tu parles d'une surprise + MEGHONEL

J A N V I E R, 2 0 1 9 – Un message, rien qu’un seul. Le genre de SMS qu’on ne s’attend pas avoir, celui où l’on se met à froncer les sourcils tant l’incompréhension est grande. Il nous sort de la réalité et nous mène droit dans une boule où rien du monde extérieur ne peut nous atteindre. Ce n’est pas le style de message qui dérange, au contraire. Il est seulement surprenant. Il décroche un sourire en coin, emballe le cœur. L’expéditeur de ce message ? Meghan, splendide jeune femme, celle qui ne passe pas inaperçue. Tu croyais qu’elle ne voulait plus jamais t’adresser la parole, alors un message, tu n’y croyais pas tellement. Tu souris comme un gamin, car même si le message dit qu’elle veut uniquement reprendre des affaires oubliées chez toi, tu te dis que c’est un grand pas. Elle aurait pu tout laisser chez toi. Dans les vestiaires du stade, tu lui réponds, lui disant que tu viens de terminer l’entraînement et que tu t’apprêtes à rentrer chez toi.
Il n’en aura fallu que très peu de raison pour filer directement chez toi, saluer la baby-sitter et la congédier. Tu souris niaisement, heureux comme un enfant. Et ça ne passe pas inaperçu. « Pourquoi tu souris ? » De ses cinq ans, Martin n’est pas dupe. Ça fait des semaines que tu n’as pas décroché un sourire sincère, alors pourquoi aujourd’hui précisément. « On va au zoo ? C’est ça, on va voir les gorilles ? » Si seulement, c’est nettement plus excitant que d’aller voir d'animaux derrière une vitrine. Mais il est trop jeune pour comprendre. Il a le temps. Tu ne veux pas qu’il connaisse tout de suite tous ces papillons qui se planent dans le ventre. Ça pourrait lui briser le cœur. Assis sur le canapé à regarder Cartoon Network, tu viens le rejoindre, et le prends par les épaules. « Du tout, mais on peut y aller dimanche, si tu veux. » S’il n’y a que ça pour lui faire plaisir dans la vie, tu es tranquille. « Meghan doit passer. » Le petit homme connaît très bien ce prénom et y assimile parfaitement le visage. Il ne met pas bien longtemps pour comprendre ce qui est en train de se passer. Ou presque. « Elle vient habiter chez nous ? » Il est trop excité par rapport à la situation réelle. Ça te fait de la peine de le voir s’emballer à si grande vitesse. Tu pinces les lèvres. « Euh … je doute fortement, vois-tu. Elle passe récupérer des affaires. » Et là, c’est le drame. Tu lis la déception sur son visage qui retourne immédiatement sur l’écran de la télévision. « Ah. » Puis, un bruit de sonnerie vient vous sortir du canapé. Elle est là, sur le pallier de la maison. Elle attend qu’on vienne lui ouvrir. Tu sens la panique monter en toi. Martin court vers l’entrée pour ouvrir à la blondinette. « Meeeghan ! » Tu te lèves et te déplaces lentement pour les rejoindre. Le visage de la jeune femme apparaît. Elle est véritablement là. « Salut. » Tu as l’impression que tu as des difficultés de déglutition. « Martin laisse là, retourne au salon s’il te plaît. » Tu le prends par les épaules, et lui fait faire demi-tour, puis retourne ton attention sur celle qui a partagé quelques semaines de ta vie. « Viens entre, ne reste pas dehors. Comment tu vas ? »

@Meghan MacLeod

Zinzin, Meghan a certainement l’impression de le devenir. Elle pourrait très bien blâmer les hormones, mais c’est surtout qu’elle devient folle à force de ne plus savoir ce qu’elle veut ou doit faire. Il faut dire qu’elle s’est involontairement mise dans une situation pour le moins délicate, et qu’elle ne sait pas comment s’en sortir. Ça serait trop simple sinon. La solution la plus simple, elle l’a finalement écartée, après être sortie de son rendez-vous chez la gynéco il y a quelques jours. Elle ne peut pas avorter. Elle n’en était déjà pas bien certaine mais après avoir entendu ce petit cœur battre, après avoir vu une première image de son futur enfant, elle a su que ça lui serait impossible. Meghan, elle a toujours regardé avec envie les femmes