no matter what (tomessa)

« Agressé une personne ? » Je répète stupidement, en écarquillant les yeux. Ils doivent forcément se tromper de personne. Tessa ne ferait pas de mal à une mouche, j’en suis persuadé. C’est la première à fuir les conflits et à m’engueuler lorsque je rentre moi-même dans une bagarre. Alors, l’imaginer agresser quelqu’un ? C’est presque impensable. Pourtant, la fermeté des officiers me fou un énorme doute. « Papa ? » La voix de Tyler dans mon dos m’interpelle et me fait aussitôt faire un demi-tour pour le regarder sur les marches de la maison. « Qu’est-ce qui se passe ? » « C’est rien bonhomme. Ils veulent juste parler à Tessa. Rentres dans la maison » Mais je sais que s’il fait quelques pas de recul pour m’écouter, il reste à l’écoute de la conversation. Par curiosité ou par inquiétude, je ne saurai dire. « Bien. Vous pouvez nous informer lorsqu’elle sera présente ? » Une question idiote, je suppose mais j’acquiesce par réflexe au moment où mon regard – ou plutôt tous mes sens s’alertent – se concentre vers la silhouette qui vient tout juste de pénétrer dans mon champs de vision. Je n’ai pas le temps de lui dire quoi que ce soit que les officiers s’approchent d’elle, une main sur les menottes encore attachées à leur ceinture. « Elle a porté plainte ? » Elle ? Je tente d’analyser la situation rapidement alors que je tente de la détailler. Mon regard s’arrête sur sa main ensanglantée, mon oreille captant quelques mots. Coup de poings. Dispute. Menottes. Étrangement, le nom de sa victime s’affiche à moi comme une révélation. A-t-elle vraiment frappé Lisa ? M’a-t-elle abandonné, après ses révélations, pour aller régler ses comptes ? Je n’en reviens pas. « Vous ne pouvez pas l’emmener ! » dis-je en tentant de me mêler à la conversation mais Tessa capitule. « Vous nous laissez deux minutes ? » Ils hésitent pour finalement nous laisser de l’espace. « Je suis désolée…» Mes mains viennent encadrer son visage par inquiétude, ou simplement par habitude. « Dis-moi que t’as pas fait ça… » Ma voix la supplie de me dire le contraire, mais je sais qu’elle va le confirmer. Je me fiche de Lisa, mais pendant une fraction de seconde, je pense à ma garde et à Tyler. Et c’est tout ce qu’il m’effraie le plus. « Viens pas avec nous, elle en profitera pour retourner ça contre toi et je fais déjà assez de dégâts. J’appellerais Davon une fois au poste. » Je secoue la tête en totale contradiction. « Hors de question. » Mais elle s’extirpe à moi et part rejoindre la voiture de police, qui semble démarrer. « MERDE. Putain de MERDE. » J’explose littéralement de rage en me retournant pour m’engouffrer dans la maison, saisir mes clés de voiture. Tyler me regarde une seconde et mon cerveau a du mal à réfléchir face à l’urgence de la situation. « Dans la voiture » C’est la seule chose que je lui crie alors que je cours déjà vers ma Dodge.

