no matter what (tomessa)

« Attends-moi là » dis-je la voiture à peine garée en enlevant la ceinture. Je ne lui laisse pas le choix à Tessa de rester dans cette foutue voiture. J’ai pas eu le choix de passer prendre Tyler avant d’avoir pu la déposer. Avec les embouteillages, j’ai pris du retard de malade – et je sais que Lisa me fera la remarque. Déjà que la voir me mine le moral ; je n’ai clairement pas envie de lui offrir sur un plateau d’argent de quoi nous incendier, Tessa et moi. Alors sans attendre, je sors de la voiture et n’entends pas, à mon plus grand bonheur, de seconde porte claquée. Lorsque j’arrive devant la porte, je prends une grande inspiration, prêt à sonner mais elle a déjà ouvert la porte de sa petite maison tranquille…qu’elle peut s’offrir grâce à ma pension. Ma pension trop élevé mais nécessaire selon elle. Je la soupçonne d’avoir couché avec le juge, pour qu’il ait accepté un montant pareil. Mais faut croire que gagner des millions nous amène au titre de pompe à fric. « T’es en retard » Je lève les yeux au ciel en voyant sa gueule que je déteste alors qu’elle se pavane encore en mini-jupe et un décolleté qui me montre sa chute du Niagara. Avant, j’aurai tout donné pour enregistrer cette vision tellement elle pouvait être sexy. Aujourd’hui, elle me dégoute et placé dans la case des visions d’horreurs.« Où est Tyler ? » « Il finit son sac » dit-elle en regardant par-dessus mon épaule. Je sais qu’elle capte Tessa à la seconde où son regard change de tonalité et qu’elle compte m’envoyer à la gueule toutes ses insultes inimaginables. « T’es culoté, putain. Tu l’a ramène là, t’es sérieux ? » Intérieurement, je prends une grande inspiration avant d’affirmer : « Je fais encore ce que je veux, Lisa. » Son regard me regarde de la tête au pied, dans un jugement, et je sais que ce n’est pas la gentille souris que je vais apercevoir, non. Je vais voir le vrai visage de Lisa, cette putain de tigresse qui va me lacérer les entrailles en quelques mots. « Cette salope veut me piquer ma vie ? Elle m’a déjà piqué mon mari, elle veut maintenant devenir la mère de Tyler ou quoi ?! Putain, j’hallucine, Tom’. » Je déteste lorsqu’elle me surnomme Tom, parce que ça nous donne cette proximité que nous n’avons plus. Mais je déteste encore plus lorsque je l’entends traiter Tessa de salope. Mes yeux voient rouges, mes poings commencent à se serrer, mais c’est la voix de Tyler qui dévale les escaliers : « C’est bon, je suis là ! » Je le dévisage une seconde alors qu’il s’arrête net. Il est loin d’être con, mon gamin, et il sait que sa mère a encore poussé le bouchon trop loin. « Dans la voiture, Tyler. » Ma voix si cassante l’oblige à ne pas me contredire et file sans un bisou à sa mère. Il court, j’ai pas besoin de deviner que Tessa a ouvert la porte, prête à venir me prêter mains fortes. Mais je n’en ai pas besoin. Je suis sur le point d’exploser, sonnant comme de mauvaises notes de musiques. Et je sais très bien que sur quelles touches de clavier je dois appuyer pour lui faire mal en retour. J’avance vers elle, le doigt accusateur : « Ne recommences plus jamais à l’insulter devant moi, Lisa. Enregistre dans ta petite cervelle de pétasse que la prochaine fois, je t’explose contre le mur. » Je n’ai pas l’habitude de cogner des filles, mais Lisa n’est pas une fille. C’est une vipère qui se croit pour une déesse. « T’as abandonné ta vie le jour où t’as osé me tromper. Mais tu sais quoi… ? » Je désigne Tessa au loin sans vraiment la regarder : « Merci d’avoir niquer ta vie. Parce que moi, j’ai retrouvé la mienne. Tu pourras la jalouser autant que tu veux, Lisa, en comparaison, t’es qu’une merde. » Je m’arrête à tourner des talons et ajoute : « Oh, et…ex-mari. Je t’aurai déjà viré de ma vie si y’avait pas Tyler. Je te le ramène vendredi soir. » Je fonce vers la voiture où Tessa rentre de nouveau et où Tyler est déjà installer. Lorsque je claque la portière, installé derrière le volant, je prends une grande inspiration, et serre le volant de toutes mes forces. Mais je ne succombe pas à la colère de suite, non je la sauvegarde pour tout à l’heure. Parce que lorsque je démarre la voiture, silencieux comme jamais, je n’ai qu’une idée en tête, retrouver mon punchingball Ball dans ma cave.

