something just like this / archibald

« Je suis en retaaaaard ! » Que je m’exclame en cherchant mes vêtements par terre. Bon sang mais où est-ce que mon haut a fini ? J’enfile mon pantalon en balayant la chambre du regard. Je pourrais voler le tee-shirt de Tommy que je vois non loin mais très franchement je doute que mon frère soit heureux de me voir débarquer habillée n’importe comment et en retard. « C’est de ta faute ça. » Je grogne sans en penser un mot en soulevant les draps du lit. Bordel, il est où ? Et pourquoi Tommy se marre hein ? « Tu m’as sauté dessus, bébé. » Je relève brusquement la tête, les draps toujours dans les mains et secoue la tête. « T’avais qu’à t’habiller dans la salle de bain. » Quelle mauvaise foi bon sang ! Ah, il est là ! Caché sous son tee-shirt qui me faisait de l’œil. Forcément. Je termine de m’habiller et attache mes cheveux pour cacher la misère due à notre partie de jambes en l’air imprévue – comme souvent. Pressée par le temps, je suis sur le point de partir à toute vitesse de la chambre lorsque deux bras forts m’attrapent par la taille. « Oui pardon, j’oubliais que tu me laisseras pas partir sans un baiser. » Je me tourne pour l’embrasser et le baiser qu’il m’offre en échange m’empêche de réfléchir convenablement mais je finis par retrouver mes esprits et le repousse. « Plus tard ! » Je lui promets en lui volant un baiser. Et je file aussi vite que possible. Forcément, je suis très en retard lorsque je sors du métro et je suis presque en train de courir pour rejoindre le restaurant où je dois retrouver mon frère … en espérant qu’il ne soit pas parti en voyant que je n’arrivais toujours pas. Slalomant entre les piétons, je tape rapidement un message pour lui dire de ne pas bouger d’où il est et je trottine parmi la foule jusqu’à arriver à destination légèrement à bout de souffle. Pour une sportive c’est un peu étrange mais je mets souvent ça sur le fait de la fatigue et du stresse accumulés ces derniers temps. Enfin je vois Archi et je ralentis bien que complètement rouge une fois à sa hauteur. « Je suis là ! » Je m’exclame en tentant de reprendre mon souffle, une main posée sur ma poitrine. « Vraiment désolée du retard j’étais … occupée. » Je deviens encore plus rouge que je ne l’étais déjà et baisse les yeux comme si je craignais qu’il devine la raison de mon retard juste dans mon regard.

Ça ne m’inquiète pas cet essoufflement ou, du moins, je fais ce qui est en mon pouvoir pour ne pas trop penser au fait que ce n’est pas normal. Des années de sport, d’entraînements intensifs, et jamais je n’ai eu autant de mal à respirer qu’en faisant un petit sprint comme celui-ci. Loin d’être hypocondriaque, je préfère me dire que c’est la fatigue de ces derniers temps plus les efforts faits il n’y a pas si longtemps qui expliquent ma respiration courte une fois près du restaurant. Archibald s’y trouve, cigarette entre les lèvres ce qui me fait grimacer. Non pas que je lui reproche de fumer, chaque personne mène sa vie comme elle l’entend, seulement je sais qu’il tient à arrêter et que mon retard l’a poussé à consommer. Bravo, Tessa ! Les joues encore rougies par ma course lorsqu’il me prend dans ses bras, je me détends un peu plus et apprécie cette étreinte. De tous, Archi est celui qui en sait le plus sur moi. Il a suffi qu’il me rassure une fois par le passé pour que je m’ouvre à lui comme je le fais si rarement. Depuis lui mentir m’est tout bonnement impossible et il lit en moi comme dans un livre ouvert – ce qui est parfois dérangeant. « Il pourrait au moins te laisser venir à l'heure pour manger avec ton frère. » Je vire au rouge intense, lèvres pincées, sans détourner les yeux. « C’est pas … » Je commence pour me raviser aussitôt. « Bon d’accord mais c’est aussi de ma faute en réalité. » J’aurais pu lui dire non ou simplement ne pas lui sauter dessus, on est aussi coupables l’un que l’autre et rare sont les fois où je l’admets. « Je nous ai déjà commandé à boire, j'ai pris un mojito pour toi mais si t'aime pas, j'ai pris une bière. Au choix. Je finis de la fumer avant de rentrer et de te faire la morale sur ton retard. » Je commence par secouer le chef puis grimace à l’entente du fait qu’il compte me faire la morale. Qu’elle chanceuse je suis ! « Le mojito c’est très bien, surtout si tu comptes vraiment me faire la morale. Je pourrais en faire autant vis-à-vis de cette chose entre tes lèvres en plus. » Je lui adresse un large sourire amusé après avoir désigné sa cigarette d’un mouvement de la tête. Mais je n’en ferais rien ou peut-être simplement pour l’embêter un peu.