« Qu’on la sorte de cette fichue cellule » Je tape du poing sur le bureau de l’inspecteur qui me fait face. « Ecoutez monsieur Matthews, pour ce genre d’infraction, on doit d’abord prendre déposition des deux versions. Et la victime n’est toujours pas revenue de l’hôpital » Je rage. Putain de Lisa. Je tourne en ronds comme un lion en cage dans ce minuscule bureau. Tyler m’attends juste derrière la porte fermée. « Qu’est-ce qu’elle encoure ? » « Hormis une rallonge sur son casier déjà bien rempli…une belle amende. » J’acquiesce, le cœur serré en repensant à ce que son casier recèle. Son passé. Oh, comme je me déteste de l’avoir mise dans cette situation ! Tout est de ma faute, bordel ! « Tout ce que vous pouvez faire, monsieur Matthews, c’est de patienter » J’allais faire un énième tour lorsque je vois Lisa s’approcher docilement de Tyler. Je sors du bureau en trompe, prêt à lui dire ses putains de quatre vérités mais elle me gifle instantanément. « Ta pétasse m’a cassé le nez ! » Ma main vient masser ma joue douloureuse alors que l’inspecteur vient nous séparer. Les mots que je veux sortir sont trop crus et trop horrible pour les oreilles de Tyler, tandis que mon cœur veut simplement aller frapper une nouvelle fois la sale gueule de Lisa. « C’est tout ce que tu mérites ! » « Attends-toi au procès, Tommy ! Je refuse que mon fils approche cette cinglée » « Jamais t’arriveras à m’enlever ce droit, tu m’entends ? » Les mains de l’officier me repoussent dans ce bureau alors qu’un autre invite Lisa dans un autre. Je suis tellement aveuglé par la colère que je remarque à peine que Tyler est pris en charge par une dame en uniforme, qui lui offre un jus de fruit. « Vous devriez vous calmer, Monsieur Matthews. Ça n’arrange pas votre cas »

Je tourne en rond dans la cellule qui, par chance, est vide. Les paroles et le regard me suppliant de démentir de Tommy me hantent depuis que je me suis assise à l’arrière de la voiture de police. Je l’ai fait. Bon sang, j’ai collé une droite à cette sale vipère et je n’en suis même pas fière. C’est tout l’inverse. J’ai franchi une limite aveuglée par la colère et je n’ai pas pensé à ce que ça peut coûter à Tommy. Lisa est prête à tout pour faire de sa vie un enfer et je viens de lui offrir le moyen de lui faire du mal. Ça me bouffe, me rend tellement folle que je ne prête attention à l’arrivée d’une nouvelle personne que lorsque je repasse devant les barreaux de la cellule. Adossé au mur d’en face, bras croisés contre son torse, Davon me lance un sourire qui me donne en vie de lui en coller une. « Me regarde pas comme ça. » Je grogne en m’approchant autant que cela m’est possible. « Excuse-moi, j’essayais de t’imaginer mettre une droite à quelqu’un. » Visiblement, cet excès de rage de ma part l’amuse. Tu m’étonnes ! Je n’ai jamais frappé qui que ce soit tout bonnement parce que ça ne me ressemble pas. Mais Lisa … cette femme a le don de faire ressortir le pire de chez n’importe qui. « Je visais sa mâchoire. » Un aveu qui lui donne envie de rire, je le vois à la façon qu’il a de hausser un sourcil en pinçant ses lèvres. Finalement, il s’approche à son tour. « Tommy a payé ta caution, je ne sers pas à grand-chose hormis te dire que Lisa est a fait sa déposition, elle devrait bientôt partir. » Je vais peut-être rester ici finalement, pour m’assurer que cette folle furieuse ne va pas me foncer droit dessus et me rendre la monnaie de ma pièce – ce qui serait mérité. « En fait … Tu penses pouvoir monter un dossier contre elle ? Quelque chose pour lui mettre la pression et qu’elle laisse Tommy tranquille ? Je la connais, elle va le menacer avec la garde de Tyler si c’est pas déjà fait et j’ai pas envie qu’il la perde à cause de moi. » Dis-je en mordant l’intérieur de ma joue pour