right in the feels /warner

C’était bizarre pour elle. Ses deux vies qui se rencontrent, comme ça... Ça la mettait presque mal à l’aise. Comme si elle n’avait rien à faire là, comme si elle était en train de rêver en fait. Elle n’aurait jamais pensé vivre ça un jour, et elle ne sait pas trop comment elle se sent. Elle n’est plus si certaine que tout ceci ait été une bonne idée, surtout quand elle voit la réaction de Warner. Il a l’air très mal, il n’y a qu’à voir la façon dont il a bu son premier verre. Elle lui en a commandé un second, parce qu’elle sentait qu’il en avait besoin, mais elle espère au fond qu’il va s’arrêter là. Que ça lui suffira. Elle ne peut pas les ramener à New York, et elle refuse de monter en voiture avec lui s’il a trop bu. Certes, elle peut comprendre qu’il en ait besoin, mais on ne plaisante pas avec de tels sujets. Pour le coup, elle n’a pas envie d’épiloguer sur le fait qu’elle ait laissé derrière elle des gens qui l’appréciaient, à qui elle a manqué et qui lui ont manqué également. Elle préfère s’intéresser à l’état du jeune homme, se sentant fortement responsable. « Je te fais confiance alors. » S’il disait qu’il en était capable, elle pourrait lui faire confiance. C’était bien tout le paradoxe de leur relation. Elle lui faisait toujours aussi confiance qu’à l’époque, elle avait toujours autant d’estime pour lui, alors que la réciproque n’était plus vraie. Elle avait tout brisé de son côté, mais pour elle, elle avait l’impression que rien ne pourrait changer ça. Elle l’avait mérité, et elle s’y était faite, mais pour elle, c’était immuable. Comme s’il avait lu dans ses pensées, il lui pose une question qui lui donnait l’impression qu’il tendait une main vers elle. Qu’il essayait de faire un effort. Ca faisait sans doute partie de ce dont il avait besoin pour aller mieux, mais elle sentait que c’était un moment important. Comme elle n’a pas envie de répondre trop vite, et n’importe quoi, alors elle se contente dans un premier temps de pincer les lèvres, l’air pensif. Elle a bien envie de lui dire qu’elle ne j’ai jamais sentie mal par rapport à sa décision pas une seule fois. De lui dire que ça a été un choix évident pour elle, mais elle sent que ce n’est pas ce qu’il veut entendre. Il veut qu’elle se livre, qu’elle soit honnête avec lui pour une fois dans sa vie. Elle ne veut vraiment pas gâcher sa chance, parce qu’elle sent que ça peut changer beaucoup de choses dans leur relation, et elle tient plus que tout à ce que leur relation s’améliore. « Je sais pas vraiment, pour être honnête. Le temps, déjà. » Ce n’est sans doute pas ce qu’il a envie d’entendre, mais le temps était un facteur essentiel. « Et je n’ai pas eu le choix que de rester, je devais finir ma dernière année de lycée, je n’avais nulle part où aller, pas d’argent. » Ca pouvait passer pour de simples détails, mais ces détails avaient eu leur importance. « Et... » Elle hésite, parce qu’elle sait que ce qu’elle s’apprête à dire ne va pas lui plaire. Mais elle a décidé d’être honnête, et au moins comme ça il saura qu’elle n’est pas en train de lui mentir. « Ca a aidé, je pense,que ce soit ma décision. J’ai toujours dit que je n’ai jamais regretté, j’ai eu le temps de m’y faire bien avant d’avoir accouché. C’est quelque chose dont j’ai tout de suite eu la certitude, je ne pouvais pas la garder. Et après, le fait de savoir qu’elle était dans une famille qui lui donnait tout l’amour dont elle avait besoin et plus, n’a fait que me conforter dans l’idée que c’était la bonne décision. » Elle ne sait pas s’il va comprendre, mais c’est sa vérité à elle. « J’imagine que ce n’est pas ce que tu as envie d’entendre et que ça ne t’aide pas forcément, mais je n’ai pas d’autre réponse à te dire. Si tu veux toute la vérité, bien sûr. » Elle n’ose plus le regarder en face à présent, préfère se concentrer sur sa bière dont elle boit une gorgée. Elle espère vraiment que ça ne gâchera pas tous les efforts qu’elle a fait jusqu’ici.

