en plein dans la friendzone (nicaïn)

La soirée avait été sacrément arrosée. Après tout, tu venais de terminer les cours, et apprendre que tu étais enfin diplômée. Ce qui faisait de toi une jeune femme fraîche sur le marché du travail. Alors tu étais sortie avec tes potes de promo, et avais quelque peu abusé des verres d’alcool que l’on te proposait. Ta mère t’a toujours appris, c’est très impoli de refuser un cadeau. Seulement, il y en avait eu … beaucoup trop. Et quand Noé n’est pas avec toi, tu pars facilement en sucette. Tu agis de manière totalement déraisonnée. Tu chantes encore plus fort que d’habitude, ce qui casse les oreilles de tes partenaires de piste. Fais des vannes qui sont plus lourdes que Big Mama, et dis tout ce que tu as sur le cœur. Alors tu appelles Kaïn la bassinant une fois de plus sur tes sentiments encore existants, et pendue au téléphone, tu te perds dans les rues de New-York. Et lui trop gentil, il vient te chercher. Le lendemain, tu te réveilles avec un mal de crâne insurmontable. Plus violent que la tempête Katrina. Enfouis sous une couette, tu sors la tête à la recherche d’un verre d’eau. Tu grommelles, épuisée de ce tambour qui tape sans cesse tes tempes. « C’est décidé j’arrête l’alcool… » Tu tends le bras pour trouver ta table de chevet qui normalement devrait se trouver juste là, sous ta main. Dans l’incompréhension, tu ouvres un œil et ne reconnais pas ta décoration de chambre habituelle. Tu n’as pas souvenir d’avoir rencontré un mec hier soir. Et tu es certaine de ne pas avoir couché avec un inconnu. Tu t’en souviendrais, non ? Doucement, tu te décides de tourner la tête de l’autre côté du lit et regarder qui peut bien se trouver là. La place est vide, tu sens que tu portes toujours ta robe et que ta culotte n’a pas bougé d’un poil. Mais qu’est-ce que tu fais chez un mec si tu n’as pas couché avec lui ? Peu importe. Avec mal de tête, gueule de bois ou non, tu dois partir de là, te réfugier chez toi et prendre une douche où tu risques de t’endormir. Le plus discrètement possible, tu sors tes jambes du lit.

En récupérant Nicola après une soirée trop arrosée, Kaïn a une impression de déjà-vu et pour cause, ça s’est déjà produit et il y a peu en plus de ça. Il ne faut pas croire que ça l’ennuie de venir en aide à son amie parce que ce n’est pas le cas. Kaïn, c’est le genre de pote qui répond présent à n’importe quelle heure du jour comme de la nuit. En voilà une nouvelle preuve. Non, en revanche ce qui le dérange un peu plus, c’est les paroles alcoolisées et sans filtre de Nicola qui lui a à nouveau fait comprendre qu’elle éprouvait toujours des sentiments pour lui. Ça n’a rien de facile. Il n’y a rien de facile dans leur situation. Kaïn ne l’a pas quitté parce qu’il ne l’aimait plus. Au contraire, il l’a quitté parce qu’il l’aimait trop pour continuer de lui faire espérer qu’un jour leur relation deviendrait normale. Il n’est pas capable d’avoir une relation normale, il ne le sera pas tant qu’il n’aura pas réglé son problème. Le sexe fait intégralement partie d’une relation de couple, il ne faut pas se voiler la face.
Il est resté éveillé toute la nuit. Tout du moins, durant la deuxième partie de celle-ci, partie pendant laquelle la brunette semble au contraire avoir dormi comme un bébé. Alors que Kaïn est installé autour du plan de travail de la cuisine, lisant un magazine sportif, il entend des bruits de pas. Il ne bouge pas d’un pouce parce qu’il sait qu’elle n’a pas d’autres choix que de passer par la cuisine pour s’échapper et donc, elle tombera forcément sur lui. Ça y est, c’est fait. Leurs regards se croisent. Salut, qu’il se contente de lui dire, essayant d’afficher un sourire qui doit s’avérer peu convaincant. Il a déjà la boule au ventre parce qu’il sait qu’ils doivent avoir une discussion, là maintenant et celle-ci s’annonce particulièrement douloureuse.

