We meet again ft. Seth

Fidèle à son habitude, la sulfureuse mexicaine dilapidait ce soir-là de précieuses heures de son existence éphémère en participant à une levée de fonds barbante. Après tout, c’était un mal nécessaire pour maintenir cette couverture de pureté, pour solidifier son persona d’héritière fortunée morte d’ennuis… cette illusion d’altruiste passionnée, une image soigneusement élaborée pour détourner l’attention de réels business moins légitimes. Comme tous les évènements du genre, et en parfaite hypocrisie face à l’objectif caritatif de la soirée, celle-ci se déroulait dans un lieu scandaleusement luxueux du centre-ville. Mara aurait parié que comme elle, la vaste majorité des participants n’avaient aucune idée de ce qu’ils finançaient en se pavanant fièrement dans ce défilé incessant d’égo et de richesse, une compétitions informelles de réussite. Sauf que même dans cet océan d’abondance, elle sortait du lot, ténébreuse statut en recul de l’action. Déjà, elle n’avait personne à son bras, nullement intimidée par sa cuisante solitude – c’était plus aisé pour aborder de potentiels collaborateurs – ensuite, plutôt que de se mêler à la foule, elle demeurait élégamment dressée, une flute de champagne à la main, alors que ses iris chocolatés détaillaient chacun des invités, comme un aigle étudiant sa proie. Elle avait tout d’une louve indépendante, drapée dans une robe longue ébène qui épousait la moindre de ses formes sans glisser dans la vulgarité, une particularité des tenues de designer. Pour un œil amateur, cette ténébreuse beauté à l’apparence soignée et discrète, ne devait pas avoir les moyens de s’offrir des bijoux et une tenue onéreuse … un connaisseur aurait pu voir dans cette simplicité volontaire, des pièces soigneusement agencées et toutes plus couteuse les unes que des autres… C’était un excellent test, pour isoler la racaille des proies valables.

Portant le verre à ses lèvres en scrutant les autres invités en silence, elle ne détourna ses iris sombres de la foule qu’au moment où son espace vital fut envahi par un macaque en smoking qui s’autorisa l’affront de poser une main sur son avant-bras pour attirer son attention dans un non moins minable. « Vous avez l’air d’être bien seule… »  qui eut raison du peu de respect qu’elle aurait pu avoir pour lui. Instinctivement, elle avait pressé ses lèvres en une moue dégoutée, avant de revêtir un sourire des plus faux et de darder avec une indifférence glaciale l’impoli qui daigna libérer son bras. « … Vous faites erreur, j’attends quelqu’un. » Mensonge effronté, mais elle ne pouvait calmer la petite voix qui lui hurlait de mettre le plus de distance entre elle et le vieillard. Des années s’étaient pourtant écoulées depuis ces incidents charnels, et pourtant, elle ne pouvait retenir la torsion douloureuse de son battant, la poussée de panique, dès qu’on osait la toucher sans prévenir. Ne lui laissant pas la chance de protester, elle s’était dressée sur le pointe des pieds, feignant d’avoir repérer quelqu’un dans cette foule, et l’avait planté là dans un : « … Et je viens justement de l’apercevoir. Bonne soirée. » sans savoir ou aller, elle ne perdit pas une seconde avant de se diriger vers un autre coin de la salle, en parfait contrôle de la situation. Il lui suffisait d’adresser la parole à n’importe qui, pour acheter la paix.

… Ce qu’elle n’avait pas prévu, en revanche, c’est que sa fuite serait stoppée nette, des mètres plus loin, alors que ses pieds s’arrêtaient brusquement dans leur fuite, après une tentative réussie de se faufiler entre de petits groupes en pleine discussion, figée devant l’homme qui se dressait devant elle. Bon, au moins, elle ne l’avait pas heurté dans sa hâte, mais à voir son minois blêmir et ses doigts relâcher dangereusement leur emprise sur sa coupe de champagne, c’était tout comme. Ce visage …. Seth…. Elle aurait bien été incapable de l’oublier … Et avec lui ce cacophonique battement au niveau de son organe vital, cet inhabituelle douleur aux ventricules, et cette image cuisante brûlée dans ses songes : …. Cami. Il était rare que la mexicaine soit victime de ses émotions, rares qu’elle ait des émotions tout court…. Mais plantée là, elle était pratiquement submergée par un océan de culpabilité, d’inquiétude … et par l’atroce agonie du manque… Quelque part, elle se demandait si lui aussi, elle lui manquait de manière aussi viscérale, jour après jour … sa défunte femme. Finalement, les iris ébène se posèrent sur son minois et elle reprit contenance, ses lèvres s’étirant en un sourire timide … un sourire franc alors qu’elle l’avertissait, sur un ton complice. « … À titre informatif, je suis à deux secondes de briser toutes conventions sociales et de me jeter à ton cou. » Mensonge, parce qu’elle n’eut besoin que d’une fraction de seconde, pour l’attirer dans une étreinte. Au diable les apparences, Seth, c’était le plus proche d’une famille qu’elle ait.