enceintes, s’imaginant quand ça serait son tour. Ado, elle glissait un coussin sous son t-shirt pour voir, mais au fond, ça n’a rien de tout ce qu’elle avait pu imaginer. Sauf que dans aucun des scénarios envisagés et envisageables, elle se retrouvait dans une telle situation. Comment cela avait-il pu arriver ainsi ? Tout ce qui entoure l’arrivée prochain de ce bébé est bien compliqué. D’abord, elle n’est pas mariée. Encore moins dans une relation sérieuse. Rien de ce qu’elle avait prévu. Et ensuite, sans doute le pire dans tout ça, c’est qu’elle doute fortement sur l’identité du père. Il avait fallu qu’elle tombe enceinte à ce moment-là. Forcément. Dans un moment d’égarement, où la tristesse lui avait fait faire des choses un peu folles. Voilà ce qu’elle récolte, simplement parce qu’elle avait voulu éliminer une rupture de son esprit. Elle n’a plus qu’à en prendre de la graine pour la prochaine fois, s’il y a une prochaine fois. Depuis qu’elle a décidé de garder cet enfant, plusieurs options se sont alors proposées à elle. Le garder pour elle et l’élever seule – ce qui ne faisait pas du tout partie du plan initial. En parler à ceux qui pourraient être concernés – ce qui augure des discutions pas vraiment plaisantes. Ou réfléchir encore un peu. Alors elle avait réfléchi, et dans un moment de folie, elle avait envoyé un sms à Leonel. Son ex, possiblement père de cet enfant. Un prétexte trouvé, qui pourra toujours lui servir d’excuse au cas où elle se dégonflerait. Il y a de grands risques pour que ça arrive, et elle ne se fait absolument pas confiance pour ça. Il lui avait répondu rapidement, lui intimant presque de passer tout de suite. Autant prendre son courage à deux mains et arracher le pansement tant qu’elle a un minimum de courage en elle. Dommage qu’elle ne puisse pas ajouter à cela un peu de courage liquide. Pour ça, elle devra attendre quelques mois encore. Au lieu de ça, elle se contente d’enfiler un pull ample par-dessus son débardeur, et prend un métro pour se rendre jusqu’à ce bâtiment qu’elle connaît bien. Ça fait pourtant quelques mois qu’elle n’y est pas venue, mais quand elle appuie sur la sonnette, elle prend une longue inspiration. Elle ne pensait pas se retrouver ici, pas si tôt. Pas pour ça. Elle est surprise de voir un modèle miniature de Leo lui ouvrir la porte. Son petit frère, Martin, qui l’accueille avec tout son enthousiasme et tire un sourire à la jeune femme. Ça lui fait du bien, avec tout ce qu’elle a en tête. « Hey ! Salut bonhomme ! » Elle ébouriffe ses cheveux doucement, tout en voyant Leonel arriver dans son champ de vision. Salutations moins enjouées, mais ça n’a rien d’étonnant. Elle, aussi, perd son latin face à lui. Elle ne sait pas comment lui parler. Encore moins comment lui annoncer la nouvelle. « Salut. » Elle sourit doucement, joignant ses mains devant elle. Et quand Martin repart à l’intérieur, elle est encore plus gênée. Ça n’était pas comme ça entre eux avant pourtant. Mais tout a changé. Et à la fois rien du tout. Elle était tombée amoureuse de lui trop vite, et là, elle n’a pas eu assez de temps pour s’en remettre. Et avec ce qu’elle a à lui annoncer, ça ne risque pas d’arranger les choses. Au contraire, tout sera encore plus compliqué. Pourquoi avait-il fallut que ça lui tombe dessus ? Mais à la fois, une part d’elle est heureuse de cette nouvelle. Difficile d’être autant partagée. Elle fait un pas en avant quand Leo l’invite à entrer, ne pouvant s’empêcher de penser que c’était une erreur de venir. Le peu de courage qu’elle avait semble avoir disparu. « Plutôt bien, je dirais. Et toi ? » Elle répond poliment, parce qu’elle ne sait pas quoi dire. Peu importe le nombre de ruptures qu’elle a pu vivre et pourra vivre, elle n’est et ne sera jamais à l’aise dans ce genre de situation. « Martin est chez toi ce soir ? » Un autre sujet qui est tout à fait bienvenu, qui lui fait gagner au moins un peu de temps. Mais au fond, ça ne sera jamais assez.

