1er septembre. Une semaine sans la voir, sans lui parler, sans la toucher. Elle me manque et pourtant elle ne devrait pas. Je ne sais pas si c'est le fait d'avoir appris qu'elle est enceinte de mon enfant qui me fait réagir de cette façon ou si ce sont ces moments de tendresses partagés récemment, mais je n'arrive plus à penser à autre chose. Bon, il faut avouer que tous les commentaires que je reçois n'aident pas à ma cause. Je suis apparemment aveugle, je ne vois pas ce qui est directement devant mes yeux, je n'admets pas ce que je ressens bref, j'ai eu le droit à absolument tout cette semaine ce qui, à vrai dire, a commencé à me faire réfléchir bien plus que je ne l'aurais voulu. Le problème c'est que même si j'admets qu'elle me manque, que je n'ai pas envie qu'elle rencontre quelqu'un d'autre et que je m'attache à elle bien plus que je ne m'autorise à le faire avec une femme généralement, je sais qu'Ozalee elle ne veut pas de relation - tout autant que moi d'ailleurs, même si ma tête semble me dire le contraire - et qu'avec ce bébé qui arrive, je ne voudrais pas compliquer les choses entre nous. Pourtant, ce qu'elle m'a dit par texto, je suis incapable de l'oublier. Elle est partie pour prendre de l'air, pour réfléchir parce qu'elle a été incapable d'avorter sachant que ce bébé était de moi. Est-ce seulement parce que je suis son ami ou parce qu'il y a plus? Est-elle en train de paniquer autant que moi? Si c'est le cas, pourquoi est-elle tout de même venue dormir chez moi ce soir là alors qu'elle m'a dit vouloir prendre ses distances? Et pourquoi est-elle volontairement partie avec mon tee-shirt? Tout ça est tellement contradictoire, je m'y perds moi-même depuis une semaine. Surtout que je n'ai aucune nouvelle et que par le fait même, j'ai eu beaucoup de difficultés à me concentrer sur mes entraînements, encore plus sur le match de jeudi soir. Après ma visite d'hier chez Cassie où j'ai pu passer du temps avec Peter, Emma et elle, je suis retourné chez moi et sur un coup de tête, j'ai acheté un billet pour me rendre en Alaska sans savoir pourquoi, sans même savoir ce que je vais lui dire, mais je dois la voir, peu importe si je passe pour le pire égoïste du monde en allant là-bas alors qu'elle veut prendre ses distances et être avec sa meilleure amie. C'est donc ce matin très tôt que je suis parti et après un long vol à regarder des films sans vraiment être concentré et surtout à me faire chier, je suis arrivé à destination, j'ai réussi à me louer une voiture et j'ai été me perdre dans ce putain de trou perdu, me demandant des centaines de fois ce que je peux bien faire ici. Vêtu d'un manteau pas suffisamment chaud, j'ai fini par trouver ce petit gîte au fond de nulle part avec ce paysage à couper le souffle - il y a au moins ça de bien. Tentant de me réchauffer du mieux que je peux, je marche vers la porte, cogne en attendant une réponse et lorsqu'un homme me répond, je lui explique que je cherche quelqu'un, décrit du mieux que je peux Ozalee et il me laisse entrer sans être trop clair à savoir où elle se trouve. J'arrive dans ce qui ressemble le plus à une aire commune, il y a quelques personnes présentes, mais aucune trace de la blonde, ni d'Oliana d'ailleurs. Rapidement, je fais le tour du gîte sans évidemment entrer dans les chambres et retourne à l'entrée, tentant du mieux que je peux d'obtenir des réponses de l'homme qui m'a ouvert.