me punir. « Peut-être même quelque chose qui lui ferait perdre la garde à elle … juste au cas où ? » Ça non plus ça ne me ressemble pas mais j’ai tellement peur de ce dont elle est capable à cause de moi que je préfère me brûler un peu. Davon opine juste avant qu’un officier n’arrive vers nous. « C’est bon mademoiselle Goldstein, vous pouvez y aller. » Après un bref moment d’hésitation je sors et échange un regard entendu avec Davon qui me suit jusque dans le hall du commissariat. Je n’ose même pas un regard vers Tommy, pas même vers Tyler qui nous suit sagement vers la voiture. Le trajet vers la maison se passe dans un silence pesant alors que je regarde les rues défilées. Je ne dis rien non plus une fois la voiture garée et monte directement dans la salle de bain en laissant Tommy avec son fils. Ma main n’est pas belle à voir lorsque je la désinfecte et la bande pour protéger les coupures que j’ai à la jointure des os. Mon coup était vraiment fort et ce n’est que là que j’en prends conscience alors que mes pieds me guident vers la chambre où je retrouve mon petit ami. « Je voulais pas la frapper tu sais … Je voulais même pas la voir mais j’y suis allée inconsciemment. » Parce qu’une part de moi voulait lui dire ses quatre vérités en face. Nerveuse, je reste près de la porte que j’ai pris soin de fermer et laisse volontairement une distance entre nous. « Je suis désolée mais quand elle m’a dit … » Je m’arrête un instant, détourne mon regard pour trouver mon courage. « Quand elle m’a dit que tu finiras par te lasser de moi parce que contrairement à elle je pourrais jamais te donner d’enfants j’ai … c’était trop en une soirée. »

Me calmer, c’est ce que j’essaye de faire depuis de longues minutes tout en encaissant ce qu’il vient réellement de se passer. Tout s’est enchaîné si vite que je n’ai pas eu le temps de tout digérer. Et c’est dur. Autant les paroles de Tessa que de savoir qu’elle croupie dans une cellule sans doute terrorisée, avec en prime la menace d’un nouveau procès sur la tronche. Comment la situation a dégénérée aussi rapidement ? Une minute, je me défoulais sur mon punching ball, la seconde d’après je finissais au poste. Lorsqu’on tapa à la porte du bureau, le visage de Davon m’apparût à travers la vitre. L’avait-elle appelé comme elle avait dit qu’elle ferait ? « Je vois qu’on s’attire encore des emmerdes » dit-il en rentrant. Cela faisait un moment que je ne l’avais pas vu, mais égal à lui-même, il était serein dans ce genre de situation. « J’ai… » Merdé ? Laissé la situation s’envenimer sans le savoir ? pas réussi à protéger Tessa ? Et Tyler ? Je soupire, incapable de résumer la situation. Davon sourit étrangement et hausse les épaules : « Elle va bien, Tommy. C’est tout ce qui compte. Il faut juste payer sa caution pour qu’elle sorte » « Je le ferai » Pas besoin de spécifier qu’importe le montant, le chèque sera là. Je refuse qu’elle soit dans cette cellule plus longtemps. « Alors, si t’es calmé, on peut y aller. Lisa est partie, elle a voulu emmené Tyler avec elle, mais je crois que mon regard a suffi à l’en dissuader » De ses airs impénétrables, Davon a toujours été protecteur – surtout avec Tessa. L’être envers moi est inédit, mais j’apprécie son geste. « Merci » Je passe une main dans mes cheveux alors qu’il ajoute stupidement : « Je l’ai fait pour elle. » Parce qu’il sait combien elle se sentira coupable si je venais à perdre Tyler, momentanément ou définitivement, ou simplement combien elle sera triste de me savoir anéanti face à cette perte. Il ré-ouvre la porte du bureau et me guide vers un bureau plus immense où l’officier de tout à l’heure nous attends. Papier signé, chèque déposé, je laisse Davon le suivre pour aller récupérer Tessa alors que je m’engouffre dans le hall où Tyler court vers moi. « Elle va bien ? » C’est tout ce qu’il ose me demander alors que j’hausse les épaules, incapable de lui répondre : « J’espère, fiston. »

