(mm) after losing all I've lost, the best part is you're still here.

Maintenant qu’elle a abordé l’idée d’une nouvelle colocation, seulement à deux cette fois-ci bientôt trois, Eris pèse silencieusement le pour et le contre. Bien que cela ne soit absolument pas le plan de départ, elle se verrait bien emménager avec la blonde, ici même. Certes, ça signifierait automatiquement de vivre très prochainement avec un nouveau-né mais cela est loin d’effrayer la brunette. Après tout, elle a déjà prévu d’être présente pour sa meilleure amie et de voir cette petite puce grandir de près. Ça parait peut-être fou mais oui, elle se verrait tout à fait vivre avec Meghan et son enfant. Alors lorsque celle-ci lui pose la question, elle a déjà sa réponse. La seule incertitude vient de l’autre trentenaire. Eris comprendrait tout à fait qu’elle souhaite vivre seule avec son bébé. Puis, l’objectif pour elle, c’est aussi de quitter la colocation. Alors, pas sûr qu’elle ait l’envie de se relancer dans une autre. Bien évidemment, celle-ci serait plus calme, bien plus petite mais ça resterait une colocation malgré tout. C’est vrai qu’on serait toutes les deux mieux qu’à la maison là-bas… Elle lui arrache un sourire. Jamais Eris ne cracherait sur leur colocation actuelle. Elle n’oublie pas qu’ils l’ont tous bien accueilli et que Tommy n’a pas hésité à lui donner une chambre et donc un toit après son départ précipité de son ancienne maison mais après quelques mois, elle ne se voit pas y vivre encore longtemps. Avec dix ans de moins, la question ne se poserait même pas. Le quartier est plaisant, Tommy propose des loyers plus que raisonnables et les colocataires sont sympa. Cependant, elle a trente ans et pense avoir passer l’âge de partager une maison avec autant de monde, aussi grande soit elle. Mais je ne pourrais pas t’imposer ça, c’est complètement fou. La brunette jette un coup d’œil à l’agent immobilier, patientant à l’autre bout de la pièce. Elles n’ont pas la journée, Eris le sait et c’est pour ça qu’elle cesse de plaisanter pour répondre sérieusement. J’ai l’impression que c’est plutôt moi la folle dans l’histoire. Après tout, c’est pas du tout ce qui était prévu mais saches que tu m’imposerais rien. C’est mon idée. Après, j’ai pas non plus envie de m’imposer. T’as ta petite qui arrive bientôt et je comprendrais tout à fait que tu veuilles être seule avec elle. En parlant du bébé de Meghan, elle ne peut s’empêcher de sourire, posant un instant le regard sur son ventre très arrondi. T’es pas obligée de prendre une décision maintenant. Tu peux y réfléchir. C’est une option parmi d’autres. J’ai pas envie que tu dises oui pour me faire plaisir ou pour pas me vexer. On est au-dessus de ça. Elle termine avec un sourire adressé à Meghan. Fini le temps où elles marchaient sur des œufs, aujourd’hui elles peuvent tout se dire, que ce soit positif ou négatif.