Je ne suis qu'une simple cliente au contraire de ma meilleure amie. Venue ici à la fois pour la retrouver mais également pour m'évader voilà près d'une semaine que je vis dans ce petit gîte. J'y ai appris à aimer d'autant plus la nature et à me faire aux températures parfois excessivement froides. Mettant parfois la main à la pâte, il n'y a qu'en cuisine que je me suis révélée d’une grande aide – enfin presque. Malgré ça mes journées passent et se ressemble. Je me suis fait à l'idée d'être mère, de voir mon corps changer pour la seconde fois, en revanche j'ai plus de mal concernant mon attachement pour le père du futur bébé. Même mes discussions avec Oliana ne m'ont pas aidé à mettre de l'ordre dans mes pensées, quand bien même s'est-elle révélée d'un grand soutien. Il n'y a rien à faire. Si mon cœur pense d'une certaine manière, ma tête est en totale contradiction. J'ai peur, bien trop peur à l'idée de souffrir une fois de plus mais aussi peur de perdre une personne qui m'est réellement cher. Une sorte d’impasse de laquelle je n'arrive pas à me sortir. A côté de ça il y a ce tee-shirt que je porte encore aujourd'hui. Celui de Jake même si mon odeur a fini par remplacer la sienne. Je m'y accroche sans réellement en connaître la raison. Ça me réconforte tout autant que ça m'inquiète. Je ne suis pas dupe, j'ai remarqué le développement de notre relation, cette proximité de plus en plus nécessaire et câline, ça ne veut pas dire que je l'accepte pour autant. Ces quelques jours loin de New York, loin de lui, c'était également pour remettre de l'ordre dans mes idées alors que je n'ai fait qu'accentuer une peur. Dans un soupire je me relève du fauteuil sur lequel j'étais assise. Tisane à la main et terminée depuis bien longtemps, je m'approche de la balustrade de la petite terrasse et pose instinctivement une main protectrice sur mon ventre. A ce stade c'est à peine s'il est plus gros qu'un petit pois et pourtant je sais qu'il est là, je sens sa présence et ça me suffit à vouloir le protéger. « Ozalee ? Je suis désolé de vous déranger mais il y a un homme qui vous cherche. » Un homme ? Lequel ? Tommy, Warren, Jake ? La dernière option me semble si invraisemblable que je suppose qu'il s'agit soit de mon meilleur ami, soit de mon frère, tous les deux inquiets de ne pas avoir de mes nouvelles. Mark remercié, je rentre plutôt vide dans la maison, abandonne la tasse sur la table et je rejoins la salle commune au centre du chalet. Les battements de mon cœur s'emballe. Sa silhouette je la reconnais même de dos. « Jake ? Qu'est-ce … » Je m'arrête un instant et me rend compte qu'il m'a manqué au moment où son regard me tombe dessus. « Qu'est-ce que tu fais ici ? Ça va ? »
Je fais tout ce que je peux pour la trouver - ou que cet homme m’aide à le faire - mais je comprends qu’il ne peut pas m’en dire plus et ça m’énerve. Je ne suis pas la personne la plus patiente du monde et je le sais très bien, mais en ce moment, je fais vraiment des efforts pour ne pas m’énerver contre lui parce qu’en fait, il ne m’a rien fait, il ne fait que son boulot. Nerveux à l’idée d’être venu jusqu’ici et qu’elle ne soit plus là, je regarde mon téléphone même si je sais que de toute façon, il n’y a pas de réseau ici, sinon elle m’aurait répondu – sauf si évidemment, elle ne veut pas me répondre – ce qui se retournera forcément contre moi si elle me voit ici alors qu’elle ne veut pas me voir. Je souffle un bon coup lorsque l’homme accepte finalement de m’aider et d’aller voir où elle se trouve. Pourquoi je suis aussi nerveux? Ça ne fait qu’une semaine que je ne l’ai pas vu, que je n’ai pas vu son magnifique sourire et j’ai l’impression que ça fait bien plus longtemps. Je ne comprends même pas pourquoi je suis comme ça putain. Regardant par la fenêtre le paysage qui s’offre à moi, je me dis qu’au moins, je peux profiter de la vue en patientant qu’elle arrive. Mais qu’est-ce qu’il va lui dire au juste? Je ne me suis même pas présenté, je ne lui ai pas dit qui j’étais pour elle parce qu’en fait, je ne sais pas vraiment sauf peut-être le père de son futur enfant. Et ça, je l’accepte ce titre. J’y ai pensé toute la semaine, j’ai flippé et à vrai dire, c’est encore le cas, mais au moins, je sais que je suis prêt à tout faire pour ne pas la décevoir et pour être un bon père – tout le contraire du mien surtout. « Jake ? Qu'est-ce… Qu'est-ce que tu fais ici ? Ça va ? » Entendre sa voix vient directement augmenter les battements de mon cœur et me prouve à quel point elle m’a manqué, mais ça, je le savais déjà. Je ne suis pas ici pour rien. En me retournant vers elle, son incompréhension me fait un peu paniquer. Elle a raison de se demander ce que je fiche ici et surtout, pourquoi j’ai fait des tonnes de kilomètres juste pour rester planté là devant elle sans rien dire. Mon silence est interminable, je la regarde de haut en bas, mais mon attention s’arrête évidemment au tee-shirt qu’elle porte, le mien. Qu’elle le porte encore même après une semaine, ça me fait sourire, ce petit sourire en coin que je lui accorde en la regardant droit dans les yeux. Mais qu’est-ce que je viens faire ici en fait? Et est-ce que je dois lui dire en fait pourquoi je me suis rendu ici sur un coup de tête? « Ça va. Je… voulais te donner ton tee-shirt en fait... » Mais quel con! Des heures de vol pour venir lui porter son tee-shirt qu’elle a oublié chez moi avant de partir? C’est vraiment pathétique. Et c’est pourtant la seule chose que je dis. Puis à voir son visage, je doute qu’elle s’attendait à ce genre de réponse et je le comprends parfaitement. Pourquoi est-ce que je suis soudainement incapable de lui parler?
