some have lost their way – zack

A peine sortie de la réunion avec le pôle communication de la ville, j’en profite un peu pour faire un détour dans les environs. De quoi profiter de New York, qui pour une fois ne grouille pas tellement de monde. C’est même étonnant. Brooklyn, un quartier que je connais plutôt bien. Et le pont, que j’aime toujours autant admirer. Imposant et sobre à la fois, c’est un vrai régal, même de loin. L’hiver ne saurait que tarder, alors autant profiter des dernières belles journées prévues. J’avance alors, dans l’optique de rattraper ensuite une artère plus grande et héler un taxi. Mais apparemment le destin en a décidé autrement, et préfère me jouer un dernier tour. Hey madame, t’es charmante ! que j’entends, à quelques pas. Mon réflexe est de me retourner, étant plutôt du genre à faire face à mes interlocuteurs. Un sans-abri apparaît dans mon champ de vision, le visage rougi par l’alcool. Il n’y a aucun doute sur le fait qu’il soit ivre, parce que même son odeur corporelle parle pour lui. Des vêtements dans un sac poubelles à moitié renversé, des bières vides qui gisent au sol. Il a dû élire domicile ici pour les jours à venir. Il réclame sans hésitation de l’argent, et bien sûr, je refuse gentiment. Est-ce une façon de faire ? Pas vraiment. Ce n’est pas la bonne manière pour réussir, croyez-moi. Autrement dit, s’il veut gagner de l’argent, autant qu’il s’y prenne autrement. Comme commencer par aller travailler. Sauf qu’il ne lâche pas l’affaire, décide même de me suivre. S’en est assez pour moi. Lâchez-moi maintenant, c’est bon. Si être persévérant est une qualité, je trouve que dans son cas, il se transforme en gros lourd. C’est fou comme l’alcool rend moche, c’est fou comme ça nous pousse à faire des choses que l’on ne ferait pas. J’ai beau lui avoir demandé de tracer sa route, il continue de me suivre. A cet instant précis, je me demande comment est-ce que je vais réussir à lui faire lâcher prise. Le menacer d’appeler la police n’est pas non plus mon genre –bienveillante que je suis. Alors je me dis que peut-être va-t-il penser à autre chose et repartir. C’est bon ? Je peux y aller ? Je reste méfiante quant à ses faits et gestes, à l’affut du moindre mouvement. Je prie pour qu’il se lasse de moi, mais aussi que le destin décide d’agir d’une bonne façon cette fois-ci.

@zack headley  

Je tousse, je plaque mon poing près de la bouche et je continue de tousser. Ça fait mal aux poumons ça, mais en même temps c’est… L’hiver qui arrive. Bon, presque. On est en automne, mais c’est comme l’hiver et la pluie, c’est mon pire ennemi putain. L’humidité fait que les vêtements me collent à la peau et je ne trouve pas un coin pour me réchauffer, je chope le froid et la crève arrive après. Je n’ai jamais su éviter ça malgré tous les moyens que j’ai pu user. Des fois je me mets sous le voile de la boutique, mais on me jette vite dehors. J’essaye d’entrer dans les lieux publics, après faut faire face à d’autres SDF ou encore aux autorités. En vrai, les ennemis sont partout et c’est la guerre pour trouver un lieu correct. Je ne fais pas confiance aux foyers, on m’a volé mes affaires durant mon sommeil, puis on m’a massacré quand j’ai essayé de garder tout ce qui me restait. Donc ouais. La vie, c’est vraiment la merde. Les journées passent très très lentement. Il m’est difficile de penser autre chose que la nourriture, la cigarette bien que j’essaye d’arrêter. Je prie quasiment tous les jours même si je ne crois pas en Dieu, d’avoir un peu d’argent pour m’acheter de quoi manger. Il m’arrive de passer deux jours sans manger. Et comment voulez-vous que je tienne éveillé après ça ? Le froid y aide, mais putain.