« Attends-moi là » Sans chercher à le contredire, je détache malgré tout ma ceinture. De toute manière je n’ai pas la moindre envie de voir Lisa aujourd’hui – ou n’importe quel jour en fait. Fatiguée par mon entraînement, la chaleur assommante et cette difficulté à respirer lorsque je fais trop d’efforts qui ne me quitte pas, je suis bien dans la voiture. Pourtant, mon regard suit Tommy qui gagne la porte de la petite maison de banlieue de son ex-femme. Il n’y a qu’à l’apercevoir sur le pas de la porte pour que j’en ai la nausée et je grimace avant de m’intéresser plus sérieusement à mon portable et aux différents mails que je dois traiter au plus vite. Des demandes de marques pour certains de mes clients, des rendez-vous que je dois accepter ou reporter, tout un tas de choses administratives que je préfère ne pas trop repousser. Je ne suis rien de ce qui se passe à l’extérieur. Ce qu’il y a entre Tommy et Lisa n’est pas supposé me regarder. De toute manière il n’est pas question que j’y mette mon grain de sel. A vrai dire je suis tellement absorbée par mon travail que je vais jusqu’à sursauter lorsqu’un coup est donné contre la vitre de ma portière. Tyler. Un large sourire étire mes lèvres. Je range mon téléphone et ouvre pour lui permettre de monter à l’arrière. « Ils se disputent … » Lâche-t-il en faisant la moue, son sac posé à côté de lui. Je jette un regard vers l’ancien couple et sens immédiatement le regard assassin de Lisa sur moi mais ce qui me préoccupe le plus ce sont les épaules tendues de Tommy. Même à cette distance j’arrive à savoir lorsqu’il s’énerve. « Je suis désolée. » J’ignore pour quelle raison je m’excuse. Peut-être parce que je sais au fond de moi que je suis en partie la raison de cette nouvelle prise de bec ? Tyler hausse les épaules et je retourne dans la voiture au moment où son père revient vers nous. Il s’assoie devant le volant sans un mot, claque la porte ce qui nous laisse comprendre qu’ouvrir la bouche serait une mauvaise idée. Le trajet jusqu’à la maison se fait en silence et je dois me retenir de le toucher pour lui prouver que je suis là. J’aurais trop peur qu’il s’énerve ou, pire, qu’il me repousse. Non, mieux vaut le laisser se calmer et c’est pour ça que Tyler et moi le laissons partir en direction de la cave sans un mot. « Ça te tente une partie de Mario Kart dans ta chambre ? » Mon sac posé près du meuble d’entrée, mes chaussures retirées, je fais signe à Tyler de me passer son sac. « Carrément ! » Sans me départir de mon sourire, nous grimpons les deux étages et nous lançons dans plusieurs parties avant que l’inquiétude ne soit trop forte. « Continue sans moi, je vais voir comment va ton père. » Se contentant d’acquiescer, je désactive ma manette et sors de la chambre direction la cave. J’entends les coups pleuvoir avant même de l’apercevoir, en sueur. Discrète, je m’adosse contre le mur en l’observant taper encore et encore les bras croisés contre ma poitrine. J’ignore ce qu’elle a pu lui dire mais ça l’a vraiment atteint. Cela dit ça fait des semaines qu’il est tendu sans que je ne parvienne à savoir pourquoi. « Si tu me disais ce qui se passe dans ta tête. » Dis-je doucement. Il prend conscience de ma présence et moi je prends le risque de m’approcher. « Ne me mens pas, Tommy. Tu sais que je te connais et ce n’est pas qu’aujourd’hui, ça fait des semaines que t’es tendu comme ça. » Il peut me dire le contraire, je ne le crois pas. Je n’ai pas insisté mais là je perds patience. « Parle-moi, Tom’. S’il te plait … » Je le supplie en posant ma main sur son avant-bras, la tête penchée de sorte à croiser son regard.

Je frappe le sac avec aucune précision. J’enchaîne les coups, brutaux et sauvages, juste pour extirper cette colère que cette vipère m’insuffle. J’ai perdu la patience avec elle, depuis la dernière fois. C’est sans doute la pire dispute qu’on ait eu, et je pense que la tension je me la porte depuis ce jour-là. Toutes ses méchancetés débitées à la seconde sur Tessa m’ont donné envie de lui exploser la gueule en une fraction de seconde. Mais, c’est surtout moi que j’ai haïs des jours durant, parce que ses paroles m’ont encore atteins sans que j’arrive à les combattre. Lisa sait où frapper pour faire mal. Elle sait manipuler la vérité, dire les piles les choses qui vont nous faire douter et qui vont nous rendre fou. A maintes reprises, j’ai vu ce diable en elle. Et l’autre jour, ça a été la pire des fois. « Tu sais pourquoi on l’a viré de la maison ? Parce qu’elle se tapait mon père ! Et qu’en retour, il lui payait tout ce qu’elle voulait. C’est ce qu’elle fait de mieux, Tommy : elle baise juste pour le fric, tout comme sa mère ! » C’est exactement ça qui m’a fait dérailler. Parce que je sais la relation qu’à Tessa et l’argent aujourd’hui. Mais qu’en était-il d’hier ? Qui était sa mère ? Qu’est ce qui lui était vraiment arrivé ? Je n’ai pas pu répliquer parce que j’en étais incapable. Lisa avait une longueur d’avance sur moi, et je ne pouvais pas affirmer que c’était faux. « T’es vraiment naïf à ce point-là ? Tu m’étonnes que tout le monde t’abandonne…tu tombes amoureux des mauvaises personnes, Tom’. J’ai peut-être merdé avec toi, mais tu sais que je serai toujours là pour toi. Grâce à Tyler…on est lié à jamais » Une deuxième claque en pleine tronche, lorsqu’elle a fait l’allusion à l’abandon de mes parents, direct ou indirect. De mes choix qui m’ont brisé le cœur, et à notre putain de relation qui ne finira jamais. Ce jour-là, je suis rentré dans un tel état que j’ai mis des jours à regarder Tessa en face, parce que j’avais douté. Là, sur le coup, j’avais pas été capable de lui dire qui était vraiment Tessa Goldstein. Et même si les jours m’ont rassuré sur le fait que je la connais mieux que quiconque, l’ombre de son passé me pèse encore. « Si tu me disais ce qui se passe dans ta tête » La voix de Tessa me fait à peine sursautée, lorsque j’assène un autre coup. J’ai mis des protections sur les mains, mais à force de taper, j’ai peur de les endommager. « Ne me mens pas, Tommy. Tu sais que je te connais et ce n’est pas qu’aujourd’hui, ça fait des semaines que t’es tendu comme ça… » Elle s’avance, dépose une main sur mon avant-bras ce qui m’arrête net alors qu’elle captive mon regard. « Parle-moi, Tom’. S’il te plait… » Je sens les gouttelettes de sueurs coulent de mes cheveux trempés, mon t-shirt collant à la peau tant que j’ai transpiré. Je secoue la tête en chassant son bras du mien, et de retaper une dernière fois sur le sac : « Je la hais. »C’est une profonde affirmation qui sort de mes entrailles. Cette évidence me noue l’estomac parce que je suis dans une impasse. J’ai beau enduré ça pour Tyler, j’arrive à ma limite. Et c’est ce qui me fait le plus peur, de faire un moindre faux pas pour le perdre à jamais. Et c’est ça…le pire dans cette histoire, parce qu’à cause de mon amour pour ce gamin, elle aura toujours cette emprise sur moi.