Mais que fait-il ici ? Tout un tas de scénarios se jouent dans ma tête, les uns plus catastrophiques que les autres. Je ne vois aucune raison à sa présence ici hormis le fait que quelque chose ne va pas. Qui ? Comment ? J’imagine le pire. Tommy, Warren, Roxanna … peut-être même lui ou au sein de sa famille. Les battements de mon cœur s'intensifient à cause de l’angoisse. Je joue nerveusement avec le bas du tee-shirt que je porte, son tee-shirt. N’importe quoi pour parvenir à évacuer mon angoisse qui ne doit pas être très bonne pour ma santé ou celle du bébé. Il ne parle toujours pas ce qui ne fait qu’augmenter un peu plus la pression sur ma poitrine. Mon estomac se contracte de façon désagréable et mes sourcils se froncent. Communication non-verbale pour lui faire comprendre qu’il serait tant qu’il déballe la raison de sa présence ou simplement qu’il parle. En fait n’importe quoi pour que je me détende un peu ou que je fonde en larmes. Mais il me faut au moins réaction, tout ce qu’il veut. Son regard me détaille, s’arrête sur le haut de mon corps et je suppose qu’il a reconnu ce que je porte sur moi. Pour ma défense je ne l’imaginais absolument pas débarquer ici sans crier gare … et ai-je réellement à me justifier ? D’accord c’est son haut et j’aime le porte plus que je ne le devrais mais … pourquoi est-ce que je continue ? « Ça va. Je… voulais te donner ton tee-shirt en fait... » Mes sourcils se froncent un peu plus. J’arrête de le regarder quelques instants lorsqu’un couple de vacanciers avec leur fils passent entre nous pour tenter de rejoindre les canapés près de la cheminée un peu plus loin derrière moi. « Ah … » C’est la première chose qui me passe par la tête devant une explication aussi surprenante. « Attends … quoi ? » Ça y est, mon cerveau réalise qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Plusieurs heures des vols et de conduite pour simplement m’apporter un tee-shirt ? S’est-il rendu compte que finalement notre relation n’est plus possible et que c’est sa façon de me le faire comprendre ? C’est un peu douteux mais après tout, pourquoi pas ? Bras croisés contre ma poitrine, je me protège presque de l’idée de devoir me séparer de ce qui n’est pourtant qu’un bout de tissu. « T’as fait tout ça pour me rendre mon haut et récupérer le tien ? C’est … je te l’aurais rendu en rentrant si c’est ce que tu veux … plus aucune connexion entre nous ou quelque chose dans le genre. » Je ne vois pas bien pour quelle autre raison il aurait tant besoin de me rendre mes affaires en fait et ça ne me met pas du tout à l’aise. En fait, j’en viens à me demander si ce n’est pas de ma faute. A avoir voulu prendre mon temps pour réfléchir en étant loin, j’ai dû l’agacer et maintenant je vais encore être seule pour élever un enfant. Mon dieu, cette pensée éveille un tel vent de panique en moi que je baisse les yeux pour retenir mes larmes. Et je ne peux même pas mettre ça sur les hormones, c’est trop tôt, c’est cette autre chose à laquelle je me refuse de penser alors que j’ai pris mes distances pour ça.