Lorsqu’elle apparaît au loin, son regard est fuyant. Il m’évite complètement et me frustre encore plus. Est-elle encore en colère ? M’en veut-elle pour avoir déclenché tout ça ? S’en veut-elle, à elle-même ? Je ne saurai dire. C’est Davon qui nous guide vers la sortir, et machinalement vers notre voiture. Quelques minutes plus tard, je conduis déjà en direction de la maison, le regard parfois inquiet vers elle. Mais elle est fermée comme une huître. Je connais assez Tessa pour savoir que lorsqu’elle est dans son monde, pour éviter toute nouvelle catastrophe, il faut la laisser. Alors, je ravale cette rancœur et cette inquiétude et me concentre sur la route. A peine arrivée, elle s’enfonce dans la maison, et monte directement, sans doute vers la chambre ou vers la salle de bain. Heureusement, Cameron est déjà à la maison et se charge aussitôt de Tyler, parce qu’il a bien compris que quelque chose n’allait pas. Je monte aussi les marches, dans le but de la retrouver mais lorsque je découvre la chambre vide, je finis par soupirer et m’asseoir sur le lit. La porte de la salle de bain était close dans le couloir, elle doit y être. La tête dans les mains, coudes posés sur mes genoux, je tente de calmer mes nerfs et d’encaisser ces évènements. « Je voulais pas la frapper tu sais… » Je relève la tête alors que sa voix perse le silence dont j’étais habitué. « Je ne voulais même pas la voir mais j’y suis allée inconsciemment » Je la regarde, nerveuse et distante. J’étudie ses traits, ses courbes et je repense une seconde à ce sentiment atroce qui m’a saisi lorsque la voiture s’est arrêtée devant chez moi. J’eus l’impression de me perdre moi-même de savoir que potentiellement il lui était arrivé quelque chose. Elle avance mais reste encore à distance. « Je suis désolée mais quand elle m’a dit…Quand elle m’a dit que tu finiras par te lasser de moi parce que contrairement à elle je pourrais jamais te donner d’enfants j’ai…c’était trop en une soirée » Mais quelle pute ! Ma colère pourrait instantanément se relancer, je secoue la tête et soupire. Je me lève à moitié, tends le bras pour saisir sa main et l’invite à me rejoindre. Encore assis, tout ce que j’arrive à faire c’est de me coller contre elle, ma tête sur son ventre, mes bras s’enroulant autour d’elle. « Jamais, Tessa. Jamais je pourrais vivre sans toi » Mon cœur se serre, ma pression autour d’elle aussi. « J’ai… » Je soupire, ma voix tremblante comme si peu de fois. « J’ai cru qu’il t’étais arrivé quelque chose. » Je renifle, mes yeux toujours secs mais mon expression tiraillé par la douleur, et lorsque je relève la tête vers elle, son regard a raison de moi. « Je me fiche de ton passé, de ce que tu as pu faire, ou de ta fertilité, j’avais juste besoin que tu me fasses confiance, assez pour t’aider à surmonter tes démons. J’ai… » Je ferme les yeux en secouant la tête, la laissant rencontrer son ventre une nouvelle fois. « Je suis désolé. Tellement désolé » Le contrecoup de toute cette histoire et me désarçonne complètement. J’ai perdu toute combativité, tout ce qui me reste c’est cette panique, ce désespoir et cette culpabilité.