J A N V I E R, 2 0 1 9 – Il n’y a rien de plus étrange : retrouver son ex, et le pire dans tout ça que la dernière fois que vous vous êtes vu remonte à votre séparation. D’habitude assez maladroit, tu sais déjà d’avances que les bourdes vont s’enchaîner durant les prochaines minutes qui vont s’écouler. La nervosité peut te faire vite dérailler, te faire dire n’importe quoi. Dans ces moments-là, tu perds tout filtre, et tout sort sans aucun contrôle. Figé, droit comme un i, tu la regardes saluer Martin. Ton cœur bat à la chamade, et ne sait plus où se loger. Et lorsque son attention se porte sur toi, c’est comme si le temps s’était arrêté quelques instants. Son sourire t’a sorti de tes rêveries, te ramenant à la réalité. Elle rentre à l’intérieur sans prononcer le moindre refus. Elle ne se laisse pas prier et fait directement un pas en avant. Tu sais de la gêne. Elle ne semble pas être là par plaisir. Tu l’avais compris bien avant tout ça. Sinon, pourquoi n’aurait-elle pas pris la peine de répondre à tes messages. Ça remonte à l’année dernière tout ça, lorsque tes parents sont décédés. Rapidement, tu refermes la porte derrière elle, préférant laisser les froids dehors, à sa place. Elle dit plutôt bien aller. Tu penses qu’elle dit ça aux vues de la situation. « Ça va. » Comme si tu allais lui dire que tu étais dans une galère folle depuis plusieurs semaines. Tu as une fierté et celle-ci t’oblige à tout garder pour toi. Tu te décides à rejoindre le salon, à lui faire comprendre qu’elle n’est nullement obligée à prendre la porte dans l’immédiat. T’aimeras qu’elle reste un moment, que vous vous parliez. « Martin, va dans ta chambre s’il te plaît. » Voyant que l’enfant ne bouge pas, et que tu n’as nullement envie de te battre, tu te décides à employer les forts moyens. « Tu peux prendre la boite de bonbons en prime. » Et en un rien de temps, Martin disparaît en courant. Là tout de suite, tu as purement et simplement montré que tu étais minable comme frère. Et rapidement, tu comprends qu’elle n’est au courant de rien. Elle n’est pas au courant de votre situation. « Euh … il vit ici désormais. » Tu ne sais quoi lui répondre. Et tu n’as surtout pas envie de penser aux raisons qui t’ont poussé à devenir le tuteur de Martin. « C’est comme ça depuis, ... enfin tu sais, depuis novembre. » Tu re racles la gorge, et essaye de mener la conversation vers autre chose. « Je n’ai pas pris le temps de chercher tes affaires. Tu as oublié quoi au juste ? » Elle va croire que tu veux la congédier au plus vite. Tu sens que tu viens de faire une bourde monumentale.