Ce n’était pas ce qu’elle avait prévu, ni quelque chose à quoi elle avait pensé même seulement un instant. Et pour cause, elle trouve l’idée complètement folle. Si elle veut déménager, c’est pour retrouver cette indépendance qu’elle n’a plus, pour ne pas imposer les cris de son bébé à quelqu’un d’autre qu’à elle. Faire tout cela seule lui fait peur. Elle a peut-être même plus peur que quand elle a quitté la maison de ses parents. Mais elle sait que c’est la meilleure chose à faire. Il n’empêche que l’idée suggérée par Eris fait son petit chemin dans sa tête. Bien sûr que ça lui plairait. C’est même étrange que l’idée ne leur soit pas venue plus tôt. Mais pour toutes les deux, la colocation n’était pas un premier choix, mais plutôt une nécessité temporaire. Seulement, vivre à autant dans une seule maison, ce n’est plus envisageable pour Meghan. Vivre à deux, surtout dans ce superbe appartement, ça parait tout de suite davantage possible. Mais elle sait que ce n’était pas non plus ce qu’Eris voulait. En même temps, si elles avaient chacune ce qu’elles voulaient, elles n’en seraient pas là aujourd’hui. Eris serait celle qui serait prête à exploser, heureuse avec Aiden. Et Meghan serait mariée et heureuse. Aucun de leur souhait n’a été réalisé. Pour autant, Meghan ne veut pas imposer cela à son amie, alors même que c’est elle qui en a parlé la première. Mais c’est elle qui aurait aussi le plus à y perdre. Elle l’écoute émettre des réserves, plutôt dans le sens de Meghan. Clairement, elle ne s’imaginait pas vivre avec sa meilleure amie et sa fille. Elever un enfant avec une femme n’a jamais été exclu, mais ça n’a jamais été d’actualité entre elle et Eris. Elle s’imaginait déjà former une famille quand elle aurait un enfant. Rien de tout ça n’était prévu. Mais Eris semble réellement partante, et Meghan est de plus en plus tentée. Même si elle lui dit de prendre le temps d’y réfléchir. Alors que dans sa tête, elle imagine déjà tout. Elle tourne à nouveau la tête vers l’appartement. Au fond, l’agent immobilier est en train de passer un coup de téléphone. Au moins, il ne les presse pas. « En fait… j’ai justement peur de me retrouver toute seule avec elle. J’ai peur de ne pas pouvoir tout gérer. » Avoue-t-elle en chuchotant, comme si elle ne voulait pas que d’autres personnes le sachent. C’est sans doute une peur commune chez beaucoup de futures mamans, mais elle en a tout de même un peu honte. « Ça pourrait être bien… non ? Il y aurait largement assez d’espace pour tout le monde. Tu pourrais même prendre la chambre là-haut. » Pensée plus pratique qu’autre chose, elle préfère s’éviter d’avoir des marches à monter, même un peu trop. Mais peut-être qu’elle se projette un peu trop. « Enfin moi, ça me plairait vraiment… Je n’y avais pas du tout pensé avant, mais maintenant j’ai du mal à imaginer les choses autrement. » Pourtant, il ne s’agit pas d’un coup de tête. Plutôt une évidence. « Tu aurais l’argent toi ? Tu as touché la vente de la maison ? » Eris lui a dit d’y réfléchir, mais c’est plus fort qu’elle.

S’installer avec Meghan, ça serait un peu comme remettre le couvert, se relancer à nouveau dans une colocation et bien qu’Eris se fût jurée que cette solution ne serait que temporaire, elle se retrouve soudainement tentée par l’idée de continuer à vivre avec la blonde. Le contexte serait totalement différent et c’est peut-être pour ça qu’elle n’a rien contre. En fait… j’ai justement peur de me retrouver toute seule avec elle. J’ai peur de ne pas pouvoir tout gérer. La brunette comprend l’appréhension de sa meilleure amie. A ses yeux, c’est tout à fait normal. La plupart des futures mamans doivent passer par ce stade-là. C’est naturel. L’inconnu, la nouveauté, ça a quelque chose d’effrayant surtout que cela implique un nouveau-né qui n’aura que nous sur lequel compter. Elle pose une main réconfortante sur le bras de Meghan. Tu vas être super, Meghan, vraiment. A son tour, elle chuchote pour aucune raison valable puisque l’agent immobilier semble bien trop occupé par son coup de téléphone pour écouter leur conversation. La brunette hésite un court instant tout en regardant Meghan et se trouve stupide. C’est Meghan, elle peut tout lui dire. Continuant de chuchoter, elle ajoute. Pour être tout à fait honnête, j’ai pas envie de me retrouver toute seule. Ça me déprime. Elle n’aime pas la solitude, Eris. Elle aime l’idée d’avoir quelqu’un à qui parler en rentrant le soir. C’est peut-être bête mais ça lui parait indispensable. Mais je peux pas continuer à vivre à la coloc. Trop de monde. En gros, il lui faut un juste milieu et elle a l’impression que le juste milieu il se trouve dans ce duplex avec Meghan. Ça pourrait être bien… non ? Il y aurait largement assez d’espace pour tout le monde. Tu pourrais même prendre la chambre là-haut. Un sourire étire les lèvres de la brunette quand elle réalise que Meghan commence déjà à se projeter. Je pourrais, oui. Ça serait plus pratique pour toi d’être en bas de toute façon. Les deux chambres y sont face à face, parfait pour que la petite sera en âge de dormir seule dans sa chambre. Puis de cette façon, elles auraient chacune un minimum d’intimité. Enfin moi, ça me plairait vraiment… Je n’y avais pas du tout pensé avant, mais maintenant j’ai du mal à imaginer les choses autrement. Tu aurais l’argent toi ? Tu as touché la vente de la maison ? Elle hoche tout d’abord la tête avant de dire. Oui, ça ne pose aucun problème. A vrai dire, elle pourrait même certainement acheter cet appartement seule, sa part de la vente de son ancienne maison étant suffisante. Sérieusement, je veux que tu y réfléchisses avant de prendre une décision. On peut peut-être lui dire qu’on est intéressé et qu’on lui donne une réponse en début de semaine prochaine ? Mais lui demander de nous prévenir si une offre est faite avant ça. Elle s’y connait, Eris. Elle n’en serait pas à son premier achat immobilier. Un instant, ses yeux s’attardent sur l’agent immobilier. Elle l’imagine déjà, fier comme un coq à l’idée d’avoir enfin réussi à combler les attentes Meghan.