Je ne pensais pas remettre les pieds dans un commissariat. Pas pour finir derrière les barreaux en tout cas. J’avais treize ans la dernière fois que c’est arrivé. Prise la main dans le sac … littéralement. Sale et mourant de faim, j’avais tenté de voler quelques dollars dans le sac à main d’une femme passée non loin de moi. Loin d’être faite pour être pickpocket, j’ai fini au poste de police le plus proche et renvoyée directement à l’orphelinat où mon châtiment m’avait fait passer l’envie de me plaindre d’avoir faim pendant un temps. Deux semaines plus tard je fuguais une nouvelle fois et me retrouvais dans la rue. J’ai joué à ce petit jeu deux bonnes années avant de trouver ma planche de salut. Je me suis alors promis de toujours rester sur le droit chemin, je n’avais simplement pas imaginé que Lisa viendrait faire de ma vie un enfer par jalousie ou fierté – sans doute les deux. J’ai honte autant que je me sens mal et étant douée pour me punir, je le fais durant tout le trajet jusqu’à la maison. Je me maudis d’avoir été aussi imprudente, aussi impulsive et d’avoir causé autant d’ennuis. Pourtant ce qui m’inquiète le plus est de savoir s’il va être capable de me pardonner d’avoir risquer la garde de son fils sous prétexte que j’étais en colère. Est-ce qu’il va m’en vouloir et me punir avec une période de froid et de distance comme la dernière fois où il était remonté contre moi ? Vais-je devoir penser à aller dormir ailleurs quelque temps ? Cette pensée me fait frissonner. Un frisson d’horreur alors que je ravale mes larmes et finis de panser mes blessures pour rejoindre la chambre. Il est là. Assis sur le lit, la tête entre les mains. Ma culpabilité redouble et même si je voudrais le serrer contre moi, je n’en fais rien. Le contact de sa main sur mon bras propage un courant électrique dans tout mon corps et mes pieds avancent sans que je ne prenne conscience de les commander. Face à lui, sa tête contre mon ventre, ses bras qui me serrent, je passe mes doigts dans ses cheveux par automatisme. Probablement pour me rassurer un peu aussi. « Jamais, Tessa. Jamais je pourrais vivre sans toi. J’ai… J’ai cru qu’il t’était arrivé quelque chose. » Je devrais être rassurée pourtant les paroles de Lisa tournent en boucle dans ma tête. Il dit ça maintenant mais qu’est-ce qui me garantit qu’à l’avenir, s’il souhaite un autre enfant, il ne changera pas d’avis ? Je voudrais m’excuser de l’avoir inquiété mais les mots ne sortent pas. Pas en voyant la détresse dans son regard. « Je me fiche de ton passé, de ce que tu as pu faire, ou de ta fertilité, j’avais juste besoin que tu me fasses confiance, assez pour t’aider à surmonter tes démons. J’ai…Je suis désolé. Tellement désolé » Lèvres humectées, je me détache pour m’installer à ses côtés sur le lit et glisse une main sous son menton de sorte à tourner sa tête vers moi. « Je te l’ai déjà dit, ça n’a jamais été une question de confiance. » Je souffle en faisant glisser ma main sur sa joue. « C’est … c’est une partie de ma vie contre laquelle j’essaye de lutter et dont je ne suis pas fière. Et j’aurais dû t’en parler, je le sais, mais … » Je souffle un coup en baissant les yeux. « Je pensais m’en être remise, c’est pas le cas. De mes six ans à mes quinze j’ai cette période sombre, j’étais morte en quelque sorte et j’aime pas en parler. Mais ne pense pas que c’est parce que je ne te fais pas confiance, je te suivrais n’importe où les yeux fermés. Je me damnerai pour toi, Tommy. » Ma main va prendre la sienne et la serre doucement. « Lisa le sait parce que je l’ai connu à cette période autrement elle n’aurait rien su et encore … elle ignore tout ce que son père m’a fait. » Lui aussi d’ailleurs et je doute d’être prête à lui dire la vérité un jour. « La Tessa que t’as connue, celle que tu vois tous les jours, c’est celle que je suis, celle que je suis devenue quand j’ai été sauvée et c’est le plus important même si j’avoue que ce soir j’ai pas vraiment été exemplaire et je suis désolée. Je sais ce dont elle est capable lorsqu’elle est en colère mais Davon … je lui ai demandé de voir s’il pourrait pas trouver des choses sur elle pour qu’elle ne te fasse plus de mal. » Dis-je en baissant de nouveau les yeux de crainte qu’il prenne mal cet aveu.