Facile. Non, c’est loin d’être le cas. Pied au sol, tu t’assois au bord du lit, la tête entre les mains pour calmer ces percussions de marteau-piqueur. Qui a un jour dit que l’alcool rendait la vie plus distrayante ? Ce n’est qu’éphémère, et le retour à la réalité est difficile. Reprenant tes esprits, tu te lèves en douceur. Comme au ralenti, tout en prenant tes chaussures. Elles gisent près du lit, n’attendant plus que toi pour partir te réfugier dans ta douche. Très probablement tout habillée, tant le courage te manque. Tu regardes une dernière fois tout autour de toi, et constates que tu connais parfaitement les lieux. Tout est bien rangé, carré. Il n’y a que lui pour ranger les choses de la sorte. Tu fronces d’avantages les sourcils. Pourquoi t’es chez lui ? La soirée était pourtant de l’autre côté du quartier. Ça n’a pas de sens. Mais surtout, pourquoi tu as fini dans son lit ? Et tu te poses trente-six mille questions. L’appel passé dans la nuit semble comme être oublié. Pourtant. Même si c’est difficile de le voir, t’es rassuré de ne pas tomber sur un porc. Votre parfaite union passée risque de faire des étincelles en cette journée déjà bien entamée. Mais ça, tu l’ignores, une fois de plus. Avec un peu de chance, tu pourras partir sans te faire remarquer. Chaussures en mains, tu tentes de marches discrètement, sors de la chambre, referme la porte sans faire un bruit. Tu ne souhaites pas que l’on vienne de dérouler le tapis rouge. Pas aujourd’hui. Le maître-mot c’est la discrétion. Comme une voleuse. Toujours sur la pointe des pieds, tu entames ta marche et tournes les yeux vers la cuisine. Finalement, tu réalises enfin l’avoir vu, tes yeux dérivent sur lui. Un simple salut. Les choses ne s’annoncent mal. On peut très nettement ressentir non pas de la jalousie, car il ne doit très certainement pas envier ton état, mais de la gêne. Comme il peut en avoir régulièrement entre vous. Tu ravales difficilement, restes planté comme une imbécile dans ta trajectoire avec une dégaine à faire pitié à un SDF. « Salut. » Vous gardez vos distances. Lui à son comptoir toi debout au milieu du passage. Ton sac et ta veste traînent non loin de lui. T’hésites à aller les récupérer. Mais t’en as besoin pour rentrer chez toi. « Apparemment, tu as eu trop pitié de moi pour me laisser dormir sur un paillasson. » lâches-tu avec un rire nerveux, absolument non-naturel. Qui a dit que ça allait être facile ?

nombre de mots : 450

Il a laissé couler la première fois. Il a fait comme si de rien était étant persuadé que c’était le mieux pour lui comme pour elle. Aborder les paroles bourrées de Nicola avec cette dernière n’aurait fait qu’ajouter une nouvelle couche de gêne entre eux et honnêtement, ils en ont assez à gérer. Ils ont beau réussir à rester amis, à faire partie du même groupe, c’est impossible d’effacer deux ans de relation. Nico a toujours une place particulière et c’est une des raisons pour lesquelles il ne souhaitait pas prendre ses distances. Elle est trop importante pour ça. Malheureusement, sa deuxième déclaration alcoolisée lui met le doute. Est-ce qu’ils ont bien fait de rester autant en contact ? Au fond, c’est lui qu’il blâme. Étant celui qui a décidé d’arrêter la relation, il aurait dû mettre de la distance. Lui, pas elle. Résultat, il culpabilise et pas que pour ça. Il se sent mal de ne pas être capable de lui donner ce qu’elle attend, ce qu’elle mérite. C’est toujours le même problème, celui qui l’a poussé à la quitter alors que son cœur battait encore pour elle. Ils avaient tout pour être heureux, tout à un gros détail près.
Après des heures de réflexion, il est décidé à lui parler. Ça ne va pas être évident mais il a conscience qu’il est temps d'arrêter de repousser l’échéance. Cette discussion, elle est devenue inévitable. Alors il l’attend dans la cuisine et quand elle se montre enfin, il perd déjà un peu de courage. Il affiche un rictus sans vie à sa blague. Tu veux du café ? Quelque chose à manger ? Il ne va pas attaquer d’entrée de jeu bien qu’il sache qu’il ne faudra pas non plus traîner au risque de se montrer lâche, une fois de plus et d’abandonner l’idée ce qui n’aurait rien de bon.

