everybody hurts sometimes, everybody cries. (eris)

Je l’observe, attendant une réaction ou des questions auxquelles je tenterais de répondre. Je ne suis pas certain d’avoir toutes les réponses, celle du style "où ils se sont rencontrés la première fois" par exemple. Je n’en sais foutument rien, je n’ai pas laissé le temps à mon ex de s’expliquer, le chagrin et l’agacement ayant pris l’ascendant au moment où j’ai compris qu’elle ne m’avait pas dit toute la vérité. Elle n’était pas encore sortie de la douche que j’avais déjà quitté la maison, prenant par la suite le premier vol pour New-York. Depuis, je filtre ses appels, décidé à la chasser de mon existence. Je me connais bien trop pour savoir que je serais faible devant elle, l’amour que je lui porte est trop énorme pour que j’oublie tout ce qu’on a vécu et tout ce qu’on aurait pu vivre encore. Elle a beau m’avoir planté un couteau dans le cœur, je l’aime encore, c’est comme ça. Je ne sais pas quand ça s’arrêtera d’ailleurs et ça me tue encore plus de l’intérieur. Les minutes de silence s’estompent lorsque la jeune femme me pose une nouvelle question. Une dont j’ai la réponse pour le coup et je ne mets pas longtemps pour lâcher : « A la Nouvelle-Orléans. » Dans ma ville, à cet endroit où quasiment tout le monde se connaît. Ou du moins, un lieu où presque tous les commerçants me connaissent, mais où ils ont tous fermés les yeux. Parce qu’ils ont dû les voir ensemble, bien avant que j’ai le malheur de les voir de mes propres yeux, et ils n’ont rien dit. C’est tout autant horrible de se dire que les gens que t’apprécient se sont tut, quand bien même ils l’auraient fait pour ne pas te blesser un peu plus. Je passe une main dans mes bouclettes, soupirant à mes pensées, puis ajoute : « Je ne devais pas être là à cause de mon boulot, mais je suis rentré plus tôt que prévu. » Un vol annulé à cause d’un souci avec l’avion et leur plan était tombé en échec. Ce n’était pas prévu et je n’avais pas prévenu Juliet que je rentrais à la maison un jour plus tôt. De base, je n’avais pas non plus prévu de passer en ville pour lui acheter cette foutue bague, bijou qui se trouve toujours dans son écrin au fond de ma valise et qu’elle n’a même pas eu la possibilité de voir. « J’ai surpris votre fiancé pas très loin de l’aéroport, il y a quelques jours. C’est ainsi que j’ai appris votre existence, il était avec vous au téléphone. » Je suppose, vu le surnom qu’il donnait à la personne de l’autre côté du combiné. « Ne soyez pas surprise quand il rentrera avec un coquard, j’ai eu du mal à me contrôler. » Je suis loin d’être un mec violent, je me contente de me défendre lorsqu’il le faut et là, ça a été plus fort que moi. La simple vision de cette tête de gland m’a fait oublier mon calme légendaire. Là, on en peut pas m'en vouloir de l'avoir cogner en plus.

