dancing on broken glass / eris

Elle semble déjà avoir tellement changé. Meghan soupire en observant les photos des premiers jours de la vie d’Adelaïde. Elle a l’impression de ne toujours pas réaliser et, donc, de ne jamais profiter d’elle assez. Elle préfère ne même pas penser au moment où elle reprendra le travail. Pour l’instant, tout ça lui parait encore loin, même si le temps passe beaucoup plus vite que prévu. Elle observe la petite fille, allongée dans son parc, occupée à essayer d’attraper le babouin qu’elle a choisi pour peluche préférée. Bien loin des barbies traditionnelles dont Meghan ne voulait surtout pas, celle-ci a été offerte par son frère et, même s’il n’est pas spécialement beau, c’est lui qu’Adelaïde adore. Ce dont Aaron n’est pas peu fier. Elle hésite à poster un selfie sur instagram, avec un petit texte qu’elle a rédigé depuis quelques jours. Mais à nouveau, la photo ne lui convient pas. Elle allume l’appareil photo de son téléphone et prend un nouveau selfie. Toujours pas convaincue, elle finit par quitter le canapé pour rejoindre la cuisine et se préparer un thé. C’est le moment que choisit la petite fille pour s’agiter et pleurer. Meghan la prend dans les bras, avec son singe aussi, quand elle est prise d’un hoquet. Elle ne comprend vraiment plus son corps ces temps-ci. Elle pensait que tout allait revenir à la normale après l’accouchement. Mais ce n’est pas encore le cas. Comme si son enveloppe s’habituait encore à l’absence de ce bébé qui y avait logé pendant de longs mois. Secouée par le hoquet, le bébé dans ses bras semble s’en amuser. Meghan prend tout de même un grand verre d’eau, qui suffit à le faire passer, avant de mettre de l’eau dans la bouilloire pour son thé. L’après-midi passe lentement, même si elle trouve toujours de quoi s’occuper. Elle refuse de s’ennuyer, de peur de laisser son esprit vagabonder vers les deux branquignols qui pourraient avoir un rôle dans la vie de sa fille. L’un des deux est le père mais ne s’est toujours pas vraiment manifesté. L’autre aurait sans doute aimé l’être mais n’a baragouiné aucun mot depuis qu’il a appris qu’il ne l’était pas. Meghan aurait tellement voulu que tout soit plus simple, mais au lieu de se prendre la tête, elle se concentre sur cette petite fille qui la regarde avec de grands yeux. Il n’y a qu’elle qui compte dans tout ça. Après l’avoir nourrie, elle la met en pyjama et la prépare pour la nuit. Allongée sur le dos, celle-ci se frotte les yeux alors que Meghan commence à chanter doucement. « Mè, mè, a chaora dhubh, Càit a bheil do chlòimh? » Comme à chaque fois, la petite fille sombre doucement dans le sommeil, alors que sa mère utilise les chanson écossaises que sa mère lui avait chantées, il y a des années de ça. Celle-ci parle d’un mouton, rien de très poussé mais Meghan aime lui parler un peu en gaëlique, par respect pour ses origines, bien sûr qu’elle ne maitrise pas parfaitement la langue. Elle place le drap léger sur le corps endormi d’Adelaïde avant de quitter la chambre en silence. Quand elle referme la porte, elle constate que les affaires d’Eris sont dans l’entrée. Il lui avait bien semblé entendre un peu de bruit. Elle trouve sa colocataire et amie dans la cuisine et lui sourit. « Elle vient de s’endormir. » Dit-elle en s’étirant. Elle non plus n’ira pas se coucher trop tard, mais elle a encore quelques heures devant elle, surtout qu’elle a fait une sieste avec Adelaïde. « Tu as passé une bonne journée ? » Elle ouvre le frigo, espérant y trouver quelque chose alors qu’elle sait qu’il est presque vide. « On ira faire des courses demain. A moins que je passe commande sur internet. » Une solution qu’elle a souvent adopté ces derniers temps. C’est tellement plus simple en même temps. « Qu’est-ce que tu dis de manger des nouilles avec le poulet d’il y a deux jours ? » Elle sort la boîte contenant le reste, offrant un sourire se voulant convaincant. « Sinon, on commande. Mais ce n’est pas comme ça que je vais perdre les kilos qui me restent. »

