right in the feels /warner

C’est dur mais ça lui fait un bien fou. Elle se sent déjà plus légère, plus forte aussi. Plus en phase avec Warner, définitivement. C’est exactement ce qu’il leur fallait, une discussion honnête et sans détours, sans mensonges. Bien sûr, ça la fait presque pleurer, mais il lui en faut plus pour l’arrêter, Poppy. Elle se frotte rapidement les yeux pour repousser les larmes qu’elle sent venir, elle n’a pas envie de se mettre à pleurer, elle se sentirait trop stupide si ça arrivait. Elle n’a pas envie qu’il croit qu’elle essaye de l’attendrir. Quand il lui fait savoir qu’il ne voulait pas la rendre triste, elle a un petit sourire. « C’est pas toi. » C’est un tout, et elle en est la seule responsable. Ca ne sert à rien d’énumérer toutes les raisons qui font que, mais c’est à elle-même qu’elle doit s’en prendre et à personne d’autre. Puis c’est elle qui a posé la question. Heureusement, ils passent très vite à autre chose. Quelque chose qui va leur permettre de partir sur de nouvelles bases, dieu sait à quel point ils en ont besoin. Ca ne va pas tout arranger miraculeusement, mais ce sera un bon point de départ. Et le plus étonnant, c’est que c’est Warner qui a proposé ça. A croire qu’il a vraiment envie qu’ils restent dans la vie l’un de l’autre, malgré tout. Dans ces conditions, s’ils continuent d’essayer et n’abandonnent pas au premier accroc, elle est prête à se lancer là-dedans avec lui. Il faut juste qu’il s’y tienne parce qu’elle, elle est prête à faire tous les efforts possibles. Quelques minutes plus tôt, elle n’en était pas si sûre, mais à présent, elle a vraiment envie d’essayer. Non, elle en a besoin. « Oui, c’est vrai. » Là encore, elle a un léger sourire lorsqu’il lui fait une remarque sur son ‘dédoublement de personnalité’. C’est un peu ça, même si au fond Eliza est toujours un peu présente en elle. Elle sera pour toujours un mélange de ses deux personnalités. « Tu rigoles mais j’avais vraiment besoin d’une coupure nette avec tout ça. Enfin… une coupure encore plus nette. » Parce que partir loin de tout ce qu’elle avait connu sans donner de nouvelle à personne, c’était déjà pas mal comme coupure. « Poppy elle aime... » commence-t-elle en affichant une moue pensive, lèvres légèrement pincées. C’est difficile au fond de faire le tri entre Eliza et Poppy, entre ce que sait Warner ou non. « Poppy aime chanter, et elle le fait plutôt bien. » Elle secoue la tête. « Pardon, c’est pas possible de parler de moi à la troisième personne. Mais oui, c’est principalement ça qui me fait vivre, pas dans le sens qui m’aide à subvenir à mes besoins, mais c’est pour ça que je me lève le matin en tout cas. » Elle chantait déjà à l’époque, mais pas autant. Et pas avec autant de passion. « Et Warner, il fait quoi quand il ne travaille pas ? A part haïr la bière, s’entend. »

Apparemment, le tournant qu’avait prit la conversation avait rendu Eliza triste. Warner n’était pas dupe, il l’avait bien vu se frotter, il se doutait que c’est parce qu’elle ne devait pas être très loin de pleurer. Néanmoins, il n’était pas très à l’aise et ne savait pas vraiment quoi dire ni faire face à ça, il lui fit alors simplement savoir qu’il n’avait pas voulu la rendre triste. Elle lui répondit que ce n’était pas lui mais Warner n’était pas tellement sûr, il devait au moins avoir une petite part de responsabilité là-dedans. Peut-être qu’elle se sentirait un peu mieux en sachant qu’il n’était pas contre l’idée de faire connaissance avec la nouvelle elle, enfin avec Poppy. Même s’il trouvait la manière dont la jeune femme formulait les choses un peu inquiétante, comme si elle souffrait d’un dédoublement de la personnalité. Il savait bien faire que ce n’était pas le cas, mais il avait fait la remarque pour détendre un peu l’atmosphère. Elle lui expliqua