A la Nouvelle-Orléans. A nouveau, il ne montre aucune once d’hésitation avant de répondre à sa question ce qui pousse un peu plus Eris à croire que tout ceci n’est pas un mensonge. Et puis, pourquoi se pointerait-il chez elle pour lui faire une telle farce ? Ça n’aurait aucun intérêt. C’est stupide. La Eris rationnelle se bat avec la Eris qui veut croire que cette histoire n’est que mensonge. Cependant, la seconde est forcée de constater qu’elle perd du terrain. Eris a beau être profondément amoureuse de son fiancé, elle n’en reste pas moins une femme intelligente. Il m’a dit être à Houston… Cette remarque lui est à peine destinée. C’est plus une réflexion à haute voix qu’autre chose. Il lui a menti, c’est ça qu’il faut en tirer. Mais est-ce suffisant pour douter réellement de Newt ? Mentir sur la destination de son voyage professionnel ne veut pas immédiatement dire « infidélité ». Elle est perdue Eris et ça commence à se voir. Je ne devais pas être là à cause de mon boulot, mais je suis rentré plus tôt que prévu. Et vous les avez surpris, qu’elle termine comme si ça semblait évident. A nouveau, ses yeux retrouvent ceux de son interlocuteur. Machinalement, la brunette hoche doucement la tête, un geste qu’elle fait souvent lorsqu’elle encaisse une mauvaise nouvelle. J’ai surpris votre fiancé pas très loin de l’aéroport, il y a quelques jours. C’est ainsi que j’ai appris votre existence, il était avec vous au téléphone. Ne soyez pas surprise quand il rentrera avec un coquard, j’ai eu du mal à me contrôler. Eris le regarde avec étonnement. C’est certainement la première fois qu’elle le regarde avec une expression aussi visible sur le visage, d’ailleurs mais c’est plus l’image d’une femme qui comprend. Tout s’emboite. Vous vous êtes battus ? qu’elle demande, connaissant déjà la réponse à cette question. Voilà pourquoi elle enchaîne. Il m’a appelé après avoir atterri. Il m’a dit qu’un détraqué l’avoir frappé parce qu’il s’était trompé de valise et avait failli repartir avec la mauvaise. Je l’ai cru, putain… Ce dernier mot, grossier, est à peine audible, prononcé dans un souffle. Sa fierté la pousse à croire qu’elle a été stupide de gober une telle chose, que cette histoire ne tient pas debout mais il y a tellement de tarés qui courent les rues aux Etats-Unis que tout est possible. La nouvelle preuve aujourd’hui. Elle est cocue. Newt la trompe et c’est bien quelque chose qu’elle pensait impossible.

Lorsque je lui dis où se trouver son mec quand je l’ai surpris avec mon ex, elle déclare tout doucement qu’il était censé être à Houston. Forcément qu’il lui a menti, il n’allait pas prendre le risque de lui dire la vérité sur son emplacement, ça aurait peut-être contrecarré ses plans. Je continue donc mon explication et je n’ai pas besoin de terminer pour qu’elle le fasse à ma place. J’hoche la tête positivement. Elle a compris, pas besoin d’en rajouter plus à présent. Son visage prend un air étonné peu après, quand je lui avoue avoir frappé son fiancé. Il l’a bien mérité en même temps, et je me trouve bien gentil de ne pas l’avoir complètement défiguré. « On ne s’est pas vraiment battu. Je l’ai cogné, une fois, puis je suis parti pour ne pas me créer de problème. » Que je rectifie alors. Clairement, c’est vraiment par pure pulsion que je suis allé le frapper. J’étais encore en costume, étant fraîchement arrivé sur le sol, on se trouvait non loin de l’aéroport et je n’aurai pas pris autant de risque d’avoir un blâme pour comportement violent. Heureusement pour moi, personne n’a pu me filmer ou me reconnaître, sinon ça aurait été une mauvaise chose pour moi. Tout ça pour ce type. Il a déjà gâché ma vie sentimentale, il ne manquerait plus qu’il mette mon avenir professionnel en péril, et je n’aurais vraiment plus rien. « Ne vous en voulez pas de l’avoir cru, vous ne pouviez pas savoir et c’est le genre de chose qui peut vraiment se produire. » Elle n’est coupable en rien, elle a seulement fait confiance à l’homme qu’elle, visiblement, aime vraiment. Moi aussi, je suis passé par cette face de culpabilité, me disant que j’avais sûrement fait quelque chose de mal pour que Juliet me trompe. Sauf que ça n’excuse pas tout et je ne suis responsable de rien. Juste d’avoir cru à un amour sincère qui ne l’était pas, à priori. « Je suis vraiment désolé pour vous. » J’arbore un léger sourire crispé, je me sens tellement mal pour elle. Je me doute bien qu’elle n’y croyait pas vraiment, mais mes preuves sont irréfutables et elle le réalise enfin. Je peux comprendre que ce n’est pas facile pour elle, je suis passé par la même réaction peu avant, alors je n'ajoute plus rien. J'attends qu'elle assimile la chose, au moins un peu.