Warner avait maintenant son deuxième verre devant lui. En toute honnêteté, il n’était pas certain qu’il l’aide beaucoup plus que le premier mais il allait falloir qu’il fasse en sorte que ce soit le dernier. S’il en prenait plus après, il ne pourrait certainement pas prendre la voiture après et il fallait bien qu’il rentre à New-York derrière. Eliza pouvait être sûre d’une chose en tout cas, il ne leur ferait pas courir de risque s’il ne se sentait pas capable de conduire mais apparemment Eliza lui faisait confiance là-dessus. La jeune femme mentionna ensuite à nouveau le fait qu’elle était là pour l’aider s’il avait besoin. Sauf que Warner ne voyait pas ce qu’elle pourrait bien faire. Mais puisqu’elle avait l’air de vraiment tenir à lui parler de tout ça, il lui demanda ce qui l’avait aidé elle et aussi pourquoi elle était restée là. Il n’avait pas aperçut sa fille très longtemps et il n’avait eu qu’une hâte, fuir très loin. Ca n’avait pas dû être facile pour Eliza de rester ici tout en sachant sa fille aussi près. Même s’il lui avait posé la question, Warner ne s’attendait pas forcément à une réponse sincère de la part de la jeune femme. Il avait l’impression qu’elle esquivait toutes les questions un peu personnelles qu’il lui avait posé jusqu’ici et il ne voyait pas pourquoi ca serait différent avec celles-ci. Apparemment si, c’était différent cette fois car pour la première fois, Eliza se livra vraiment. Elle lui expliqua que le temps avait aidé et qu’elle n’avait pas eu le choix de rester pour des raisons qu’il comprenait tout à fait. Elle ajouta que le fait que cela soit sa décision l’avait aidé et c’était quelque chose dont le jeune homme ne doutait pas mais cela n’avait peut-être pas rendu les choses si faciles pour autant. “Je voulais juste entendre la vérité tu sais, je ne voulais pas que tu dises quelque chose juste pour que je me sente mieux. Merci d’avoir été sincère.” commença-t-il par dire lorsqu’il reprit la parole. Il été surpris mais dans le bon sens pour une fois. “C’est vrai qu’elle avait heureuse. On dirait qu’elle ne manque rien et surtout pas d’amour.” Ce qui ne rendait pas forcément les choses plus faciles pour autant. “Pour ce que ça vaut, je pense vraiment que tu as fais du mieux que tu as pu pour Alexis.” Et qu’elle n’était pas forcément aidé non plus avec des parents comme le sien. Ca ne changeait rien au fait qu’il restait en colère contre elle. Il était juste prêt à essayer de la comprendre un peu plus.

Maintenant qu’ils sont seuls, ils ont tout le loisir de parler. De parler rien qu’eux deux, et de choses pas forcément facile mais visiblement, c’est quelque chose dont Warner a besoin. Peu importe si ça la vérité lui fait de mal que de bien. Paradoxalement, c’est plus facile que la dernière fois où ils ont réellement parlé, pas dans l’ascenseur, mais le jour où ils se sont revus pour la première fois en sept ans. Sauf que Poppy, elle est plus sincère et elle n’esquive pas cette fois. Elle lui doit bien ça, c’est la moindre des choses, même si elle a peur que ça ne réduise à néant tous les progrès qu’ils ont fait jusque là. Un pas en avant, deux pas en arrière. Ca résume bien leur relation, même si en fait, c’est plutôt que des pas en arrière pour le moment. Elle a pourtant la sensation d’avoir fait de nouveau progrès ce soir, et elle veut s’efforcer en lui disant toute la vérité. Visiblement, il le prend plutôt bien, et elle est soulagée. Vraiment soulagée. Elle ne veut pas tout avoir à recommencer une troisième fois. C’est franchement éreintant, là déjà elle a l’impression qu’elle n’y arrivera jamais, que les progrès sont beaucoup trop lents malgré ses affaires. Elle tient toujours à lui, elle veut qu’il le sache, elle veut qu’il s’en rende compte. Elle n’a jamais voulu faire du mal, pas sciemment. « J’aurais pu, mais je veux faire des efforts pour toi. Tu as le droit de connaître la vérité c’est la moindre des choses. » Et peu importe si ça lui faisait mal à elle au final. Elle n’avait plus le droit