Je n’aime pas ça. En fait, je déteste ne pas savoir ce qui se passe dans sa tête. Nous avons tous besoin de notre jardin secret, je le sais bien, mais le voir aussi mal et être incapable de l’aider ça me rend folle. Le voir ainsi, aussi énervé, aussi tendu, et ne pas pouvoir l’apaiser ça ne me plait pas. Tommy a toujours été là pour moi. Il a été d’un soutien infaillible même lorsque je pensais que rien n’était possible, que j’allais échouer lamentablement. Il a été mon roc et le sera encore longtemps. Je veux qu’il en soit de même de moi pour lui. Peut-être est-ce exagéré mais je me sens malheureuse de savoir que je ne peux rien faire. Abandonner Tyler dans sa chambre, j’aurais préféré éviter. Il n’est pas ici pour être tout seul seulement avec son père en colère, sans doute en train de taper comme un fou en bas, je ne peux pas rester à rien faire. Je n’ai qu’à le voir se défouler une fois dans la cave pour savoir que j’ai pris la bonne décision. En silence, je l’observe un petit peu. Ses muscles qui se bandent à chaque fois qu’il s’apprête à taper, la concentration qui fait ressortir une veine au niveau de sa tempe, ses cheveux et son haut trempés. A-t-il conscience à quel point il est sexy même lorsqu’il est dans cet état ? Mon cœur bat à tout rompre devant cette beauté brute et la réalité me rattrape rapidement. Il faut qu’il me parle. Il faut qu’il m’explique ce qui se passe, ce qu’elle lui a encore fait pour être dans un tel état et j’ai peur, j’ai tellement peur, qu’il me repousse, qu’il relève les murs qui le protègent et m’éloignent de lui. « Je la hais. » D’un geste, il a dégagé ma main. D’un geste il m’a repoussé et je pince mes lèvres pour ravaler le goût amer que j’ai dans la bouche et pour ne pas baisser les bras. J’attends qu’il tape une dernière fois et le force à me regarder plus longtemps. Une main sur sa joue en sueur, je tente par tous les moyens de lui faire comprendre que je ne compte aller nulle part. « Je sais … » Je souffle sans quitter son regard. « Qu’est-ce qui s’est passé, bébé ? Dis-moi … Je peux pas t’aider si tu ne me parles pas. » L’aider, je ne demande que ça. Si je ne peux pas l’aider à se débarrasser de son ex-femme, pas alors qu’ils sont liés à tout jamais par Tyler, je peux au moins essayer de panser un peu ses blessures même si ça ne fera que redoubler ma haine pour cette femme.

