I'm lost without you (wassie)

Les mains en appuient contre la machine à café, mon regard fixe le liquide brun qui monte dans le petit gobelet beige sans réellement le faire. Des heures que je suis à l’hôpital et je me sens plus vidé que jamais. Depuis plusieurs semaines c’est presque un rituel. Je me lève, avale un café, m’habille après m’être douché et je conduis jusqu’à l’hôpital où je passe d’abord voir Cassie pour finalement passer du temps avec notre fils. Généralement, j’y reste jusqu’à ce qu’une infirmière me propose d’aller prendre l’air, puis je reviens. Je n’avale rien le reste de la journée hormis café sur café. Les heures suivantes, lorsqu’elle n’a pas de visite ou que je ne suis pas en train de souffler dehors, je reste auprès de Cassie. Sans parler. Parce que nous ne sommes pas adressés la parole depuis l’accouchement et que je ne me sens pas capable de la forcer, pas alors que j’ai cette culpabilité qui me ronge encore et encore. J’aurais dû être près d’elle dès le début et non pas prendre la fuite comme je l’ai fait, paniquer et la juger alors que je n’en avais pas le droit. Encore moins maintenant que je sais que cet enfant est clairement le mien. Le nôtre. J’aurais dû être là, serrer sa main, lui montrer que je serais toujours présent et qu’elle n’aura jamais à douter de moi. A la place je n’ai été qu’un pauvre idiot et je ne peux pas m’empêcher de penser que si j’avais été là peut-être que l’accouchement n’aurait pas été aussi dramatique. Le psychiatre de l’hôpital m’a bien dit que non, seulement ça ne rentre pas dans ma tête. La seule chose que je suis capable de faire, d’accepter, c’est de lui laisser du temps. Je lui dois au moins ça. Mais ça me bouffe. Ça me bouffe de l’intérieur de la voir ainsi et de ne rien pouvoir faire contre. Je me sens inutile, perdu et quelque peu paniqué aussi. Qu’est-ce que je suis supposé faire hormis attendre ? La laisser sombrer comme elle le fait sans rien dire ? Merde, ça me tue de ne pas être capable de la faire réagir, ne serait-ce qu’un peu.

Mais pour ça, il faudrait qu’elle me parle et c’est à peine si elle me regarde. Je n’ai sans doute que ce que je mérite, ça n’enlève pas la douleur pour autant. « Wyatt ? » Redressé, je lâche la machine à café et pose mon regard sur Chris Rhodes, veste enfilée, signe qu’il quitte l’hôpital. « Tu devrais la rejoindre. Vous avez besoin de vous forcer un peu tous les deux. » Sourcils froncés, je ne dis rien. Mon beau-père passe à côté de moi, pose sa main sur mon épaule, s’apprête à ajouter quelque chose puis change d’avis. Notre relation s’est légèrement améliorée depuis la naissance du bébé. Il a pu voir combien je tiens à sa fille mais il continu de me faire peur. Autant que mon père ou ma mère me font peur. Décidé à suivre son conseil, je jette le café auquel je n’ai pas touché et gagne la chambre de Cassie. Devant la porte, j’hésite un instant, inspire une grande bouffée d’air et ouvre. Elle est là, assise sur son lit, le regard perdu dans le vide. « Cassie ? » Tenté-je doucement en refermant la porte derrière moi. Et, lorsqu’elle lève les yeux, avant même de parler, c’est comme si elle me revoyait enfin depuis longtemps. Mon cœur manque un battement et de peur de me faire des idées, je ne bouge pas. La fixe en silence. « J’suis désolée… j’suis tellement désolée… » Il ne m’en faut pas plus pour briser la distance qui nous sépare, m’asseoir sur son lit et la prendre dans mes bras. « Shhh, t’excuse pas bébé. » Mes bras la serrent un peu plus contre moi, mes lèvres se posent sur le sommet de sa tête et je la berce doucement, trop heureux de pouvoir enfin la retrouver, même si ce n’est qu’un peu. « C’est moi qui dois m’excuser. J’aurais dû rester près de toi. J’aurais dû être là du début à la fin et j’ai aucune excuse. Je suis désolé, Cassandra, de t’avoir abandonné comme je l’ai fait. Je le suis plus que tu ne peux l’imaginer. » Pour la première fois depuis des années – depuis vraiment très, très longtemps même – je sens des larmes menacer. Elles viennent brûler ma rétine alors que j’humecte mes lèvres et lèves les yeux vers le plafond pour les empêcher de m’échapper.

