long is the road that leads me home / archibald

La journée s’annonçait pourtant bonne. Freya essaye toujours de commencer de façon positive mais là, elle n’en avait pas besoin. Seulement deux cours à donner. Archibald qui doit en profiter pour passer la voir. Une bonne soirée avec un ami proche hier soir. Elle n’avait besoin de rien d’autre pour commencer la journée du bon pied. Seulement, son sourire avait quitté ses lèvres quand la maîtresse de Zach avait prononcé une dizaine de petits mots. Est-ce qu’on pourrait se voir pour parler de Zach ce soir ? Freya avait accepté, comprenant qu’elle n’avait pas trop le choix. Elle ignore si le petit garçon a fait une bêtise, ce qui arrive assez souvent, ou si c’est pour tout autre chose. Elle aurait peut-être dû demander tout de suite de quoi il retournait, au lieu de se torturer l’esprit aussitôt ses deux séances de yoga terminées. La douche qu’elle prend avant d’emprunter le chemin du retour ne l’aide pas à se calmer. Elle a envie de savoir, de pouvoir régler le problème qui se pose, et surtout, elle n’a pas envie de passer pour une mauvaise mère. Freya a beau tenter de ne pas les écouter, elle entend bien quelques messes basses. Entre elles, les mamans peuvent être cruelles. Elle en a fait le sujet de plusieurs articles sur son blog. Beaucoup la jugent parce que Zach n’a pas de papa, mais elles ne savent rien des circonstances qui ont mené à cela. Tout ce qu’elles voient, c’est que Zach a parfois tendance à être violent, et c’est pire quand c’est envers leur enfant. Freya fait de son mieux, elle l’a toujours fait. Et elle estime que ce n’est pas une figure paternelle qui manque à Zach. Juste un peu de temps pour grandir. Il a des hommes dans sa vie, entre ses oncles et les amis de Freya. Ça ne lui manque pas. Ou du moins, Freya préfère penser cela. Le contraire n’est pas une option. Arrivée chez elle, elle s’occupe l’esprit en rangeant mille-et-une choses et en commençant à faire le ménage. Chose assez rare pour que ça soit souligné. Alors qu’elle passe l’aspirateur sous le canapé, elle se souvient que Zach avait une petite écorchure sur le menton hier soir. Il n’avait pas su lui dire ce qui était arrivé. Mais peut-être était-ce lié. Elle s’en veut d’avoir peut-être raté ça, et elle résiste presque à l’envie d’appeler l’école pour savoir dès maintenant. Heureusement, l’heure tourne rapidement et c’est un message envoyé par Archie pour lui dire qu’il part qui le lui fait réaliser. Elle n’a même pas mangé ce midi avec tout ça. Elle prend une pêche, alors qu’elle finit de ranger tout ce qu’elle a sorti pour le ménage. Elle appuie sur le bouton de la machine à café – cadeau de Noël dont elle se sert à peine – quand la sonnette retentit dans l’appartement. « Salut grand-frère ! » Elle sourit avant de lui faire signe d’entrer et de fermer la porte derrière lui. Elle savait qu’elle serait heureuse de cette visite, mais pas qu’elle serait aussi soulagée d’avoir quelqu’un pour lui changer les idées. « Comment tu vas ? T’es toujours sans domicile fixe ou t’as enfin trouvé où dormir ? » Elle enchaîne déjà les questions, à peine est-il entré. Elle a vraiment envie d’avoir autre chose en tête.

Freya est forcément heureuse de voir un membre de sa famille, peu importe les circonstances ou le membre en question. Elle n’aurait jamais pensé être aussi proche de tant de personnes, d’être aussi bien entourée. Pendant longtemps, sa famille s’était résumée à Shay et même ça, c’était parfois compliqué. Aujourd’hui, elle s’estime réellement chanceuse d’avoir tout ce monde autour d’elle. Toute cette famille sur laquelle elle peut toujours compter, et sur laquelle Zach peut compter aussi. D’ailleurs, celui-ci avait proposé de ne pas aller à l’école pour voir son oncle, ce que Freya avait évidemment refusé. Peut-être aurait-elle dû dire oui, ça lui aurait évité cette panique concernant ce que la maîtresse a à lui dire. Mais ce n’était pas raisonnable. Même si Archibald est revenu seulement depuis quelques mois, Zach le voit quand même très souvent. Ce qui lui plait beaucoup, parce que son oncle a toujours de nouvelles bêtises à lui faire découvrir. Mais aujourd’hui, pas de bêtises prévues, à moins qu’il n’en fasse à l’école – ce qui n’est pas exclu. Archie doit venir chez elle, et ça lui permettra de penser à autre chose qu’au mystère qui plane autour des mots de la maîtresse.