Je suis vraiment un gros con et je sais que c’est probablement la nervosité qui me fait agir comme ça. Nerveux de la revoir, qu’elle me prenne pour un fou parce que je suis venu jusqu’ici pour la voir. Elle est partie une semaine et je m’ennuie d’elle comme si ça fait des semaines que je n’ai aucune nouvelle. Et maintenant qu’elle est devant moi, qu’elle est toujours aussi magnifique, qu’elle porte mon tee-shirt qui lui va tellement bien, je bloque et je n’arrive pas à lui dire autre chose que cette connerie. Elle doit vraiment me prendre pour le pire des connards et honnêtement, je ne peux même pas la blâmer de le faire. Je ne serais jamais venu jusqu’ici pour lui donner son tee-shirt, je suis juste trop stupide pour lui dire que je suis là pour venir la chercher, pour qu’elle revienne avec moi, pour qu’on affronte cette nouvelle aventure ensemble et que je n’ai plus envie qu’elle prenne ses distances. Je veux retrouver cette proximité des derniers temps entre nous et même si je suis terrifié à l’idée de le faire, je suis ici et je n’ai pas envie de partir sans elle. Même si, comme c’est parti, je risque de retourner seul à New-York. « Ah …Attends … quoi ? » Je n’ose même pas imaginer ce qu’elle a en tête en ce moment. Ozalee aurait toutes les raisons du monde de me détester en ce moment et moi je reste encore planté là sans rien faire. « T’as fait tout ça pour me rendre mon haut et récupérer le tien ? C’est … je te l’aurais rendu en rentrant si c’est ce que tu veux … plus aucune connexion entre nous ou quelque chose dans le genre. » Non, c’est loin d’être le cas. Je me suis seulement mal exprimé, c’est la première excuse de merde qui m’est venu en tête et même moi je me traite de tous les noms en ce moment alors elle pourrait le faire aussi. Je souffle un bon coup, plante mon regard dans le sien. Je vois bien que j’ai merdé et ce regard qu’elle me lance, j’aimerais pouvoir l’effacer, j’aimerais seulement tout recommencer et être honnête avec elle au lieu de lui dire que j’ai fais tout ce chemin pour un putain de tee-shirt. Surtout que le mien, je ne veux même pas le récupérer, elle peut le garder, il lui va mieux qu’à moi de toute façon et si elle est confortable dedans, c’est encore mieux. Sans vraiment réfléchir, sans savoir quoi dire pour justifier ma connerie, je m’approche d’elle, glisse mes mains sur ses hanches pour la coller contre moi et plaque mes lèvres sur les siennes pour l’embrasser tendrement, comme je ne l’ai jamais embrassé avant. Ma main se glisse dans ses cheveux, ma langue entre dans une danse folle avec la sienne. Si je suis là c’est exactement pour ça. C’est pour elle, pour cette proximité entre nous. Peu importe qui se trouve autour, il n’y a qu’elle qui compte et personne d’autre. Je ne veux surtout pas qu’elle pense que je l’abandonne puisque ça, je ne vais jamais le faire. M’arrêtant un instant pour reprendre mon souffle, je colle mon front contre le sien et souffle un moment, glissant mon doigt sur ses lèvres ne quittant pas ses yeux. « Je suis venu pour ça Oz’ … Pour que tu reviennes avec moi… Parce que j’ai pas envie que tu prennes cette distance et que même si ça me terrifie tout ça… y a qu’avec toi que je veux le vivre… » Ma main se pose sur sa joue et je baisse les yeux pour regarder mon tee-shirt. « Et oublie cette histoire de tee-shirt, c’est le tien maintenant de toute façon. »
C'est incompréhensible. Pourquoi faire tout ce chemin uniquement pour ça ? A moins qu'il ne m'ait envoyé un message pour me le dire ? Avec le réseau plus que capricieux, j'ai abandonné mon smartphone dans ma chambre. Je n'ai pas donné de nouvelles depuis le lendemain de mon départ, lorsque j'ai commencé à m'enfoncer dans la campagne profonde et glacée de l'Alaska. La seule chose que j'ai pu faire a été d'envoyer un mail à Tommy pour le rassurer et lui demander de dire aux autres que je vais bien. L'a-t-il fait avec Jake ? Je sais que même s'ils sont potes et coéquipiers, mon bonheur passera toujours avant le reste pour mon meilleur ami. Est-il possible qu'à force de sentir de la tension, le brun ait fini par en avoir assez ? Pourquoi est-ce que cette idée me déplaît autant ? Un nouvel abandon serait bien trop douloureux à encaisser et si c'est la véritable raison de sa présence ici, je ne suis pas certaine de vouloir le savoir. Ce serait mieux ceci dit, je serais fixée comme ça. J'aurais également la confirmation qu'être en couple n'est pas fait pour moi. Non pas que je m'attendais à ce