all she wanna do is party all night (roxanne)

«Ça fait cinq minutes que je t’observe et je m’en voudrais de te laisser seule une minute de plus.» L’aisance qu’il semble vouloir dégager me fait doucement sourire. Je l’observe longuement, lui et ses yeux qui semblent plus intéressés par le décolleté sans doute trop généreux que lui offre ce chemisier rouge que j’ai décidé de porter ce soir. Cet inconnu a tout d’un chasseur, prêt à dégainer son fusil et à tirer son unique cartouche avec la première qui lui dirait oui. Et l’espace d’un instant, j’ai presque eu envie de rentrer dans son jeu, de jouer la fille gênée, impressionnée par le charisme inexistant qu’il dégage, à baisser les yeux à chaque fois qu’il me regarde juste pour qu’il se sente encore plus en confiance dans l’unique but de pouvoir le renvoyer la queue entre les jambes. J’aurais pu, j’en aurais même été capable mais mon programme de ce soir répond au doux nom de Roxanne et elle serait la seule qui pourrait accaparer toute mon attention. Alors en prenant soin de m’humecter les lèvres avec peut-être un brin de provocation, mon regard semble jugé  cet homme en face de moi qui daigne enfin lever les yeux sur mon visage. «Je pense plutôt qu’il t’a fallu cinq minutes pour réfléchir de quelle façon tu allais m’accoster.» Presque fière, je lui souris au moment où le sien se crispe. Quelques mots suffisent à faire douter un homme et c’est à cet instant qu’il ne faut pas leur laisser l’opportunité de se relancer. Il n’a même pas le temps d’ouvrir la bouche que je l’interromps, lui coupant l’herbe sous le pied pour dicter l’échange. «Manque de chance, je suis peut-être seule mais loin d’être désespérée. Alors va faire ton numéro à une autre, t’auras sans doute plus de chance d’arriver à tes fins.» Il ne le dit pas mais j’aurais pu parier que son regard me traitait de salope, sans doute sa fierté touchée en plein cœur et quand on sait que c’est la seule chose qui permet à un homme d’avoir des couilles, lorsqu’il en a plus, il repart dans son coin comme il est arrivé : seul et avec son verre à la main. Enfin je ne peux m'en prendre qu'à moi-même, c’est ça d’arriver en avance et de décider d’attendre au bar de cette discothèque plutôt que dehors. Cependant je relativise, je me dis que ça me permet de savourer un premier verre offert par le barman en attendant Roxanne qui ne devait plus tarder. Et ça se confirme quand je l’entends crier dans mon dos, le temps pour moi de faire de même tout en me retournant, le sourire ancré sur mes lèvres. Je lui tends mes bras pour l’enlacer mais aussi afin de lui glisser en même temps quelques mots qui se mêlent à la musique qui s’élève dans la boîte de nuit. «Roxanne! Si tu savais à quel point j'attendais cette soirée, tu ne t'imagines même pas.» Je ne me retiens pas de la garder quelques secondes contre moi avant de la libérer puis d’apprécier la tenue qu’elle porte. «Et cette tenue, t’es superbe, tu le sais?» Et sur le coup je dois bien l’admettre, je regrette presque d’avoir simplement opté pour ce vieux jean et ce chemisier.

La journée aurait pu été parfaite si seulement Roxanne avait pu aller nager comme prévu. Faire quelques longueurs pour lui faire oublier ces derniers jours. Se retrouver dans l’eau et oublier le reste du monde pour un petit moment. Nager lui a toujours fait du bien, autant qu’elle aime faire du yoga pour se détendre. Malheureusement dans son emploi du temps elle n’a pas toujours le temps de pouvoir les caser. Aujourd'hui s’était pourtant prévu, mais des heures supplémentaires à l’hôtel l’en ont empêché. Elle a déjà dû refuser d’aider ses parents cette semaine à cause de ses horaires de dingues, et voilà que maintenant elle n’a même plus le temps de faire ce qu’elle aime. Les heures s’enchaînent, les clients, les questions, les demandes, la laissant complétement lessivée. Et pas comme elle le voudrait. La seule chose qui l’a aidé à traverser cette longue journée, en dehors des messages échangés avec Wesley, a été de penser à sa soirée. Sortir, voir une amie et sans aucun doute ce dont elle a le plus besoin actuellement. Enfin en parti. Elle a bien besoin d’autre chose, mais elle n’a pas le temps pour cela non plus. Elle n’a pas eu beaucoup de temps pour repasser chez elle, prendre une douche, et se préparer. Tout juste le temps d’avaler quelque-chose avant de devoir repartir. Si elle était raisonnable, Roxanne aurait probablement annulé. Pour pouvoir se reposer, passer une soirée tranquille pour être en forme demain. Mais elle n’est pas raisonnable, pas quand il s’agit de sortir. Encore moins de faire la fête. Et puis cette soirée elle l’attend avec impatience depuis un moment. Alors impossible de faire faux bond à Eiza. Elle marche rapidement pour ne pas être en retard. Elle n’est pas en avance, mais pas vraiment en retard non plus. C'est presque en miracle étant donné les circonstances. Une fois sur place, elle prend le temps de reprendre son souffle avant de pénétrer à l’intérieur. La musique se fait entendre à l’instant où elle franchit la porte, venant placer un sourire sur son visage. Ce n’est pas grand-chose, mais ça lui fait déjà du bien. Elle se rend directement au bar, sachant que son amie s’y trouve et elle ne manque pas de l’apercevoir rapidement. « Eiza ! » Avec le volume sonore autour d’elle, Roxanne se retrouve à devoir crier son nom pour lui signaler sa présence. En quelques pas, elle se retrouve devant elle et n’hésite pas à ouvrir ses bras pour l’enlacer aussi. Une excellente façon de saluer. «Roxanne! Si tu savais à quel point j'attendais cette soirée, tu ne t'imagines même pas.» Son sourire s’agrandit à l’entente de ses mots. «Et cette tenue, t’es superbe, tu le sais?» Impossible de faire mieux comme début de soirée. Elle se sent immédiatement beaucoup mieux. Oublié les heures de travail, et ses soucis. « Merci beaucoup. » Elle se recule d’un pas pour admirer son amie, qui est absolument canon. Peut-être un peu trop, comme en témoigne son regard qui s’attarde plus longuement sur son décolleté. « Tu es superbe aussi. » Impossible de ne pas le remarquer. « Je vois que tu as commencé sans moi. » Elle parle bien sûr du verre devant elle, sans pour autant lui en vouloir. À sa place elle aurait sans aucun doute fait la même chose. « Qu’est-ce que tu bois ? En fait peu importe, je vais prendre la même chose. » Et joignant le geste à la parole, elle fait signe au barman. Niveau alcool, Roxanne n’est pas difficile.