@Eris Casarei

Elle soupire de soulagement lorsqu’elle referme l’écran de son ordinateur portable. La journée est finie et elle n’en est pas peu ravie. Les choses sont plutôt calmes en ce moment ce qui est assez rare pour être souligné. Alors lorsqu’elle regarde l’heure qu’affiche sa montre et constate qu’il est à peine dix-huit heures, un sourire étire ses lèvres. Avec son travail, il n’est pas rare qu’elle rentre chez elle tard le soir, parfois même dans la nuit alors lorsqu’elle finit à une heure plus normale, elle en profite. Elle se dit qu’elles pourraient peut-être regarder un film avec Meghan si la petite ne rechigne pas à dormir. Quoique si Adelaïde s’endort tôt, sa meilleure amie pourrait décider d’en faire autant et c’est donc seule qu’elle passerait cette soirée de libre. Egoïstement, elle espère que Meghan ne la laissera pas tomber pour son lit même si elle le comprendrait. Certes, ce n’est pas elle qui est devenue maman mais vivant avec le nouveau-né, elle réalise ô combien c’est du boulot.
Clef dans la serrure, elle déverrouille la porte avant d’ouvrir celle-ci. La pièce à vivre du duplex a beau d’être éclairée, elle n’y trouve personne. Haussant les épaules, elle referme la porte derrière elle, la verrouillant. Veste accrochée au porte-manteau, elle retire ses talons et la sensation de ses pieds nus sur le sol plat la fait soupirer de plaisir. Sans perdre plus de temps, elle prend la direction de la cuisine où elle se sert un grand verre d’eau. Elle vient de s’endormir. Posant son verre à présent vide sur le comptoir, elle sourit à son tour. Bien joué, maman. Elle lui tend une main pour que Meghan vient la taper avec la sienne. Tu as passé une bonne journée ? Elle la regarde se diriger vers le frigo jusqu’à ce que son portable lui annonce l’arrivée d’un sms. Ses yeux se posent sur l’écran : Paco. Rapidement, elle lui répond avant de reposer le regard vers la blonde. Oui. Étonnamment calme. Peut-être que le monde a décidé d’enfin se calmer. Ou au moins de lui accorder une pause. Et toi ? Comment ça s’est passé avec ton mini-toi ? Tout comme Meghan, Eris réalise la tristesse de leur frigo. On ira faire des courses demain. A moins que je passe commande sur internet. D’un signe de tête, elle approuve. Fais ça. Feignantes ? Non. Occupées ? Oui. Eris affiche une grimace à la proposition de sa meilleure amie mais son visage s’illumine déjà lorsqu’elle finit par avancer l’idée de commander. Arrête un peu, t’es magnifique. Elle le pense. Puis, on peut très bien trouver quelque chose d’à peu près sain. L’un des avantages de vivre à New-York, c’est bien les nombreuses opportunités qui s’offrent à ses habitants. Qu’est-ce qui te fait envie ? Elle déverrouille à nouveau son portable pour ouvrir l’application qu’elles ont l’habitude d’utiliser pour commander leurs repas.

Même alors qu’elle tape dans la main d’Eris, tendue pour la féliciter, Meghan peut sentir la fatigue dans tout son corps. Pourtant, elle ne fait pas vraiment de sport, mais elle a l’impression d’en avoir les courbatures. Il faut dire que, moins d’un mois après l’accouchement, son corps reprend encore ses marques. Et s’occuper d’un nourrisson n’est pas de tout repos. Encore plus qu’elle l’avait imaginé. Enfin là, Adelaïde est couchée pour la nuit – elle croise les doigts – et Eris est rentrée. « Ça serait bien, en effet… Mais il faudrait que tu cherches un autre travail. » Et elle est douée pour ce qu’elle fait, ça serait dommage. Même si le monde se porterait mieux si tout le monde respectait la loi et ne l’obligeait pas à rechercher des criminels tout le temps. « Plutôt calme aussi. On a fait une sieste un peu trop longue, mais ça fait du bien. » Elle n’aurait jamais pensé être heureuse de la durée d’une sieste. Ça faisait des années qu’elle n’en avait pas faites. Mais elle en a souvent besoin ces temps-ci, surtout quand Adelaïde ne comprend pas toujours que la nuit est faite pour dormir. Beaucoup d’adaptation. Et en conséquence, certaines choses dont elle n’arrive pas à s’occuper. Remplir le frigo par exemple. L’option de la commande lui parait bien plus simple, mais il faut quand même qu’elle prenne le temps de le faire. Pour l’instant, elles n’ont pas grand-chose à manger, et pourtant, elle commence à avoir faim. Commander serait plus simple, mais moins raisonnable pour la ligne qu’elle a clairement perdu. Normal quand on a donné naissance il y a moins d’un mois, mais Meghan n’est pas à l’aise avec son corps. Heureusement qu’elle ne sort pas beaucoup. Ou peut-être que ça fait aussi partie du problème. « Tellement magnifique que je n’ose pas m’approcher de la balance, oui bien sûr. » Elle lève les yeux au ciel. A vrai dire, elle préfère ne pas trop y penser. Elle aura bien le temps de perdre les kilos qu’elle a en trop plus tard. En effet, elles pourraient trouver quelque chose de sain à commander, même si ce n’est pas forcément la première idée qu’avait Meghan. « J’avais pas vraiment des idées très raisonnables en tête… » Elle fait la moue, comme si elle était vraiment désolée. La vérité, c’est qu’elle a faim et pas envie d’une salade. « J’ai envie de sushis. On n’en a pris qu’une seule fois depuis mon accouchement, ça ne suffit pas. » Et elle s’est privée bien assez souvent. « C’est du poisson et du riz, c’est à peu près sain, non ? »