On peut pas dire je suis quelqu’un de bien calme. Je suis tout l’opposé : grande gueule, je dis trop souvent ce que je pense, bagarreur, j’ai déjà beaucoup trop d’avertissements pour des bagarres qui ont mal tournées, impulsif, je vis de mes émotions et mes pensées. Garder mon sang froid n’est pas si facile pour moi, encore moins face à une vipère comme Lisa. J’arrive au bout de mes capacités à être compréhensible, calme et tolérant. Si je tenais bon, c’était en partie pour Tyler, parce qu’il est mon fils quoi que les analyses sanguines peuvent démontrer. Il est ce bébé que j’ai nourris à des heures perdues, que j’ai consolé lors d’une mauvaise chute, que j’ai aidé à apprendre à marcher, parler, lasser ses chaussures, jouer au basket…Pour lui je ferai tout. Même supporter sa mère. Hélas dernièrement, j’ai du mal à garder ma promesse en tête. Parce qu’elle est particulièrement révoltée et en colère de ma relation avec Tessa. Faut dire qu’en tant qu’ex meilleure amie, elles ne se sont pas quittées en très bon terme. Alors à l’annonce de notre couple, elle a vu rouge, comme un putain de taureau qui charge, déterminé à frapper fort pour faire mal. J’envoie valser une dernière fois le punching ball avant que la main de Tessa me force à la regarder. Mes mains attrape le punching ball au vol, et tente de le maintenir pour ne pas qu’il vienne la heurter. « Je sais…Qu’est-ce qui s’est passé, bébé ? Dis-moi…Je peux pas t’aider si tu ne me parles pas » Et elle avait parfaitement raison, il y a quelques jours lorsqu’on sait pris la tête sur le fait que j’allais pas bien. Je voulais simplement oublier ce que Lisa m’avait dit, mais je n’y arrivais pas. Quoi que je fasse, lorsque je regardais le joli visage de ma copine, ces paroles revenaient en tête. Alors la simple chose que j’avais pu faire c’était de mettre une légère distance entre nous, chose qu’elle a rapidement senti. En même temps, à chaque fois que je mange en lance-pierre, elle sait que ce n’est pas question qu’un mauvais appétit, c’est bien plus profond. J’ai beau tenté de puiser dans le regard de Tessa de la force, je sais très bien que cette conversation va mal tourner. Pourquoi ? Parce que j’allais devoir lui mettre sur le tapis ce que Lisa m’avait dit, que j’avais douté pendant un temps, et qu’au final, ne pas savoir me fera toujours mal. J’allais devoir lui mettre en pleine tronche que le pouvoir que Lisa a eu pendant une seconde sur moi, c’est parce qu’elle n’est toujours pas vraiment à 100% dans notre relation, et que…d’une certaine manière, c’est sa faute. « Je… » Je commence à bafouiller, sans savoir vraiment quoi dire. Ressaisis-toi bordel. Je soupire, baissant les yeux, afin d’enlever les petites protections que portent mes mains. L’adrénaline commence doucement à retomber, et c’est à ce moment précis que je ressens mes muscles douloureux et ce besoin de m’asseoir. Alors, sans forcément faire gaffe à ce que cela pourrait faire à Tessa, je me retourne, va déposer les protections dans une armoire à côté et finit par m’asseoir sur un banc en secouant la tête : « Depuis l’annonce de notre couple, elle est ingérable. Voilà ce qui s’est passé » J’annonce ça d’une traite en tentant d’expulser cette lourdeur sur le cœur, parce que je sais que le plus dur n’est pas encore passé. Et cette pilule-là, elle sera difficile à avaler. Pour elle, comme pour moi. « Tu sais comment elle est…dès qu’elle peut t’enfoncer un coup de couteau dans le dos, elle le fait. » Je sais qu’à son regard, elle est sans doute perdue. Sait-elle quoi me dire ? Ou attend-t-elle que je développe un peu plus ? De toute manière, je n’ai aucune échappatoire. C’est sans doute pas la mer à boire, mais pour moi oui, car je sais que c’est la porte ouverte à une prochaine dispute. Je passe une main dans mes cheveux trempés, une nouvelle fois, avant de relever la tête vers elle. « Elle m’a dit des choses sur toi, Tessa. Des choses que j’ai été incapable de démentir parce que je ne sais rien… » Je déglutine en baissant les yeux et d’ajouter doucement : « J’ai beau te connaître depuis des années, je ne suis incapable de savoir ce que t’as vraiment traversé pendant tes 26 ans. » Je ne remets pas en cause sa confiance en moi, mais au fond, c’est bien ce que ce Lisa a tenté d’abimer.

Il y a cette petite voix dans ma tête qui tente de m’avertir, de me faire comprendre que la suite de cette conversation risque d’être délicate. C’est une sorte de sixième sens en quelque sorte, comme si je pouvais deviner à l’avance lorsque quelque chose de mal va se produire. Il faut dire qu’avec ce que j’ai vécu par le passé ou même avec lui, il y a de quoi développer un don pour deviner les ennuis avant qu’ils n’arrivent. Je l’ai déjà vu en colère et ce plus d’une fois. Il a parfois fallu le calmer lorsqu’il était à deux doigts de coller son poing dans le visage d’un pauvre type pour lui éviter une exclusion. Son coach est sérieux sur ce point : aucun de ces gars ne doit se battre et courir le risque de se blesser, ça risquerait de foutre en l’air une saison. Là, je sais que rien de ce que je peux dire ne va l’apaiser. Il a besoin d’extérioriser sa colère en cognant, ce que je le laisse faire pour finalement lui poser la question. J’accepte qu’il ait envie de gérer les choses à sa manière, toutefois je déteste le fait d’être mise sur la touche. Il pourrait tout aussi bien me dire ne pas avoir confiance en moi, l’effet serait le même. La distance, je la sens se mettre en place entre nous. Dès que je le touche, il me repousse tout en évitant soigneusement de me regarder. Et ça me fait mal. Ça me fait