Keep Calm and Wait... || Libre

 En y réfléchissant, cela semble faire une éternité que je ne suis plus venue à la gare. J’évite de faire de grands déplacements où je me retrouve coincée au milieu d’une foule innombrable. Pourtant ce soir je n’ai pas vraiment le choix. Je suis allée rendre visite à l’un de mes frères qui habitent à l’extérieur de la ville. J’aurais pu prendre un taxi mais cela m’aurait coûté trop cher. Le trajet du retour m’avait semblé bien plus long que celui de l’allée. Peut-être est-ce dû au fait que je suis pressée de rentrer chez moi, au calme dans mon appartement. Même avec mes écouteurs, bien installée dans mon fauteuil et collée à la vitre, je n’avais pu échapper à la folie d’un couple bien trop imbibé d’alcool. En l’espace d’une heure, j’en savais plus sur leur vie que sur la mienne. Ils étaient tellement peu discrets que la majorité du wagon avait pu entendre leurs exploits dans un langage pas très évolué. Je tentai de me plonger dans un bouquin mais après avoir relu plusieurs fois la même page sans même avoir compris un seul sens à cette histoire, je le rangeai dans mon sac. Une fois arrivée en gare je m’empressai de quitter le train pour ne plus les entendre. Afin de rentrer chez moi, je me dois de prendre une correspondance et prendre un autre train. Toute ces péripéties ne me donnent pas très envie de prendre ce moyen de transport tous les jours. Je me dis que les habitués ont beaucoup de mérites. Je me tenais devant le grand tableau annonçant toutes les correspondances. Un soupir prit possession de mon visage quand je vis que mon train avait déjà quelques minutes de retard. Plutôt que de rester là je décidai de l’attendre sur le quai. Après de nombreuses minutes, une voix annonça que le train allait arrivé mais surtout qu’il allait arriver sur un autre quai suite à un problème technique. « C’est pas vrai. » Les gens autour de moi, se mirent à bouger afin d’aller au plus vite vers le nouveau quai. Dans son empressement une personne me bouscula et mon sac tomba sur le sol dans un bruit que personne ne pouvait entendre suite au bruit provoqué par la foule. « Vous n’auriez pas pu faire attention… ! »

Les transports en commun avaient leur lot d'avantages pour se rendre d'un endroit à l'autre dans une ville aussi gigantesque et réglementée que New York. La ville était excellemment desservie pour ne pas avoir besoin de voiture ; ce qui était mon cas, n'ayant jamais pris la peine de m'acheter un moyen de locomotion pour réserver mon argent à des choses plus utiles de la vie. Mais en faisant ce choix, il m'avait fallu admettre devenir dépendante des problèmes sur les lignes, des retards, des imprévus, des changements, des pannes. Je relativisais ma situation : si j'avais une voiture, celle-ci aussi pouvait très bien tomber en panne et m'empêcher de me déplacer. Ma vie était donc rythmée selon les horaires de métro, bus et trains au coeur de la mégalopole américaine. Choisir ce mode de vie demandait également de s'adapter à une masse non négligeable de semblables et d'accepter de cotoyer n'importe qui à n'importe quel instant de chaque déplacement. Autant il y a de personnes sympathiques ou pour la majorité restent enfermés dans leur bulle de confort, parfois il est toujours possible de croiser des profils moins avenants ou sociables. Et dur est-il de passer une vie dans les transports sans manquer un jour d'inadvertance.

