can we pretend ? / cole

« On en reparlera quand t’auras trouvé un boulot. » C’est facile de se vanter d’être en forme quand il peut se reposer dans la journée, alors qu’elle, elle donne au moins cinq cours de yoga dans la journée. Mais en même temps, elle ne supporterait pas de ne pas avoir de travail, de ne rien avoir à faire tout le temps. Elle n’en parle pas, parce qu’elle sait que ça doit aussi peser à Cole, mais il finira par trouver quelque chose. Peut-être même quelque chose qui lui plaira. Elle rit en l’entendant parler d’échangisme chez les doudous, mais rit beaucoup moins quand il évoque la possibilité que Zach en parle à sa maîtresse. « Oui… on va éviter hein. Surtout qu’il trouverait sans doute ça plus dégoûtant d’échanger son doudou que sa femme. » Et à son âge, c’est tout à fait normal. Enfin heureusement que toute cette conversation relève de l’imaginaire, tout comme la possibilité que Cole la porte dans les escaliers. Il pourrait peut-être faire quelques marches, mais il ne serait pas assez endurant, Freya en est sûre. « La soirée n’est pas encore terminée, fais attention. » Si l’excuse idéale est qu’elle n’a pas été assez gentille, Freya peut arranger ça. Non pas que ça soit compliqué d’être gentille avec Cole mais, si elle peut le taquiner, elle saisit l’occasion. Tout comme quand elle prétend que la vie avec lui sera une torture qu’il vaudrait mieux abréger. Ce à quoi Cole n’est pas plus optimiste, mais propose de l’aider à s’échapper, par la mort. Encore une fois très fataliste. Mais en même temps, c’est lui qui a lancé le sujet des risques de l’ascenseur. Même s’il se bloque, il est très peu probable qu’ils meurent dedans. Et ils ne seront pas seuls non plus. « Ah enfin ! » Sauf qu’à peine a-t-elle fini sa phrase que Cole fait une grimace. Quoi encore ? Elle rit en l’entendant émettre une dernière plainte, à propos d’un sushi pas bon. « Pourquoi ? Ils sont à quoi ? » Elle n’est même pas sûre de ne pas déjà en avoir pris un. A vrai dire, elle prend au hasard depuis tout à l’heure. « Mais je te fais confiance, je vais plutôt finir les autres alors. » Et elle accompagne ses mots des gestes en prenant un nouveau sushi. Bientôt, l’assiette est terminée, à l’exception des sushis testés par Cole, et elle s’appuie contre le dossier de sa chaise. « On a bien fait d’aller au restaurant plutôt que de prendre à emporter. Je n’aurais jamais accepté de ressortir si mon lit avait été à proximité. » Elle exagère un peu, parce que la suite de leur soirée lui fait très envie, mais elle a vraiment le ventre bien rempli. « On y va ? »

Freya sourit, un peu désolée tout de même pour Cole quand il évoque le fait que trouver un travail lui sera compliqué. Depuis tout à l’heure, il ne peut pas avoir trouvé de solution, mais il finira par en trouver une. Freya y croit. Il y a quelque chose pour chacun, et Cole ne fait pas exception. Surtout qu’il a des capacités et une éthique impeccable. Mais en attendant, ils peuvent toujours plaisanter à propos d’un club échangiste, même si Freya n’imagine pas ce qu’elle ferait si Zach découvrait ce mot et demandait des explications. « Ah ça y est, tu deviens un vrai playboy. » Elle se moque, mais il a raison. Les femmes, même s’il a le cœur brisé, il pourra toujours trouver quelqu’un d’autre. Quand il sera prêt. Un doudou, c’est plus durable comme relation, tant qu’on y fait attention. Enfin de toute façon, Freya ne pense pas que l’échangisme de doudous existe, et c’est tant mieux. Mais ça ne les empêche pas d’en faire un vrai débat, comme du fait que Cole pourrait la porter dans les escaliers