plus mal que ce que j’aurais pu l’imaginer. Je pensais que nous avions passé cette étape, qu’il n’y avait plus de ça entre nous, il faut croire que je me suis trompée. Sans bouger de l’endroit où je me trouve, je le suis du regard lorsqu’il s’éloigne retirer les protections de ses mains. Ne sachant quoi faire de mes bras qui pendent bêtement le long de mon corps, je les croise de nouveau contre ma poitrine sans un mot alors que Tommy s’assoie. « Depuis l’annonce de notre couple, elle est ingérable. Voilà ce qui s’est passé » Je pince mes lèvres sans rien dire. Est-ce triste d’admettre que je m’en doutais ? Elle ne supporte pas qu’on lui prenne ce qu’elle considère comme étant à elle. Ils sont peut-être divorcés depuis un moment, Lisa continue de croire que Tommy lui appartient. Que ce soit moi qui sois avec lui n’aide pas du tout. « Tu sais comment elle est…dès qu’elle peut t’enfoncer un coup de couteau dans le dos, elle le fait. » Je le sais mais ça n’explique pas qu’il me tienne à distance comme il le fait. « Elle m’a dit des choses sur toi, Tessa. Des choses que j’ai été incapable de démentir parce que je ne sais rien… J’ai beau te connaître depuis des années, je ne suis incapable de savoir ce que t’as vraiment traversé pendant tes 26 ans. » Je crois que les informations n’atteignent pas immédiatement mon cerveau puisque je prononce un simple « Oh … » sans comprendre la raison pour laquelle il ne me regarde pas. Puis ça me frappe d’un coup. « Attends, je ne vois pas … » En fait si, je vois. C’est pour ça que je ne vais pas jusqu’au bout de ma phrase et que je fronce les sourcils, mécontente. « T’es en train de me dire que t’as cru ce qu’elle t’a dit ? Lisa ? La femme qui se fout de ta gueule depuis des années ? T’as préféré croire les conneries qu’elle a balancé à mon sujet plutôt que d’avoir confiance en moi sous prétexte que tu ne connais pas mon passé ? » Mon ton monte d’un coup parce que …eh bien parce que je suis vexée de réaliser que j’ai probablement mis le doigt sur ce qui l’a amené à prendre ses distances avec moi. Je n’y crois pas, est-ce qu’il se moque de moi là ? « Tommy, regarde-moi et dis-moi que je me trompe ! Parce que je suis pas sûre d’apprécier le fait que t’ai plus confiance en elle qu’en moi ! »

La colère m’aveugle énormément. Je ne vois plus que rouge alors que le débit de mes paroles continue comme un flow trop dangereux. Je suis loin d’imaginer que vider mon sac va engendrer une nouvelle dispute et va forcément la blesser. Mais, Lisa a marqué un point en me faisant prendre conscience qu’en réalité le passé de Tessa je ne le connais pas. J’ai beau la connaître là par cœur, et savoir qu’à son regard, une lourde tempête s’annonce, j’étais et je reste incapable de savoir ce par quoi elle est passée en étant plus petite. Est-ce que je l’aimerai toujours même en sachant qu’elle a pu faire les pires choses pour survivre ? Oui. Est-ce que je lui ferai encore confiance si ce que Lisa m’a dit était vrai ? Oui. Aveuglement Pourtant ne pas savoir m’empêche d’être serein dans mon couple. C’est exactement ce que Lisa voulait semer : le petit doute. Ce putain de doute qui me montre que moi et Tessa, nous ne sommes pas vraiment égaux. Je préfère tout savoir, encaisser et vivre avec n’importe quoi plutôt qu’être ignare. Je l’ai été trop souvent, et ça me rends complètement fou. J’ai été le dindon de la farce trop souvent, maintenant c’est terminé. Je préfère de loin contrôler ma vie, en sachant pertinemment où je mets les pieds. Juste pour pouvoir enfin clouer le bec à mon ex-femme. « Oh… attends…je ne vois pas… » Son visage s’illumine lorsqu’elle comprend ce que j’ose signifier. Je le vois à ses éclaires dans les yeux que la fureur la traverse pendant un bref instant : « T’es en train de me dire que t’as cru ce qu’elle t’as dit ? Lisa ? La femme qui se fout de ta gueule depuis des années ? T’as préféré croire les conneries qu’elle a balancé à mon sujet plutôt que d’avoir confiance en moi sous prétexte que tu ne connais pas mon passé ? » J’ai beau savoir que ça allait arriver, ça n’empêche pas mon regard d’être fuyant une seconde, lui confirmant exactement ce qu’il s’est passé. Oh comme je me déteste d’avoir douté une seule seconde. Mais les blessures que Lisa a infligées il y a quelques années m’obligent à réagir ainsi. « Tommy, regarde-moi et dis-moi que je me trompe ! Parce que je suis pas sûre d’apprécier le fait que t’ai plus confiance en elle qu’en moi ! » Je relève la tête, refusant de la laisser croire une telle chose. Même si le doute est dissipé, ce n’est pas ça mon problème. « J’ai une pleine confiance en toi, Tessa. Je te donnerai ma vie les yeux fermés. Mais ce qu’elle m’a dit… » Je soupire, en entendant à nouveau les paroles blessantes de la sorcière. « J’ai été incapable de te défendre, parce que justement, je n’en sais rien. Tu me parles jamais de ton passé. Jamais. » C’est presque injuste de savoir qu’elle connait chaque détail de ma vie avec brio et que moi, je ne sais rien du sien. « C’est ce qui me dérange. J’ai aucun filtre pour toi, tu connais tout de ma vie. Je peux pas dire pareil pour toi. »