La situation est déjà bien assez gênante ainsi. Et pourtant, avec ce que Meghan doit lui dire, ça risque d’être encore pire. Est-elle vraiment obligée de le faire ? Même si elle est persuadée que c’est la bonne chose à faire, le courage risque de lui manquer. Elle en a peur, alors elle n’attaque pas d’emblée avec cette bombe énorme. Au lieu de ça, ils discutent un peu, sans savoir quoi se dire. Pourtant, ils étaient réellement fusionnels quand ils étaient ensemble. Ou du moins, Meghan en avait eu l’impression pendant un temps. Peut-être s’était-elle trompée. Sans doute oui, et c’était pour ça qu’ils avaient rompu. Toujours est-il qu’aujourd’hui, elle est loin d’être à l’aise, et elle sent bien que c’est pareil pour Leonel. Seul Martin semble à l’aise dans la maison, et celui-ci doit les quitter, trop tenté par l’offre de bonbons faite par son grand frère. Il vit ici maintenant. Meghan fronce les sourcils, sans comprendre. Les explications qui suivent ne l’aident pas beaucoup plus. Pourquoi est-ce que Martin vivrait avec son frère et non leurs parents ? Ça n’a jamais été à l’ordre du jour d’après ce que Meghan savait. Mais au regard de Leonel, elle comprend qu’il y a plus à l’histoire, et qu’il n’a pas envie d’en parler. Elle est curieuse, mais elle peut respecter ça. « Oh... d’accord. » Dit-elle, comme si elle comprenait. Il est sans doute arrivé quelque chose aux parents des deux frères, c’est ce qui paraît le plus logique. Sortie de ses pensées par la question de Leo, elle réalise qu’elle n’a même pas réfléchi jusqu’au bout de son excuse. Il est possible qu’elle ait oublié des choses ici mais comme elle vit toujours dans un bordel relatif, elle n’a sans doute pas remarqué. « Oh juste mes lunettes. Je ne sais même pas si c’est ici que je les ai oubliées mais il me semble que oui. » C’est vrai que ça fait un moment qu’elle ne les a pas vues, mais elle ne les met presque jamais. Sa correction est si faible qu’en général, elle met des lentilles ou même rien du tout. Elle ne peut pas voir au loin, c’est tout. « Tu as une idée d’où elles pourraient être ? » Demande-t-elle, espérant gagner un peu de temps. Suivant Leonel dans cette maison qu’elle connaît, elle se mordille la lèvre, hésitant à expliquer les véritables raisons de sa présence ici. « Et ça se passe bien ? Avec Martin je veux dire. » Peut-être une question déguisée pour savoir ce que ça lui fait de vivre avec un enfant, alors qu’elle porte peut-être le sien. Ils n’ont pas le même âge, certes, mais ça peut déjà lui donner une petite idée.

J A N V I E R, 2 0 1 9 – Tu n’as pas vraiment envie d’en parler, de raconter une fois de plus ce qui anime cette maison. Ce qui pousse parfois les Shackebolt dans une colère noire, et dans l’instant d’après dans une tristesse inépuisable. Ça serait trop de sentiments d’un coup. Toi qui arrives à peine à parler distinctement, à faire des phrases avec des verbes, un sujet et un complément. T’es ridicule, même le plus petit de la maison sait mieux se faire comprendre que toi. Et par chance, elle n’a pas envie d’approfondir le sujet. Elle s’en fout, t’en es certain. Elle pense uniquement à récupérer ce qu’elle a laissé par mégarde. Tu te doutais que ça allait être expresse, qu’il allait être compliqué de parler du passé. Tu aurais espéré plus, qu’elle s’installe autour du bar, que vous discutiez comme avant. T’en demande trop, comme toujours. « Tes lunettes ? » Tu réfléchis, si tu les avais vues. Ça remonte à si longtemps, pourquoi elle ne s’en préoccupe que maintenant ? Si tu perdais les tiennes, tu réagirais dans les heures à venir. « Honnêtement, je ne les ai pas vues. » Et même si tu es quasiment certain qu’elle ne les a pas laissées ici, tu ne vas pas la laisser partir comme ça. Tu vas faire semblant de chercher. La maison est grande, assez pour qu’un objet aussi petit puisse se perdre. Martin déménage constamment la maison, et les choses aux trésors sont quotidiennes. « Ça doit être dans le salon, ou dans l’entrée. » Tu commences à fouiller dans les tiroirs du meuble télé. Brassant des papiers, des télécommandes en