Elle aimerait se réveiller et réaliser que tout ceci n’était qu’un mauvais rêve. Cependant, ce n’est pas le cas. Ça n’arrivera pas. Tout ceci est bel et bien la réalité, une triste réalité à laquelle elle aimerait pouvoir échapper mais là encore, ce n’est pas possible. C’est à elle que ça arrive, ça lui tombe dessus comme ça du jour au lendemain et ça fait mal. Plus elle comprend que ce que lui dit l’inconnu est vrai, plus elle souffre. Newt la trompe. Il a couché avec une autre, plusieurs fois, beaucoup de fois. Trop de fois. On ne s’est pas vraiment battu. Je l’ai cogné, une fois, puis je suis parti pour ne pas me créer de problème. Eris ravale un léger rire. Elle n’a pas vraiment envie de juger ce type et sa réaction, chacun réagit à sa manière mais pour lui frapper quelqu’un seulement une fois, c’est éviter les problèmes ? Chacun sa réaction, oui et chacun sa façon de penser aussi. Elle décide de ne rien répondre à ça, sachant pertinemment que ce qu’elle a à en dire ne plairait pas à son interlocuteur. Loin d’elle l’envie de voir le ton monter inutilement surtout que par la suite, l’homme se montre compréhensif et même… gentil. Ne vous en voulez pas de l’avoir cru, vous ne pouviez pas savoir et c’est le genre de chose qui peut vraiment se produire. Il faut croire, oui, que ça arrive et pas qu’aux autres. Cependant, il ne sait rien d’elle. Il ne sait pas que son métier consiste notamment à repérer les menteurs. Alors, c’est impardonnable pour elle. Elle aurait dû comprendre que quelque chose n’allait pas. Chose qu’elle se garde bien de dire au brun, elle a déjà assez honte comme ça. Je suis vraiment désolé pour vous. Elle le regarde un instant, en silence. Elle voit son sourire crispé, preuve qu’il est réellement mal à l’aise de devoir être celui qui lui annonce qu’elle est cocue. Elle ne sait pas si c’est ça, la situation, la mauvaise nouvelle ou autre chose mais elle laisse échapper un léger rire. Un rire nerveux. Elle encaisse ça difficilement. Je suis désolée. Tout ça n’a rien de drôle. Elle pense aussi à lui, lui également a été trompé alors la moindre des choses, c’est certainement de ne pas lui rire au visage. Elle finit par se lever, elle a besoin de marcher. Elle n’aime pas rester immobile, Eris, ce n’est pas son truc. Elle passe une main nerveuse dans ses cheveux avant de se tourner vers l’inconnu. C’est fou, hein ? J’ai l’impression d’être transportée dans une vieille série télé. Et croyez-la, ça n’a rien d’amusant.