d’être égoïste à ce sujet, elle l’avait suffisamment été. « Non, je te le confirme, elle a tout ce qu’il faut. Je te disais pas ça juste pour me justifier ou pour te rassurer. Je n’ai pas fait que te mentir... » Contrairement à ce qu’il a pu penser jusqu’ici, elle a été honnête. Au début, c’est juste que sa vérité ne lui plaisait pas, il avait dû décider qu’elle mentait pour que ce soit plus facile pour lui. Peut-être, elle n’en savait rien et ça n’a plus aucune importance à présent. « C’est important pour moi que tu le reconnaisses. J’ai jamais pensé à mal, j’ai juste pensé à elle. C’est sans doute stupide, je le sais maintenant, mais je me suis dit que je ne te reverrai jamais, que ce que tu ne savais pas ne pouvait pas te faire de mal. C’est bien la seule chose que je ferais différemment si je pouvais. » Elle aime se répéter qu’elle ne regrette rien, mais elle n’en est plus si sûre aujourd’hui. C’est dingue le pouvoir qu’il a encore sur elle, au point de le faire douter sur une de ses plus grandes convictions.

Peut-être que les choses entre Warner et Eliza étaient en train d’évoluer dans le bon sens. Warner était toujours en colère contre elle, il ne savait pas combien de temps il lui faudrait encore pour digérer mais le fait qu’il puisse avoir une vraie conversation avec la jeune femme pour la première fois l’aidait peut-être à mieux la comprendre. Ca n’avait pas aidé qu’elle refuse jusqu’ici de parler ou d’éviter toute conversation un peu trop sérieuse avec lui. Mais là, elle lui avait répondu sincèrement, pour la première fois peut-être et il l’en remerciait. Elle lui expliqua alors qu’elle voulait faire des efforts pour lui. Il ne savait pas vraiment à quoi il devait ce changement d’attitude mais il imaginait que c’était une bonne chose ? Ainsi, cette journée ne serait pas totalement perdue s’il pouvait en sortir des bonnes choses. Après, le fait que sa fille soit en parfaite santé et tout à fait heureuse était une bonne chose aussi, il imaginait en tout cas. Il fallait en tout cas qu’il voit ça comme ça. Eliza évoqua alors le fait qu’elle n’avait pas fait que mentir à Warner et c’était une question sur laquelle Warner se permettait d’avoir des doutes. “Tu ne m’as quand même pas beaucoup dit la vérité quand même.” Il n’avait pas pu s’empêcher de dire ça. Il avait toujours du mal à digérer certaines choses. Il failli s’excuser juste après avoir dit ça mais il n’allait pas s’excuser de penser ça quand même. De toute façon, il se rattrapa bien assez en lui disant qu’il pensait qu’elle avait fait du mieux qu’elle avait pu pour Alexis. Et il le pensait vraiment, c’était la manière dont Eliza avait agit avec lui qu’il n’appréciait, il ne remettait absolument pas en cause ce qu’elle avait fait pour la petite. “Tu pensais vraiment que tout ça pourrait rester secret ?” lui demanda-t-il, même pas sur un ton de reproche. Il était juste curieux de savoir si elle avait vraiment cru qu’elle pourrait s’en sortir aussi facilement.Les gens parlaient beaucoup après tout, elle avait grandi dans ce milieu là, elle était censée le savoir. “En tout cas, c’était stupide oui. Le fait de ne pas savoir, de ne pas comprendre, ça ne fait pas du bien.” Il s’était beaucoup torturé l’esprit avec tout ça. Et elle l’avait probablement compris par elle-même maintenant, le fait de ne pas savoir ne l’avait pas aidé à tourner la page. “Ton départ a suffit à me blesser de toute manière. Ca peut paraître stupide maintenant, mais je… tenais vraiment à toi.” Il avait failli dire qu’il l’aimait vraiment mais les mots n’avaient pas pu franchir sa bouche. “Je n’ai pas vraiment eu de relations sérieuses depuis.” avoua-t-il finalement. Il avait développé quelques problèmes de confiance et puis, ce n’était pas de sa faute s’il n’avait pas rencontré de personnes assez bien pour lui non plus. “Enfin de toute façon, ça se saurait si on pouvait refaire les choses.” Les gens en abuseraient vraiment. C’était une bonne chose qu’elle regrette au moins son comportement envers lui.