Voir une personne à laquelle je tiens être mal, la voir même pleurer, ça me rend fou. Je déteste ne pas être capable de l’aider à aller mieux, de me sentir aussi inutile voire même faible. Je voudrais pouvoir sécher ses larmes, faire disparaître ses doutes et lui assurer que jamais, ô grand jamais, je ne la quitterais. Même le doute qui m’a rongé il y a plusieurs semaines aurait fini par totalement disparaître parce que cette femme, cette personne que j’ai actuellement dans mes bras et qui pleure à chaudes larmes, je l’aime comme je n’ai jamais aimé personne avant elle. Comme je n’aimerais jamais personne d’autre. Il m’a fallu des années pour m’en rendre compte mais est-ce réellement important maintenant que nous sommes là l’un pour l’autre ? J’imagine que non mais malgré ça, je ne sais pas quoi faire pour la consoler hormis la serrer et la bercer dans mes bras. Être présent, c’est tout ce qu’on me demande. Etre là et lui laisser du temps, c’est ce que je n’ai pas arrêté d’entendre. Ça ne suffit pas à faire taire mon sentiment d’impuissance en la voyant pleurer. « J’avais … j’avais besoin de toi, Wyatt. Mais je sais que tu ne m’as jamais abandonné. C’est moi qui nous ai foutu dans cette situation, pas toi. » L’intérieur de ma joue mordue jusqu’au sang, je ravale comme je le peux ma culpabilité et la colère que j’éprouve envers moi-même. Elle avait besoin de moi et j’ai fui. Je suis doué pour ça il faut croire : paniquer et fuir. J’aurais tellement voulu être meilleur pour elle, il faut croire que je n’en suis pas capable. « Dis pas n’importe quoi. » Dis-je sans la relâcher de crainte que ce moment se brise si jamais elle quitte mes bras. « Il me semble que pour avoir un enfant, il faut être deux Cassandra. Je suis tout autant coupable que toi, peut-être même plus. » C’est moi qui ai accepté de ne pas être prudent le jour où le bébé a été conçu. C’est moi qui aurais dû dire non ce qui nous aurait évité tout ça. Ce qui lui aurait évité autant de souffrance. Je préfère être blâmé plutôt qu’elle porte ça sur son dos. « Je n’arrive pas à me mettre dans la tête que j’ai failli risquer sa vie, parce que j’étais incapable de m’imaginer maman. J’le réalise toujours pas. Mais… J’en ai assez de rester comme ça. Je veux être aussi forte que ma mère l’a été. Et pour ça, j’ai besoin de toi. Je suis désolée… » Mon regard baissé vers elle, je sens un léger sourire ému étirer mes lippes. Tout comme je sens les larmes contre lesquelles je luttais rouler à flot le long de mes joues. Des années que je n’ai pas pleuré. Même la mort et l’enterrement de Thomas n’ont pas réussi à me mettre dans cet état. Cassie, si. « Cassie … » Je souffle en me décalant de sorte à pouvoir encadrer son visage de mes mains, caressant ses joues de mes pouces. « J’ai jamais été aussi mal que ces dernières semaines, partagé entre la culpabilité et l’impuissance. Te voir comme ça … ça m’a fait tellement de mal. J’avais pas la moindre idée de comment t’aider et ça m’a rendu fou et désespéré. J’ai même pensé que tu serais mieux sans moi mais la vérité … » Je m’arrête un instant, inspire un grand coup. « C’est que moi je peux pas vivre sans toi et je t’en voudrais jamais d’avoir réagi comme tu l’as fait. Mais j’ai besoin que tu me parles, que tu me laisses t’aider parce que je serais toujours là pour toi, peu importe mes doutes. T’es tout ce que je veux. » Je continue de caresser ses joues et de pleurer doucement puisque de toutes manières, devant elle je n’ai aucune honte à avoir. « Pour ce qui est du bébé … je peux t’amener à lui si tu veux ? Tu n’es pas obligée de te faire à l’idée d’être mère tout de suite, mais le voir … il est peut-être temps, non ? »

« J’ai fait ce déni, pas toi. J’ai été si aveugle que j’ai risqué nos deux vies » Elle est bornée Cassie, je l’ai toujours su. Son entêtement, je l’ai sans arrêt vu comme une qualité, celle qui lui a permis d’aller au bout de ses décisions et de ne pas se laisser démonter. En revanche, là, je la vois comme un défaut qui me ferait presque lever les yeux au ciel si c’était le bon moment. Ça ne l’est pas et je n’ai pas le droit d’être agacé. Je n’en ai plus le droit depuis que j’ai été lâche et que j’ai laissé ma petite amie affronter tout ça toute seule. Ça ne veut pas dire que je dois être d’accord avec tout ce qu’elle dit et certainement pas avec ça. Je suis tout autant coupable qu’elle et je suis autant têtu qu’elle peut l’être. « Ne te flagelles pas comme ça, bébé. T’es pas la première femme dans cette