Je pense à toutes ses choses qu’elle a pu vivre, et ça me donne envie de vomir ou d’éclater la gueule de plusieurs personnes. Ça me dégoute qu’une gamine ait pu vivre autant de choses horribles. Moi qui me plaignais de l’abandon de mes parents, alors que j’avais Meredith et Gary. Je n’étais pas seul. Je ne l’avais jamais été, à contrario d’elle. J’ai l’impression qu’une partie m’est arrachée lorsqu’elle se glisse près de moi, à côté du lit et me caresse la joue de sa main non bandée. « Je te l’ai déjà dit, ça n’a jamais été une question de confiance. C’est…c’est une partie de ma vie contre laquelle j’essaye de lutter et dont je ne suis pas fière. Et j’aurai dû t’en parler, je le sais, mais… » J’ai envie de lui dire qu’elle aurait dû, que je ne compte aller nulle part et que si elle avait besoin d’un soutien quelconque pour continuer à guérir, j’étais son homme. Mais je me tais parce que je sais que lorsque Tessa veut parler, mieux vaut ne pas l’interrompre. « Je pensais m’en être remise, c’est pas le cas. De mes six ans à mes quinze, j’ai cette période sombre, j’étais morte en quelque sorte et j’aime pas en parler. Mais ne pense pas que c’est parce que je te fais pas confiance, je te suivais n’importe où les yeux fermés. Je me damnerai pour toi, Tommy. » Mon regard suit nos mains qui se lient, et alors qu’elle reprend la parole, mon regard continue de fixer sa main avec laquelle elle a frappé Lisa. « Lisa le sait parce que je l’ai connu à cette période autrement elle n’aurait rien su et encore…elle ignore tout ce que son père m’a fait. » Mon cœur se serre, ma gorge ravale la bile, en imaginant ce pédophile. Une partie de moi aimerait bien savoir ce qu’elle a vraiment vécu pour mieux la comprendre, mais je sais maintenant que ce sont ses propres démons. Et qu’en réalité, s’il était vraiment arrivé à ses fins, je pèterai littéralement mon câble. Je frisonne une seconde lorsqu’elle reprend : « La Tessa que t’as connue, celle que tu vois tous les jours, c’est celle que je suis, celle que je suis devenue quand j’ai été sauvée et c’est le plus important même si j’avoue que ce soir j’ai pas vraiment été exemplaire et je suis désolée. Je sais ce dont elle est capable lorsqu’elle est en colère mais Davon..je lui ai demandé de voir s’il pourrait trouver des choses sur elle pour qu’elle ne te fasse plus de mal » Je serre des dents à l’idée d’un énième procès, et de la peine que cela peut apporter à Tyler de nous voir nous déchirer de la sorte. Mais j’ai surtout peur de devoir le perdre lui, pour quelque chose dont je ne suis qu’à moitié fautif. Cela dit, la connaissant, ce sera toujours la même rengaine : un procès, un arrangement, de l’argent à flot, une pension plus élevée et un accord sur la garde. A croire que Tyler est devenue sa propre source de revenue, chose qui me dégoute. J’apporte ses mains, toujours sur les miennes à ma bouche pour les embrasser.« Elle m’a juré un procès » Ma voix est lassée de tout cette même chanson, mais je ne peux rien y faire. Lorsque je relève la tête, je vois bien qu’elle est entièrement désolée. « Bébé, c’est pas ta faute. Elle attendait la première connerie de notre part pour m’en remettre un au cul. » Je prends une grande inspiration avant de répondre à ce qu’elle m’a dit plus tôt : « Je n’aurai pas du douter, ni te mettre dans cette situation. C’est juste que…j’ai vu ton passé comme un début de distance, un manque de confiance et j’ai mal réagis. J’aurai simplement voulu te défendre face à elle… » J’étudie sa main bandée, qui a maintenant bien gonflée et secoue la tête, avec un léger sourire : « Tu l’as pas loupé en tout cas » J’en ai presque envie de rire, en repensant à la tête qu’elle avait en arrivant au poste. Elle qui ne jure que par son apparence, elle va avoir du fil à retordre les prochains jours. J’essaye de détendre l’atmosphère avant que ma main ne vienne rejoindre ses jolies joues. « Lisa, c’est une connasse qui sait comment manipuler les gens, j’en ai pleinement conscience. Tyler est ma faiblesse, et j’ai appris à lui tenir tête face à ça. Mais lorsqu’elle t’a utilisée pour m’attendre, ça m’a désarçonné. T’es devenue ma faiblesse, Tessa. Et je sais pas comment gérer quand quelqu’un t’attaque ou te fait du mal…. » Mon regard plonge dans le sien une seconde, ma tête se rapproche d’elle, mais s’arrête lorsque mon front touche le sien. Je ferme les yeux une seconde avant de souffler : « Mais je te promets d’essayer d’être plus fort, parce que je refuse qu’elle arrive à nous diviser. Je t’aime trop pour ça. »