‘Tu ne m’as pas beaucoup dit la vérité quand même.’ Elle pince les lèvres quand elle l’entend dire ça, Poppy. Elle ne lui en veut pas, parce qu’il est toujours en colère contre elle et que les vérités qu’elle lui a dites en lui ont pas plu, mais ce n’est pas totalement vrai. Pas totalement faux non plus, parce qu’un mensonge par omission est toujours un mensonge, mais elle n’a jamais menti juste pour le blesser. Pas sciemment en tout cas, et elle ne sait pas comment lui faire comprendre que depuis qu’ils se sont retrouvés, elle ne lui a jamais menti. Elle ne répond rien, préférant passer à autre chose. Sa bière, c’est bien par exemple. Elle en boit une longue gorgée et va même jusqu’à la finir. Ce n’est pas suffisant, peut-être que finalement il va lui falloir quelque chose de plus fort à elle aussi, surtout s’ils s’engagent dans une telle conversation. Ce n’est pas qu’elle n’a pas envie de lui parler, bien au contraire, elle sait que c’est une main qu’il tend vers elle, que pour la première fois il fait un effort pour essayer de la comprendre, sans la juger. Mais c’est difficile pour elle, parce que rien qu’en faisant ça, il remet pas mal de choses en question la concernant. Elle n’est plus si sûre de rien alors qu’elle l’a été pendant des années. C’est difficile de se remettre en question de la sorte et elle commande un verre de la même boisson que lui. Parce qu’il continue avec ses questions, et même si elle n’est pas convaincue que ce soit l’endroit idéal pour ça, elle est décidé à lui répondre le plus sincèrement pour elle, même si c’est dur pour elle. « Au début, je l’espérais. J’ai quand même mis un océan entre nous, je ne pensais pas que tu aurais envie de le traverser pour me retrouver. » Ou pas spécialement pour la retrouver, mais au moins pour avoir des réponses à ses questions, ce qu’il avait fait en fin de compte. « Puis le temps avançant, je me suis dit qu’on ne se reverrait plus, je m’en suis réellement convaincue. » Ca n’avait pas spécialement été un soulagement pour elle, elle s’était juste faite à cette idée. Elle baisse légèrement le regard, elle n’arrive pas à le regarder dans les yeux pour le moment. Parce qu’il continue à lui dire combien elle lui a fait du mal alors que c’était vraiment la dernière chose qu’elle aurait pu vouloir. C’est stupide maintenant, parce qu’elle sait qu’à sa place elle aurait réagi de la même manière. Pour se justifier, elle n’a pas arrêté de se répéter qu’elle s’était justement mise à sa place, ou qu’elle avait essayé, mais pas suffisamment visiblement. « A l’époque, je ne pensais pas que… c’était le cas. » répond-elle en relevant les yeux vers lui. « Je veux dire, on était bien tous les deux, mais j’étais qu’une gamine et ça faisait pas longtemps qu’on était ensemble. » Là, clairement, elle essaye de se trouver des excuses, parce qu’elle sait que ça n’a absolument aucun sens ce qu’elle dit. Une relation, ça n’a pas de règle précise. Pour le coup, elle ne sait pas quoi ajouter ou quoi lui répondre. Elle sent une boule se former dans le fond de sa gorge, elle a même un petit pincement au cœur. En forçant un peu, elle pourrait presque sentir des larmes lui monter aux yeux. Elle aussi elle tenait beaucoup à lui, et elle non plus n’a pas eu de relation sérieuse depuis. Elle se racle la gorge, secoue légèrement la tête, avant de finalement lui répondre : « Encore une fois, ce n’était pas mon intention de te blesser. Je savais que c’était inévitable, mais c’est pas pour ça que j’ai fait ça. » Elle n’est pas un monstre, et elle espère qu’il va comprendre. Sa nouvelle boisson posée devant elle, elle l’attrape, regarde le verre quelques secondes, puis décide de le boire d’une traite. Elle a bien le sentiment que finalement, ils ne vont pas rentrer ce soir. Ils ont surement beaucoup d’autres choses à dire, et ça ne va pas passer tout seul. « De toute façon, si je pouvais changer quelque chose, ce ne serait pas ma décision. Je changerais juste ma manière de faire, en t’en parlant, en ne partant pas sans rien dire. Mais je l’aurais quand même faite adopter. » Et peut-être qu’au fond, ça aurait tout changé. Ils ne le sauront jamais.