qu’elle avait besoin d’une coupure nette du genre, encore plus nette que de traverser l’océan et de tout laisser derrière elle. Il haussa les épaules, il imaginait qu’il pouvait comprendre. En tout cas, ça ne lui disait pas comment Poppy était. C’est pour ça qu’il lui demanda ce qu’elle aimait sinon et il fut heureux de voir qu’elle répondait à sa question. Il eut un sourire amusé en l’entendant cela dit. “Tu n’étais pas non plus obligé de répondre à la troisième personne tu sais. Et chanter c’est tout ?” demanda-t-il alors. “Enfin, c’est très bien que tu aimes ça mais il doit bien y avoir d’autres choses dans ta vie chanter.” Ou si c’était le cas, elle avait vraiment besoin de peu dans la vie. Il réfléchit ensuite à la question qu’elle venait de lui poser. “Haïr la bière me prend beaucoup de temps mine de rien.” commença-t-il par dire d’un ton amusé. “Mais sinon, je fais de l’escalade, assez souvent. Je sors aussi, il y a plein de choses à faire dans une ville comme New-York c’est dingue. Et sinon, je fais des choses normales quoi et pas intéressantes.” Il haussa les épaules. “Rien de ce que j’ai dit n’était très passionnant.”

Déterminés à repartir sur de bonnes bases, Warner et Poppy vont faire connaissance. A nouveau. C’est Warner qui ouvre les hostilités en lui posant la première question : qu’est ce que la nouvelle elle aime faire de sa vie ? C’est une question qui a une réponse toute trouvée, une réponse évidente parce que c’est quasiment sa seule raison d’être. Un peu moins en ce moment, mais pendant sept ans, chanter l’a beaucoup aidée. « C’est déjà pas mal non ? Ca prend beaucoup de temps, plus qu’on ne peut croire. » Surtout qu’elle ne fait pas que chanter, elle joue aussi de la guitare. Du violon, aussi, mais dans une moindre mesure. Et le piano, mais ça, c’était plus ses parents qui l’avaient voulu. « Je travaille beaucoup tu sais, je n’ai pas beaucoup de temps libre, alors dès que je peux, j’essaye de chanter. J’ai prévu d’entrer à Juilliard. » C’est un de ses premiers objectifs, mais pour le moment, elle n’a pas assez d’argent. Puis elle a un peu peur de se lancer, les auditions sont quand même difficiles... Même si beaucoup de personnes lui disent qu’elle est douée, elle n’est jamais rassurée sur une chose qui lui tient tant à coeur. Mais bon, pour ça, il faut aussi du temps libre pour s'entraîner. Elle a trop besoin d’argent, elle est passée du tout au tout en quittant le monde doré de sa famille pour venir s’enterrer - selon leurs dires, revivre selon les siens - dans une petite ville du Maine. « Sinon comme toute personne normale je sors un peu, y’a des boites et des bars pas mal à Williamsburg. » Elle imagine qu’il les connaît. Mais en fait, elle ne sait pas ce qu’il peut bien faire de son temps libre, alors elle lui retourne la question. Ca l’intéresse de voir s’ils ont toujours autant de choses en commun. « De l’escalade hein ? C’est drôle, mais j’en ai jamais fait. » Peut-être un jour, pourquoi pas. Il y a tellement de choses qu’elle a envie d’essayer qu’une vie entière ne suffirait pas pour tout faire. Elle hausse les épaules quand il s’excuse presque de ne pas lui avoir offert de réponse plus passionnante. « Pouvoir vivre une vie normale, comme on le souhaite, sans personne pour te mettre la pression ou te dire ce que tu as le droit de faire ou de ne pas faire… je trouve ça plutôt chouette moi. Peut-être pas passionnant, mais si c’est ce que tu aimes faire c’est ce qui compte. » Il n’y a personne à impressionner ici, ce soir. Juste elle. Il n’a pas besoin de la convaincre de l’apprécier, c’est déjà le cas en quelque sorte. « Et tu fais ça tout seul ? » Par là, elle veut savoir s’il a des amis, ou plus si affinités hein. Pas qu’elle soit jalouse, juste curieuse. C’est important pour elle qu’il ait des personnes sur qui compter.