situation et tu ne seras pas la dernière. Avec tout ce qui s’est passé à cette période, tu étais en droit de ne pas faire attention aux signes. » De toute manière, je refuse qu’elle se fasse plus de mal qu’elle ne s’en est déjà fait ces dernières semaines, je ne le supporterai pas. J’ai trop encaissé dernièrement pour parvenir à le faire plus. Mes larmes en sont la preuve. Ma fierté n’est même plus capable de me faire retenir ces perles salées qui s’échappent de mes yeux et prouvent mon épuisement ainsi que l’état dans lequel toute cette situation m’a mis. « J’ai … C’était trop pour moi. Je me suis sentie tellement dépassée par ce qui se passait. Pardonne-moi … » Mes bras se resserrent autour de Cassie comme pour la protéger du mal qui pourrait encore lui tomber dessus tout en lui donnant la force nécessaire pour se remettre de cette culpabilité qui semble la ronger. « Y a rien à pardonner, Cassie. Je t’en veux pas. » Je lui assure en déposant un nouveau baiser sur le sommet de sa tête. Comment pourrais-je lui en vouloir alors qu’elle n’a rien demandé de tout ça ? Alors que c’est elle qui a dû subir tout ça, qui a dû passer par ce traumatisme ? Je ne peux pas. C’est tout bonnement impossible. Au regard qu’elle pose sur moi dès que je lui parle du bébé, je sais qu’elle panique déjà, qu’elle n’est pas certaine d’être prête. Je resserre un peu plus mon étreinte pour lui éviter de se décourager. « D'accord. », « Ça va bien se passer. Et je reste avec toi. » Je ne compte pas la lâcher, pas un seul instant. Sauf là, alors que je me sépare de la brune pour quitter son lit et tendre la main vers elle. Cassie la saisie et je l’attire à moi, embrasse son front, son nez et enfin ose embrasser tendrement ses lèvres. « Tout va bien se passer. » Je souffle ensuite. Ma main toujours dans la sienne, je noue nos doigts et l’entraîne doucement vers le couloir puis la nurserie, prenant volontairement mon temps pour qu’elle puisse se préparer.

J'ai besoin qu'elle sache que je ne suis pas capable de lui en vouloir. J'ai souffert de son silence et de la voir aussi mal sans être capable d'y faire quoi que ce soit, c'est vrai. Je vais m'en vouloir encore longtemps pour ma lâcheté. L'avoir abandonné, ne pas avoir été là pour la soutenir durant l'accouchement, je vais avoir du mal à passer outre. La culpabilité, je la laisse souvent prendre le dessus. C'est un défaut sur lequel j'essaye de travailler mais dans les prochains jours - voire même dans les prochains mois - j'en serais tout bonnement incapable. Malgré ça, je dois rester fort pour Cassie et pour notre fils. Ne rien montrer, être le pilier dont ma petite amie a besoin pour tenir debout. Ça commence par la soutenir quant au fait d'aller voir notre petit garçon. Ce tout petit être qui a besoin de sa mère plus que Cassie ne peut l'imaginer. Ce petit garçon à qui j'ai rendu visite tous les jours sans oser lui donner de prénom. Parce qu'une part de moi veut que ça soit Cassie qui le fasse, comme pour nouer définitivement ce lien qui va la lier à tout jamais à notre enfant. « Emmène-moi voir notre fils » D'un mouvement de la tête, j'acquiesce et l'emmène doucement vers la nurserie. Inutile d'accélérer le pas. Je prends le temps qu'il faut pour qu'elle puisse se préparer à cette rencontre que j'attends depuis un moment. Je repère les infirmières surprises sur notre route et atteins notre destination. « Mon dieu… » C'est également l'effet que ça me fait à chaque fois que je le vois relier à tous ces tubes nécessaires pour l'aider dans sa croissance. En arrière, je n'ose rien dire et la laisse s'approcher de la couveuse avant qu'elle ne tourne à tête vers moi. « Je peux ? » Bien sûr qu'elle peut et mon sourire l'y invite. Lentement, je m'approche de Cassie, pose une main sur son épaule tandis qu'elle glisse sa main dans l'un des gants lui permettant de toucher notre bébé. « Bonjour… Peter » Mon sourire se fait plus tendre, ma main sur son épaule la serre un peu plus et mes lèvres se posent sur le sommet de sa tête. « Peter… Thomas Farrell. » Même si j'ignore d'où lui vient le premier prénom, je n'ai rien à redire. C'est sa première étape vers l'acceptation même s'il me semble juste de rajouter le prénom de mon défunt meilleur ami. « Un vrai petit battant… Comme sa mère. » Je souffle en passant tendrement mes bras autour de la taille de Cassie afin de la serrer contre moi. « Et vous êtes tout ce qui compte pour moi. » Je chuchote à son oreille, mon regard rivé vers notre petit Peter.