que nous formions un couple mais c'est une pensée qui m'a traversé l'esprit. Je suppose que je peux la bannir maintenant. Je retiens mon envie de fuir et de hurler à Oliana de venir me sauver d'une nouvelle peine de cœur. Je dois affronter ça comme une grande fille si bien que je ravale mes larmes, redresse la tête et m'apprête à sortir un mensonge sur le fait de comprendre et d'accepter lorsque je le vois venir vers moi. Il saisit mes hanches, me rapproche de lui et plaque sa bouche sur la mienne. Je. Ne. Comprend. Plus. Rien. Aurait-il développé une sorte de schizophrénie ou de bipolarité durant ma petite semaine d'absence ? Ou est-ce que je ne comprends vraiment rien ? Ce serait bien possible. Totalement perdue, incapable d'admettre ce que je veux alors que j'en ai que trop conscience, il est tout à fait possible que ma capacité d'analyse m'ait échappé. La tendresse de son baiser laisse place à plus de fougue lorsque nos langues se rencontrent, comme si elles s'étaient terriblement manquées. Mais je sais que c'est surtout moi qui le pense. Il m’a manqué. Ses taquineries, notre proximité, cette aisance à discuter de tout et de rien tout comme sa façon de me regarder. Ça a toujours été là. Nous avons toujours su vouloir plus que cette amitié dont nous avons été obligés de nous contenter mais après tant de déception, l'accepter est difficile. Cependant, je réponds à son baiser, passe mes bras autour de son cou. J'oublie la petite famille qui a le droit au spectacle, je ne pense qu'à ce sentiment de sérénité qui remplace ma panique. Je tremble légèrement de sentir ses doigts sur mes lèvres humides mais je me perds surtout dans son regard. « Je suis venu pour ça Oz’ … Pour que tu reviennes avec moi… Parce que j’ai pas envie que tu prennes cette distance et que même si ça me terrifie tout ça… y a qu’avec toi que je veux le vivre… » Durant un bref instant je ne suis pas sûre de ce que je viens d'entendre puis ça s'impose à moi. Il est là pour moi. Il est là pour nous. « Et oublie cette histoire de tee-shirt, c’est le tien maintenant de toute façon. » Ça me fait rire. Légèrement mais je ris tout de même. « Je suis tout autant terrifiée. » Que je lui confie toujours sans me préoccuper du fait que tout le monde peut nous voir et nous entendre. « T'as toujours été spécial pour moi tu sais… J'ai peur de tout gâcher, je suis douée pour ça. Par contre je n'aime pas mentir, j'aime pas te mentir. Je voulais juste m'assurer que ce n'est pas juste la grossesse … » Il me fallait être certaine que ce n'est pas la grossesse qui m'a fait imaginer des choses mais en réalité ça m'a conforté dans l'idée que, merde, le sexe entre nous ce n'est pas suffisant même si j'ai encore trop peur de l'admettre.
Complètement perdu par mes propres gestes, j'arrive à peine à comprendre ce que je suis en train de faire et je suis persuadé qu'elle doit se poser encore plus de questions que je m'en pose. Tellement nerveux de lui répondre la vérité que la première chose qui est sortie de ma bouche est cette stupide histoire de tee-shirt qui a seulement empiré la situation plus qu'autre chose. Allant même jusqu'à voir la panique dans ses yeux lorsqu'elle pensait réellement que j'étais simplement venu lui redonner son tee-shirt - qu'en fait, je n'ai même pas avec moi, soyons honnête - et qu'en plus je revenait lui réclamer celui qu'elle a présentement sur le dos. Non. Il faudrait vraiment être un gros connard pour faire ça et ce n'est pas ce que je suis. C'est d'ailleurs ce que j'aimerais lui prouver et il faut dire que je m'y prends plutôt mal pour l'instant. J'aimerais bien recommencer tout à zéro, faire les choses convenablement, mais j'imagine que c'est ce qui fait parti de mon charme. Je suis maladroit, ça fait des années que je n'ai pas pensé à ce genre de choses, que je n'ai pas fait un geste si énorme pour quelqu'un. Puisque bon, prendre un vol de dernière minute de New-York à l'Alaska, je ne l'ai pas fait pour venir m'enfermer dans ce trou perdu, mais bien pour la voir elle. J'ai pensé à une tonne de choses à lui dire et pourtant, blocage total dès que j'arrive devant elle. Tout défile dans ma tête et la seule chose que j'ai véritablement envie de faire c'est de l'embrasser à en perdre le souffle pour tenter de me faire pardonner de ce comportement complètement inhabituel que j'ai eu à son égard. Faut vraiment que le Jake confiant revienne à la charge et c'est pour cette raison que je décide de l'embrasser. Peu importe qui nous