si elle était trop fatiguée. Sauf qu’apparemment, il faut qu’elle le mérite. « Tu verras bien. » Elle hausse les épaules, avec un sourire, comme si elle avait vraiment une idée. Elle verra bien si elle est gentille ou pas, tout dépendra de Cole aussi. Et dans tous les cas, elle pourra monter les marches toute seule, donc ça devrait aller. Enfin ça, elle en est moins sûre à la fin du repas, avec le ventre plein. Une chose est sûre, ils ont bien fait de ne manger chez eux, sinon l’envie de ressortir aurait été très faible et aurait sans doute perdu face au confort de son lit. « Avec toi, j’ai l’impression d’être énorme. Au moins, je ne risque pas de prendre trop la grosse tête pendant notre vie commune. » En même temps, ils n’ont jamais été du genre à se complimenter gratuitement. Pas besoin de ça pour être amis. Après tout, ils savent tous les deux comment ils fonctionnent. Elle soupire en le regardant se lever et prétendre qu’il l’attendait depuis longtemps. Aux dernières nouvelles, il était aussi en train de manger il y a deux minutes. Elle le suit jusqu’à la caisse, tout en remettant son manteau. « N’oublie pas de laisser ton numéro à la serveuse. » Glisse-t-elle à son oreille avant d’avancer vers la sortie. Il ne tarde pas à la rejoindre, et ils peuvent quitter le restaurant tous les deux. « On est un peu juste pour notre horaire réservé, on va pouvoir éliminer un peu de sushis déjà sur le trajet. » Dit-elle après avoir regardé l’heure sur son téléphone. Ils ne sont pas très loin, ils avaient prévu le coup, mais s’ils arrivent en retard, ils devront attendre encore plus que ce qu’ils risquent déjà d’attendre. Mieux vaut presser le pas. Et avec le froid, ce n’est pas bien compliqué.

« C’est parce que tu commences à peine à l’être, ça va venir. » Ou peut-être pas. Freya a du mal à imaginer Cole comme un playboy, et c’est plutôt un compliment. Il n’ira pas briser le cœur de la serveuse, ni celui de personne. Cole, c’est celui qui essaye, envers et contre tout, même quand sa raison lui dit d’arrêter. Ça lui a porté préjudice avec Meera, mais il ne semble pas avoir changé pour autant. Et c’est tout à son mérite. De toute façon, ça ne concerne pas vraiment Freya, la façon dont il peut traiter les femmes. Même si, officiellement, elle est sa femme. Mais à part dans les apparences qui montrent un couple heureux en train de passer une bonne soirée ensemble, ils n’agissent pas vraiment comme un couple marié. Sinon Cole lui ferait sans doute des compliments au lieu de la traiter comme un ballon énorme qu’il faudrait faire rouler pour la faire avancer. Enfin il se rattrape tout de même. Non pas que Freya ait vraiment cru qu’il la pensait obèse. Sinon il aurait un idéal assez particulier. « Quel mari attentionné tu fais, merci. Et je ne te trouve pas énorme non plus, du moins pas encore. » C’est plus fort qu’elle, il faut qu’elle se venge un peu. Mais le reste du repas se passe sans encombre et son estomac finit par être rempli, et l’assiette par être vide. Ils peuvent alors quitter le restaurant, non sans que Freya suggère à Cole de donner son numéro à la fameuse serveuse qui les a accueillis. Celui-ci pousse la plaisanterie encore plus loin, avec une phrase que Freya ne l’aurait jamais pensé entendre prononcer. « Mais quelle rockstar, dis donc ! » En vérité, il n’a sans doute donné aucun numéro de téléphone, surtout si elle ne lui plaisait pas. Il n’est pas du genre à forcer ce genre de chose, et ça se comprend. Enfin le cours de leur soirée peut reprendre, alors qu’ils se mettent en chemin vers l’Empire State Building. Ils ne