« Tu es ma sœur, ça sera toujours de sa faute. » Puisque tel est le cas j’agis en parfaite petite sœur et lève les yeux au ciel pour lui répondre. Evidemment que ça sera toujours de ma faute et bien sûr qu’il n’en pense pas un mot, ce dont j’ai plus que conscience. C’est de la taquinerie, celle qui s’est installée naturellement entre nous. Plus vite qu’avec n’importe lequel autre membre de notre fratrie. « Je suis certain que celui qui va être le plus embêté dans cette histoire, ça ne sera surement pas moi. » De nouveau je secoue la tête parce que … eh bien parce qu’une fois encore il a raison. Archi, il est très doué pour me taquiner, plus que je ne l’ai jamais été avec lui et je perds très facilement à ce jeu. Du moins face à lui. « Bon, allez, on va boire leurs plats m'ont donné l'eau à la bouche. », « Bonne idée. » J’enchaîne aussitôt pour éviter qu’on ne s’étale plus longuement sur un sujet qui finira par m’embêter un peu trop – mais également parce que je commence sérieusement à avoir faim. Une fois dans le restaurant, notre table rejointe, mes mains trouvent directement la fraîcheur du mojito qui m’attendait bien sagement. « Alors, raconte-moi un peu ce que j'ai manqué, hormis le fait que tu sois retenue par Tommy. » Mes joues s’empourprent un peu ce que je tente de masquer en buvant un peu de ma boisson. « J’aimerais dire pas grand-chose mais y a quand même un gros truc : mon père biologique. » Je grimace un peu parce que c’est quelque chose dont j’aurais aimé parler à ma famille sans avoir à me précipiter mais j’ai été dépassée par les évènements. « J’ignore si on t’en a parlé ou si tu l’as lu dans les journaux mais je comptais en parler à tout le monde c’est simplement … allé trop vite. » Je soupire et baisse les yeux. Que ma famille adoptive apprenne pour mon père biologique par les journaux et par moi je considère qu’il n’y a pas pire et je vais mettre du temps avant de cesser de m’en vouloir de ne rien leur avoir dit avant que ça fuite.