regarde, il n'y a qu'elle et moi présentement et c'est sur elle que je veux me concentrer, c'est à elle que je dois faire comprendre tout ce qui est encore tellement flou dans ma tête. « Je suis tout autant terrifiée. » Rassuré de ne pas être le seul dans toute cette histoire à avoir peur de la suite, je caresse doucement sa joue tentant tout de même de la rassurer même si honnêtement, j'ai sans doute besoin de la même chose, mais, son bonheur passera toujours avant le mien et je demanderais n'importe quoi pour un petit sourire de sa part. « T'as toujours été spécial pour moi tu sais… J'ai peur de tout gâcher, je suis douée pour ça. Par contre je n'aime pas mentir, j'aime pas te mentir. Je voulais juste m'assurer que ce n'est pas juste la grossesse … » J'hoche la tête, content de savoir que j'ai toujours été spécial pour elle, tout comme elle l'a toujours été pour moi. Suis-je vraiment capable de mettre un terme à ce que j'aimerais que soit notre relation? Pas du tout, mais je n'ai pas envie qu'elle soit ici alors que moi je suis à New-York. « T'es spéciale aussi Oz, ça n'a jamais changé. J'ai pas voulu t'arrêter avant de partir et je sais que j'aurais dû le faire même si t'avais besoin de venir ici… Mais, j'veux qu'on soient terrifiés ensemble, qu'on parlent de tout ça, ensemble... » Oui je suis venu jusqu'ici pour ça. Pour elle. Pour ce nous que je n'arrive pas à définir et pour ce petit être qui se forme dans son ventre et qui mérite aussi notre considération. Rien à voir avec un putain de tee-shirt, je préfère oublier cette histoire d'ailleurs. « Et… t'as eu le temps d'y réfléchir alors? À la véritable raison de pourquoi tu voulais garder le bébé? » Mes bras toujours autour d'elle, son corps collé contre le mien, j'ai vraiment l'impression d'être seul au monde avec Ozzie alors que ce n'est pas véritablement le cas.
Ces quelques jours de réflexion m’ont été plus bénéfiques que je ne l’aurais pensé. A moins que ça ne soit le voir capable de parcourir une telle distance simplement pour venir me chercher ? J’imagine que c’est un mélange des deux. Être loin de New York, de cette pression constante que je m’impose ça a été la meilleure façon pour moi de me recentrer, de parvenir à savoir ce qui se passe dans ma petite tête. Du moins d’y mettre autant de sens que possible. Il est question d’accepter tout ça maintenant, ce qui est nettement moins facile je dois bien l’admettre. Le goût du risque a souvent pris sa place dans ma vie. J’aime me dépasser, sortir de ma zone de confort … hormis lorsqu’il est question de mon cœur, de ma vie amoureuse. Cette dernière est si catastrophique que l’idée de tenter une nouvelle fois l’expérience me terrorise. Mais n’est-ce pas la meilleure façon de passer à côté de quelque chose ? Des années que Jake et moi nous nous connaissons et les circonstances ont fait que nous n’avons jamais eu l’occasion d’avoir ce que nous voulions. Jusqu’à maintenant. Et il n’est même pas question d’aller trop vite puisqu’il y a des années que nous avons cette attirance. Elle est tellement forte que même les années et les embûches n’ont pas suffi à la faire disparaître. Ça doit bien vouloir dire quelque chose, non ? Je ne sais plus trop. La seule chose dont je suis certaine c’est que je me sens mieux lorsqu’il est là, que cet homme immense me prend dans ses bras et me permet d’oublier tout le reste. Je préfère ne même pas penser à ses lèvres qui m’obsèdent et effacent de mon esprit le fait que nous ne sommes pas seuls. « T'es spéciale aussi Oz, ça n'a jamais changé. J'ai pas voulu t'arrêter avant de partir et je sais que j'aurais dû le faire même si t'avais besoin de venir ici… Mais, j'veux qu'on soient terrifiés ensemble, qu'on parlent de tout ça, ensemble... » Ça n’a jamais changé. Cette phrase innocente tourne en boucle un petit moment. Ça n’a jamais changé, à comprendre par-là qu’il n’a jamais perdu espoir quant au fait que quelque chose pourrait se produire entre nous. Il a attendu alors que d’autres auraient baissé les bras bien vite. La suite ne fait que me couper le souffle. J’arrête de respirer pendant de courtes secondes. Mon regard refuse de quitter le sien. J’y cherche sa sincérité et je n’ai aucun mal à la trouver. Il aurait voulu que je reste et je pense que s’il avait insisté, je n’aurais pas pu refuser. « Et… t'as eu le temps d'y réfléchir alors? À la véritable raison de pourquoi tu voulais garder le bébé? » J’agite la tête de bas en haut mais sans rien ajouter, je me sépare