Warner n’avait pas pu retenir une petite remarque concernant les mensonges d’Eliza. Il faisait de son mieux, il faisait même beaucoup d’efforts pour essayer de la comprendre. Il restait cependant un peu amer quand même concernant certaines choses. Il était d’accord pour admettre qu’elle avait fait de son mieux pour Alexis, ça ne voulait pas dire qu’il acceptait tout pour autant. Quand il questionna Eliza au sujet de si elle avait vraiment cru que tout cela resterait secret, ce fut néanmoins sans colère. Il était simplement vraiment curieux de savoir ce qu’il en était. Apparemment, elle le croyait vraiment. C’est vrai qu’elle avait mis un océan entre eux mais bon, il ne l’avait pas non plus retrouvé après des années à la chercher. Cela avait été le fruit d’un total hasard (un de plus). Lui non plus ne pensait plus la revoir un jour, ni avoir de réponses à ses questions. Quelque part, il se demandait si ça n’aurait pas mieux valu. Sûrement pas en fait. Des fois, il se disait qu’il aurait voulu ne pas l’avoir connu du tout mais après il se ravisait parce qu’il avait aimé être avec elle et qu’il avait beaucoup tenu à elle. Peu importe que leur relation n’ait pas duré si longtemps. “Ca avait suffit pour moi.” Mais il s’était déjà fait à l’idée que leur relation voulait sûrement dire plus de choses pour lui que pour elle.. Elle mentionna à nouveau le fait qu’elle n’avait pas fait exprès de le blesser. Elle ressentait apparemment le besoin de se justifier, pensant sûrement qu’il avait dit ça en guise de reproche mais ce n’était pas le cas. Il s’était simplement montrer honnête parce qu’il avait probablement besoin de se dire les choses sans qu’il n’y ait de hurlement ou autre.  Finalement, Warner décida de ne pas relever ce qu’Eliza avait finit par dire. Parce que, à quoi bon s’énerver pour des si et faire des hypothèses pendant des heures sur la manière différente dont les choses auraient pu se dérouler. Warner se rendit compte qu’il avait finit son deuxième verre pendant qu’il parlait et il n’était toujours pas prêt à reprendre la route. Bien au contraire. “Est-ce que tu as besoin d’être rentrée rapidement ?” demanda-t-il alors. “Parce que je ne suis pas sûr de vouloir rentrer ce soir personnellement. On s’amuse tellement.” Cette dernière phrase était légèrement ironique mais il y avait au moins de vrai qu’il ne voulait pas partir maintenant.

