can we pretend ? / cole

Même s’il ne pense pas sérieusement à devenir prof de yoga pour animaux, Freya voudrait bien que Cole fasse parfois du yoga avec elle. A l’appartement, il n’y a que Zach qui l’accompagne de temps en temps. Et encore, il s’impatiente très rapidement et repart faire autre chose pendant que sa mère continue. Enfin Freya s’est faite une raison depuis un moment, et depuis qu’elle en a fait son métier, elle en fait tout de même moins sur son temps libre. Mais pour l’instant, trouver le futur métier de Cole attendra. Ils ont une soirée dont ils doivent profiter, à commencer par la commande passée au restaurant. Que des choses qui donnent faim à Freya. Mais elle ne manque quand même pas de remarquer l’intérêt de la serveuse pour celui qu’elle appelle son mari. Celui-ci en profite pour lui faire un compliment, ce qui met Freya un peu mal à l’aise. Certes, ce n’est pas la première fois qu’on le lui dit mais ce n’est pas dans leurs habitudes. Et elle ne veut pas que leur relation puisse changer. Même si elle l’a sans doute déjà fait, en partie. « Si, tu es le premier à me dire que je suis plus belle qu’une serveuse d’un restaurant japonais. » Elle joue peut-être sur les mots, mais ça l’amuse. Enfin la serveuse n’était pas non plus déplaisante à regarder selon Freya. C’est pourquoi elle interroge Cole sur son genre de femmes. « La pauvre… » Elle la plaint, mais elle sourit quand même. Heureusement qu’elle n’est plus là pour entendre ça. « Enfin ça plait à certains. » Même à beaucoup. Mais Cole n’a jamais été comme tous les autres hommes. C’est pour cette raison que Freya a pu rester amie avec lui si longtemps, sans même avoir à se poser la question. A propos de son genre exact, Cole ne semble pas bien sûr de lui. Il n’a pas eu beaucoup de vraies copines. Et vu le temps qu’il est resté avec Meera, ça n’étonne pas vraiment Freya. « Parfois, tu es un peu trop sage. » Elle sourit, amusée. « Ce n’est pas parce que tu trouves une femme à ton goût que tu es obligé de sortir avec elle. » A vrai dire, Freya n’est pas sûre que Cole ait déjà couché avec une femme avec qui il n’était pas en couple. Sur ce point, ils sont différents. Mais sans doute qu’avant Meera, il n’avait pas de raison de changer cela. « Quand tu penses à la femme idéale, tu la vois comment ? » La discussion parait bien sérieuse tout à coup. Non pas qu’elle compte lui trouver la femme idéale, mais il pourrait au moins s’amuser un peu.

« J’y réfléchirais… Mais ça veut dire qu’il te faudra des nouveaux moyens de te démarquer. » Elle sourit. En vérité, ça ne risque pas d’arriver. Avant qu’ils ne commencent leurs rendez-vous de couple marié avec Cole, cela faisait une éternité que Freya n’avait pas été en rendez-vous avec un homme. Quand on ne cherche rien d’autre qu’une compagnie temporaire, un moment à se regarder dans le blanc des yeux et à apprendre à se connaître n’est pas nécessaire. Ça serait même plutôt une perte de temps. Alors dans l’immédiat, Cole restera le seul homme avec qui elle ira au restaurant. Et ça lui convient plutôt bien, surtout qu’elle passe un bon moment. Chose qui ne l’empêche pas d’interroger Cole sur sa vie personnelle. Qu’il ne veuille pas retrouver l’amour, Freya le comprend très bien. Ça les arrange même, dans leur mariage inventé. Mais ça ne l’empêche pas de prendre du bon temps quand il le veut. Ou même s’il le veut, parce que ça n’a pas l’air d’être forcément le cas. « Tu es un vrai gentleman en fait. J’ai de la chance de t’avoir épousé. » Après tout, Freya s’habitue encore à un Cole célibataire. A avoir un homme célibataire pour ami. Et même pour mari. Tout cela est inédit pour elle, mais au fond, Cole est toujours le même. Il n’a pas changé et ne plus être en couple ne l’a pas transformé en un goujat. Non pas qu’on l’est forcément quand on a des aventures de courte durée. Même si certains le sont. Freya interroge ensuite Cole sur son type de femme, ou plus précisément sur la femme idéale à ses yeux. Une question pas trop compliquée selon elle. En général, on répond par le nom d’une actrice célèbre. Mais Cole n’a pas l’air de savoir quoi répondre. Au lien de la décrire, il exclue plutôt ce qu’elle ne serait pas. Et la serveuse, Freya avait compris qu’elle n’était pas son style. Elle soupire, amusée. « Ça ne donne pas envie de voir tes rêves en tout cas, si tu n’as pas de femme idéale ni de travail de tes rêves. » Elle le taquine, essaye un peu de le faire sortir de sa zone de confort. Même si, en ce moment, il n’en a pas forcément, après avoir quitté celle qu’il avait eue pendant des années, avec Meera et son travail aux ressources humaines. « Enfin si tu ne sais pas fantasmer, je peux t’apprendre. C’est pas compliqué, tu verras. » Elle s’interrompt, parce qu’on leur apporte leurs boissons. Elle remercie la serveuse qui, cette fois, évite de regarder Cole, avant de prendre son verre. « A cette très bonne soirée. » Elle approche son verre de celui de Cole pour les entrechoquer. « Et à ton aventure vers le célibat, très cher mari. »