As-tu envie de ta cacher dans un trou de souris ? Carrément ! T’es mal à l’aise de ne te souvenir de rien, d’avoir dormi dans le lit de ton ex. Ex dont tu taies tes sentiments toujours existant. Tues pour préserver votre amitié, s’il y en a véritablement une. Mais c’est surtout pour les autres, et pour toi. Car en ignorant ce qui est toujours présent, tu te crois plus forte. Tu fuis la réalité, sans même t’en rendre compte. Kaïn, trop sérieux, ne rit pas de ta blague. Et malgré ce mal de tête qui raisonne dans ta tête, tu remarques ça. Il est plus que temps pour toi de partir. La nuit du jeune homme semble avoir été pourrie comme ça. Inutile d’en rajouter une couche. « Non, merci, je risque de tout rendre. Je veux bien quelque chose pour ma tête en revanche. » Intérieurement, tu pris pour qu’il te donne un anti-douleur, quitte à rester trois minutes de plus. Doucement, tu t’assois sur le sol, et enfiles tes baskets devenus noirs à cause de l’alcool très probablement étalé sur le sol des bars que tu as fréquenté cette nuit. S’asseoir c’était une chose, mais se relever en est une autre. C’est comme être sur un bateau en pleine tempête. Ça se secoue dans tous les sens. Ça tape violemment. Il te faut absolument un médicament. Hors de question de prendre le métro dans cet état. Tu vivras au-dessus de tes moyens aujourd’hui. Ça sera un taxi. Plus doucement encore, tu relèves comme si tu portais tout le poids du monde sur ton dos. « Je vais rentrer, mais merci pour le lit, et certainement pour être venu me chercher. Excuse-moi si je t’ai dérangé. » Si je t’ai dérangé ? Tu ne doutes de rien, n’as aucun souvenir. Et c’est peut-être mieux pour toi. T’ignores complètement la réalité. Ne comprends pas pourquoi Kaïn semble mal. « Apparemment, j’ai coupé court à ta nuit. Excuse, ça n’arrivera plus. » Tu remarques ces traits qu’il a sous les yeux, son visage décomposé. Portable en main, tu le ranges dans ce mini sac qui t’appartient et qui traîne. Tu ne songes pas une minute à regarder la liste de tes appels. Et prendre conscience que tu l’as appelé une fois de plus, complètement ivre. Tu sais que c’est déjà arrivé. Mais il ne t’a jamais dit ce qu’il y avait eu. Ça semblait lui passer au-dessus de la tête, alors à quoi bon en débattre. Ça devait être rien. Un simple appel. Voilà, ce que tu t’étais dit par la suite.