A peine arrivé, Archibald la distrait déjà, rien qu’en la taquinant un petit peu. « Nia nia nia. Profite, t’as de la chance de voir ça. C’est parce que ta tornade de neveu n’est pas passée par là depuis ce matin. » En même temps, elle sait qu’il a raison. L’appartement est rarement aussi rangé que ça. Mais Freya se dit que ça pourrait être bien pire, surtout que Zach laisse effectivement traîner tout un tas de choses, malgré les cris que cela peut occasionner. Et même si Archie et Zach n’ont pas d’ADN en commun, Freya se plait à le tenir responsable quand même. Après tout, c’est lui qui critique, elle se trouve des excuses. Mais elle ne lui en veut pas, et s’intéresse plutôt à sa recherche de logement. Depuis qu’il est rentré, cela semble compliqué de trouver quelque chose. Surtout que visiblement, il n’aime pas trop le canapé de son ami. Mais si les démarches ont commencé, c’est bon signe. « Ah c’est bien si tu commences les visites bientôt. J’espère que tu trouveras quelque chose qui te convient rapidement. » De ce qu’elle fait, il doit avoir un bon budget. Il devrait pouvoir trouver bien mieux que l’appartement qu’occupe Freya. « Il est confortable le canapé au moins ? T’as pas trop mal au dos ? » Freya ne s’imaginerait pas dormir sur son canapé, mais certains sont plus confortables, ce qu’elle espère pour son grand-frère. « Oui, Zach est à l’école. Il voulait rester quand il a su que tu venais, mais l’école m’a semblé plus importante. Tu pourras passer le voir ce weekend si tu veux. Ça lui ferait plaisir. » Elle préfère se concentrer là-dessus plutôt que sur la bêtise que son fils a pu faire à l’école. Elle est heureuse d’apprendre qu’Archibald va pouvoir reprendre son ancien travail. Au moins une chose qu’il n’aura pas besoin de chercher. Elle ne comprend pas trop ce qu’il lui explique mais en même temps, elle ne connait rien à son domaine. « C’est super ça, félicitations ! Ils avaient trouvé quelqu’un mais il n’était pas aussi bon que toi, c’est ça ? » Tout en le congratulant, elle avance vers la cuisine, où elle fait signe à son frère de s’assoir. Elle est heureuse pour lui, de voir que tout semble aller mieux. Il n’était pas bien quand il était rentré, même si personne n’avait vraiment rien dit. « Tu verras, bientôt ça sera comme si tu n’étais jamais parti. » Et comme s’il n’avait pas eu le cœur brisé aussi mais ça, elle préfère éviter de le lui rappeler. Il doit oublier tout ça, reprendre sa vie ici. « Moi, je suis contente que tu sois de retour en tout cas. Et je sais que Zach aussi. » Cela tombe sous le sens, mais elle sourit en le disant, comme si elle avait besoin de le convaincre. « Tu veux boire quelque chose ? » Demande-t-elle en sortant déjà deux verres d’un placard pour les poser sur la table.

« Pourquoi j’aurais honte ? Je ne fais que dire la vérité. » Certes, elle est en partie responsable du bordel qui règne habituellement dans l’appartement, mais le plus gros résulte quand même du quotidien avec un enfant de six ans. Et forcément, à force de devoir ranger tout le temps, tout s’accumule et le courage diminue. Mais Freya essaye tout de même de ne pas se laisser déborder et son inquiétude concernant ce que la maîtresse de Zach a à lui dire l’avait poussée à faire du ménage. Au moins un côté positif. Voir Archie défendre son neveu envers et contre tout l’amuse. « Tu verras quand il viendra chez toi, s’il ne saccage pas tout. » Comme Archie n’a pas son propre logement pour l’instant, il emmène surtout Zach en promenade, ou bien ils se voient ici. Et oublient bien souvent de ranger ensuite. Alors quand Archibald se sera trouvé un logement, il comprendra sans doute mieux. Visiblement, il a hâte d’avoir son chez-lui, ce que Freya peut très bien comprendre. Dormir sur un canapé, être chez quelqu’un d’autre, ça n’a rien d’agréable. Que le canapé soit confortable ou non. Avoir son intimité, c’est important aussi. Même si Freya n’a jamais vécu seule. Ça lui ferait bizarre de toute façon.
