i want to see you smile / warner

Elle a envie de le voir ce soir. Elle dit qu’elle aurait pu rentrer chez elle s’il n’avait pas eu le temps de venir avec elle, mais la vérité est toute autre : elle n’aurait pas pu s’y résoudre. Enfin, elle aurait fini par le laisser tranquille, mais ça n’aurait pas été de bonne volonté. Ils ont beau avoir dit qu’ils ne se prenaient pas la tête, qu’ils ne définissaient rien, elle a quand même envie de le voir à chaque seconde. Rattraper tout le temps qu’ils ont perdu ces dernières années. Ce qu’il lui dit la fait sourire, rougir un peu aussi, elle n’a plus vraiment l’habitude d’entendre de telles choses.  Quelques secondes plongée dans ses yeux, et elle peut constater qu’il est très sérieux. Peut-être un peu trop à son gout. Elle secoue la tête, puis sourit légèrement. « Vraiment ? Et tu ne te lasserais pas ? » Il en aurait marre à un moment donné, c’est sûr. Elle-même n’est pas en mesure de dire qu’elle ne se lassera jamais, même si elle a très envie d’y croire. Enfin, c’est une question pour plus tard, elle n’a pas envie de gâcher ce moment avec des craintes qui n’ont probablement même pas lieu d’être. Prête à affronter le froid, elle s’inquiète de savoir si Warner en a toujours envie lui aussi. Quelques secondes pour s’y habituer, et elle se sent bien. Presque. Elle le rassure d’un hochement tête, et lui demande d’imaginer qu’ils se trouvent sur plage au Brésil. Ca aussi, ça fonctionne presque, il faut juste que Warner y mette un peu du sien. Sa réplique la fait sourire d’un air moqueur. « Libre à toi d’enlever ton manteau alors. » Elle sait très bien qu’il n’en fera rien, et elle sait surtout ce qu’il sous-entend. Elle lui donne une petite tape sur l’épaule pour la peine, avant de secouer la tête d’un air réprobateur. Elle trouve tout de suite après un endroit où s’installer, et visiblement ça convient aussi à Warner, même s’il a toujours l’air d’être au Brésil. Elle aurait mieux de s’abstenir pour le coup, et la voilà qui lève les yeux au ciel. « Promis, je t’y emmènerais un jour. Mais en attendant j’ai besoin de toi ici, avec moi. » Elle n’attend pas qu’il lui demande ce qu’elle a apporté avant de commencer à tout déballer. Elle s’écarte légèrement de lui sur le banc, pour mettre une serviette entre eux. C’est là qu’elle va poser leur repas. « Bon, j’ai juste acheté de quoi faire des sandwiches, rien de trop élaboré, mais j’ai acheté des produits de qualité. » Elle hausse les épaules, un pique-nique reste un pique-nique. Elle sort du pain frais, le fromage, la charcuterie, un peu de salade, et surtout, deux verres en plastique accompagnés de la fameuse bouteille de vin, qu’elle tend à Warner. « Tu nous fais l’honneur ? »

Elle est rassurée de savoir que Warner ne se lassera pas d’elle. Il en a l’air convaincu, aussi convaincu qu’elle même si au fond, ça lui fout la trouille. Elle l’a déçu une fois et elle ne peut pas dire avec certitude que ça ne se reproduira pas. Mais très vite, elle se retrouve avec d’autres préoccupations, dont celle de convaincre Warner de ne pas l’abandonner dans ce froid presque glaciale. Franchement, le soleil, à part à décorer un peu le ciel, ne sert absolument à rien. Pour entrer dans son jeu, elle lui propose d’enlever son manteau. Il n’aura pas plus l’impression d’être sur une plage au Brésil, mais ça il semble s’en rendre compte très vite, et elle ne peut s’empêcher de rire. « On ira se réchauffer après, va. » Elle tente de le rassurer pour lui donner du courage. Elle ne voudrait pas qu’il lui fasse compagnie si rapidement, le pique-nique lui tient à coeur. « Et je te vois venir, j’entends par-là qu’on ira se mettre à l’abri. » Dans son bureau par exemple. Et pas forcément tous les deux, lui dans son bureau, elle dans le métro pour rentrer chez elle. « Si un jour j’en ai les moyens, bien sûr que oui. Si tu n’es réellement pas lassé de moi d’ici là. » Elle lui fait un clin d’œil, il faut vraiment qu’ils arrêtent de parler de ça, c’est trop sérieux pour un moment léger comme celui-ci. C’est définitivement une conversation pour plus tard, et elle préfère se concentrer sur ses sandwiches. « Parfait, tes critères ne sont pas très haut visiblement. » Mais tant que ça lui convient, tout est parfait effectivement. Surtout qu’elle s’est appliquée à ne choisir que des bons produits, elle en a même déjà l’eau à la bouche. « Tu trouves que j’en ai trop fait ? » Demande-t-elle d’un air un peu soucieux. « Tu n’as pas faim c’est ça ? » Il n’a pas à s’en faire pour les restes, ils pourront toujours manger plus tard. Ou même les offrir à des sans-abri, elle en a malheureusement croisé plusieurs en venant le voir. Warner leur sert le vin tandis qu’elle prépare un premier sandwich. Pour elle, elle préfère que le jeune homme se fasse le sien comme il en a envie. « Le meilleur pique-nique de tous les temps, n’exagère pas hein, il fait froid, le banc n’est pas si large, les conditions ne sont pas toutes au beau fixe. » Elle soupire, puis hausse les épaules. « Mais bon, au moins t’es là, et c’est le plus important. »