Non, merci, je risque de tout rendre. Je veux bien quelque chose pour ma tête en revanche. Le sportif hoche de la tête. Il n’y a pas pensé plus tôt et pourtant avec ce qu’elle a dû s’enfiler hier, ça semble logique qu’elle ait mal au crâne ce matin. Kaïn ouvre l’un des placards et en sort une boite d’aspine. Après avoir posé un cachet blanc sur le comptoir de la cuisine, il lui sert un grand d’eau. Elle devrait en boire un paquet, ce liquide transparent étant un sacré allié un lendemain de cuite. Il la regarde avaler le médicament en silence. Il n’apprécie pas particulièrement la voir dans cet état. Certes, Nico a toujours eu l’esprit festif mais il a l’impression que c’est devenu trop comme si elle essayait de noyer quelque chose, d’oublier.
Je vais rentrer, mais merci pour le lit, et certainement pour être venu me chercher. Excuse-moi si je t’ai dérangé. Il est si perdu dans ses pensées qu’il l’entend sans l’écouter. Un instant, il est comme dans un état second alors que lui, il n’a rien fait de fou la veille. Apparemment, j’ai coupé court à ta nuit. Excuse, ça n’arrivera plus. Ce n’est que lorsqu’elle reprend la parole qu’il revient sur Terre, réalisant qu’elle s’en va, chose qu’il ne peut pas laisser faire. D’une main tendre, il la retient par le bras. Son regard croise le sien et déjà tout est plus compliqué. Pourtant il ne se débine pas. J’ai besoin de te parler. Besoin, oui. L’idée est loin de venir d’une quelconque envie parce qu’il sait que cette conversation ne sera agréable pour aucun d’eux et qu’en plus, elle pourrait laisser des traces. Tu peux rester un peu ? qu’il finit par demander parce que bien évidemment, il ne la forcera pas à faire quelque chose contre son gré.

Après avoir pris le médicament, bu un litre d’eau, tu décides qu’il est temps pour toi de prendre congé, et d’aller te réfugier sous la douche avant de regagner ton lit tout en veillant à laisser la porte ouverte. Mais avant, tu le sais, y en a un qui va t’attendre de pieds fermes, et vouloir faire petite balade. Malheureusement pour Némo, la balade sera brève, juste le temps pour lui de faire ses besoins. T’es incapable de faire des kilomètres. Comme une andouille, tu t’excuses à de multiples reprises, gênée d’avoir dormi dans le lit de ton ex et de ne te souvenir d’absolument rien. Ça aurait pu être une excuse pour fuir une conversation, mais malheureusement, c’est la triste réalité. Tu n’as souvenir d’absolument rien. Sauf de comment, tu as pu te rendre à cette soirée. En gros, du début. Ce que toute personne peut se souvenir en tant normal. Mais ensuite, gros noir. Tu t’apprêtes à partir quand Kaïn vient doucement te retenir en posant une main sur ton bras. Dans l’incompréhension, tu le regardes avec de petits yeux. Des yeux aussi clos que les siens. Pourtant, t’arrives à y lire son sérieux. Besoin de te parler. Wouah, ça annonce du sérieux tout ça. En temps normal, tu ne saurais pas comment interpréter cette phrase, mais dans le t’état actuel encore moins. Tu ne vois pas de quoi il veut te parler. Tu ne le vois pas te faire la morale pour avoir dormi dans son lit et ne pas avoir eu l’audace de remettre correctement les draps. « Ça à l’air sérieux. T’es sûr de vouloir en parler maintenant, là tout de suite ? » Avec ce mal crâne, ça ne va pas vraiment te préoccuper de repousser la conversation. Au contraire, ça t’éviterait probablement une douleur supplémentaire. Et tu n’es pas certaine d’avoir la force de l’écouter. Mais il souhaite que tu restes. Il insiste. Tu peux bien rester cinq petites minutes et ensuite te réfugier chez toi pour le restant de la journée. « Ok, ok. » Légèrement agacée de ne pas pouvoir rentrer chez toi, tu prends sur toi, et t’installes sur la chaise. Tu ne promets pas de suivre sa conversation, mais tu feras de ton mieux. « Finalement, je veux bien du café s’il te plaît. » Tête dans les mains, tu essayes de remettre les idées au clair. Prête à affronter une conversation qui semble vraiment tenir à cœur à ton ex. Il n’est pas comme d’habitude. Distant. Pourtant, tu ne captes pas, t’es ailleurs. « Merci. » dis-tu en récupérant le café. « Qu’est-ce qui te tracasse ? » Quelque chose le travail s’est sûr, sinon pourquoi il serait aussi sérieux ?