(fb) la plus bonne de mes copines / noor

Elle a un peu bu. Juste assez pour être joyeuse mais pas assez pour se sentir mal ou ne plus savoir comment elle s’appelle ni où elle vit. Elle est sortie avec d’anciens amis de l’université de passage en ville. Elle qui pensait ne pas avoir noué de liens assez avec les personnes de la fac de droit… Ca a été suffisant pour qu’ils veuillent la revoir. Dans l’ensemble, elle a passé une bonne soirée, mais elle commence tôt demain, elle doit relever Noor à la laverie à l’aube et elle sent déjà qu’elle va regretter d’être sortie. Heureusement, l’activité n’est pas toujours au rendez-vous, surtout si tôt, et elle pourra se permettre de somnoler un peu. Seulement, à peine entrée dans le métro elle se rend compte qu’elle a oublié ses clés à la laverie justement. Elle est partie un peu précipitamment et a du les laisser dans son casier. En tout cas, elle l’espère… Quoi qu’il en soit, elle doit changer de direction et sort à la station suivante pour repartir dans l’autre sens. En sortant du métro, elle s’arrête dans un diner, commande un café à emporter et des donuts sucrés. Elle ne met pas longtemps à arriver à la laverie, qu’elle trouve vide. « Y’a quelqu’un ? » Crie-t-elle en poussant la porte avant de la refermer derrière elle pour ne pas laisser entrer le froid. En toute logique, Noor est là. Peut-être qu’elle dort. En tout cas, il n’y a pas grand-chose à faire ici, et pas mille endroits où se cacher. Sans attendre de réponse, Eliza se rend dans le salle de repos/vestiaire/arrière-boutique, où elle trouve effectivement Noor. Elle pose le café devant elle, tout sourire. « Cadeau. T’as l’air d’en avoir besoin. » dit-elle en prenant place sur la chaise en face d’elle, toujours en souriant.

Elle adore travailler ici, elle serait déjà partie depuis longtemps sinon, rien ne la retient, mais être de nuit, ce n’est pas franchement ce que Noor préfère. La laverie est déjà parfois très calme certains jours, mais quand la plupart des gens sont en train de dormir, c’est encore pire. Soit il y a quelques retardataires qui s’y prennent à la dernière minute en soirée, parfois quelques personnes qui se retrouvent avec des petites urgences imprévues au beau milieu de la nuit, certains qui ont un peu trop bu aussi et sont là à cause d’un souci de vomis, c’est déjà arrivé, ou même juste parce qu’ils ont vu de la lumière, mais à part ça, c’est relativement très vide. Alors ça lui laisse tout le temps de s’installer au fond de la boutique et de vaquer à ses occupations sans être interrompue. Généralement un livre à la main ou en train de regarder un film sur son ordi. C’est un nouveau roman qui a son attention ce soir, si on peut parler d’attention. Elle a plutôt les yeux qui se ferment toutes les cinq minutes, bien qu’elle essaie souvent de se requinquer en se levant et en faisant quelques pas autour des machines à laver. Mais aussitôt qu’elle se rassoit, c’est plus fort qu’elle, elle se remet à somnoler. « Y’a quelqu’un ? » Une voix la réveille, une voix qu’elle connait parfaitement bien et la fait sourire, et elle tourne la tête vers l’entrée de la pièce pour voir arriver Eliza quelques secondes plus tard, café à la main, qu’elle pose sur la table devant Noor. « Cadeau. T’as l’air d’en avoir besoin. » Alors là, elle n’aurait pas pu mieux tomber et, littéralement, Noor se jette sur le gobelet. « Mon dieu, t’es parfaite. » Elle doit l’avouer, elle est d’abord accaparée par le café dont elle boit une grande gorgée, et ce n’est qu’après qu’elle pose les yeux sur la brune, sourcils froncés. « Qu’est-ce que tu fais déjà là ? Tu commences que dans plusieurs heures. » Non pas que ça ne lui fait pas plaisir de la voir, bien au contraire, mais ça l’étonne.

Elle se sent quand même un peu stupide. Oublier ses clés sur son lieu de travail alors qu’on vit seule et qu’on a déjà peu de temps de sommeil, faut le faire. Si encore elle avait les moyens de se prendre une chambre d’hôtel pour la nuit, elle le ferait. Mais ce n’est malheureusement pas au programme. Elle ne vit pas non plus à l’autre bout de la ville, mais ça fait encore du sommeil en moins et du temps de perdu de manière générale. La journée va être très longue, elle le sent, et à ce point-là, elle se demande si ce sera très utile de rentrer chez elle en fin de compte. Si tant est que ses clés se trouvent bien dans son casier à la laverie. Si ce n’est pas le cas eh bien le problème est réglé, elle restera là bas et se débrouillera pour rentrer chez elle après sa journée de travail. Un peu de café l’aidera à tenir, dans le pire des cas. Du café, elle en prend au passage pour en donner à Noor, qui doit bien se faire chier en ce moment-même. Il n’y a jamais foule là où elles travaillent, et c’est d’autant plus vrai en pleine nuit. Si ça peut l’aider à tenir… Puis au pire, Eliza lui tiendra compagnie. Elle n’a pas si sommeil que ça de toute façon. « Parfaite, mon second prénom. » réplique-t-elle pas peu fière, tout sourire, avant de s’asseoir en face de Noor. Elle va même jusqu’à rire lorsqu’elle la voit commencer à boire avec avidité. « Je pensais pas que c’était à ce point. » Elle aurait pu s’en douter cela dit, elle fait moins de nuits que de journées, mais elle sait à quel point c’est difficile par moments. « Tu as eu un peu de monde quand même ? » Elle n’est pas venue pour la plaindre non plus, mais si elle a besoin de se décharger un peu, elle peut bien lui rendre ce service. « J’ai perdu mes clés, et je suis venue voir si elles étaient pas là. » Ca lui est légèrement sorti de l’esprit, pendant quelques secondes. « Puis je me suis dit que t’aurais peut-être besoin d’un peu de compagnie. »