sachant pertinemment que les lunettes ne s’y trouvent pas. De temps en temps, tu la regardes. Ce visage angélique, celui que tu regrettes tant. Tu t’en mords les doigts d’avoir été aussi bête avec elle. On ne t’a dit jamais dit que tu étais un con, et pourtant qu’est-ce que tu l’as été. « Disons que ce n’est pas la joie tous les jours. » Tu te lèves, la regardes droits dans les yeux. Un sourire en coin se dessine, et tu cherches ailleurs. « Il pleure souvent, et je n’ai pas envie de lui briser son cœur. Je compense en augmentant son taux de cholestérol. » La bouffe, ton ultime remède. Celui qui calme tous les maux de cœur. « Je suis loin d’être un modèle avec lui, mais la saison de base-ball n’a pas encore commencé, alors je prends tout le temps nécessaire pour m’occuper de lui. » Les choses vont devenir extrêmement compliquées lorsque les beaux jours vont revenir. Tu seras souvent en déplacement. Épuisé par tes heures d’entraînement, et bien trop occupé. Tu trouveras une solution le moment venu. Pour le moment, t’évites de trop y penser. Ça te ronge assez comme ça. « Au fait. » Farfouillant entre les livres, les dvd et les photos, tu t’arrêtes subitement. T’as envie de lui dire ce qui te pèse sur le cœur depuis le début. Tu t’en contre-fiches de ses lunettes. Elle n’en a pas besoin. Ça cache les traits de son visage, assombri ses yeux charnels. Tu inspires, expires un bon coup, et tournes vers elle, un pincement aux lèvres. « Je m’excuse pour … je reconnais que j’ai été un connard, je suis sincèrement désolé Meghan. Je ne voulais pas te faire de la peine. Pas le moindre du monde. » Ça, non, tu n’es pas programmé pour être le mauvais gars de l’histoire. Et pourtant, tu l’as été. Tu pourrais lui dire toutes les paroles qu’elle souhaite entendre, mais tu sens qu’il y a quelque chose. Elle est en retrait. Tu croyais qu’elle voulait ses lunettes, alors pourquoi rester autant à l’écart. « T’es sûre que ça va ? »

Elle ferait mieux d’être honnête dès le début, d’arracher le pansement pour que ça soit fait. Pour que l’information soit donnée. Elle sait qu’elle doit le faire, maintenant qu’elle a décidé de garder cet enfant, mais ça ne rend pas l’acte en lui-même plus facile. Inviter qu’elle a oublié ses lunettes ici, c’est ridicule, mais ça lui fait gagner un peu de temps. Un peu de courage aussi, elle l’espère. Elle suit Leo dans les pièces de la maison, le regardant soulever quelques objets, tout en sachant pertinemment qu’il ne trouvera pas ses lunettes. Elles sont certainement dans un carton, et elle les trouvera quand elle ne les cherchera pas. De toute façon, elle n’en a pas tellement besoin. Elle l’observe, et ose une question, peut-être pour tâter un peu le terrain, savoir comment il se débrouille avec un enfant, même si c’est son frère. Elle l’a vu parfois s’occuper de lui, ils ont parfois fait du baby-sitting tous les deux avec le petit garçon, mais ce n’est pas pareil quand c’est temporaire. Meghan continue de se demander pourquoi Martin vit ici maintenant, mais elle réserve la question pour plus tard. Elle se doute que la réponse ne doit pas être très heureuse. Et elle préfère que Leonel soit dans de bonnes conditions pour ce qu’elle a à lui annoncer. La réponse qu’il lui donne confirme que quelque chose de terrible a dû arriver. Quelque chose qui semble le toucher tout particulièrement. Meghan voudrait le serrer dans ses bras, lui dire que ça va aller, même sans tout savoir, même sans pouvoir en être sûre. Mais elle reste là, derrière le canapé, son manteau posé sur le dossier, à le regarder. « Il semble aller bien, c’est le principal. Ça ira mieux avec le temps. » Enfin elle suppose. S’il est arrivé quelque chose à leurs parents, il leur faudra du temps pour s’en remettre et pour s’habituer à cette nouvelle colocation. En tout cas, Martin ne lui a pas semblé déprimé ou même triste, c’est déjà bien. Elle devrait lui dire, là. Oui, elle devrait le faire au lieu de le laisser chercher quelque chose qui n’est même pas là. Mais avant qu’elle ne puisse trouver le courage, il la devance et fait quelque chose à quoi