(kenneth) long time no see

Rares sont les fois où je me retrouve seule dans un bar. Soit pour noyer mon chagrin, soit pour fêter quelque chose. Et non, plus de chagrin, plus de tout ça, depuis bien longtemps d'ailleurs. Certes, j'ai au un gros coup de moud au refus de Kenneth, mais je pense que ce qui m'a fait le plus de mal, c'est la perte d'un ami... c'est à ce moment là que je me rends compte que le chagrin d'amitié est plus douloureux qu'un chagrin d'amour. J'essaye de lui donner des nouvelles de temps en temps, on se parle sans vraiment se parler et en fait, je crois que je commence à m'habituer au fait qu'on se sera plus que des étrangers l'un à l'autre. C'est triste, mais c'est comme ça. J'ai tout foiré, j'ai mal interprété tous les signaux qu'il m'a envoyé, tant de tendresse, tant d'affection... Maintenant, je ne fais plus attention aux personnes qui 'me veulent du bien' comme elles disent. Je me contente juste de leur sourire bêtement. Je suis une grande fille merde, certes, différente des autres, toujours vierge avec ses chats, mais ça me convient. Que plus personne ne vienne bousculer ma zone de confort, ça me rendrait grandement service. Bref, je suis ici à siroter ma bière car je viens d'avoir un entretient et j'ai déjà eu ma réponse positive. Je vais illustrer la nouvelle bande-dessinées que les ados vont s'arracher d'ici 2020. Enfin, j'espère. Alors je me suis permise de m'asseoir ici, à cette table, et de boire un verre en annonçant à tout le monde la bonne nouvelle sur mon téléphone. Soudain, un homme vient s'asseoir en face de moi, ce qui me fait sursauter légèrement. il s'adresse à moi d'un "poupée, tu baises". Et il empeste l'alcool. Encore un gosse de riche qui picole toute l'après-midi dans le bar le plus chic pour consoler sa solitude avec son pognon. « désolée mais... j'attends quelqu'un, vous pouvez vous asseoir... » mais j'ai pas le temps de terminer qu'il s'avance vers moi, plaçant sa main sur ma jambe, sous la table. « dégage gros porc ! » je recule de ma chaise, paniquée par le geste qu'il a osé avoir, et encore plus quand je vois le regard qu'il m'adresse.

Cette soirée est digne d'une catastrophe. Tout commence par un repas au restaurant entre potes, enfin... Au fast-food quoi. Désirant s’amuser un peu, on évoque cette fois où chacun avait choisi le menu d’un autre et remettre le couvert nous semble être une bonne idée. Sur le coup, je pense que rien ne peut mal se passer et je commande donc pour un autre pote pendant qu’un autre commande pour moi. Ouais, par moment, on a des idées débiles et j’allai en faire les frais ce soir. Commandes apportées, on prend tous nos burgers et on commence à les savourer. Tout se passe bien jusqu’à ce que j’affiche une drôle de mine, une grimace de dégoût pour être plus précis. « Mais bordel, y a des cornichons là-dedans ! » Ou, autrement dit, l’un des seuls aliments que je n’aime pas, chose qui a pour effet de me faire recracher ma bouchée dans un morceau de papier, les rires de mes potes s’élevant dans la salle. Je les foudroie du regard, me demandant ce que j’ai fait au monde pour avoir des amis comme eux, mais je trouve la réponse lorsque l’un d’entre eux propose d’échanger son burger avec le mien. Un troc que j’accepte volontiers. Finalement, elle n’est peut-être pas pourrie cette soirée.
Et puis, on finit dans un bar contre ma volonté, une fois de plus. Je suis vraiment trop gentil comme mec, à me laisser entraîner dans ce genre de plan foireux. On s’installe à une table, commandant des bières tout en discutant tranquillement. Un de mes potes m’indique une table pas très loin, ricanant légèrement tout en me disant qu’il y a comme du flirt dans l’air, chose qui me fait rire à mon tour. Pourtant, comme bien souvent, le diable est dans les détails et, en observant plus attentivement, mon rire s’éteint et ce n’est plus qu’un froncement de sourcils qui s’affiche sur mon visage. Elle n’a pas l’air d’être consentante cette fille et les propos que j’entends de sa part me le prouve encore plus. Mais ce n’est qu’au moment où elle recule sa chaise, le visage clairement outré, que je réalise qu’il s’agit de Leah. Ni une ni deux, je me lève de ma chaise, part tout droit dans sa direction et repousse le mec complètement torché avant qu’il ne puisse reposer ses mains sur elle. « Elle t’a dit de foutre le camp, t’es sourd ? » Je suis loin, très loin, d’être un mec violent. Je ne sais même pas me battre. Il y a bien plus de chance que ce mec me fasse la misère que l’inverse, même s’il est complètement bourré, mais je ne peux clairement pas rester là sans rien faire. Au pire, j’ai mes potes qui nous observent, ils sont prêt à intervenir au moindre débordement. Heureusement, ils n’auront pas à le faire puisque je vois le vigile débarquer, sûrement avertit par d’autres qu’il se passait un truc dans le bar. Il n’attend pas plus pour l’embarquer avec lui, de force, et je me tourne alors vers mon amie. « Eh Leah, tu vas bien ? » Que je lui demande d’une voix rassurante.