C’était une nouvelle ère qui venait de commencer. La nouvelle Eliza alias Poppy et le nouveau Warner qui n’avait pas d’autre nom plus cool, essayaient d’avoir une conversation civilisée et d’apprendre à se connaître. Pour l’instant, ça marchait plutôt bien. Warner avait demandé à Poppy ce qu’elle aimait faire dans la vie et celle-ci lui avait répondu qu’elle aimait bien chanter. Bien sûr, c’était déjà pas mal, elle avait raison. Mais il aurait pensé qu’elle aimait plus qu’une seule chose dans sa vie. “Julliard vraiment ? Mais c’est super ça !” s’exclama-t-il alors. “Quand est-ce que tu as prévu de poser ta candidature ?” demanda-t-il ensuite curieux. Elle ajouta qu’il lui arrivait de sortir à elle aussi, elle lui apprit qu’il y avait des boîtes et des bars à Williamsburg, c’était rassurant de savoir qu’elle aussi faisait des choses normales du genre, autre que chanter et travailler. Il parla à son tour de lui et évoqua le fait qu’il aimait faire de l’escalade. “C’est dur mais c’est sympa. Tu devrais essayer un jour si t’as l’occasion.” Il était sûr que ça pourrait lui plaire mais bon, il n’avait pas l’impression qu’elle ait beaucoup de temps. Elle partit sur un laïus au sujet de la vie normale après qui amusa beaucoup Warner. En tout cas, il se retrouvait effectivement très bien dans ses propos. Il vivait une vie normale depuis qu’il avait compris que rien de ce qu’il ferait ne serait jamais assez bien aux yeux de ses parents, bien avant d’emménager à New-York. Ca lui avait effectivement rendu la vie, bien plus simple tout ça. Finalement, elle lui demanda s’il faisait tout ça tout seul. Tout ça quoi ? C’était une bonne question. “Euh, j’ai des amis ? Enfin quelques uns, j’ai eu un peu de mal en arrivant ici, je t’avouerais.” Mais il avait commencé à vraiment se faire à sa vie ici et à l’apprécier. “J’ai une colocataire aussi. Enfin, je ne sais pas si on peut vraiment appelé, c’est plus genre une squatteuse.” Dans la mesure, où il ne lui faisait pas payer de loyer c’était sûrement le terme le plus approprié. “J’avais le choix entre ça et reprendre un autre chien ici et j’ai choisi ça.” Il regrettait un peu parfois, un chien demandait finalement beaucoup moins d’attention et de travail que Kara. “Elle veut que je me mette à la cuisine d’ailleurs, parce que les gens normaux cuisinent je le sais bien. Mais je n’en suis pas encore à ce point-là de normalité encore.”