elle ne s’attendait pas. Il s’excuse, prend la responsabilité de leur rupture comme il ne l’a jamais fait. Et ça la rassure un peu. Juste un peu. « Je... ne t’inquiète pas pour ça. » Elle sourit doucement, sans oser le regarder. Oui, elle lui en a voulu, et peut-être qu’une part d’elle lui en veut encore. Elle lui en veut de lui avoir fait perdre son temps, d’avoir blessé son cœur... pour rien finalement. Pourtant, Meghan avait essayé d’arranger les choses, de pousser Leo à s’investir plus dans leur relation de façon sous-entendue. Au final, ça n’aurait mené nulle part. Et pourtant, elle se retrouve là, dans son salon, avec quelque chose qu’elle doit lui avouer sans parvenir à le faire. Elle relève les yeux vers lui quand il l’interroge, ayant sans doute remarqué qu’elle n’est pas à l’aise. « Je... je n’ai pas oublié mes lunettes en fait. Mais il faut que je te parle de quelque chose. On peut s’asseoir ? » Dans le genre dramatique, on ne fait pas mieux. Il doit se demander ce qui va lui tomber dessus, et à raison. Au moins, elle n’a plus trop le choix, à moins d’inventer un gros mensonge. Mais qu’est-ce que ça lui apporterait ? Elle vient s’asseoir à côté de Leo sur le canapé, lève les yeux et souffle pour prendre son courage, et le regarde. « Je suis enceinte. » Elle pourrait d’emblée donner plus d’informations, mais elle veut déjà savoir comment Leo va réagir. Elle n’est pas tout à fait rassurée.

J A N V I E R, 2 0 1 9 – Tu ne sais pas tellement quoi en penser. Tu penses qu’il ne comprend pas tout ce que ça implique, qu’il ne reverra jamais ses parents, et que personne ne pourra les remplacer. Même pas toi. Tu ne le souhaites pas d’ailleurs. T’estimes que tes parents sont irremplaçables, et ça même si tu désires adopter le petit homme. Martin semble aller bien, il en parle que très rarement. La nuit, en revanche, il pleure souvent. Tu le rejoins alors, et viens te blottir contre lui, lui montrer qu’il n’est pas seul. Le rassurer à ta façon. Dans ce genre de situation, les mots ne sont pas vraiment ton fort. « Il y a des hauts et des bas. Faut laisser faire avec le temps, comme tu dis, enfin je pense. » T’es surtout heureux de ne pas avoir à faire à un adolescent. Les choses sont déjà bien compliquées comme ça, alors gérer un futur homme, non merci. Vous serez constamment dans le conflit. Adieu la bonne entente. Et lorsque tu parviens à t’excuser pour la première fois auprès de Meghan, elle semble surprise, déstabilisée. Elle semble les accepter, te dit de ne pas t’inquiéter. Tu joues avec tes doigts, fais des grimaces. Et alors que tu penses que quelque chose ne va pas, elle déclare qu’elle n’a rien oublié chez toi. Que les lunettes n’étaient qu’un simple prétexte. Tu fronces les yeux. Tu ne comprends pas où elle veut en venir. Qu’est-ce qui nécessite un prétexte pour venir te voir ? Tu commences à flipper. Où veut-elle en venir ? « Hm … ouais, ok. » Tu prends place sur le canapé. Tu as légèrement hésité. Tu sens qu’elle ne va pas t’annoncer que Coldplay arrête de chanter et que le groupe se divise. Son ton est sérieux, comme lorsque vous vous êtes séparés. Es-tu véritablement prêt à entendre ce qu’elle a à te dire ? T’en es pas certain, tu penses même ne pas vouloir entendre ce qui va suivre. Et lorsqu’elle vient se poser à côté de toi, tu ne peux quitter ses yeux. Tu n’avais jamais autant redouté les paroles de la blonde. Sa voix était douce et réconfortante, rien à voir avec la situation actuelle. Après de longues secondes, qui semblaient durées une éternité, elle balance une bombe. Dévoile ce que tu n’aurais jamais songé. Enceinte ? Tu en perds les mots, ton visage se crispe, et tes yeux sont grands ouverts. Tu la regardes sans véritablement la fixer. « Pardon ? » Tu n’es pas certain, tu espères avoir mal entendu. « Enceinte ? » Une forte chaleur monte en toi, te submerges. Tu paniques totalement, tu portes l’une de tes mains sur le front, et détournes le regard de Meghan. « Je suppose que la grossesse remonte approximativement au moment de notre séparation. » Sinon pourquoi t’aurait-elle parlé de ça ?