Elle sourit en imaginant Cole réfléchir aux endroits les plus improbables pour la complimenter. Le pire, c’est sans doute qu’il en est vraiment capable. Faire ce genre de grand geste pour la femme qu’on aime, ça parait normal. Le faire pour amuser une amie, c’est… tout Cole. Il fait toujours attention à ce que ressentent ses proches et fera tout pour redonner le moral. Freya le sait, il l’a fait pour elle plusieurs fois. « Je pense que tu peux commencer par… les poubelles derrière un restaurant. Quoique non, j’ai déjà eu en fait. » L’anecdote lui était sortie de la tête. Maintenant, elle peut en rire mais à l’époque, elle n’avait pas été très à l’aise. « Et puis c’est un peu tordu, évite. » Encore plus quand c’est avec quelqu’un qu’on ne connait pas, et qui a sans doute un peu trop bu. Heureusement qu’une amie à elle était arrivée à ce moment-là. Non pas qu’elle pense que Cole soit du genre à faire ce genre de choses. Depuis qu’elle le connait, elle ne l’a jamais vu manquer de respect à une femme, ni même vraiment draguer. Après tout, elle l’a presque toujours connu en couple. « Je vérifiais juste que ça n’avait pas changé. » Mais, même célibataire, Cole reste celui qu’il a toujours été. Et au fond, tant mieux pour leur amitié. Rien n’a besoin de changer, Freya n’a pas besoin de le voir autrement. Même si… il y a bien cette soirée qui lui revient parfois en tête. Heureusement qu’elle a été effacée de celle de Cole. Mais ce n’était qu’une erreur. Quelque chose qu’elle doit oublier, elle aussi. Cole est toujours le même. Un peu moins heureux quand même, bien qu’il fasse en sorte que ça ne se voit pas. Avoir rompu avec celle qu’il pensait épouser. Perdre son boulot. Tout ça a forcément impacté son moral. Et Freya le connait assez pour savoir qu’il n’a pas envie de s’épandre sur le sujet, mais plutôt de se changer les idées. « D’accord, je vais te préparer tout un programme de fantasme. » Elle ne sait pas encore comment elle va s’y prendre mais elle est sûre qu’elle peut trouver. Ce sera sans doute des idées un peu folles, mais c’est le but. « Bien sûr que ça se fête ! » Il doit bien le voir maintenant, qu’il est plus heureux sans Meera. Ils s’étaient trop éloignés et ça ne pouvait sans doute plus être sauvé. Même s’il l’aurait voulu. A la question qu’il lui pose ensuite, Freya fait une grimace exagérée. « L’a-quoi ? » Elle sourit, fière d’elle. Et c’est vrai, elle ne connait plus vraiment ce mot. Elle l’a effacé de son vocabulaire. Enfin pas tous les types d’amour, heureusement. Mais celui qui fait plus de mal que de bien, elle l’a oublié. « Au risque de te décevoir, je ne partage ma chambre qu’avec Zach en ce moment. Au moins, je suis sûre qu’il ne ronfle pas. Enfin sauf s’il a un rhume. » Et c’est vrai. Maintenant qu’elle y réfléchit, elle n’a couché avec personne depuis quelques temps. Il faut dire que, quand elle sort, c’est la plupart du temps avec Cole, alors ça ne lui vient même pas en tête. Pourtant, rien ne le lui interdit et elle le sait. « A croire que tu es un mari tellement parfait que je ne vais même pas voir ailleurs. »