de lui, attrape sa main et l’entraîne à ma suite vers l’escalier puis ma chambre. Il me faut de l’intimité, pouvoir profiter de lui sans être épiée. Dans la pièce, la porte fermée, je l’amène jusqu’au lit, le force à s'asseoir au bord et monte sur ses genoux. Une position que j’adore. Elle nous rapproche et impose cette intimité que j’aime tant. « Je voulais qu’on soit tranquilles. » Expliqué-je quant à notre départ sans un mot du rez-de-chaussée. « Je serais restée si tu avais insisté. » Continué-je en jouant avec ses cheveux courts dans le bas de sa nuque. L’une de mes mains arrête de le caresser pour aller prendre l’une des siennes et la glisser sous mon haut, juste sur mon ventre encore parfaitement plat. « J’aurais mis plus de temps à accepter certaines choses mais je serais restée. C’est aussi pour ça que j’ai pas été capable d’aller au bout. C’est le nôtre, Jake. Après des années à vouloir une chose qu’on n’arrivait pas à obtenir, on a fini par concevoir ce petit être. C’était pas prévu et ça va être épuisant mais c’est peut-être une preuve que finalement on a une chance à saisir maintenant ? » Comme un signe du destin pour nous faire comprendre que cette fois il faut se lancer. « On a pas mal souffert toi et moi mais est-ce que c’est pas une façon d’essayer de se réparer mutuellement ? On peut essayer, non ? Je voudrais le faire, je veux tenter de vivre ça avec toi. »
Billets d’avion acheté sur un coup de tête oui, mais cela faisait des jours que des tonnes de questions se bousculaient dans ma tête sans aucune réponses. Quelque part, une partie de moi se doutait bien que ce que cette envie de vivre quelque chose de spécial avec elle à l’époque n’est jamais véritablement parti parce qu’elle n’a pas changé. Qu’elle est toujours aussi magnifique qu’avant - encore plus même - et que cette connexion entre nous est beaucoup trop forte pour la nier. Ce n’est pas pour rien que je me laisse complètement aller avec elle même si la suite me terrifie. Encore plus depuis que je sais que je vais devenir papa. Un sentiment de fierté qui m’habite en même temps de ressentir la peur de ne pas être suffisant pour elle et de surtout, ne pas être celui qu’elle recherche. Je ne veux pas la décevoir, je veux tenir ma promesse d’être présent pour elle, de tenter de réaliser tous ses désirs les plus fous même pendant la nuit et je sais que le fait d’être en déplacement pour mes matchs va certainement un peu nuire à cette promesse, mais je vais tout faire pour. C’est encore surprenant que nous avons gagnés le match de jeudi d’ailleurs. Preuve que même si je suis déconcentré avant et après le match, lorsque j’entre sur le terrain, j’oublie tout le temps d’une partie et c’est ce que j’ai fais aussi même si une partie de ma tête sera toujours consacrée à elle. À cette jolie blonde au sourire ravageur et ce petit bébé qui est très lentement en train de se former en elle. Tentant d’expliquer du mieux que je peux ce que j’aurais bien aimé lui dire avant qu’elle ne parte, je ne quitte jamais son regard des yeux pour qu’elle comprenne ma sincérité. À vrai dire, je n’ai jamais été aussi honnête envers quelqu’un qu’elle. Parce que je tiens à elle beaucoup plus que je ne le voudrais. Si bien que j’en ai même parlé à ma meilleure amie cette semaine. Cette dernière qui n’a pas pu faire autrement que de se réjouir alors qu’il n’y a rien de concret dans tout cela. Tous ces mots qui sortent de ma bouche, j’arrête un instant lorsqu’elle prend ma main et m’emmène avec elle à l’étage. Une fois la porte fermée, la blonde s’installe sur mes genoux et je passe automatiquement mes bras autour d’elle, mon sourire charmeur revenant se dessiner sur mes lèvres, une main caresse le bas de son dos avec douceur. « Je voulais qu’on soit tranquilles. » Ce qui est une très bonne idée considérant qu’une petite famille semblait un peu trop intéressés par notre conversation, mais surtout parce que j’ai envie d’entre intime avec elle. « Je serais restée si tu avais insisté. » Mon autre main se pose sur son visage, je passe ses cheveux derrière ses oreilles pour pouvoir admirer son visage encore plus parfait de cette façon. « Oui, mais tu avais aussi besoin de venir ici… sans ça, je ne crois pas que j’aurais réalisé à quel point ta présence me… manquait. » Elle a toujours été honnête envers moi, je le suis aussi envers elle. Ses mains encore sur ma nuque, je ne peux m’empêcher de sourire encore plus en la sentant caresser la naissance de mes cheveux