Meghan s’en veut peut-être un peu de ne pas beaucoup s’attarder sur Martin et sur cette situation qu’elle ne comprend pas tout à fait. Pour sa défense, elle a tout autre chose en tête. Quelque chose qu’elle ne peut pas cacher à Leo, aussi compliquée la situation soit-elle. Elle peine toujours à croire que ça soit réel, mais elle sait qu’en parler aux concernés n’est pas en option. C’est sans doute ça le pire, de devoir en parler sans être complètement sûre, et de devoir tout expliquer en prime. Mais elle s’est mise toute seule dans cette situation, à elle de s’en débrouiller. Même si tout aurait pu être plus simple si elle n’avait pas eu à rompre avec Leo. Elle sait qu’elle lui fait sans doute peur avec son air sérieux, alors elle ne traîne pas plus que nécessaire. Ça ne changera rien d’attendre. Ce bébé sera toujours au creux de son ventre, déjà en train de grandir. La surprise se lit aisément sur le visage de Leo, et Meghan reste silencieuse tout en l’observant. Il répète le mot, comme si ça allait en changer le sens. Elle comprend qu’il soit surpris. Elle aussi l’avait été. Seulement, ça fait presque un mois qu’elle est au courant, alors que pour lui, c’est tout nouveau. Il tourne la tête, visiblement pas très à l’aise et la question qui suit paraît logique. S’il n’était pas concerné, elle n’aurait aucune raison de venir lui dire ça. Il l’aurait peut-être croisée dans la rue, enceinte jusqu’au cou et c’est comme ça qu’il l’aurait découvert. « Oui, à peu près. » La suite n’est pas facile à aborder et pourtant, elle va devoir le faire aussi. Maintenant qu’elle a commencé, elle ne va pas s’arrêter en si bon chemin. Elle respire un bon coup, et se décide. « En fait... je ne suis pas sûre de la date exacte, donc je ne suis pas sûre qu’il soit de toi. » Elle ignore ce qu’il va en penser, mais au moins, c’est dit. « Enfin c’était après... Après notre rupture je veux dire. Je ne t’ai pas trompé. » Elle ne sait pas pourquoi elle ressent le besoin de préciser ça. Peut-être qu’au fond, elle n’a pas envie qu’elle le déteste. Alors même qu’elle le tient responsable de leur rupture, allez comprendre.

J A N V I E R, 2 0 1 9 – Si tu t’attendais à ça ! Jamais ! Tu aurais pu tout entendre, être prêt à tout, mais ça ! Enceinte ! Toi qui avais déjà de nombreuses galères avec Martin, un enfant âgé de cinq ans. Mais qu’est-ce que ça allait donner avec un bébé ? Tu sentais que ça allait être une épreuve. Ça pouvait complètement bouleverser ton existence, votre existence. Le pauvre gosse, il ne naîtra pas dans les meilleures conditions. Tu ne doutes pas en Meghan. C’est une femme extraordinaire, elle fera une parfaite mère. Même si tu n’es encore sûr d’être prêt à la voir avec un ventre bien arrondi. Tu rejettes immédiatement cette image de ta tête, mais une autre survient. Vous et un bébé, du vomi, des couches, des biberons, une véritable pagaille. « A peu près ? » Tu fais un bref mouvement de recul avec la tête, et plisses le nez. Comment ça pouvait être à peu près. Et soudain, tout s’éclaircis. Tu n’es pas le seul sur la liste. Il y a possiblement un autre homme. T’aurait-elle trompé ? Ça t’étonne d’elle. Ce n’est pas son genre. « Comment ça ? Je comprends pas. » Et soudain, tout s’éclaircis. C’est trop pour toi. Apprendre qu’elle allait avoir un enfant, c’était déjà une étape, mais savoir que tu n’es possiblement pas le père en est une autre. Tu te frottes le menton, essayant de tout remettre en ordre. Car même si elle t’avait trompé, ça remonte