Ce jour-là, j'attendais un train que le speaker informa en approche mais pour une voie différente de celle où nous, passagers, l'attendions. L'effet de masse pressée, des bras qui claquaient contre les miens, des épaules m'enfermant dans une seule et même direction commune .. jusqu'à l'accrochage de mon poignet sur une sangle solide qui tressauta. Je parvins - j'ignore de quelle manière - à m'arrêter pour constater que j'avais précipité la chute d'un sac à main. « Je m'excuse, je .. » articulait ma bouche vers la propriétaire passablement énervée pendant que je me penchai pour ramasser le sac de cette femme. Bien mal nous en prit d'avoir cette réaction en même temps. Nos têtes se heurtèrent dans notre élan commun à contre-sens. « Ahoumph pardon » répétai-je en me frottant le crâne énergiquement avec l'espoir que le tambour de la douleur se dissipe de cette manière. Evidemment, celle qui avait mis la main sur le sac l'avait aussitôt relâché pour qu'il s'écrase de nouveau par terre au milieu de l'indifférence la plus complète. Deux malheureux incidents en un instant, annonciateurs d'une journée qu'on aimerait derrière nous pour en vivre des plus agréables que le courroux d'une inconnue en supplément d'un mal physique qui nous fait sentir vivant à travers le flux sanguin nerveux des tempes. « Je suis terriblement désolée » terminai-je en m'enfuyant vers le train que j'avais à prendre si je voulais arriver au travail à l'heure. Les aléas de la vie nous amènent parfois à manquer d'attention et de provoquer des situations cocasses ou peu souhaitées, mais bien que coupable d'avoir été distraite cette seconde de trop, cela arrive également aux autres. L'autre femme ne m'a pas semblé blessée, nous étant à peine effleurée sur ce quai qui s'avéra ne pas être celui de ma correspondance. Ses mots furent assez sec pour n'insister de rien, et c'est avec ce pincement d'être responsable de sa mésaventure que je poursuivis ma route pour disparaître dans les escaliers une dizaine de mètres plus loin.

Je revis la surface de la plate-forme annoncée et constatai mon train à l'arrêt, les portes ouvertes pour embarquer. Je trouvais ma rame, m'y engouffrai et ne mis pas long pour chercher le siège renseigné sur mon titre de transport. Une banquette de deux places côte à côté ; aucune n'était encore occupée. Sans vérifier si j'avais l'emplacement fenêtre ou couloir, je me glissai sur celle qui donnait vue au dehors. Le temps de repenser à cette femme, de toujours culpabiliser sur le fait que quelque chose ait pu échapper de son sac dans la bousculade - d'important ou non -, le sifflet annonça la fermeture imminente des portes et donc le départ du train. Je jetai un coup d'oeil à ma montre : six minutes de retard. J'avais encore un peu de marge pour arriver dans les temps.

@Allison Rojas  Depuis quelques instants j’avais l’impression que la malchance avait pris possession de moi. Tout d’abord, mon train avait du retard, ensuite il avait été décidé que ma correspondance change de quai et bien entendu il ne s’agit pas de celui qui se trouve juste à côté. J’allais devoir courir mais je n’avais pas les chaussures les plus adéquates pour cette petite épreuve sportive. Je fus rapidement stoppée dans mon élan quand une jeune femme me bouscula dans sa précipitation. Au début rien d’anormal, surtout lorsque beaucoup de personnes tentent de bouger sur un quai envahit par une petite foule. Cependant mon sac à main n’avait pas survécu à cette bousculade sans encombre, il avait fait une petite chute laissant tomber tout son contenu sur le sol de la gare. Dans un soupire et sans manquer de râler contre le responsable de ce désastre, je m’empressai de me pencher pour tout ramasser. Je n’avais pas le temps de trainer sur ce quai si je ne voulais pas rater mon train. Dans un élan de gentillesse, la jeune femme imita mes gestes afin de m’aider à ramasser mes affaires. Dans la précipitation, nos têtes se cognèrent assez fortement. Je sentis rapidement qu’un mal de tête risquait de se submerger pour le reste de la journée. « Ahoumph pardon » Décidément. Je ne connaissais pas cette jeune femme mais elle faisait forte impression. Deux incidents en si peu de temps, je ne pense pas que l’on puisse faire mieux.  Tout comme la jeune femme, je me frotte rapidement la tête là où elle avait cogné celle de l’inconnue. Je me dépêche à reprendre tout ce qui m’appartient sur le sol en espérant que je n’avais rien oublié ou que personne ne m’avait rien volé. La jeune femme s’excusa une nouvelle fois en s’enfuyant rapidement.  « Merci quand même. » Je doute qu’elle m’ait entendue mais j’étais obligée de m’excuser. Même si je lui en avais voulu de m’avoir bousculé, elle avait tout de même tenté de m’aider à ramasser mes affaires. Je me relevai rapidement non sans un léger étourdissement et je me dépêchai de rejoindre le quai où mon train se trouve.