Elle le connait, depuis le temps. Elle sait tout de suite où va s’aventurer son esprit dès qu’elle lui promet qu’ils vont pouvoir aller se réchauffer et ne pas trop trainer dehors. Avant même d’ouvrir la bouche, elle sait à quoi il va penser. A en croire sa réaction, elle a vu juste. Elle ne peut s’empêcher un sourire moqueur. « Je pense à ton avenir, je ne voudrais pas que tu te fasses virer à cause de moi. » Elle hausse les épaules, après tout ça ne regarde que lui. « Mais si t’as toujours froid ce soir, on pourra voir à ce moment-là. » Elle a parfois l’impression qu’il aime agir comme un enfant capricieux. Heureusement, ça la fait plus rire qu’autre chose, et elle a bien d’autres préoccupations. Ils plaisantent depuis tout à l’heure, mais ce dont ils parlent et quand même un peu plus profond que les apparences le laissent penser. Ca lui fait plaisir bien sûr, mais ça lui fait peur aussi. Ils étaient censé aller doucement, prendre les choses comme elles viennent. Les paroles de Warner, amenées par ses propres paroles certes, lui font prendre conscience qu’ils vont peut-être un peu vite. « Et dire qu’on devait ne pas se prendre la tête. » Cette remarque, elle est plus pour elle-même que destinée à Warner. Elle sait que ça ne veut probablement rien dire, mais elle ne veut pas qu’ils se fassent trop d’espoirs tous les deux. S’ils ont décidé de prendre leur temps, c’est pour une bonne raison. Mais elle ne fait pas plus de commentaires là-dessus, préférant se consacrer à son sandwich. Elle a très faim, et elle est contente de constater que Warner aussi, et qu’il a l’air satisfait en plus de ça. La première bouchée est excellente, et elle est très fière de son idée pour le coup. « Tu es heureux alors ? Comme ça ? » Lui demande-t-elle entre deux bouchées. Elle ne parle pas spécialement d’elle, ou de leur relation qui n’en est pas franchement une. Mais est-il vraiment heureux dans sa vie telle qu’elle est aujourd’hui ? « Tu n’as aucun regret, aucune chose que tu aimerais changer ? » Heureusement qu’ils ne devaient pas se prendre la tête, hein. Mais savoir ça, ça lui brûle les lèvres, et tant pis si ça la fait se sentir coupable. Elle peut vivre avec.