L’estomac douloureusement noué, l’angoisse refuse de me quitter. L’impression de trahir ma famille adoptive n’a de cesse de me revenir en plein visage, comme une punition pour ne pas avoir eu le courage de leur parler de mon père biologique le jour où j’ai découvert son nom. Des années que je le sais. Des années que je l’ai appris au travers d’une lettre rédigée par ma mère et reçue l’année de mes dix-huit ans, pourtant je n’ai rien dit. D’abord loin d’être prête à accepter cette découverte, j’ai aussi fait mes recherches de mon côté avant que tout n’aille trop vite. Maintenant il m’est impossible de retourner en arrière et je me mords les doigts de ne pas avoir parlé plus tôt. « Je t'avoue que… je n'en sais rien. Je n'ai vraiment non plus appelé Freya ces derniers temps non plus, donc je n'ai pas vent eu de cette histoire. Que s'est-il passé ? » On pourrait croire que je serais soulagée de savoir qu’Archibald n’est au courant de rien, ce n’est pas le cas. Ça aurait grandement facilité les choses s’il avait des pistes mais je dois arrêter de me reposer sur les solutions de facilités. Prête à ouvrir la bouche, à me lancer, c’est le moment que le serveur choisi pour venir nous interrompre. « On va vous prendre un assortiment de tapas en entrée, on a pas encore décidé pour les plats. » Rapidement congédié par mon frère, je joue nerveusement avec mon verre de mojito. « Je t'écoute, Tessa. » Passant ma langue sur mes lèvres, je me retiens de boire cul sec ma boisson alcoolisée et relève enfin les yeux vers Archi. « J’ai rencontré mon père biologique. » Je voudrais m’arrêter là mais ça ne serait pas juste envers lui alors je soupire pour me donner un peu de courage. « En réalité, j’avais son nom depuis quelques années mais j’avais pas envie d’en apprendre plus sur lui. C’est le hasard qui a voulu que je tombe sur son fils adoptif et après ça … tout s’est enchaîné. » Et, surtout, quelqu’un a eu la gentillesse d’aller parler de moi aux journalistes. La fille cachée du multimilliardaire Michael Herondale, autant dire que ça a été vendeur comme titre. Ça a surtout totalement transformé ma vie, passant de l’ombre à la lumière des projecteurs sans y être préparée. Jugée comme une fille en ayant après sa fortune, j’ai perdu le contrôle de ma vie pendant un temps. « J’avais peur de décevoir tout le monde en avouant que je cherchais des informations sur mon père biologique, mais j’imagine qu’avoir rien dit avant que les journalistes en fasse toute une affaire c’est pire. »

« Tessa, tu n’as besoin de te justifier. » Les yeux relevés vers mon frère, mes lèvres pincées, j’ignore la raison pour laquelle je ressens le besoin de secouer la tête comme pour lui faire comprendre qu’il a raison alors que je ne le pense pas. Si, j’ai besoin de me justifier. Les Goldstein m’ont tout donné, particulièrement ce que je ne pensais plus avoir après tant de rejets, j’ai l’impression de les trahir en voulant connaître mon père biologique. Mais je reste silencieuse et l’écoute m’affirmer que vouloir le rechercher était normal, que nos parents s’y attendaient que ça soit pour moi ou pour les autres membres de notre fratrie également adoptés. En revanche je grimace lorsqu’il me dit que j’aurais dû lui en parler. Archibald a été le premier à me faire sortir de ma coquille, le premier en qui j’ai eu confiance et auquel je me suis confiée. L’une des rares personnes à réellement tout savoir sur moi que ça soit la maltraitance à l’orphelinat, les familles qui m’ont rejeté pour des prétextes bidons, ce que j’ai vécu dans la famille de l’ex-femme de Tommy … tout. En réalité, quand j’ai commencé à lui parler je n’ai plus su m’arrêter. « C’est pas que je ne voulais pas d’aide, je ne savais pas ce que je voulais réellement faire cette information. Avec tout ce que j’ai vécu je n’étais vraiment pas prête à subir un rejet de plus ou à entendre que j’étais là juste pour son argent. » Ce que beaucoup prétendent encore maintenant alors que les choses se sont calmées et que j’ai signé les fichus papiers assurant que je ne veux rien de l’héritage que mon père pourrait vouloir m’offrir. « Donc, tu comptes aller à sa rencontre ? » Je laisse le serveur déposer les tapas qui me donnent l’eau à la bouche et repartir avant de répondre. « C’est déjà fait, j’ai pas eu le choix. » Annoncé-je en soupirant. « Je connaissais son fils adoptif et à force de fouiner il a fait des recherches sur moi et a trouvé qui j’étais sauf que ça a fuité dans les journaux et que j’ai été obligée de rencontrer mon père pour des questions juridiques. » Même pas pour le plaisir de le rencontrer mais bien parce qu’il fallait mettre les choses au clair avec ses avocats au plus vite. Il a appris mon existence en même temps que ma famille adoptive a su qui était mon père biologique. Une grosse merde à laquelle j’ai encore l’impression d’avoir du mal à me faire.