La conversation dérape de plus en plus sur des sujets dont Poppy n’a pas envie de parler. Pourtant, elle sait qu’elle lui doit bien ça. Vu la manière dont elle l’a traité, il a le droit d’avoir des réponses à ses questions, que ça lui plaise ou non. Après tout, il n’y a pas de raison pour qu’il soit le seul à passer un moment pas très agréable aujourd’hui. Alors elle prend sur elle, et lui répond le plus honnêtement possible. Là encore, ce n’est sans doute pas des choses qu’il a envie d’entendre, mais c’est sa vérité à elle. Une vérité plutôt douloureuse. Elle est obligée de se plonger une nouvelle fois dans un passé qu’elle a envie d’oublier. Elle aussi, elle était bien avec lui. Elle aussi elle tenait à lui, elle ne sait pas si c’était de l’amour ou juste une grande affection, mais le quitter a été très difficile, peu importe ce qu’il a pu penser à l’époque et ce qu’il peut bien penser aujourd’hui. Elle n’a jamais compris à quel point il avait été attaché à elle lui aussi. Ca n’avait pas duré longtemps entre eux, et ils n’avaient pas le même âge. Trois ans ce n’était rien et énorme à la fois. Il pouvait penser ce qu’il voulait aujourd’hui, il avait été très important pour elle, et ça lui avait brisé le coeur de partir sans rien dire. Ce n’est pas pour rien qu’elle n’a aucune relation depuis, elle n’a jamais réussi à trouver quelqu’un avec qui elle s’entendait aussi bien, avec qui elle avait envie de passer autant de temps. Comme quoi, il n’y a rien de plus vrai que quand on dit qu’on ne réalise ce qu’on perd que lorsqu’on l’a réellement perdu. Et là, il s’est beaucoup trop de choses, beaucoup trop de temps pour qu’elle puisse espérer que les choses redeviennent comme elles l’étaient. Elle l’a peut-être retrouvé, mais rien n’est plus pareil. Elle ne sait même pas quoi lui répondre quand il lui parle à nouveau. Elle ne sait même pas exactement à quoi il fait allusion, et si c’est bien ce à quoi elle pense, il n’y a de toute façon rien à dire. C’est trop tard, ça ne veut plus rien dire. Pourtant, elle sent son coeur se serrer, parce qu’elle réalise une fois de plus en peu de temps toute l’étendue de ce qu’elle a perdu.
Elle ne sait pas vraiment comment prendre ce qu’il lui dit ensuite, et elle pince de nouveau les lèvres. Elle est mal à l’aise en fin de compte, elle ne sait pas comment s’y prendre avec lui. Elle a l’impression qu’à tout moment, elle peut marcher sur une mine et que tout peut exploser. Ca lui fait peur et ça l’empêche d’être naturel. Elle a presque l’impression d’être avec un étranger, alors qu’ils ont quand même partagé beaucoup de choses. Pourtant, ce soir, elle a aussi l’impression d’avoir fait un grand pas en avant avec lui. C’est paradoxal, et elle ne sait vraiment pas sur quel pied danser. « On peut rester si tu veux, c’est toi qui conduit de toute façon. J’appellerai le boulot demain matin. » Elle n’a pas d’autre choix que de le suivre, à moins de rentrer en train ou de prendre le bus, et elle n’en a pas très envie bizarrement. « On pourra trouver des chambres, il y a un hôtel pas très loin. Ou j’avais pas prévu d’aller la voir, mais il y a de la place chez ma tante, elle dira pas non. » Ou ils peuvent très bien dormir dans la voiture, en dernier recours. Quoi qu’il en soit, Poppy leur commande deux nouveaux verres, comme ils restent là cette nuit. Plus aucune raison de se priver. « Est ce que... » Elle commence, puis s’arrête. Maintenant qu’ils sont partis à parler de choses douloureuses, pourquoi ne pas continuer ? Mais elle n’a pas envie de leur faire faire machine arrière une fois de plus. « Est ce que tu penses réussir à me pardonner un jour ? Pas forcément maintenant, mais un jour, plus tard. » Dans dix, quinze ans s’il le faut, elle est prête à attendre. Mais c’est important pour elle de savoir s’ils pourront au moins redevenir amis un jour.

Warner n’avait pas pris assez de verres pour la conversation qu’ils avaient maintenant. Il savait qu’il avait été à l’origine de cette conversation mais ça ne la rendait pas plus facile pour autant; Et puis, en toute honnêteté, en demandant à Eliza comment elle avait fait pour se sentir mieux, il ne pensait pas s’engager à ce point-là sur ce terrain-là. Lui dire à quel point il tenait à elle à l’époque et lui avouer qu’il n’avait pas été capable d’avoir une vraie relation sérieuse depuis, ce n’était pas vraiment prévu au programme à l’origine. Elle ne devait pas avoir prévu les choses comme ça non plus du reste. Mais bon, peut-être qu’ils avaient besoin de ça, peut-être qu’il était important qu’ils aient une bonne fois pour toutes cette conversation.

