Meeting sur le campus [ft. Tessa}

Mes cheveux bruns attachés fouettent le haut de mon dos et mes épaules. La lanière de mon sac de sport passer en bandoulière, j’accélère le pas. Traverser le parc de l’université le soir, ce n’est pas vraiment ce qui me met le plus à l’aise. Un peu comme si je devais traverser tout Central Park à pieds et seule … pas vraiment conseillé. Mais l’entraînement s’étant terminé assez tard, je n’ai pas vraiment le choix. Je dois rejoindre le métro et évidemment l’entrée de celui-ci se trouve à l’autre bout du campus. J’aurais pu demander à être accompagnée mais je n’ai pas voulu déranger. Résultat, j’accélère à presque courir pour aller plus vite pour finalement ralentir lorsque je sens mes poumons me rappeler à l’ordre. Les enchaînements intensifs pour la dernière compétition de l’année de cheerleading m’ont épuisé et puisque j’ai promis d’arrêter de trop pousser, je préfère éviter de tourner de l’œil ici. « Bonjour. » Faisant un bond, je manque de crier, remarque seulement l’étudiante devant moi qui me sourit poliment. Merde, ça m’apprendra à être trop perdue dans mes pensées en ce moment. « Vous vivez sur le campus ? », « Oh … euh … » Débuté-je en remettant une nouvelle fois la lanière de mon sac correctement sur mon épaule. « Non pas vraiment, j’habite dans Brooklyn. Pourquoi ? Vous avez besoin d’une indication ? » Que je demande avant de plisser les yeux. Ce visage m’est familier et j’ai une excellente mémoire sauf que je n’arrive pas à mettre le doigt sur l’endroit et l’époque où je suis sûre de l’avoir rencontré. « On s’est déjà vues quelque part, non ? » Osé-je demander, la tête penchée sur le côté alors que j’essaye encore de trouver la réponse par moi-même.

Toujours imaginer le pire des scénarios, je suis douée pour ça. Du genre penser qu’un tueur en série va débarquer sur le campus le soir et me poursuivre pour me tuer … oui par moment mon cerveau fait des merveilles et je ne me gêne pas pour l’insulter en silence, particulièrement lorsque je fais un bond d’un mètre au moins dès qu’on s’adresse à moi. Le cœur battant à tout rompre sous ma main, il me faut quelques secondes pour me remettre et analyser la situation. Clairement pas une tueuse en série même si les apparences peuvent être trompeuses. « Brooklyn. Je n'y suis pas allée tant que ça. Non, je n'ai pas besoin d'aide, j'ai pensé que vous pourriez avoir besoin d'aide. » Me répond-elle ce qui, une fois encore, me prend de court. « Oh … » Oui, ça je l’ai déjà dit. Il faut croire que le peu de réflexion qui me restait est mort lors de mon entraînement. Parce que mon corps n’a pas été mis à aussi rude épreuve depuis quelques semaines. Mais il va falloir que je m’habitue, les entraînements vont s’enchaîner dès la fin du mois de juillet. Puis je finis par me dire que cette tête blonde, je l’ai déjà vu sans parvenir à trouver où ni quand. « Peut-être qu'on a un cours ensemble. Au fait, je m'appelle Ciela. » Je commence par agiter la tête jusqu’à ce qu’elle me donne son prénom et que je déclic se fasse enfin. « Si, c’était une soirée étudiante en début d’année ! » Que je dis, plutôt fière d’avoir trouvé où je l’ai vu. « Tessa, la chieuse de très mauvaise humeur ce soir-là qui n’a pas arrêté de se plaindre et de tuer l’ambiance. » Je grimace, pas vraiment fière de moi. Ce n’est pas une présentation flatteuse que je viens de faire mais peut-être que ça l’aidera elle aussi à se souvenir.