à plusieurs mois. C’est derrière vous tout ça, et vous n’êtes plus ensemble. « Ah … d’accord. » Elle ne t’avait pas trompé, tu le savais. Elle avait seulement passé du bon temps avec un autre homme, et ça après toi. Tu serais sacrément con de lui en vouloir pour quelque chose que toi-même, tu as fait après votre rupture. Vous étiez libres de faire ce qui vous semblez bon. « Et, je suppose que tu veux le garder. Je ne te dis pas ce que tu dois faire. C’est ta décision -ta voix devient plus faible- et je n’ai peut-être pas mon mot à dire. » Tu ne fais peut-être pas parti de l’équation. Qu’est-ce que tu peux faire ? Et qui est cet homme ? Tu doutes que la réponse vienne à toi. Meghan ne te dira rien, t’en es certain. Tu attendras quelque temps avant de lui poser la question. Après tout, vous allez certainement devoir vous rencontrer à la clinique. Enfin, s’il daigne de se présenter lors de "l’heureux" jour. « Excuse-moi, je … je ne m’attendais pas à tout ça. » Tu souffles, et écarquilles les yeux. Là, tu as clairement envie de te saouler, de faire la tourner des bars et pleurer comme une madeleine. Mais tu ne veux pas la faire flipper. Elle doit croire que tu es prêt à accueillir un bébé. « Tu le sais depuis combien de temps ? » Ton regard se tourne, et fait des allers et vient entre son visage et son petit ventre.

Bien sûr, elle aurait préféré que tout se passe autrement, Meghan. Ce ne sont clairement pas les conditions rêvées pour accueillir un enfant dans ce monde, mais est-ce qu’elle doit avoir honte pour autant ? C’était un accident, elle n’avait pas prévu que ça arrive. Pour autant, elle ne se sent pas coupable d’avoir couché avec plusieurs personnes dans un court laps de temps. C’est un processus normal pour elle après une rupture, elle a souvent besoin d’en passer par là. Sa rupture avec Leonel n’avait pas fait exception à la règle. Celui-ci semble étonné, perturbé par tout ça. Elle ne peut pas lui en vouloir. Après leur rupture, tout aurait dû être fini entre eux, ils n’avaient jamais prévu de rester amis ou des conneries du genre. Et voilà qu’elle débarque chez lui pour lui annoncer ça. Si le bébé est le sien, leurs existences seront sans doute mêlées pendant encore longtemps. Enfin si c’est ce qu’il souhaite. « En effet, je souhaite le garder. J’y ai beaucoup réfléchi mais j’en suis arrivée à cette conclusion. » Elle s’est toujours rêvée maman, jamais dans ces conditions peut-être, mais après avoir entendu le cœur du bébé, elle n’est plus capable de changer d’avis. Et à son âge, toujours célibataire, elle se dit qu’elle n’aura peut-être pas d’autre occasion avant un moment. Elle hoche la tête quand Leo lui dit qu’il ne s’attendait pas à ça. Elle se doute bien que ce n’est pas une nouvelle facile, mais elle voudrait bien savoir un peu ce qu’il en pense. Au moins une première impression. « Ça va bientôt faire un mois. Ça a été une grosse surprise pour moi et il m’a fallu du temps pour m’y faire. » Et qu’est-ce que ça aurait changé de l’en informer dès qu’elle a su ? Rien. Elle avait besoin de prendre cette décision seule, puisqu’il s’agit avant tout de son corps, avant d’en informer les autres concernés. « Je n’attends rien de toi, si ce n‘est pas ce que tu souhaites. Je voulais juste que tu saches. » Après tout, elle, elle a fait le choix de garder cet enfant, mais ça ne signifie pas qu’il soit obligé de devenir père. Enfin s’il est effectivement celui qui a mis sa petite graine et ça, elle n’a aucun moyen d’en être sûre.