just a ghost from the past or a dream from another life / eiza

Elle s’essuie soigneusement les mains avec une serviette, quand son regard se poser encore une fois sur la tranche de ce livre. Le dernier de la série. Ce livre qui l’a fait réfléchir, bien plus qu’elle veut bien l’admettre. Elle avait immédiatement accroché, avait lu le premier tome en un temps record, alors même qu’elle ne déborde pas de temps pour lire. Et elle avait continué ainsi, jusqu’au dernier. Jusqu’à cette page de remerciements, dans laquelle elle avait compris. Elle avait compris en lisant ce simple mot, pourquoi ces livres l’avaient autant touchée. Pourquoi elle les avait tant aimés. Ils parlaient de quelque chose qu’elle avait vécu. Elle. Avec Eiza. Ce remerciement lui était clairement destiné et, depuis qu’elle l’a lu, Meghan se demande ce qu’elle doit en faire. Elle a contacté quelques-unes de leurs amies en commun, et a ainsi pu avoir le numéro de son ex, ainsi qu’un lieu où elle va souvent écrire apparemment. Elle a ces informations, mais n’en a encore rien fait. Rien ne l’oblige à faire quoi que ce soit. Eiza avait été claire quand elles avaient rompu. Elle ne voulait plus avoir affaire à elle. Mais lire cette histoire qui était forcément inspirée de la leur, ça la fait s’interroger. La pousse à se demander si elle ne devrait pas aller lui parler. Si elle le voulait, elle pourrait essayer aujourd’hui. Son dernier patient de la journée a annulé son rendez-vous, et personne n’a pris sa place. Elle pourrait passer plus tôt que la nourrice, récupérer Adelaïde et rentrer chez elle. Tout en sachant qu’Eris est en déplacement, et que Leonel a un match. Ou bien elle pourrait passer dans ce café qu’elle ne connait que de nom, s’assoir quelques minutes pour voir si Eiza viendra. A tous les coups, elle n’y sera pas. Mais un thé avec une pâtisserie ne lui fera pas de mal. Elle finit de ranger ses affaires et décide de sortir du métro deux arrêts avant le sien. Là, elle suit la rue, jusqu’à reconnaître le nom de la petite boutique. Celle-ci correspond bien à Eiza, ne peut-elle s’empêcher de penser. Elle pousse la porte, actionnant une petite clochette, mais personne ne fait attention à elle. Elle s’apprête à aller vers le comptoir, quand elle la voit. Et elle la regarde, elle aussi. Elle ne pensait pas qu’elle pourrait être vraiment là. Peut-être qu’elle voulait juste se donner bonne conscience, se dire qu’elle avait essayé, et passer à autre chose. Ou, tout du moins, essayer. Mais elle est bien là. Meghan sourit, avant de se décider à avancer vers elle. « Salut… Je peux m’asseoir ? » Elle ne sait pas pourquoi elle est là. Elle ne sait même pas ce qu’elle va pouvoir lui dire.

A l’image des mots qui s’emmêlent les uns aux autres sur les feuilles de mon carnet, mes pensées se dispersent, mon attention bien trop facilement détournée par les bruits qui m’entourent quand bien même ils sont rares. J’ai de la peine à me concentrer et je le remarque d’autant plus lorsque mes yeux s’attardent plus que nécessaire sur les bagues qui ornent mes doigts. Par ennui, ou plutôt par réflexe, je perds quelques secondes à les ajuster une à une, jusqu’à tendre mes mains devant moi, avec cet air de satisfaction sur mes lèvres qui se traduit par ce qui semble être un sourire. L’énième tintement de la clochette détourne mon attention sur la personne qui vient d’entrer. Il faut attendre que je croise son regard pour que mes pensées s’envolent presque aussitôt et qu’une seule chose ne me reste en tête, son prénom. Meghan. Cette sensation qui me parcourt à cet instant est aussi agréable que pesante, je sens mon sourire qui se crispe légèrement lorsqu’elle s’avance vers moi. Pourquoi s’approche-t-elle? Pourquoi ne reste-elle pas de son côté comme nous avions pris l’habitude de le faire ces trois dernières années lorsque l’on se croisait en soirée? Je fais mine de me redresser sur ma chaise quand elle s’adresse à moi, je reste sans rien dire l’espace de quelques secondes, à m’attarder sur ses traits, à fixer ses yeux pour y déceler la raison de sa présence devant moi. «Oui, bien sûr, fais seulement.» Je ne sais pas pourquoi j’accepte, je ne sais pas non plus pourquoi je laisse mon sourire reprendre vie sur mes lèvres lorsqu’elle s’assied juste en face de moi. Mes doigts s’attardent sur mon carnet que je referme, rompant le contact avec Meghan pour pouvoir ranger mes affaires dans le sac que j’avais à mes pieds. «Ça fait longtemps…» Des mots que je balance assez haut quand je repose mon regard sur le sien. Des mots qui me ramènent plusieurs années en arrière, qui me rappellent précisément l’amertume de notre rupture. C'est ce dont j'avais besoin pour effacer ce sourire de mon visage, pour ne lui offrir rien de plus qu’un semblant d’attention. «Suffisamment longtemps pour te demander ce que tu fais ici?» Parce qu’à cet instant bien précis, c’est la seule chose qui m’intéresse. Ça et mon thé encore brûlant que j’amène à mes lèvres pour ne pas être tentée de rajouter quelque chose que je pourrais regretter. Un peu comme le choix du thé que j’avais commandé lorsque je sens ce doux parfum de fruits rouges qui envahit mon palais.