J’entrai de justesse dans le train avant que les portes ne se ferment. J’étais tellement essoufflée de ma petite course que je restai immobile quelques instants avant de chercher après ma place. Je jetai un rapide coup d’œil sur le chiffre annoncée sur mon billet de train avant d’entrer dans le wagon. J’avançai de siège en siège et finit par arriver là où je devais m’installer. En réservant mon billet, j’avais porté mon attention sur le fait que je souhaitais la place la plus proche de la fenêtre. Je ne suis pas malade dans les transports en commun mais je préfère pouvoir porter mon regard sur le paysage extérieur. Arrivée près de la banquette où je devais prendre place, une jeune femme était assise à ma place. « Je suis désolée, je crois que vous êtes assise à ma place. » J’évitai d’être désagréable et je n’avais même pas fait attention qu’il s’agissait de la jeune femme responsable de mes mésaventures. Quand je la reconnus je crus que le ciel me tombait sur la tête. Qu’allait-il encore m’arriver ? « Laisser tomber, je vais prendre l’autre place. Je ne voudrais pas tomber suite à un malheureux « croche-pied ». » Je n’étais plus aussi froide que suite à notre bousculade. Au contraire, je tentai même de plaisanter un peu. Avant même de m’asseoir, le train démarra assez subitement et je failli tomber me rattrapant de justesse sur le dossier de mon siège.

@Willow Weaver Attraper son train ou son bus n'est en théorie pas une masse à faire pour y parvenir. Parfois il arrive que cela devienne un challenge rendu complexe par une série d'aléas. Je m'attendais à de nouvelles péripéties, mais il n'en fut rien et je réussis à me glisser dans la bonne voiture assez éloignée de celle à ma portée lorsque j'eus franchi les dernières marches de la plateforme modifiée de départ. Fort heureusement, les employés de la compagnie ferroviaire agissaient avec compassion et laissait le temps à tous les voyageurs le temps de se mouvoir depuis le mauvais quai initialement annoncé. Une fois assise, je distinguais encore des silhouettes surprises au loin qui s'affairaient à replier les poignées rétractables de leurs valises et se hâter dans la bonne direction de leur correspondance. Un soupir s'évada d'entre mes lèvres contre la fenêtre.

Le câble des écouteurs branché sur le port de mon téléphone, j'appuyais sur l'écran pour lancer une play-llist créée la veille et logeais les sorties auditives à l'entrée de mes pavillons. Un rappel à l'ordre me freina dans l'évasion vers ma petite bulle coupée des environs. De toute évidence, j'aurais dû m'assurer que je ne gênais pas de l'appropriation d'un siège qui avait été attribué à une autre personne. La scène devait s'avouer cocasse, car j'avais privatisé l'espace de la femme avec qui nous eûmes les déboires cinq minutes plus tôt sur ce fameux mauvais quai. « Oh oui, d'accord », lui cédais-je sans même regarder si elle-même ne se trompait pas. De son côté, elle ne prit pas la peine d'insister malgré que je me redressais à demi, prête à la laisser récupérer l'emplacement exact qu'elle avait acheté.

L'inconnue amorçait sa descente pour s'asseoir que le sol trembla soudain et éjecta son corps vers l'arrière. Au moyen d'un réflexe instinctif, mes mains attrapèrent sa taille. Mais sa sécurité se valut surtout grâce à sa rapidité à mettre ses bras devant elle pour bloquer sa chute contre le dossier de son siège. Je ne l'aidais qu'à reprendre une position debout. « Je fais une pointure 6, le croche-pied n'est pas mon meilleur coup d'attaque vous savez. » Je jugeai l'espace louable pour inter-changer nos places et donc l'inviter à occuper la proximité de la fenêtre puisque les choses avaient ainsi été déterminées. Avec des surfaces en tissu tout autour de nous, et le train roulant à une vitesse progressive, il faudrait beaucoup de malchance pour en arriver à enchaîner les ecchymoses. « Vous allez où ? », je laissais parler ma curiosité piquée par une coïncidence de suite, avant même que nous soyons confortablement installées. « Pour savoir à quel moment nous allons pouvoir se rassurer que nous ne devrons plus nous inquiéter de nous entre-tuer. » Il est vrai que dans un certain sens tout est possible et que nous ignorons ce qu'il peut encore survenir. Mon regard se porta, inquiet des bleus provoqués, sur l'endroit de son front impacté par l'effet de mon crâne contre le sien marqué d'une zone un peu plus colorée.