Elle était prête à s’endormir, accablée par l’ennui, et par la fatigue aussi. Elle a beau y être habituée, le changement de rythme ne lui réussit jamais. Un petit somme ne lui aurait pas fait de mal et ça n’aurait dérangé personne en plus, puisqu’il n’y a personne, mais sa conscience professionnelle l’en empêche. C’est peut-être un petit boulot pas terrible et dont elle n’a pas forcément besoin pour vivre, mais elle est du genre sérieuse Noor, sa responsabilité c’est de surveiller la laverie pendant la nuit et de ne pas dormir, alors elle ne dormira pas. Et heureusement pour elle un élément vient l’aider à tenir. Eliza. Ça lui fait plaisir de la voir à ce moment-là, même si ça lui fait toujours plaisir de la voir, mais là le café qu’elle lui apporte est une bénédiction. Et elle la fait rire aussi, c’est toujours plus agréable que de s’ennuyer seule avec son livre. « En tout cas c’est sûr que c’est pas Modestie. » Mais elle a le droit de se vanter sur le coup, vu à la vitesse à laquelle Noor se jette sur le gobelet. Elle-même ne pensait pas qu’elle en avait tant besoin mais elle constate que ça lui fait le plus grand bien. « J’ai dû avoir deux ou trois personnes en fin de soirée, une seule depuis que la nuit est complètement tombée. Un enfer. » Il y a des jours comme ça où, sans savoir pourquoi, les new yorkais qui n’ont pas de machine à laver semble ne pas avoir envie de laver leur linge. Et ils viendront tous d’un seul coup demain, évidemment. « T’auras mis du temps à le remarquer. T’étais de sortie ? » Ça la fait rire encore un peu et du coup ça l’intrigue de savoir pourquoi. C’est qu’elle devait être occupée pour ne pas s’en être rendue compte et elle est toujours un peu curieuse de savoir ce qu’Eliza fait de ses soirées. « Quand c’est de ta compagnie en particulier qu’il s’agit, je dis jamais non. » Son petit sourire en coin s’agrandit un peu plus sans qu’elle en ait vraiment conscience. Elle l’aime beaucoup, d’une façon différente, elle ne saurait pas vraiment dire comment mais ce qu’elle sait c’est que ça la perturbe un peu depuis qu’elle la connait.

Elle se fait l’effet d’une super héroïne en voyant l’avidité avec laquelle Noor se jette sur son café. Ca et sa compagnie plus qu’agréable, elle a visiblement tapé dans le mille. Elle est une trop bonne amie et collègue, elle ne devrait pas donner autant de sa personne parfois, surtout quand on sait qu’elle va devoir travailler toute la journée et que cette journée sera particulièrement difficile. Elle se voit déjà piquer du nez au beau milieu de l’après-midi, juste après avoir mangé. Ou pire, ne pas se réveiller alors qu’elle aura passé sa pause à dormir et louper d’éventuels clients. C’est que les new yorkais sont nombreux, et beaucoup n’ont pas les moyens de s’offrir une machine à laver. S’ils ont laissé tranquille Noor cette nuit, ça ne peut que vouloir dire qu’ils viendront embêter Eliza. Elle soupire d’ailleurs en entendant la brune lui compter le nombre de personnes qu’elle a vues. « Le rush ce sera pour moi alors. » Elle n’a pas hâte, mais en même temps elle n’a pas vraiment le choix. Elle dormira mieux ce soir, même si demain elle doit se lever tôt pour son second boulot. Ce n’est pas évident de jongler avec deux jobs, mais elle assumera toujours ses choix. « J’ai tellement hâte de retrouver mon lit. C’est une mauvaise idée hein si je rentre maintenant ? » Demande-t-elle en jetant un oeil à l’heure qui défile dangereusement. « Je pense que je reviens pas si je rentre. » se répond-elle à elle-même, prenant par le même temps sa décision. Elle va rester ici et tenir compagnie à Noor. Il y a pire quand même, comme elle le dit si bien. Elle en oublierait presque la raison de son détour par ici. « Je suis sortie avec des collègues de mon autre boulot ouais. » explique-t-elle en haussant les épaules. Elle a passé une bonne soirée, elle ne peut pas le nier, mais elle n’aurait jamais dû rester aussi longtemps. « Mais ça manquait de quelque chose. » Elle s’entend particulièrement bien avec Noor, la preuve en est qu’elle est prête à sacrifier son sommeil pour passer un peu plus de temps avec elle. Elle y est un peu forcée, certes, mais elle ne le ressent pas comme ça.