« Je ne voulais pas te faire peur. » Un petit sourire vient étirer mes lèvres pour l’aider à comprendre que je ne lui en veux pas. A vrai dire j’aurais réagi comme ça avec n’importe qui. Traverser le campus à pieds et seule, ça ne m’a jamais rassuré. J’aurais pu paniquer même en tombant sur quelqu’un que je connais très bien. « C’est rien. » J’affirme pour ensuite me creuser la tête et tenter de trouver où nous nous sommes rencontrées par le passé. Une soirée, c’est ce qui me vient en premier et la suite finit par me revenir rapidement. « Je pense que beaucoup de gens étaient un peu bizarres ce jour-là. » Très franchement, j’ai des souvenirs assez vagues de cette soirée. J’étais de mauvaise humeur et il me semble – non j’en suis certaine en fait – que je me suis consolée avec de l’alcool. Beaucoup d’alcool même. « Possible. » Je lui réponds, légèrement pensive. « Tu t'es déjà installée sur le campus ? Quel genre d'études fais-tu ? » A nouveau, je redescends sur terre et laisse mon habituel sourire prendre place sur mes lèvres. « Non, je vis en colocation avec mon meilleur ami dans Willimasburg. Vivre sur le campus c’est trop cher pour moi. » De toute manière mes études sont chères. Ce n’est pas pour rien que je jongle avec un poste de serveuse dans une pizzeria et mon emploi comme agent sportif qui couvre une grande partie des frais. Sans parler de la bourse à laquelle j’ai le droit en étant cheerleader. « Je suis des cours de management et communication. A défaut d’avoir fait de moi une grande sportive, je compte gérer la carrière d’autres personnes et toi ? » Que je lui retourne la question.

A vrai dire, ce n’est pas rare de tomber sur des personnes par hasard sur le campus et commencer à discuter comme si de rien n’était mais généralement ça m’arrive en pleine journée. J’aime assez le fait de faire de nouvelles connaissances. Sociable et curieuse, discuter n’est pas un problème d’autant que je sais que ça permet d’avoir un meilleur réseau ou tout bonnement de tomber sur des gens qui plus tard finiront par être des personnes de confiance. Ciela, je ne la connais pas beaucoup voire même pas du tout, mais je me souviens au moins de l’avoir rencontré à une soirée où j’étais loin d’être agréable. On a tous nos moments et, heureusement pour moi, on ne développe pas plus sur ce côté-là. « Je dois admettre que j'ai aussi pensé à emménager avec quelqu'un. Malheureusement, je ne connais pas beaucoup de gens sur le campus. » Sourire désolé étirant mes lèvres, je secoue la tête, comprenant ce qu’elle ressent. Du moins je peux tenter de l’imaginer. C’est un peu ce que j’ai ressenti en arrivant à New York à six ans et orpheline. « Je crois que t’as quelques étudiants qui postent des annonces, la plupart ne connaissent pas grand monde non plus, ça pourrait être l’occasion. » J’avoue ne pas voir à me plaindre de ce côté-là non plus. Je connais mon meilleur ami depuis que j’ai quinze ans et c’est grâce à cette amitié que j’ai fini par vivre avec lui à défaut de pouvoir payer un studio ou même une chambre étudiante. « J'étudie la psychologie. Je veux pouvoir aider les gens plus tard. » Légèrement impressionnée, je remets la lanière de mon sac de sport en continuant de sourire. « J’aurais jamais eu la patience. J’aime aider les gens, j’adore ça même. Je fais du bénévolat quand je peux, mais pour ce genre d’études j’aurais jamais tenu. » Probablement parce que ce n’est pas une passion. Je me sais altruiste et j’ai adoré mon voyage en Thaïlande où je n’ai fait que du bénévolat, mais de là à en faire mes études, non. « Du coup … pas New Yorkaise. A l’accent je dirais Royaume-Uni ou Australie, je me trompe ? »

« Je dois admettre qu'au début, j'ai pensé plus d'une fois à interrompre les études. Je pense que pour apprendre ou pratiquer ce métier, il faut le voir comme une passion. » Je ne peux qu’être d’accord avec ça. Pour tenir le coup, qu’importe les études, le fait d’être passionné est d’une grande aide. Certaines personnes y arrivent sans ça mais pour d’autres adorer ce qu’elles étudient est ce qui permet de tenir le coup. Je fais d’ailleurs partie de cette catégorie. Je ne me considère pas comme étant faite pour les longues études et malgré ça je suis encore là, à quelques mois d’en finir diplômée et fière. « Tout à fait mais j’espère sincèrement que tu vas réussir et pouvoir faire ce que tu aimes ensuite, j’imagine qu’il n’y a pas plus gratifiant. » Après tout, si c’est une passion pour Ciela, il n’y a aucune raison qu’elle ne parvienne pas à ses fins. Et puis le plus dur passé, on se sent tout de suite dans son élément. « Tu as raison, je ne suis pas New-yorkaise. Je suis anglaise. » Si je m’écoutais je me mettrais à bomber le torse, fière d’avoir su reconnaître cet accent particulier. « Ahah ! J’aimerais beaucoup aller au Royaume-Uni un de ces jours, ma mère était galloise. » Pourtant je n’ai pas spécialement envie de rencontrer sa famille – et la mienne par extension. Savoir qu’ils ont coupé les ponts et qu’ils n’ont jamais voulu me rencontrer ça me suffit à ne pas vouloir d’eux non plus.