« Je garde un peu de mystère dans notre couple. C’est pour qu’on ait toujours des choses à se raconter, même quand on sera vieux. » Ou bien c’est simplement qu’elle avait oublié de lui raconter cette anecdote, parce qu’ils ne s’étaient pas vus aussitôt après. Freya ne s’en souvient plus très bien, parce que ça fait déjà quelques années. « Désolée de briser tes ambitions. Mais tu peux faire mieux, je n’en ai aucun doute. » En même temps, ce n’est pas trop difficile. Si Freya a du mal à voir les aspects soi-disant romantiques de certains lieux, elle voit bien à quel point certains ne le sont pas. Dans une allée sombre, avec des poubelles, c’est parmi les pires lieux possibles. Mais elle pense que Cole est au courant. Après tout, il a toujours été gentleman et ça ne semble pas avoir changé, malgré ses échecs récents. Comme quoi, certains hommes peuvent être bien. « Il était temps que tu le réalises ! » Dit-elle en souriant. Oui, il est plutôt bien tombé avec elle comme femme. Elle ne sait pas encore comment elle va l’aider à fantasmer, mais elle va vraiment y réfléchir. Pas seulement pour son type de femme, mais aussi pour le travail qui pourrait le rendre heureux. Ça, Freya a su le trouver, avec le temps. L’amour, en revanche, ça n’est pas prêt d’arriver. Et, ces derniers temps, elle n’a même pas eu d’aventures, comme elle peut en avoir parfois. Pourtant, ça ne lui manque pas forcément. « Qui a dit que j’étais triste ? » Elle ne l’est pas. Ou du moins, elle n’a pas l’impression de l’être. Elle le saurait, si elle était malheureuse, non ? Et penser qu’on a forcément besoin d’amour pour être heureux, c’est un peu réductif. « C’est vrai, tu es le meilleur mari que j’ai jamais eu. » Freya sourit. Ce n’est pas bien difficile et pourtant, elle n’imaginerait être mariée à personne d’autre. « Je ne regrette presque pas de t’avoir épousé. Le seul problème, c’est que, quand tu es avec moi, personne ne vient me draguer. » Et ça, ça lui manque un peu. Cette pensée est cependant vite éclipsée quand leur premier plateau de dégustation arrive sur la table. Elle remercie la serveuse, avant de regarder successivement la nourriture, puis Cole. « Mais je te pardonne, parce que tu es de bonne compagnie. Et parce qu’on va bien manger. »

Freya s’amuse souvent de leur situation, surtout quand elle peut jouer avec les clichés. Le couple marié depuis trop longtemps qui n’a plus rien à se dire, ça ne sera jamais eux. D’abord parce qu’ils ne sont pas en couple, et ensuite parce qu’ils ne devraient pas rester mariés trop longtemps. Freya ne sait pas exactement combien de temps ça va durer mais dans tous les cas, ça n’a pas tellement d’inconvénients. Et elle peut plaisanter à propos de tout ça. « C’est arrivé plus vite que ce que je pensais alors. La prochaine fois qu’on ira en ballade ensemble, je te parlerais de la fois où ma coiffeuse m’avait tellement ratée que j’ai porté un bonnet tout l’hiver, même à l’intérieur. » Encore une fois, une histoire dont elle peut rire maintenant, mais ce n’était pas le cas à l’époque. Peut-être que Cole la connait déjà, Freya ne sait plus trop. Avec les années, ils s’en sont dit des choses. Et même s’ils sont mariés aujourd’hui, Cole serait toujours au courant si elle fréquentait quelqu’un. Enfin fréquenter est un bien grand mot pour ce qu’elle fait en général. Mais elle pourrait toujours lui raconter ses aventures, si elle en avait. Sauf que ça n’a pas été le cas depuis un moment. Elle ne l’avait d’ailleurs même pas réalisé plus que ça, avant ce soir. Ce qui prouve bien qu’elle n’est pas malheureuse. « Un merveilleux mari, un fils génial et une famille en or, que demander de plus ? Même si un lutin venait me demander, je ne sais pas ce que je dirais. » Elle lui offre un sourire amusé. Ce n’est pas tout à fait vrai. Si elle cherchait vraiment – et même sans beaucoup chercher – elle verrait qu’il manque des choses à sa vie. Un peu plus d’argent sur son compte en banque par exemple. La possibilité de voyager d’avantage aussi. Mais les deux sont liés, malheureusement.  Enfin au moins, en ce qui concerne les personnes présentes dans sa vie, elle est chanceuse. « Ça ne veut pas dire que tu n’es pas bien. » Au contraire. S’il est son mari, c’est bien qu’elle tenait à lui. Peut-être pas dans le sens traditionnel du mariage, mais elle tenait à lui, assez pour l’aider à rester dans le pays. Enfin ça ne l’empêche pas de le taquiner sur un petit inconvénient à ce mariage, tout en salivant d’avance sur les assiettes qui ont été posés entre eux. Elle prend d’ailleurs un premier sushi, qu’elle savoure, avant de lui répondre. « Je n’ai pas fait attention à vrai dire. Mais les restaurants japonais ne sont pas vraiment l’endroit idéal pour trouver quelqu’un. Les gens y viennent rarement seuls, sinon ils commandent. » Et puis on y vient pour manger, pas pour draguer. Un bar ou une boîte de nuit, c’est tout de suite différent. C’est comme ça que Freya a trouvé la plupart des hommes avec qui elle a passé une nuit. En revanche, elle n’en a jamais trouvé dans un restaurant japonais, mais elle n’a jamais cherché non plus. « Et on a des choses prévues pour ce soir, je ne vais quand même pas t’abandonner tout de suite. A moins que ça t’arrange parce que tu as, en fait, le vertige. » Elle le regarde en souriant, avant de prendre un deuxième sushi. C’est beaucoup trop bon.