C’est une scène que je ne m’attendais plus à voir un jour. Non pas que j’avais baissé les bras mais j’ai rapidement supposé qu’il lui faudrait pas mal de temps avant d’accepter de voir notre garçon. J’ai fini par l’accepter, par lui laisser le temps dont elle aurait besoin. C’est le moins que je puisse faire en plus d’être là pour elle. Être un pilier sur lequel elle peut se reposer, l’homme que j’aurais dû être le jour de l’accouchement. Ma culpabilité ne va pas diminuer ou elle le fera avec du temps. Je vais passer les prochains mois à être aux petits soins avec Cassie pour me rattraper, pour lui faire comprendre que plus jamais elle n’aura à douter de moi, qu’elle peut me faire confiance. Je veux être l’homme que je me suis promis d’être pour elle, celui qui a changé pour elle, qui a chassé ses démons et accepté de s’ouvrir pour elle. Pas ce sale type qui n’a pas eu les couilles d’être là pour elle lorsqu’elle en avait besoin et qui s’est imaginé le pire, assis comme un con par terre. Alors oui, j’étais prêt à lui laisser tout le temps nécessaire pour accepter l’arrivée de notre fils dans nos vies mais, une fois encore, Cassandra Rhodes ne cesse de me surprendre. La voir si proche de notre enfant qu’on peut l’être, ça gonfle mon cœur de bonheur, me donne la larme à l’œil ce qui ne me surprend plus après avoir pleuré sérieusement face à elle tout à l’heure. Maintenant notre bébé a un prénom. Mieux que ça, il a une identité et ça donne encore plus d’impact à ce moment, le rend plus réel qu’il ne l’était déjà. « Comme son grand-père… Peter, comme son grand-père maternel » Je crois pouvoir m’avancer et dire que c’est la première fois qu’elle me parle de cet homme. Parler de sa mère depuis qu’elle est morte, j’évite de le faire. Pas seulement avec Cassie, avec ma mère aussi. Parce qu’elle était comme une sœur pour elle et que sa mort a affecté bien des personnes. Mais que notre enfant porte le nom de son grand-père, qu’il fasse vivre une part de sa mère, c’est un magnifique cadeau. Je laisse une ébauche de sourire étirer le coin de mes lèvres tandis qu’elle se tourne vers moi, vient se réfugier dans mes bras qui l’entourent immédiatement et la serre comme pour la protéger encore et toujours du reste du monde. « On a un fils… » Un baiser déposé sur le sommet de sa tête, je pose ensuite ma joue contre celle-ci. « Un petit garçon parfait. » Confirmé-je. Décalé de sorte à pouvoir poser les yeux sur elle, je vais caresser tendrement sa joue. « Même si ce n’était pas prévu, on va s’en sortir parce que c’est ce qu’on sait faire de mieux toi et moi. Tu m’as fait un magnifique cadeau avec ton amour, me donner un enfant, un petit garçon aussi merveilleux, c’est la plus belle chose que tu pouvais m’offrir, Cassandra. » Et je pensais ce que je disais, ils sont désormais ma priorité et ce qui m’importe le plus au monde.