comme elle aime tant le faire, geste qui ne me déplaît pas du tout, encore moins que lorsque sa main vient prendre la mienne pour la poser sur son ventre. « J’aurais mis plus de temps à accepter certaines choses mais je serais restée. C’est aussi pour ça que j’ai pas été capable d’aller au bout. C’est le nôtre, Jake. Après des années à vouloir une chose qu’on n’arrivait pas à obtenir, on a fini par concevoir ce petit être. C’était pas prévu et ça va être épuisant mais c’est peut-être une preuve que finalement on a une chance à saisir maintenant ? » Définitivement une chance à saisir et même si c’est une épreuve énorme à affronter ensemble, je sais qu’on va réussir à le faire. Parce qu’ensemble on est beaucoup plus fort et que cette fois-ci, elle ne sera pas seule. « Et j’ai pas envie de passer à côté de cette chance. J’ai manqué trop souvent cette occasion par le passé et même si c’est un énorme défi, je te l’ai dit, il est hors de question que je te laisse vivre ça seule. Je suis là… » Une promesse que je veux qu’elle se souvienne. Ma main toujours sur son ventre plat, je le regarde, incapable de m’imaginer qu’il y a une partie de nous là-dedans. « On a pas mal souffert toi et moi mais est-ce que c’est pas une façon d’essayer de se réparer mutuellement ? On peut essayer, non ? Je voudrais le faire, je veux tenter de vivre ça avec toi. », « Ça vaut le coup de tenter quelque chose au moins… Peu importe quoi. Parce que tu as un coeur en or et qu’il mérite d’être au moins un peu réparer. » Mon autre main encore dans le bas de son dos, je la remonte doucement et la pose à l’endroit où se pose son coeur, me perdant à nouveau dans son regard.
C’est fou comme j’aime être aussi proche de Jake, collée à lui. Je l’ai compris avec ces quelques jours loin de lui. Il m’a manqué, plus que ça n’a été le cas lorsque j’étais en Grèce et ce tout simplement parce qu’à l’époque j’étais persuadée d’en aimer un autre. Un connard de première auquel penser me fait encore du mal. Un mois à le voir régulièrement - pour ne pas dire tous les soirs - autant dire que c’est largement suffisant pour m’attacher à lui. Sauf que je l’étais déjà et que je préférais l’ignorer. Une part de moi voudrait que je le fasse encore, celle qui tient à ce que je me protège autant que possible. Ce n’est pas pour rien que je reviens sans arrêt vers lui, comme un aimant. Ce n’est pas non plus pour rien que j’ai toujours voulu tenter quelque chose, aller plus loin mais sans pour autant y parvenir. Il nous aura fallu des années pour en arriver là, des années pour accepter l’évidence et encore maintenant j’ai du mal. C’est de la peur, je le sais bien, mais j’ai quelques difficultés à passer au-dessus. Nous allons improviser mais nous allons le faire ensemble. A peine retrouvés dans plus d’intimité que déjà sa main vient caresser le bas de mon dos et provoque quelques frissons que je tente de cacher au mieux. L’autre s’aventure sur mon visage. Mes yeux fermés pour profiter pleinement de ce contact, je concentre à nouveau mon attention sur Jake. « Oui, mais tu avais aussi besoin de venir ici… sans ça, je ne crois pas que j’aurais réalisé à quel point ta présence me… manquait. » Il a raison. Il nous fallait au moins ça pour avoir assez de recule et comprendre certaines choses. Comme le fait de vouloir me risquer à tenter quelque chose ce que je veux lui faire comprendre, une main posée sur mon ventre plat. Là où ce petit nous grandit tranquillement. « Et j’ai pas envie de passer à côté de cette chance. J’ai manqué trop souvent cette occasion par le passé et même si c’est un énorme défi, je te l’ai dit, il est hors de question que je te laisse vivre ça seule. Je suis là… » Avec tendresse, je lui souris. C’est devenu si facile de l’être avec Jake, une sorte de seconde nature. « Ça vaut le coup de tenter quelque chose au moins… Peu importe quoi. Parce que tu as un cœur en or et qu’il mérite d’être au moins un peu réparer. », « Tu le penses vraiment ? » J’ignore pourquoi je doute de cette façon. Probablement par crainte d’être une nouvelle fois déçue. Je ne devrais pas, il a fait un long trajet seulement pour venir me chercher, ça suffit à me prouver qu’il est plus sincère que sincère. Tête penchée vers son visage, j’effleure ses lèvres et l’embrasse sans attendre plus longtemps. A bout de souffle, mon front posé contre le sien, je me perds dans son regard. « Tu tiens toujours à récupérer ton haut ? Parce que je dois t’avertir que je n’ai rien en-dessous. »
