________________________ Almost all my middle-aged and elderly acquaintances, including me, feel about 25, unless we haven’t had our coffee, in which case we feel 107. – Martha Beck ________________________
Concentré sur les pages du bouquin devant moi, je note quelques passages d'une main distraite dans le carnet de voyage que je trimballe un peu partout du moment que j'ai mon sac de cours. Le crayon court sur le papier, y laissant plusieurs lignes formant des mots et des phrases sans même que je ne daigne y jetter un coup d'oeil. C'est une habitude. Avec le temps, j'en suis venu à écrire de façon à ce que je puisse me relire par la suite et que ce ne soit pas qu'un charabia incompréhensible ou un ramassis de gribouillis sans aucun sens. Après, je ne dis pas que tout le monde pourrait comprendre ce qui traîne, entre les abréviations et les croisements d'anglais et de latin, y'a de quoi se perdre pour qui ne sait pas. Mais bon, ce ne sont que des notes pour moi à la base. Les profs ont beau demander à le voir quand ils réalisent que j'y retranscrit des schémas ou les formes de tel pétale ou telle fleur, je ne suis pas étudiant en art : je ne considère donc pas que ce soit obligatoire de leur montrer. Alors, c'est non. Ça n'a rien d'un journal intime, mais ça reste ma documentation personnelle. Assez privé pour ne pas accepter de le tendre à quelqu'un, mais pas assez pour m'empêcher de noircir les pages, confortablement installé dans ce café, une tasse de latté refroidissant tranquillement juste à côté.
À cette heure, c'est assez tranquille. Les gens préférant les restos-bar qui les mettront dans l'ambiance d'un vendredi soir à faire la fête plutôt qu'à relaxer - ou peut-être préfèrent-ils relaxer chez eux en se gavant de netflix et autres. Je me joindrai peut-être aux fêtards sur une hypothétique piste de danse, mais seulement plus tard dans la soirée. Lorsque la musique vibrera déjà dans les clubs et que j'en serai assez en manque de décibels. ...Du moins assez pour être capable de confronter le bain de foule sans risquer une crise de panique.
Secouant la tête à cette pensée, j'étouffe une soupire contre mon propre comportement dans une gorgée de café. Je n'y arrive pas. Peu importe quelle technique de relaxation ou autre que j'emploie, ça fonctionne un temps, puis je redeviens une boule de nerfs à la moindre bêtise. Ayant délaissé le stylo-bille bon marché au milieu des pages du cahier. J'ai un geste nerveux, presque rageur en fermant le manuel, faisant claquer la couverture et les pages de cette brique de papier, m'attirant quelques regards des autres consommateurs. Automatiquement, j'en sens mes joues se colorer, marmonnant une excuse qui se perd en répétition de syllabes non-nécessaires tandis que le malaise habituel veut reprendre ses droits. Ha bah super!
Tu ne voulais pas passer ta soirée chez toi à pleurer ta tristesse autour d'une page blanche. Ce n'était pas la première fois que cela t'arriver, cette envie de jeter ton ordinateur portable à travers la pièce et d'abandonner ton roman. Tu voulais le faire, tu voulais simplement le réaliser, mais ton cerveau n'était pas souvent en accord avec toi. Il paraîtrait même qu'il ait une grande envie de café corsé pour pouvoir continuer l'aventure … Assis lamentablement sur ton lit, tu te mordis l'intérieur de la joue avant de décider de te lever et de te préparer par la suite. Tu irais t'installer à la fenêtre d'un simple coffee shop, il n'y avait pas d'heure fixe pour l'inspiration et selon toi, il valait mieux s'imposer un rythme bien qu'elle ne soit pas présente. En ce qui concernait tes études, tu entassais les feuilles de cours sous une pile de livres et tu décidas de t'y concentrer plus tard.
Il faisait frais, tu sentais déjà l'automne s'installer de force chassant l'été à coup de balai. Tu t'étais vêtu d'une simple veste en jean et d'un vieux jogging délavé. Un petit sac en bandoulière pour transporter ton ordinateur et tu étais 'fin paré à te diriger de pas ferme dans tes baskets. Tu te frottas les yeux en entrant dans le café, la température avait monté, la luminosité aussi. Tu esquissas un léger sourire en apercevant le gérant du café, tu étais devenu un vrai habitué, tel que ta tasse était déjà en préparation. Tu t'installas à une table proche de la fenêtre, le froid recouvrait les fenêtres. Une petite buée t'empêchait de voir l'extérieur, mais vu à quel point il commençait à faire sombre, tu n'en fis rien. Plutôt, tu posas ton ordinateur sur la table et commença à taper quelques mots.