Du coup, j’évite de dormir et je marche un peu dans les petites ruelles de la ville pour me réchauffer. J’avais mon sac à dos avec quasiment pas d’affaires, un bonnet pour me garder chaud même si en vrai, ça me fait mal à la tête…Surtout les cheveux. Je trainais un peu les pieds, sentant la douleur à la jambe dû au froid. J’entends des voix au fur et à mesure que j’approche. Je reconnais celui de Bastian. Mais l’autre, c’est une femme…Je ne l’ai jamais entendue. Je soupire et décide d’aller voir ce qui se passe, parce que déjà, j'ai deux mots à dire à Bastian, ce connard. La blonde râle, veut y aller mais Basti ne semble pas lui laisser passer. Je décide d'intervenir sans réfléchir en hurlant bien fort. Ce qui a fait sursauté le SDF. « Eh Bastian ! Ducon ! T’as fini d’emmerder les gens là ?! » Il balbutie et ne savait pas quoi dire. Je m’approche vers lui, passant à côté de la blonde « Désolée mademoiselle. Il est bourré. » Elle l’a peut-être déjà remarqué, mais bon, ça ne fait pas de mal de le dire. Je regarde le Bastian qui avait reculé de quelques pas. « Ouais hein, on se sent con sur le coup ? Tu comptes comment me rembourser la bouteille que tu m’as volée ? » « Meuh… Mais… Tu as arrêté de boire. Alors j’ai voulu te rendre un service. » « J’allais surtout la vendre au plus offrant. De quoi manger, tout ça ? T’as un truc ? J’ai la dalle à fond là. » « Euh… » Il se sent terriblement con que je soupire. « T’fais chier. T’as intérêt à avoir un truc à me donner demain. Dégage. » Je le pousse pour qu’il dégage de là, mais j’avais oublié qu’il n’est pas du tout tactile et je m’en suis souvenu par son coup de poing qu’il m’envoie en pleine mâchoire. Je n’ai pas eu le temps de réfléchir ou quoi que je lui rends la pareille et avec son équilibre perturbée par l’alcool, il se retrouve le cul par terre.

Rah ça fait mal ça. Je pose la main sur ma mâchoire et la bouge un peu, sentant un claquement. Bastian se relève péniblement et grogne. « T’fais chier. Je voulais me la faire en plus. Tu gâches ma soirée. » Je soupire et crache le sang sur le sol avant d’inviter la demoiselle à me suivre en posant la main sur son épaule, afin de la pousser. « T’as gâché ma journée. On est quitte. » Je regarde la femme et fais un signe de la tête. « Allons y. Laissons-le là. » fis-je en marchant avec elle sur le coup et quand on est suffisamment éloigné de là, je l’excuse « Désolé pour ce nigaud, il a un sévère alcoolisme. Il vous a rien fait ? »

Bon ça va alors, Bastian ne lui a rien fait. C’est bon à savoir, en même temps ça ne m’étonne pas venant de lui. Il est juste un gars qui peut être très lourd, mais il est capable de lever la main sur une femme comme ça et ça lui a toujours valu des emmerdes. D’ailleurs, je me dis que c’est à cause de ça qu’il a mal terminé. Ce ne serait pas surprenant du tout. Je soupire en réponse de la dame et je me retiens de tousser. Je peux comprendre qu’elle ne soit pas rassurée dans ces rues là. « Mais quelle idée de vous balader toute seule dans ces ruelles où y a quasi personne. C’est sûr que vous allez vous faire agresser là. » fis-je avec légèreté alors que je mets la main devant la bouche pour me retenir, mais aussi pour toucher ma mâchoire qui claque. Je grogne et ricane malgré moi, je secoue la tête. « Il a dû me le choper pendant que je dormais. Ce con. » C’est mon inconvénient, j’ai un sommeil trop lourd pour que je sente quoi ce que ce soit. Je me fais facilement choper les trucs comme ça et c’est terriblement chiant de devoir courir après tout le monde et trouver comment me faire respecter, leur faire comprendre qu’ils ne voudraient pas se mesurer à moi s’ils me volent des trucs. Bastian a cette tendance à penser que nous sommes potes, alors que pas du tout. La jeune blonde me remercie, je la regarde et j’ai pu l’observer assez attentivement, elle est vachement bien habillée. Tellement bien habillée que j’ai l’impression qu’elle vient d’un autre monde que le mien, c’est assez perturbant…! « Mh. Votre tenue ne vous aide pas. Et ne faut jamais sortir son téléphone ici, si vous avez le nez penché dessus, vous ferez une cible facile. Mieux vaut pas venir ici la prochaine fois. » Et c’est pas pour rien qu’il y a jamais personne de toute manière. C’est parce que cette rue n’est pas fréquentable. « Sinon venez accompagnée. Mais jamais seule. » la conseillai-je. Je ne retiens plus mon toux alors qu’elle me demande si ça va. Super timing. Franchement, j’aurai préféré que ce soit autrement là, je fais un geste vague de la main et m’étais arrêté pour tousser encore un peu. « Ouais ouais… » fis-je avant de racler ma gorge. Je reprends la marche tout en redressant mon sac, la main sur mon torse. « Ça va. J’ai connu pire. Au moins ce coup de poing m’aura davantage réveillé. Je me suis mordu la joue en plus. » Je soupire et secoue la tête. Je remarque que nous arrivons au bout de la rue, où l’agitation se fait de plus en plus entendre: ce sont les voitures qui passent, les gens qui marchent dans la plus grande des indifférences. « Voilà mademoiselle. Votre point d’arrivée. » fis-je avec un maigre sourire, assez content dans le fond de l’avoir ramenée à bon port. Je fronce légèrement les sourcils, après avoir regardé la rue. « Mh. Vous n’aurez pas un dollar sur vous ? » Quoi, je l’ai mérité là. J’en ai besoin en plus pour m’acheter de quoi à manger et j’en ai marre d’avoir mal à l’estomac qui ne demande qu’à manger.