« J’ai une pleine confiance en toi, Tessa. Je te donnerai ma vie les yeux fermés. Mais ce qu’elle m’a dit… J’ai été incapable de te défendre, parce que justement, je n’en sais rien. Tu me parles jamais de ton passé. Jamais. » Pourquoi est-ce que je doute ? Pour quelles raisons je n’arrive pas à le croire lorsqu’il m’affirme avoir autant confiance en moi ? Peut-être parce que si c’était réellement le cas il n’aurait pas à se poser de questions sur mon passé et qu’il ne remettrait pas le sujet sur le tapis. Jusqu’à présent j’ai su éviter le sujet habilement et là … il me force à mettre les pieds dans le plat même si je n’en ai pas la moindre envie. Tout ça à cause de Lisa. Cette fille et sa famille semblent être très doués pour me pourrir la vie, m’enfoncer autant que possible et faire disparaitre le semblant de confiance que j’ai en moi. Mais à quoi je pensais hein ? Que ça allait être derrière moi alors qu’elle est directement liée à lui par Tyler et que je vais être obligée de la supporter si notre couple dure ? « C’est ce qui me dérange. J’ai aucun filtre pour toi, tu connais tout de ma vie. Je peux pas dire pareil pour toi. » Ma bouche qui s’est ouverte pour répondre se referme aussitôt. Je prends ces derniers mots comme une attaque personnelle. Je ne dis pas qu’il a tort, bien au contraire, mais je n’aime pas du tout la tournure que prend cette conversation et je sens gonfler ma colère un peu trop rapidement. « Et t’as jamais pensé que si j’en parle pas c’est qu’il y a une ou plusieurs raisons ? » Je grogne, croisant les bras contre ma poitrine comme pour me protéger de ce qui va sortir de ma propre bouche. « Qu’est-ce que tu veux que je te dise, Tommy ? Tu veux savoir quoi ? Que les Sœurs qui s’occupaient de moi m’ont maltraité pendant des années parce qu’elles pensaient que c’était de ma faute si les familles me renvoyaient toujours ? Tu veux que je te parle des 27 familles sur 9 ans que j’ai fait parce que je n’étais soit pas assez bien, soit je leur rapportais pas assez d’argent ou parce qu’ils ont fini par avoir leur enfant et que le jouet que j’étais n’était plus intéressant ? » Je commence à débiter d’un ton froid, ma voix augmentant un peu plus. J’ignore si je suis en colère contre lui ou contre le fait que malgré les années ça me fasse toujours aussi mal. « Tu veux que je te parle de la famille de Lisa ? Du père qui après avoir tourné plusieurs mois autour d’une gamine de 12 ans a essayé de coucher avec elle mais elle a refusé ce qui l’a conduit à prétendre qu’elle avait volé pour que sa femme et sa fille ne se posent pas de question quand j’ai été renvoyée ? En parlant de vol, tu veux peut-être que je te parle du cambriolage durant lequel ma mère a été tuée mais dont je me souviens absolument pas ou de ce temps où j’ai volé parce que je vivais seule dans la rue ? C’est ça que tu veux savoir ? » Voilà que je cris maintenant, les larmes de colère menaçant de m’échapper tandis que je le vois tenter un pas dans ma direction. Mais immédiatement je l’arrête d’un geste de la main. « Non ! La dernière chose dont j’ai envie c’est de ta pitié ! Laisse-moi tranquille … A vrai dire, je vais même aller prendre l’air avant de dire des choses qui nous feraient du mal à tous les deux mais pendant que je serais pas là t’auras qu’à fouiller dans mes affaires … » Je fais un pas en arrière et me maudit de pleurer si facilement. « T’y trouvera le dossier que Davon a monté sur moi si jamais t’as besoin d’en savoir encore plus la prochaine fois que la vipère malfaisante qui te sert d’ex-femme décide d’ouvrir sa grande gueule sans savoir qu’elle a été élevée par un pédophile et une alcoolique. » Sur ces paroles je lui tourne le dos et remonte les marches descendues il n’y a pas si longtemps. Je fonce droit vers la porte de la maison qui claque derrière moi alors que, furieuse, j’avance dans la rue sans réfléchir à ma destination.

Il me faut quelques minutes pour comprendre où je me trouve, où mes traitresses de jambes m’ont conduites. La maison de Lisa. Parce qu’elle ne bousille pas assez ma vie, il faut aussi qu’inconsciemment je sois attirée par elle. Mais tant mieux ! En colère, ressentant le besoin de me défouler sur quelqu’un qui le mérite, je parcours les derniers mètres me séparant de sa maison proprette. Il lui faut à peine deux minutes pour m’ouvrir et lorsqu’elle me voit sur le seuil de sa maison, j’ai une envie folle de la cogner. « Tu te ais ! A vrai dire, je suis là pour te dire que t’as intérêt à fermer ta grande gueule la prochaine fois que Tommy viendra chercher Tyler. J’ignore ce que tu lui as dit sur moi et j’imagine que pour toi il vaut mieux que je le sache pas. T’arrête ça et si que je sois là ça te suffit pas, attends-toi à te retrouver avec un procès pour diffamation au cul. Tu crois pouvoir t’en sortir ? T’imagine même pas les avocats que je peux lâcher sur toi. » Je la vois pâlir et devine la lueur de haine dans son regard. Bien, comme ça nous somme deux dans le même état. Mais j’ai dit ce que j’avais à dire – enfin presque – et c’est déjà plus qu’elle ne mérite. Tournant des talons, toujours en rage, j’ai besoin de m’éloigner d’elle avant de faire une connerie. « Il va se lasser tu sais. » Je m’arrête net mais ne lui fait pas l’honneur de la regarder, ce qui ne la décourage pas pour autant. « Il en aura assez que tu puisses pas lui donner ce que moi je lui ai donné … une famille, un enfant. » Et là c’est trop. C’était les paroles à ne pas prononcer, le point sensible sur lequel ne pas appuyer. Je me retourne trop vite pour qu’elle puisse fermer sa porte, trop vite pour qu’elle puisse esquiver mon poing qui vient s’écraser si fort dans son visage que je sens l’os de son nez craquer sous mes phalanges. Une douleur vive se propage de ma main à mon bras et me fait grimacer. « Va te faire foutre ! » Je la pousse un bon coup, attrape sa porte et la claque sans même me rendre compte que ma main est en sang t’en j’ai frappé fort. Mais je m’en fous, je veux m’éloigner au plus vite et rentrer avant de l’étrangler jusqu’à ce que mort s’en suive.

