde avant de me forcer à faire un pas puis un autre. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, je suis devant lui, lui prends son verre des mains et le siffle en grimaçant. Beurk, le whisky c’est toujours pas fait pour moi. « Là, j’ai une raison pour brûler de l’intérieur maintenant. » Dis-je en lui rendant son verre. L’alcool va vite disparaître cela dit et ça sera encore son regard posé sur moi qui va me donner la sensation de m’embraser. En appuie contre la table, mes mains de chaque côté sur le bord, je regarde partout sauf vers lui. « Si tu préfères que je parte, tu peux me le dire. Je comprendrais très bien. » Parce que là, c’est une torture. C’est aussi simple que ça et bon sang, je tuerais pour simplement une étreinte de sa part.

Est-ce que j’ai envie de l’entendre me dire que je ferais mieux de partir ? Certainement pas, non. Est-ce que ça serait une bonne idée ? Oui … je suppose. Nous sommes en train d’errer parmi les invités sans parvenir à nous mêler à eux. Seulement capables de regarder l’un vers l’autre, le reste ne semble pas nous intéresser assez. Proche de lui, assez pour que soit douloureux, j’ai tout de même l’impression qu’il y a un fossé entre nous. Nous n’en voulons pas mais il est là, nous sépare et tenter de le franchir serait totalement fou. Cela dit, j’en meurs d’envie. Même pour quelques minutes, ça sera douloureux ensuite mais assez satisfaisant pour que je n’ai plus l’impression de mourir à petit feu. « Je ne voudrais jamais que tu partes, Tessa » Je n’aurais pas regardé vers lui pour ne pas céder s’il ne s’était pas levé. Paniquée à l’idée qu’il parte après avoir dit ça, je sens toutefois sa main prendre la mienne et provoquer un long frisson dans tout mon corps. Mes yeux passent de sa main sur la mienne à son visage et je le laisse m’entraîner sans un mot, sans un regard vers le reste des invités. Dans ma poitrine, mon cœur fait des bonds, me coupe le souffle alors que nous montons les marches menant au premier étage. Tout ça, je m’en moque éperdument à l’instant où je finis contre lui, dans ses bras. Je réalise que maintenant à quel point j’étais tendue. Mes muscles se décontractent un à un. Je m’imprègne de son odeur, passe mes mains sur son torse comme pour vérifier que je ne suis pas en train d’halluciner. « Je déteste te voir comme ça » Les yeux fermés, mes lèvres pincées, j’essaye de faire taire ma douleur. Je profite de lui encore un peu et me décale, scrutant son regard et passant ensuite mon index sur celui qui a pris un coup. « Et moi je n’aime pas du tout voir ça … » Même si mes doigts caressent son visage, je suis très sérieuse. Je déteste lorsqu’il se bat et là, il ne peut pas nier l’avoir fait. « Je ne te demanderai pas ce qui s’est passé, je n’ai pas envie de m’énerver contre toi mais ça ne me plait pas du tout. » Pas plus que lui n’a apprécié mon petit séjour aux urgences. Mais à quoi bon nous disputer alors que j’ai ce dont j’ai envie depuis des jours ? « Tu me manques. Je sais que je l’ai déjà dit mais c’est encore pire que ce que je pensais. Je sais très bien pourquoi mais, je sais pas si je tiendrais jusqu’à fin mai, Tommy. » Je deviens folle. J’ai envie qu’il sache à quel point je tiens à lui, à quel point je l’aime, pouvoir le lui montrer simplement en étant avec lui et ça je n’ai pas le droit avant d’être diplômée et ça commence à être trop difficile.