Cependant, Warner n’était pas sûr d’être de taille à en plus affronter la route maintenant. Il avait bien besoin d’un verre supplémentaire et même s’il ne comptait pas finir la soirée bourré, il savait que ce n’était pas raisonnable de reprendre le volant après. Il demanda donc à Eliza si elle avait vraiment besoin d’être rentrée pour demain. Lui pouvait facilement s’arranger mais il imaginait que ce n’était peut-être pas son cas à elle. “Tu es sûre ? Je ne veux pas te cause de problèmes vis à vis du boulot.” Au pire, il pouvait toujours rester là et s’arranger pour lui trouver de quoi rentrer à elle. Il avait juste peur qu’elle le prenne mal si il faisait ça à cause de l’importance qu’elle attachait à ne rien devoir à personne et particulièrement à lui, ou encore parce qu’elle croirait peut-être qu’il voulait se débarrasser d’elle, ce qui n’était pas le cas pour une fois. “Comme tu préfères, je ne sais pas ce qui est le mieux pour toi.” Pour lui, ça n’avait pas spécialement d’importance, tant qu’il avait quelque part pour dormir, il n’était pas tellement difficile. “Je suis désolé de t’imposer ça.” lui fit-il finalement savoir. Il aurait probablement dû se douter avant qu’il ne serait pas forcément en état de faire la route du retour mais il n’avait pas voulu y songer trop et il bouleversait probablement tout le programme d’Eliza maintenant. Après avoir commander de nouvelles boissons, la jeune femme lui posa à son tour une question. Elle dut s’y reprendre à plusieurs fois mais elle réussit finalement à poser à Warner une question qu’il se posait lui aussi souvent. Allait-il réussir à lui pardonner ? Il y avait songé longtemps d’abord parce qu’il pensait une telle chose impossible et ensuite parce que c’était devenu envisageable. “J’aimerais te répondre que oui.” dit-il après avoir gardé le silence à un moment. “Mais la vérité c’est que je n’en sais rien. Tu m’aurais demandé ça après la première fois qu’on s'est vu, ça aurait été non direct mais maintenant disons que… ça pourrait arriver éventuellement un jour.” Mais il ne savait pas quand parce que dans l'immédiat, sa colère contre elle était encore trop vive. “Je ne sais pas si c’est ce que tu voulais entendre…”

Nuit difficile en perspective : ils vont la passer ici en fin de compte. Elle ne sait pas encore où, ni comment, mais ça semble inévitable. Elle n’a pas le choix que de rester ici de toute façon, son seul moyen de locomotion c’est Warner, et il n’est pas en état de conduire pour le moment. Du coup, bien évidemment qu’elle est sûre que ça ne la dérange pas. Elle hoche la tête pour lui montrer. Trouver un train ou un bus qui part à cette heure-là sera compliqué, et elle préfère encore passer six heures dans une voiture avec Warner même s’ils n’ont rien à se dire plutôt que dans un train ou un bus. Ils trouveront bien un endroit ou passer la nuit, ce n’est pas un endroit si paumé non plus. La question qui se pose à présent, c’est l’endroit où dormir. Ils peuvent trouver un hôtel ou aller chez sa tante, faut voir ce que Warner préfère. « On va aller chez ma tante, j’ai pas les moyens de payer une nuit d’hôtel. » Peut-être que lui, oui, et au pire ils pouvaient dormir chacun de leur côté. Ou dormir à la belle étoile, c’est également une option, mais elle imagine que ce sera pas très agréable. La décision prise, elle sort son téléphone à sa tante pour la prévenir qu’ils vont passer la nuit chez elle. Bien sûr, elle ne dit pas non et elle tient même à leur faire à manger. « Par contre on peut pas lui dire qui tu es, ou pourquoi tu es venu, ce serait trop compliqué. » Sa tante connaissait toute l’histoire, mais Poppy préfère ne pas trop compliquer les choses pour un si court laps de temps. « Et c’est pas négociable. » Oui encore des mensonges, mais c’est trop compliqué sinon. Elle posera des questions gênantes et Poppy, elle a pas la force d’y répondre.