« Et t’as jamais pensé que si j’en parle pas c’est qu’il y a une ou plusieurs raisons ? » Bien entendu, j’y ai songé. Je sais qu’elle en a bavé toutes ses années, et que, sans doute, elle a simplement envie de les laisser derrière elle. Ce serait légitime. Et pourtant, une partie de moi aimerait savoir, pour pouvoir l’aider à supporter ce fardeau. Qu’importe ce qu’elle a vécu, traversé ou subit, j’ai besoin de savoir. J’ai besoin qu’elle m’accorde cette confiance qu’elle semble ne pas me donner. « Qu’est-ce que tu veux que je te dise, Tommy ? […] Que les sœurs qui s’occupaient m’ont maltraités […] Tu veux que je te parle des 27 familles sur 9 ans que j’ai fait […] » Elle s’emporte, animé par la colère et le dégoût de tous ses souvenirs. Je vois bien qu’à travers son regard qu’elle a encore mal, que ça continue de la ronger quoi qu’elle fasse. Et alors que ma colère diminue face à la sienne grandissante, prêt à ouvrir la bouche, elle me coupe l’herbe sous le pied. « Tu veux que je te parle de Lisa ? Du père qui après avoir tourné plusieurs mois autour d’une gamine de 12 ans a essayé de coucher avec elle mais elle a refusé ce qui la conduit à prétendre qu’elle avait volé […] » Le visage de Marc, le père de Lisa s’affiche à moi. Grand vainqueur, toujours fier de sa personne, mon estomac se retourne en l’imaginant vouloir toucher à Tessa qui n’avait que 12 ans. Et pourtant, en connaissant le personnage, je sais qu’elle me dit la vérité. Il a toujours eu des propos déplacés et des comportements abusifs. « Tu veux peut-être que je te parle du cambriolage durant lequel ma mère a été tuée mais dont je me souviens absolument pas ou de ce temps où j’ai volé parce que je vivais seule dans la rue ? […] » Je n’y arrive pas. Je n’arrive pas à effacer l’étonnement et la pitié qui traverse mon regard. « Tessa… »  Après toutes ses révélations, je me sens comme un idiot qui n’a rien compris à sa vie. En même temps, comment savoir ? Comment imaginer toutes ses horribles années ? Qui pourrait vivre ou survivre à ça ? Mon dieu… « Non ! La dernière chose dont j’ai envie c’est de ta pitié ! » Pris sur le vif, je ne sais plus où me mettre, et ravale la bile qui me monte à la gorge. « Laisse-moi tranquille…A vrai dire, je vais même aller prendre l’air avant de dire des choses qui nous feraient du mal à tous les deux mais pendant que je serais pas là, t’as qu’à fouiller dans mes affaires. T’y trouvera le dossier que Davon a monté sur moi si jamais t’as besoin d’en savoir encore plus la prochaine fois que la vipère malfaisante qui te sert d’ex-femme décide d’ouvrir sa grande gueule sans savoir qu’elle a été élevée par un pédophile et une alcoolique » Je n’ai pas le temps d’ouvrir la mienne qu’elle a déjà tourner les talons et quitter la pièce. La rage m’a totalement abandonné, me laissant vide d’énergie. Physiquement et psychologiquement. Tout se met en place comme un puzzle dans ma tête, et je comprends que j’ai eu tort. Même si j’aurai aimé savoir tout ça, j’étais à des millions de kilomètres d’imaginer tout ça. Je reste là, assis sur le banc pendant quelques minutes avant de me relever et de monter, les épaules avachis. Je m’installe sur les marches qui mènent à l’étage, sans penser à ce dossier. Je n’ai pas besoin d’aller vérifier, elle m’a dit la vérité. La vérité qui me révolte et me donne envie de vomir. « Papa ? » La voix de Tyler, douce et compatissante, s’invite à côté de moi alors qu’il me tend une bière, en guise de réconfort. Il s’est pris une limonade pour m’accompagner. Je secoue la tête, le regard tiraillé. Je n’ai pas pleuré depuis des années, et je ne le ferai pas aujourd’hui – pourtant les torrents d’émotions qu’elle a laissé dans mon cœur en déversant toutes ses horreurs me submergent totalement. « J’ai merdé » dis-je simplement à mon fils en lui saisissant la bière et la buvant. Je ne sais pas ce qu’il a entendu, et j’espère sincèrement qu’il n’a pas tout déchiffré. « J’aime pas quand tu te dispute avec maman, mais j’ai l’habitude maintenant » dit-il en haussant les épaules. « Mais je crois que je déteste encore plus quand tu le fais avec tata » « Moi aussi, mon grand, moi aussi. »