C'est pas la première fois qu'un homme me fait chier. J'ai du répondant, je peux me défendre et avoir le venin qu'il faut pour le chasser, telle une vipère qu'on viendrait emmerder de trop près. J'ai du sang brésilien, et mine de rien, il peut rivaliser avec le sang chaud des italiens. Mais voyez-vous, ce soir... c'était réellement le soir à ne pas me faire chier. Je vis mon truc, je kiffe mon moment de joie grâce à mon entretien et il faut qu'un connard ramène sa poire pour tout détruire. Non, je ne suis pas d'accord. Alors je ne me montre pas très tendre avec lui. D'où tu oses toucher ma cuisse comme ça ? J'ai une tête de meuf en chaleur ? Aha, surement pas. Je ne sais même pas à quoi ressemble ma tête quand j'ai envie de quelqu'un. Mais ce n'est surement pas en grimaçant de dégoût et en fronçant les sourcils. Lorsque je recule ma chaise et que je bondis debout, je vois le visage de l'homme qui change et en même temps, un jeune homme qui vient à mon secours, en s'adressant directement à l'imposteur. Je rêve ou ? Je sens mon coeur qui s'emballe en entendant ta voix en reconnaissant la façon dont tu coiffes ta chevelure. J'ai presque l'impression de pouvoir sentir ton parfum de là où tu es. Kenneth. Kenny. Tu es là. Pour moi. Pendant un instant, j'ai une pique de panique, peur que l'homme s'en prenne à toi et ton beau visage. Mais heureusement, un sorteur arrive tout droit de je-ne-sais-d''où et prend de force le mec pour le chasser dehors. Je respire à nouveau normalement, la pression redescend. Je ferme les yeux pour retrouver mon calme et je les rouvre automatiquement lorsque Kenny s'adresse à moi. Je l'observe quelques secondes puis je souris. « oui, je... faut juste que je retrouve mes esprits. » même si de l'extérieur ça n'a pas l'air trop grave, il m'a quand même touché contre mon gré, j'ai cru qu'il allait me casser la tête ou fendre celle de Kenneth alors oui, j'ai eu réellement peur, je viens d'avoir une chute émotionnelle intense. J'en fais peut-être trop mais je suis comme ça, tout ce que je ressens c'est amplifié fois mile. « je déteste quand tu me portes secours, tu sais ça ? quand est-ce que tu vas arrêter ? » je ris, je le taquine c'est tout. Faut dire qu'il a toujours eu ce côté protecteur avec moi. Et sans lui pour m'aider à la tempête de neige au supermarché, je ne sais pas ce que j'aurais fait.