Tu souris à la personne qui te déposa ta tasse de café. Tu te concentras alors sur la page casi blanche, tu fronçais les sourcils avant de remarquer un client qui semblait être mécontent. Qui osait te déranger pendant ton heure de travail intense. Tu riais de cette pensée sarcastique, il était mignon et il avait l'air embarrassé de s'être emporté. Mais tu n'en fis rien une fois de plus, mais tu le vois stresser et ça t'angoisse, ça te rappelle une ancienne version de toi. Il était certainement mal à l'aise et honnêtement, ça te rendait autant mal à l'aise de savoir comment il se sentait par expérience. Tu rabaissas l'écran de ton PC avant de réfléchir quelques secondes.
Quelques minutes plus tard, un serveur s'avança à la table de Dominic à ta requête. Lui amenant un donut rempli de chocolat. Lorsque celui lui indiqua que tu étais l'auteur du petit cadeau, tu te mis à lui sourire généreusement et d'un air sincère et rassurant avant de te remettre à ton travail, légèrement embarrassé par ton action.
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Quelques têtes tournées en ma direction suffisent pour qu'un malaise trop connu de mon système nerveux ne veuillent à nouveau se faire un nid. Ça n'en prend pas plus pour me faire perdre mes syllabes, les répétant alors que je marmonne plus que je n'articule une vague excuse, baissant la tête pour ne pas croiser les regards. Je les sens, fouillant mon environnement, suivant mes mouvements… alors que ce n'est peut-être que mon imagination qui s'emballe vers une légère paranoïa. Rendu au point où j'en suis, je dois avoir un abonnement depuis des années.
En gestes nerveux que je tente de contrôler, je tasse mes effets sur la table, comme si en leur faisant prendre moins de place sur la surface, j'arrivais moi-même à me faire oublier. Ça ne fonctionne pas comme ça malheureusement. Décidant finalement de relâcher les bouquins et l'étui, j'hésite à les bazarder dans mon sac de cours sous la table, mais suis interrompu dans mes pensées par une assiette sagement déposée près de ma tasse. Relevant la tête pour voir le serveur, j'arrive plus ou moins à articuler correctement lorsque je m'adresse à lui.
- Je n'ai pas…
...mais il coupe mes efforts avec un sourire indulgent, m'expliquant qu'il s'agit de l'offrande d'un autre client. C'est pour que je m'occupe autrement qu'avec mes notes et que j'arrête de faire du bruit? Tout de même curieux, je suis la direction qu'il me pointe jusqu'à croiser les iris d'un mec qui doit avoir à peu près mon âge. Un large sourire de sa part et j'oublie les idées de tentatives de muselage : ça me semble être tout simplement un acte de gentillesse. Restant immobile pendant un instant, ne sachant pas trop quoi faire, je ne réagis qu'à retardement lorsque le serveur retourne vers le comptoir, quittant ma proximité et m'obligeant à trouver un autre moyen de remercier le jeune homme qui s'est remis au travail, puisque je n'ose pas réellement me lever pour aller lui dire franchement. J'ai déjà eu de la difficulté à prononcé un "navré" tout à l'heure, ce sera quoi si je dois dire merci? Et puis, je ferais comment? Je me lève, laisse mes trucs en plan et vais le remercier pour ensuite venir me réinstaller? Je ramasse mes effets et assiette en main, vais lui parler? Ça n'aurait pas l'air que je n'accepte pas le donut? Je sais plus… À dire vrai, j'apprécie : je crois pas avoir dit non à du chocolat dans ma vie. Ce serait presque sacrilège!
Hésitant sur la marche à suivre, je prends la première connerie qui me passe par la tête, arrachant l'une des dernières pages de mon carnet de voyage, y inscrivant un "Merci" que je froisse avant de lancer la boule de papier qui atterrit sur sa table. Sincèrement, vous me dites si vous trouvez un truc plus puéril, parce que là, je crois que je bats des records!