Il est vrai que Meghan serait beaucoup plus rassurée à l’idée de ne pas vivre seule avec sa fille. La vérité, c’est qu’elle n’a aucune idée si celle-ci aura réellement un père pour veiller sur elle ou non. Elle l’espère, mais ne peut en être certaine. Elle connaissait ce risque en choisissant de garder le bébé, mais il lui parait beaucoup plus réel maintenant qu’elle part de la colocation pour trouver son propre nid. Avoir sa meilleure amie avec elle serait forcément une aide exceptionnelle. Mais Eris n’a rien demandé de tout ça. Elle, elle a préféré avorter plutôt qu’avoir un enfant dans ces conditions, alors rien ne l’oblige à aider Meghan. Avec de simples mots, Eris la rassure déjà un peu. Même si, quand elle sera seule avec son bébé, les choses seront sans doute différentes. Eris lui confie alors qu’elle aurait du mal à vivre seule à nouveau, sans pour autant vouloir rester dans leur colocation actuelle. A leur âge, ce n’est plus possible. Trop de contraintes, pas assez de contrôle sur leur espace de vie. Ici, ça ne serait qu’elles deux. Et une petite fille dans quelques temps. « Je ressens tout à fait la même chose. Je ne peux plus vivre là-bas, mais en même temps, je risque de me sentir seule, même si je ne le suis jamais vraiment. » Elle pose une main sur son ventre, tendrement. Ce n’est tout de même pas la même chose. Il lui faudra quelques années avant de pouvoir avoir une vraie conversation avec sa fille. « Ça serait un bon compromis, tu ne trouves pas ? » Entre la solitude et la colocation trop nombreuse. Elles se connaissent, savent se parler sans s’énerver et ont un peu le même style de vie. Ça parait idéal. Et même si Eris ne veut pas que Meghan décide aujourd’hui, il semblerait qu’elle l’ait déjà fait, ou presque. Elle imagine déjà laquelle serait la chambre d’Eris, où serait son espace à elle. Ce sur quoi son amie semble d’accord. Déjà un premier bon point. En plus de ça, elle a visiblement l’argent nécessaire pour un tel achat. Meghan a aussi pas mal d’argent de côté, en plus du prêt pour lequel elle a déjà presque l’accord. Le prix ne poserait alors plus de problème. La proposition d’Eris semble plus logique. Rien ne presse aux dernières nouvelles. L’appartement vient d’arriver sur le marché, mais il est aussi possible qu’il n’y reste pas trop longtemps. « C’est sans doute une bonne idée. Ça nous laisse le weekend pour y réfléchir comme ça. » Pour être encore plus convaincue sans doute. Meghan fait signe à l’agent immobilier, et elles lui expliquent le projet possible. Une fois tous les détails réglés, ils se quittent devant l’immeuble. « J’aurais bien regardé un peu le quartier mais mes pieds ne sont pas d’accord. Je suis toujours partante pour ma glace par contre. » Après cette après-midi riche en émotion et en projets, ça lui fera le plus grand bien.