Le voir comme ça et savoir ce que je risque d’avoir créé avec mon geste me donne la nausée. J’ai toujours détesté l’idée de faire du mal aux personnes qui me sont proches, même inconsciemment mais Tommy ? C’est pire encore. Il est devenu si important pour moi, mon tout, mon pilier le plus solide, que le voir se fissurer par ma faute me rend malade. La culpabilité va mettre quelques jours à disparaître voire même des semaines si Lisa s’amuse à faire de sa vie un enfer parce que j’ai été incapable de contenir ma colère – qui s’apparentait surtout à de la rage en réalité. Je ne veux pas qu’il perde son fils, ça le détruirait et je serais incapable de me regarder dans un miroir si ça arrive, incapable de le regarder lui. Mais je sais que c’est en partie de ma faute, que si je m’étais ouverte à lui comme il l’attendait nous n’en serions jamais arrivé là, à cette dispute, à mon aller-retour au poste de police et à cette pointe de douleur dans son regard. Je ne peux pas retourner en arrière et quelque part je n’en ai pas envie. Je déteste la violence physique, malgré ça je suis presque heureuse d’avoir enfin fait à Lisa ce dont je rêve depuis des années. Une bien maigre douleur vis-à-vis de celle qu’elle a infligé à Tommy. « Elle m’a juré un procès » Je mords ma lèvre, pose sur lui un regard désolé qu’il remarque dès qu’il redresse la tête. Je savais que j’allais m’en vouloir et je savais qu’elle aurait sauté sur la moindre occasion pour lui faire du mal. Ce n’est pas pour rien que j’ai demandé à Davon de tenter de trouver de quoi faire pression pour qu’elle arrête son petit jeu sadique. Je veux protéger Tommy. Si je n’ai pas sa force et son courage, je peux parfaitement abattre d’autres cartes pour veiller sur lui comme il le fait si souvent avec moi. « Bébé, c’est pas ta faute. Elle attendait la première connerie de notre part pour m’en remettre un au cul. Je n’aurai pas dû douter, ni te mettre dans cette situation. C’est juste que…j’ai vu ton passé comme un début de distance, un manque de confiance et j’ai mal réagis. J’aurai simplement voulu te défendre face à elle… » Je libère l’une de mes mains que je retourne poser sur sa joue comme si ce contact me permettait à chaque fois de lui faire sentir que notre lien, notre connexion, est toujours là. Pour nous rassurer tous les deux. « Même si tu l’avais su, elle aurait trouvé autre chose pour te faire du mal à travers moi. Ça n’amènera jamais à une distance entre nous. » Mon regard rencontre le sien et je ne le quitte pas pour qu’il puisse sentir à quel point je suis sincère. Je ne laisserai rien nous séparer, pas alors que j’ai besoin de lui pour vivre, que je suis totalement dépendante. « Tu l’as pas loupé en tout cas », « J’en suis quand même pas très fière. » Même si ça m’a fait du bien, je n’aurais jamais dû la frapper, qu’importe ce qu’elle a pu me dire. Mes joues emprisonnées par les mains de Tommy, je relève les yeux vers lui. « Lisa, c’est une connasse qui sait comment manipuler les gens, j’en ai pleinement conscience. (…) T’es devenue ma faiblesse, Tessa. Et je sais pas comment gérer quand quelqu’un t’attaque ou te fait du mal… Mais je te promets d’essayer d’être plus fort, parce que je refuse qu’elle arrive à nous diviser. Je t’aime trop pour ça. » J’arrête de respirer une seconde et soupire longuement en l’observant, les yeux fermés. A chaque fois je peine à comprendre de quelle manière j’ai pu avoir cet homme pour moi, comprendre la raison pour laquelle il m’a choisi moi. « Elle n’y arrivera pas. Je t’aime, Tommy, peu importe ce qu’elle pourra dire ou faire ça ne changera jamais. » Je grimpe sur ses genoux, passe mes bras autour de ses épaules et l’oblige à tomber en arrière sur le lit. « Serre-moi. » Je souffle en allant nicher mon visage dans son cou. Je ne compte pas le quitter, je pourrais même aller jusqu’à m’endormir comme ça, allongée sur lui, ses bras me gardant fermement contre lui. Je ferme les yeux et laisse notre proximité me calmer. Il n’y aura toujours que lui pour m’apaiser. Lui l’homme de ma vie qui n’a pas volé que mon cœur mais une partie de mon âme.