J’ai été incapable de la retenir, scotché par ces propos. Et maintenant, je suis assis sur les marches de la villa, en l’attendant. Je refuse de détourner le regard du bout de la rue, dans l’espoir de l’apercevoir. J’ai besoin qu’elle revienne, de la sentir près de moi, de lui dire oh combien je suis désolé. Mais tout ce que je récupère c’est un coup de fil de Lisa sur mon téléphone. Je ne décroche pas, luttant contre l’envie d’envoyer exploser mon téléphone. Le temps s’écoule, sans que je ne sache combien de temps je passe réellement là, les pensées perdues. Mais lorsqu’une voiture de police s’arrête devant chez moi, je ne peux m’empêcher de relever la tête. Merde. Il lui ait arrivé quelque chose. Non. Putain. Je me lève aussitôt alors que deux officiers s’avance vers moi. « Tommy Matthews ? » « Oui ? » « Nous recherchons mademoiselle Theresa Goldstein. Elle habite bien ici ? » « Qu’est-ce qu’il lui ait arrivé ? » Ma voix s’étrangle. De peur. L’officier regarde par-dessus la porte ouverte de ma maison. « Elle a agressée une personne. Est-elle là, monsieur ? »

La rage est telle que je ne sens que ça. Je suis énervée contre le monde entier et contre cet acharnement. En colère contre Lisa et le fait que ses parents ont trop d’éteint sur elle pour qu’on puisse faire quoi que ce soit pour la sauver. Elle est destinée à n’être qu’une sale mégère prête à tout pour gagner, y compris à écraser et blesser les autres. Je suis en colère contre Tommy et son besoin de tout savoir. En colère qu’il m’ait poussé à déballer toutes ces choses que je tente d’oublier tout en sachant que c’est impossible. Mais par-dessus tout je suis en colère contre moi-même. Pourquoi après toutes ces années et alors que j’ai une famille formidable je laisse mes démons m’abattre aussi facilement ? Il a suffi d’en parler pour ressentir tout le désarroi qui me rongeait à l’époque, pour revivre ces moments où les Sœurs me forçaient à me mettre à genoux sur le manche d’un balai en récitant ces fichus mots de pardon, comme si le Seigneur en avait quelque chose à faire … et si c’est le cas je doute qu’il approuve certains châtiments que j’ai subi. Je déteste tout ça, tous ces souvenirs, tous ces cauchemars que je tente d’enfouir si profondément en moi qu’ils ne pourront pas revenir me hanter. Du moins je l’espérais. Au moins j’ai arrêté de pleurer, ce dont je me rends compte arriver à deux pâtés de maison de chez Tommy. C’est aussi là que la douleur fait surface, lorsqu’après avoir longuement marché je finis par me calmer petit à petit et que l’adrénaline retombe. Dans une grimace je lève ma main et réalise enfin que le sang qui s’y trouve n’est pas uniquement celui du nez cassé de Lisa. « Génial. » Je soupire à moi-même. Je continue de marcher jusqu’à tourner dans la rue et apercevoir la voiture de police garée devant la maison. Mon cœur s’emballe aussitôt. Est-ce qui s’est passé quelque chose durant mon absence ? J’ai été absente combien de temps d’ailleurs ? Mon dieu, est-ce que Tommy et Tyler vont bien ? Je me retiens de courir mais accélère le pas jusqu’à voir le regard paniqué de mon petit ami se poser sur moi lorsqu’il me voit approcher. Qu’est-ce qui se passe bon sang ? Je me fige à quelques mètres de la voiture et au moment où un des deux policiers se tourne vers moi. « Theresa Goldstein ? » J’opine sans parvenir à trouver ma voix. « Je vais devoir vous demander de nous suivre au poste de police mademoiselle Goldstein. » Je … Quoi ? Mon regard incrédule voyage du policer à Tommy puis inversement. La lumière se fait petit à petit même si je peine à y croire. « Elle a porté plainte ? Sérieusement ? Vous arrêtez des gens pour un coup de poing maintenant ? Vous allez le faire pour les gifles pendant une dispute de couple aussi ? » Finalement ma colère n’est pas tant retombée que ça et à l’expression froide que m’offre le policier je suppose que je dépasse les bornes. « Ecoutez soit on fait ça calmement, soit on vous passe les menottes mademoiselle, dans tous les cas vous allez nous suivre. » Mes lèvres pincées, je soupire par le nez et fais ainsi comprendre que la méthode douce me tente plus. « Vous nous laissez deux minutes ? » Je demande en désignant Tommy et ils acceptent. Je monte les quelques marches pour le rejoindre. « Je suis désolée. » D’avoir frappé Lisa mais surtout de m’être emportée contre lui. « Viens pas avec nous, elle en profitera pour retourner ça contre toi et je fais déjà assez de dégâts. J’appellerais Davon une fois au poste. » Mais je sais qu’il ne va pas écouter en protecteur qu’il est. Je ne lui laisse pas le temps de me le confirmer que déjà je redescends et monte à l’arrière de la voiture de police.