Ceci réglé, ils reprennent leur conversation. Une question lui brûle les lèvres, et elle a du mal à la poser. Parce qu’elle a peur de la réponse, et que si elle est négative, elle a pas forcément envie de savoir. A sa grande surprise, et à son grand soulagement surtout, elle n’est pas négative. Pas définitive non plus, mais pas négative et ça lui suffit. Peu importe si ce n’est pas ce qu’elle voulait entendre, il y a quand même de l’espoir. « Ce que je voulais c’était la vérité, et je l’ai eue. » Il est le premier à dire qu’il faut la vérité à tout prix, donc il faut l’assumer, peu importe si ça ne fait pas plaisir à entendre. « Par contre il va falloir qu’on se dépèche, ma tante nous attend pour manger du coup et je lui ai dit qu’on allait arriver. » ajoute-t-elle en lui lançant un regard désolé. Elle termine son verre d’une traite et se lève, attendant que Warner en fasse de même. Elle n’a pas envie de trop le bousculer, mais elle n’a pas le choix. Finalement, elle est contente d’aller voir sa tante. Elle se dit que ça empêchera le malaise de trop s’installer entre eux cette nuit.

Warner avait quand même quelque peu l’impression de déranger Eliza en décidant de rester ici mais le jeune homme n’était pas capable de rentrer dans l’immédiat. Par contre, il n’était pas difficile. Il se moquait bien d’où ils allaient dormir. Cela pouvait être à l’hôtel comme chez la tante de la jeune femme, ça lui était égal. Pour ce que ça valait, il pouvait même dormir dans la voiture, ça n’avait pas d’importance. Eliza trancha en disant qu’ils allaient dormir chez sa tante, invoquant des raisons financières. “Je ne comptais pas te laisser payer ta chambre, c’est moi qui t’imposait de rester alors bon.” Il haussa les épaules. Ce n’était pas très important de toute façon, il l’avait bien dit, il se moquait d’où ils dormaient. En revanche, il tiqua un peu quand Eliza mentionna le fait qu’il ne fallait pas dire qui il était, ni pourquoi il était venu. Il y avait décidément toujours des choses qui ne changeaient pas avec elle. Il n’avait pas le droit de négocier sur ça apparemment, mais il imaginait qu’il avait quand même le droit de dire ce qu’il pensait de ça ? Ou c’était interdit aussi ? “Mais oui bien sûr, pourquoi s’embêter à dire la vérité après tout ?” Elle le fatiguait, cette habitude qu’elle avait à toujours vouloir cacher des choses, lui était assez insupportable pour être honnête. Heureusement qu’il avait le droit à un autre verre pour le coup.

Malgré son agacement, et l’alcool aidant probablement, ils reprirent quand même la conversation là où ils l’avaient laissé et Eliza demanda à Warner s’il pourrait la pardonner un jour. Ce n’était malheureusement pas une question à laquelle il pouvait répondre pour le moment. Au début, il pensait que c’était impossible mais maintenant c’était tombé dans le domaine de l’envisageable. Enfin, il ne l’ajouta pas mais en toute honnêteté, même s’il réussissait à la pardonner, il faudrait sûrement une éternité avant qu’il soit capable d’avoir ne serait-ce qu’un peu confiance en elle. Il eut à peine le temps de boire son verre avant que la jeune femme ne décide qu’il était temps qu’ils aillent chez sa tante. Warner n’était plus vraiment partant pour ça, déjà parce qu’il n’avait pas tellement faim et ensuite parce qu’il n’était pas ravi à l’idée de devoir mentir toute la soirée juste parce qu’Eliza en avait décidé ainsi. Il termina son verre rapidement et se redressa pour la suivre. “Soit, allons-y alors.” dit-il sans aucun entrain. “Elle habite loin ta tante ?” Il espérait parce qu’il fallait qu’il se prépare un minimum mentalement. Pourquoi n’avait-il pas décidé de dormir dans la voiture ? "Et du coup, je suis censé être qui, dis-moi tout ?" Si elle voulait qu'il mente, la moindre des choses étaient qu'elle trouve les mensonges pour lui.