@Zoella Adams  Il y a des jours comme aujourd’hui, où je sais que j’aurais mieux fait de rester dans mon lit. Pourtant je me retrouvais à la gare à prendre le train. Je n’utilise pas très souvent ce mode de transport mais je n’ai pas vraiment le choix. J’aime beaucoup la marche à pied. Cependant cela m’aurait pris presqu’une journée si j’avais décidé d’aller rendre visite à mon frère tout en marchant… Et même si j’aimais la marche je n’avais pas la patience pour trainer autant de temps dans les rues. Ceci dit au vu du déroulement de la journée, j’aurais essuyé moins de risques en y allant par un autre moyen que celui qui vogue sur les rails.

Heureusement j’avais réussi à attraper mon train sans trop de retard. J’avais enchainé les pas aussi vite que j’avais pu pour parcourir la distance, qui me séparait de mon train, le plus rapidement possible. Essoufflée j’étais entrée dans le train. J’attendis quelques secondes avant de continuer à avancer pour trouver ma place. J’ouvris mon sac et cherchai rapidement le ticket que j’avais acheté au préalable. Je parcours rapidement des yeux les indications pour trouver le numéro de mon siège. Tout en essayant de gêner le moins possible le couloir du wagon, j’avance petit à petit tout en cherchant l’endroit où je devais m’asseoir. Alors que je pense avoir enfin trouvé, une autre personne y est déjà installée. Un bref instant j’hésitai à laisser les choses comme elles sont et prendre l’autre siège. Pourtant mon envie d’être colée à la fenêtre était bien trop forte que pour jouer les bonnes samaritaines. Le hasard faisait tellement bien les choses que ma « voleuse » de siège ne m’était pas inconnue. Il faut reconnaitre que nous nous rencontrons jamais dans de bonnes situations depuis quelques minutes. En voyant son visage je décidai de laisser les choses comme elles étaient. J’avais déjà assez eu de pépins pour la journée. « Je fais une pointure 6, le croche-pied n'est pas mon meilleur coup d'attaque vous savez. »

« Me voilà rassurée ». » dis-je en plaisantant. Tant bien que mal, j’arrive enfin à m’asseoir. La secousse du démarrage avait été un peu trop brusque pour moi que je manquai de tomber. Heureusement que l’équilibre ne me fait pas défaut, j’aurais sans doute été faire un câlin forcé à la jeune femme sans même le vouloir. La situation aurait été bien trop gênante. Je m’assois tant bien que mal et m’empresse d’ouvrir mon sac. Ayant remis mes affaires avec beaucoup d’empressement c’était le « bordel ». Je n’arrivais plus à remettre la main sur mon portable et je ne peux pas vivre sans lui.   « Vous allez où ? », je Je suis plutôt surprise par ce brin de curiosité. A première vue, je pensais qu’elle serait plutôt du genre à rester fermée, les écouteurs sur les oreilles. Je m’arrêtai dans mes recherches pour répondre à la question. « Je ne vais pas bien loin. Je vais rendre visite à mon frère. Apparemment j’en ai pour seulement vingt minutes. Vous serez vite débarrassée de moi » Il n’y a pas beaucoup d’arrêt pour ce train. Je savais que le mien était dans les premiers. Par conséquent elle ne serait pas obligée très longtemps de me tenir compagnie. « Je descends au 3e arrêt. Saurez-vous survivre jusque-là ? A moins que vous ne descendiez plus tôt ? » Après tout peut-être qu’elle sortirait plus vite que moi de cet endroit. Je repris ma recherche ne trouvant toujours pas mon portable. « Est-ce que je pourrais vous demander un service ? » demandais-je un peu désespérée à mon interlocutrice. Je voulais juste lui demander de tenter d’appeler mon portable voir si ce dernier se trouvait bien dans mon sac ou toujours sur le quai…