Voir Archie de nouveau s’installer à New York lui fait forcément plaisir. S’ils sont toujours restés en contact, l’avoir dans sa vie au quotidien lui avait manqué. Là, il semble reprendre ses marques. Son travail. Se trouver un endroit où vivre. Il reprend sa place dans la vie des Goldstein et cela ravit Freya. Elle a l’impression qu’ils ont du mal à être tous ensemble dans la même ville, mais là, ils s’en rapprochent. « Tu prends des risques en disant ça, tu sais. Il se pourrait que je t’utilise plus souvent que tu ne le penses. » Mais il ne s’est jamais plaint, alors elle ne pense pas qu’il commence maintenant. Freya a la chance de pouvoir compter sur sa famille pour s’occuper de Zach. Sans ça, elle n’aurait jamais de temps pour elle. « Du thé glacé, ça te va ? Ou j’ai du jus d’oranges sinon. » Au frais, c’est tout ce qu’elle a. Elle sort les deux bouteilles, et vient s’assoir à côté de son frère, alors qu’il lui parle de ses projets pour cet été. Pas des vacances comme les autres, mais Freya sait que c’est ce qu’il aime. « C’est super ça. Tu vas rendre des gens heureux, c’est certain. Tu visites un peu en même temps, ou pas du tout ? » Demande-t-elle. Elle trouverait ça dommage de ne pas en profiter au moins un peu. Mais Archibald a déjà beaucoup voyagé, contrairement à elle. Il faut dire qu’ils n’ont pas eu la même vie. Alors quand il lui demande si elle part cette année, Freya commence par secouer la tête. « Sans doute pas, non. On ira peut-être voir Shay quand sa tournée passera pas trop loin. Je verrais pour emprunter une voiture aux parents et trouver un motel. Ça nous fera du bien de bouger un peu, je pense. » Pas aussi passionnant que l’Inde, mais beaucoup plus dans le budget de Freya. Et ce n’est pas comme si elle pouvait prendre beaucoup de vacances. « Et on ira sans doute à la plage parfois aussi, tu sais comme Zach adore ça. » Et là, ça coûte moins cher, heureusement. Ça prend juste un peu de temps, ce que Freya a parfois du mal à trouver. « Je compte sur toi pour m’envoyer des photos hein. Il faut bien que je voyage d’une autre façon. »

Lorsqu’elle explique qu’elle n’a jamais quitté les Etats-Unis et, surtout, qu’elle prend très peu de vraies vacances, Freya a souvent la même réaction. Ça surprend. On se demande pourquoi elle ne prend pas le temps, n’économise pas un peu pour le faire et ne se lance pas. Sans doute qu’elle pourrait se le permettre maintenant, et sans doute que ça la fait rêver aussi, mais ça a aussi un aspect effrayant. Beaucoup de pression, pour que le voyage soit à la hauteur de ses espérances. Mais ça resterait compliqué financièrement. Archibald et elle ont le même nom de famille, leurs parents ont le même compte en banque, et pourtant, ils n’ont pas du tout le même vécu là-dessus. Freya a toujours dû faire attention à tout et surtout à l’argent. Et tomber enceinte à vingt ans n’a pas simplifié les choses. Mais Freya n’est pas jalouse de son frère pour autant. Elle a surtout hâte de l’entendre lui raconter sa mission bénévole, même s’il ne visite pas le pays. Elle sait qu’il a déjà vu beaucoup de choses là-bas, et elle trouve ça bien qu’il y retourne, qu’il profite de ses vacances pour aider d’autres. Freya ne peut pas tellement se permettre ça. Ses vacances, elle en profite pour se reposer et, le plus souvent, pour trouver de quoi occuper Zach. « Pas trop loin quand même, hein. » Elle ne veut pas penser à voir son fils partir trop loin. Pourtant, elle le lui souhaite. Elle espère que lui, il pourra voyager librement quand il sera adulte. Mais pour l’instant, il a toujours six ans et ne passe jamais plus de trois jours sans sa mère. Ils n’en sont pas là. Mais Freya pourra quand même voyager avant qu’il ait dix-huit ans. Archibald a l’air d’y croire en tout cas. Et elle est touchée qu’il s’inquiète pour elle. Elle est heureuse sans ça. Peut-être qu’elle le serait encore plus si elle voyageait, mais ça n’a rien de nécessaire à sa vie. « Arrête, j’ai l’impression que tu me fais la morale. Ça fait vraiment trop bizarre. » Certes, Archi est plus âgé qu’elle mais il n’a jamais été ce genre de grand-frère. C’était même plutôt l’inverse. « Mais n’hésite pas à expliquer tout ça à mon patron pour qu’il accepte de me laisser partir plus de huit jours d’affilée. Ça pourrait me servir pour aller voir Shay. » Elle sait bien que, pour que ça arrive, elle devra négocier et se retrouver avec des jours de congé moins intéressants pendant quelques temps. Un autre frein à ses vacances. Elle prend une gorgée du verre de thé glacé qu’elle a dans la main depuis tout à l’heure, avant de reporter son attention sur son frère. « Au fait, la maîtresse de Zach veut me voir ce soir. Je ne sais pas du tout pourquoi. »