Alors que je m’excuse une fois de plus d’être celui dans cette position, celle de la personne qui doit annoncer les mauvaises nouvelles à une inconnue, elle se met à rire. Si dans un premier temps, je fronce les sourcils, surpris par cette réaction complètement inattendue, je réalise bien vite qu’il ne s’agit pas d’un rire joyeux, mais plutôt d’un rire nerveux. Le genre de réaction qu’on ne peut pas réellement contrôler et je la comprends, mais pas le temps de le lui dire qu’elle s’excuse rapidement. « Il n’y a pas de mal. » Certes, il n’y a rien d’amusant à cette histoire, mais je ne peux pas lui en vouloir pour avoir ris nerveusement. Elle encaisse juste à sa façon et je ne suis personne pour la réprimander sur ce sujet. Moi, j’ai eu envie de tout démolir sur mon passage et c’est bien pire comme façon d’agir. Je la vois se lever et se mettre à marcher, passant sa main dans sa chevelure avant de me parler. Une légère grimace déforme mes lèvres. « Ou d’être les protagonistes d’une émission de télé-réalité. » Avec pour thème "vis ma vie de cocu", chose que je ne prononce pas à voix haute. Ce n’est clairement pas le moment pour plaisanter là-dessus, bien qu’il s’agit du mot le plus approprié pour décrire nos situations respectives. Je soupire une fois de plus, toujours aussi mal à l’aise face à la jeune femme. Je ne sais pas quoi lui dire de plus, je ne parviens pas à cerner ses pensées pour trouver les mots justes, alors je me lève à mon tour. « Vous voulez peut-être que je vous laisse seule pour digérer… Cette nouvelle ? Je ne voudrais pas vous déranger plus longtemps. » Je n’avais pas l’intention de rester trop longtemps, juste quelques minutes pour l’avertir que son fiancé n’était pas honnête avec elle. De plus, elle a sûrement mieux à faire que rester chez elle avec un inconnu porteur de mauvaises nouvelles. « Je… Je peux vous laisser mon numéro ? Si jamais vous avez besoin de parler ou que vous en avez appris plus que ce que je ne sais déjà, appelez-moi. » Au fond, j’espère énormément qu’elle ne m’appellera pas pour le deuxième cas de figure. Je ne suis pas certain de pouvoir supporter des faits nouveaux sur cette affaire, j’en sais déjà bien trop à mon goût. Par contre, si elle souhaite parler, je suis ouvert à toutes discussions.

Elle perd doucement le contrôle, Eris et pourtant, ce n’est pas son genre mais il y a de quoi. Elle se prend un sacré coup sur la carafe ! En une poignée de minutes, toutes les certitudes qu’elle avait sur son couple se sont envolées. Elle était loin de s’imaginer que Newt pourrait aller voir ailleurs et pour cause, elle lui fait confiance. Fait ? Faisait ? Elle ne sait plus, Eris et ne pas savoir, elle déteste ça. Il n’y a pas de mal. Dans sa réaction à elle, non. Elle essaye tout simplement de gérer la nouvelle du mieux qu’elle peut mais dans leurs actions à eux, à Newt et à son ex petite-amie, tout est mal. Elle aurait tellement préféré qu’il la quitte avant de fauter. Ça aurait été un moindre mal certes mais l’humiliation aurait été moins grande. Est-ce qu’il l’aime encore, au moins ? Ca y est, elle ne peut s’en empêcher, les questions fusent déjà dans son esprit et la première est bien la suivante : pourquoi ? Pourquoi il a fait ça ? Ou d’être les protagonistes d’une émission de télé-réalité. Pire encore mais il a raison. Ça fait pitié, c’est aussi simple que ça et cette pensée la met en rage. Elle ne supporte plus cette conversation ni même la présence de l’inconnu. Elle a besoin de se retrouver seule. Il s’en rend compte. Est-ce de la chance ou un vrai talent ? Peu importe. Vous voulez peut-être que je vous laisse seule pour digérer… Cette nouvelle ? Je ne voudrais pas vous déranger plus longtemps. Eris se contente de hocher la tête. Elle n’a même plus envie de parler à présent et encore moins envie de se forcer à faire la conversation. Je… Je peux vous laisser mon numéro ? Si jamais vous avez besoin de parler ou que vous en avez appris plus que ce que je ne sais déjà, appelez-moi. La brunette ne réfléchit pas avant de répondre, elle ne réfléchit plus tellement ou du moins, pas à ça. Oui, si vous voulez. Elle ne montre aucun intérêt en la chose mais peut-on vraiment lui en vouloir ? En tout cas, ce n’est pas contre le brun. Ce n’est pas à lui qu’elle en veut. Elle se rapproche de la table basse où se trouve son smartphone qu’elle tend à son interlocuteur. A peine le lui a t’il rendu qu’un message de Reed s’affiche. Il s’apprête à se mettre en route. Avec tout ça, elle l’a oublié. Trop de choses à gérer mais pour commencer, elle raccompagne l’inconnu dont elle ne connait même pas le prénom jusqu’à la porte. Merci d’être venu… je suppose. Et c’est là-dessus qu’ils se quittent.

~ fin.