sont pas vraiment en avance, ce que Cole ne manque pas de lui reprocher. « Je te rappelle que c'est toi qui n'étais pas prêt quand on devait partir de l'appart ! Si je tombe, tu tombes avec moi. » Elle lève les yeux au ciel, avant de venir glisser son bras sous celui de Cole. Pour les apparences, et aussi pour avoir un peu plus chaud. « J’ai pas parlé d’un jogging, j’ai pas les chaussures pour ça. » Et puis elle n’a pas non plus trop envie. Mais ça ne l’empêche pas d’avancer assez vite, Cole à ses côtés. Ils ne parlent pas beaucoup plus pendant le trajet, pour aller plus vite, et arrivent juste à l’heure. Ils viennent alors se placer dans la file d’attente, comme ceux qui doivent avoir le même créneau horaire qu’eux. « C’est vraiment la première fois que tu y montes ? Je suis honorée que tu acceptes de partager ça avec moi. »

Playboy et Cole, voilà deux mots qu’elle n’aurait jamais pensé utiliser dans une même phrase. Freya sait qu’il n’est pas du genre à briser un cœur, même s’il a pu déjà le faire, par accident. Mais Cole sait ce que ça fait de souffrir, alors il ne le fera pas volontairement à quelqu’un d’autre. « Et tu pourras me remercier pour ta nouvelle réputation. Surtout que ce n’est pas vraiment à mon avantage… être la femme d’un playboy. » Même s’il s’agit d’un faux mariage, peu de personnes le savent, et elle pourrait donc attirer des regards de pitié. Enfin encore faudrait-il que Cole devienne réellement un playboy. Elle a de la marge. « Je te rassure, ce n’est pas encore le cas. » Non, pourquoi le regretterait-elle ? Ils ont trouvé un bon équilibre, et leur amitié n’a pas changé. A part qu’ils sortent un peu plus souvent. Des petits plaisirs que Freya s’accorde rarement, parce qu’elle n’est pas du genre à jeter de l’argent par les fenêtres. Mais de temps en temps, il faut admettre que ça fait plaisir. Ils sont un peu juste sur leur timing en sortant du restaurant, et chacun reporte la faute sur l’autre. Alors qu’au fond, il n’y a rien de grave, sinon qu’ils doivent presser un peu le pas. « Ah bon ? C’est moi la menteuse ? » Elle penche la tête sur le côté, dubitative. « Tu me verras courir avec le jour où tu me porteras dans les escaliers. » En espérant que Cole ne la prenne pas au pied de la lettre. Elle en serait capable, mais risquerait des ampoules énormes. Heureusement, pas besoin de courir et ils arrivent à temps, pour venir se placer dans la file d’attente. Plus qu’à attendre, et Freya en profite pour s’étonner encore une fois que Cole ne soit jamais monté en haut de cet immeuble légendaire de New York. « Ah d’accord, tu attendais la compagne idéale pour monter, je comprends. » S’il lui fait des compliments, elle a bien le droit d’en rajouter, non ? « Promis, j’essayerais d’être douce… comme c’est ta première fois. » Elle pose la tête sur son épaule, sourire amusé aux lèvres. C’est le moment que choisit quelqu’un pour la bousculer. « Oh pardon, désolé ! Je… tenez, prenez ces fleurs. Vous les méritez plus que celle qui m’a posé un lapin ce soir. Profitez ! » Il semble réellement bouleversé et Freya a un moment d’hésitation en prenant le bouquet qu’il lui donne. Si bien qu’il repart avant même qu’elle ait pu le remercier, et Freya se retourne vers Cole, l’air étonnée. « Eh bah, ça alors… » Elle hausse les épaules, tout en regardant le bouquet qu’elle a dans les mains. C’est vraiment un beau bouquet, il devait avoir prévu quelque chose de spécial. « Ne sois pas jaloux comme ça. Tiens, je te donne quelques fleurs. » Amusée, elle sort quelques tiges du bouquet pour les donner à Cole. Romantique, mais pas trop.