Il faut qu’elle arrête de parler de ce soir et de ce qu’ils vont faire, parce que bientôt, elle ne va plus penser qu’à ça. Elle s’imagine déjà chez lui, bien au chaud. Elle n’ose pas laisser son esprit s’aventurer trop loin parce qu’elle a peur que par miracle, il puisse lire dans ses pensées. Même si clairement, elle sait qu’il ne verrait aucun inconvénient à ce dont elle est en train de penser. C’est bien pour ça qu’elle se garde de lui en dire plus. Elle a besoin qu’il soit là, avec elle, à profiter de l’instant. Ils passent un bon moment, et elle ne veut pas qu’il rate ce qu’ils peuvent être en train de vivre, aussi commun et ordinaire que cela puisse paraitre, parce qu’il a l’esprit trop occupé ailleurs. « Si tu continues à en parler, je vais chercher d’autres trucs à faire moi. » Elle ne veut pas le punir, juste l’aider à tenir jusqu’à ce soir. L’après-midi va lui paraitre tellement long comme ça… Elle aurait peut-être dû s’abstenir de lui en parler tout court en fait. Heureusement, il revient très vite à elle, et à l’instant présent. Elle ne sait pas comment c’est arrivé, mais Eliza se pose soudainement beaucoup de questions. Sur eux, sur lui en fait. Elle veut savoir s’il est heureux dans la vie qu’il a aujourd’hui. S’il n’a aucun regret. Ca a toujours été très important pour elle, et même s’ils n’ont pas mis de mot sur leur ‘relation’ actuelle pour ne rien gâcher, forcément elle se pose des questions. Elle espère ne pas lui avoir fait peur, et elle voit bien qu’il n’a pas l’air de comprendre. Mais il lui répond qu’il est heureux et qu’il ne voudrait rien changer, et ça la soulage un petit peu. « Je suis heureuse oui. » répond-elle songeuse elle aussi. « Et je ne regrette pas grand-chose parce que sans mes choix, je sais que je ne serais pas aussi heureuse aujourd’hui. » Son seul regret avait été de quitter Warner sans un mot et de le laisser derrière elle. Mais si elle ne l’avait pas fait, elle ne serait que l’ombre d’elle-même aujourd’hui, même avec tout son amour et son soutien. « Mais si je dois être honnête, je ne suis réellement bien que depuis que ça va mieux entre nous. » Elle continue de manger son sandwich entre deux paroles, espérant ne pas trop s’avancer sur un terrain miné, ou douloureux.

Elle s’en veut dès que ses paroles quittent ses lèvres Elle sait qu’ils ont dit qu’ils ne se mettaient pas la pression, mais elle n’a pas pu s’en empêcher. Forcément que cette nouvelle proximité avec Warner, cette relation qui ressemble presque trait pour trait à celle qu’ils ont eu par le passé, lui fait se poser des questions. C’est naturel. Elle veut s’assurer que tout ceci lui convient. Qu’il ne se fait pas trop d’idées, pas trop d’espoirs. Et avant aujourd’hui, elle n’a jamais osé lui demander comment il allait, comment il se sentait par rapport au gros point noir de leur histoire. Elle est soulagée quand il lui dit qu’il est heureux. C’est tout ce qu’elle a toujours voulu, et ça peut paraitre difficile à croire, mais quand elle est partie, elle n’avait que ça en tête. Qu’il soit heureux, même si c’était sans elle. Elle a pu se rendre compte que ça n’avait pas été aussi simple qu’elle l’avait pensé, mais apparement, il a réussi à l’accepter un peu mieux. Ca aussi ça la rend heureuse. Elle a la sensation de retrouver petit à petit ce qu’ils avaient, même si elle sait que ça ne pourra pas revenir au même point. Clairement, Warner manquait à sa vie. Elle a été tellement stupide de penser que s’éloigner règlerait quoi que ce soit. C’est bien là son seul regret. Elle a de la chance qu’il ait décidé de lui donner une seconde chance. En l’entendant parler, Eliza baisse forcément le regard et n’ose pas rencontrer ses yeux. Elle a trop peur de ce qu’elle pourrait y voir. Une vérité toute autre de ce qu’il est en train de dire peut-être ? Il ne lui mentirait pas, pas sciemment, et elle le sait, mais elle a quand même peur de ce qu’elle pourrait découvrir dans son regard. « Ouais, c’était pas évident à accepter. En fait je me serais même pas attendue à ce que tu le fasses à un jour. » répond-elle en relevant finalement les yeux. Il en aurait eu totalement le droit. « J’ai l’impression de tricher. » D’être une usurpatrice. De ne pas le mériter. Il faut qu’elle l’accepte aussi, ce qu’elle a fait. Qu’elle l’accepte pour pouvoir avancer, et surtout qu’ils puissent avancer tous les deux. C’est bien pour ça qu’elle tient à ce qu’ils prennent leur temps pour voir où tout ça les mène. « Enfin… Je voulais pas parler de ça, désolée de tout gâcher encore. J’avais juste vraiment besoin de te dire ce que j’avais sur le coeur. Ca fait partie de mes nouvelles résolutions. » Une relation qui n’est pas basée sur l’honnêteté n’est pas saine. Elle a décidé de ne plus jamais rien lui cacher, même si c’est difficile. Elle soupire, puis termine son sandwich. « Clairement, c’était pas ce que j’avais en tête pour ce midi. » Il va lui en vouloir hein d’avoir ramené ce sujet sur le tapis alors qu’ils passaient un parfaitement bon moment ?