Si elle ne pouvait plus faire qu’une seule chose pour le reste de sa vie, ce serait chanter. C’est pas pour rien qu’elle veut essayer d’en vivre. Elle sait que ça n’arrivera jamais, mais elle veut au moins se dire qu’elle a essayé. Et même si elle n’arrive pas à en vivre à proprement parler, elle sait qu’elle n’arrêtera jamais, au moins pour le plaisir. Déjà, elle va tout faire pour entrer à Juilliard. Le temps passe vite, et elle a un peu peur de se lancer. Mais un jour, il sera trop tard, et elle pourra ajouter un nouveau regret à sa liste. Naturellement, elle n’est pas à l’aise quand il lui demande quand elle a prévu de postuler, et elle se mord légèrement la lèvre avant de lui répondre. « Hum, un jour. Bientôt. » Quand elle aura trouvé le courage et de quoi payer les frais de scolarité. « C’est un peu improbable, mais un jour j’essayerais. » Pour le coup, elle ne sait pas si elle dit ça pour essayer de s’en convaincre ou se donner du courage, ou parce qu’elle y croit vraiment. Elle préfère nettement quand la conversation dévie sur les hobbies de Warner. C’est plus intéressant, et moins effrayant pour elle. « Oui ça me plairait bien d’essayer. » répond-elle alors qu’il lui assure qu’elle aimerait l’escalade. « Tu serais prêt à m’apprendre ? » C’est ce que les amis font, non ? Du sport, des activités sympa ensemble ? Parce que pour le coup, essayer d’être son amie, ça marche dans ce qu’ils essayent de faire, non ? Ré-apprendre à se connaître, tout ça. Mais peut-être qu’il a bien assez d’amis et qu’il n’en a pas besoin d’une de plus. Ou que son planning est trop chargé pour qu’il lui accorde du temps. Elle pourrait le comprendre, tout ça, il n’y a pas de problème. Mais elle est curieuse de savoir s’il y a quelqu’un qui compte un minimum dans sa vie. Et elle veut savoir ça en tout bien tout honneur évidemment. « Une colocataire qui loge gratuitement hein ? Contente de voir que t’es toujours aussi gentil et généreux. » Il n’y a des choses qui ne changent pas malgré le temps qui passe. Et la gentillesse de Warner est l’un de ses traits le plus caractéristique. Quelque chose qu’elle apprécie énormément chez lui. « Un chien ça aurait pu être bien aussi, mais t’as l’air d’avoir bien assez de boulot avec ta squatteuse. Surtout si elle veut que tu te mettes à la cuisine… Si ça peut te rassurer, les gens normaux commandent aussi beaucoup à emporter. » Se faire livrer a un coût, certes, mais parfois ça sauve grandement la vie.

Warner trouvait que c’était une bonne chose que Poppy veuille entrer à Julliard si chanter était aussi important pour elle. Il ne doutait pas qu’elle pourrait s’y épanouir. Il se demandait juste quand est-ce qu’elle allait tenter d’y entrer du coup, parce qu’elle n’avait précisé aucune date. Apparemment, il avait posé une question piège parce qu’elle n’avait pas l’air de savoir elle-même. “Un jour, c’est très vague tu sais.” lui fit-il savoir. “Mais je ne vois pas ce qu’il y a d’improbable, qu’est-ce qui te bloque ?” A l’exception de l’argent bien sûr, parce qu’il avait bien compris qu’elle ne roulait pas sur l’or mais il n’avait pas l’impression que ce soit là le seul problème. La conversation dévia sur ses hobbies à lui et il mentionna le fait qu’il faisait de l’escalade. Il était sûr que c’est le genre d’activité qui pourrait plaire à la jeune femme en plus et elle lui demanda s’il était prêt à lui apprendre. Pour le coup, Warner était un peu dérouté par cette question mais il essaya de ne pas trop lui montrer. “Euh oui, bien sûr, si t’as envie.” répondit-il après quelques secondes. “Mais je ne suis pas sûre d’être un très bon professeur, enfin tu verras bien par toi-même…” Il avait essayé avec Olivia et il n’avait pas eu l’impression que la séance était une réussite peut-être parce qu’il n’avait absolument pas réussi à avoir les bons mots pour la rassurer pendant la séance. Après l’escalade, Warner mentionna sa colocataire qui prenait de la place et qui en plus ne payait pas. “Ouais j’imagine. Ou stupide au choix, je ne sais pas.” Après tout, il lui avait proposé une chambre après qu’elle ait essayé de le voler, elle aurait aussi bien pu le dépouiller de tous ses meubles après, il avait pris une décision assez risqué. “J’ai déjà un chien en fait. Enfin, en angleterre, je ne l’ai pas pris avec moi ici, il est habitué à avoir un jardin et tout, ça aurait été compliqué ici.” Il haussa les épaules. Il était toujours aussi désolé de n’avoir pas pu le prendre. Après, il savait qu’il n’était pas malheureux chez sa soeur, loin de là. “Je lui ai dit ça. Mais elle a eu l’air de dire que les gens normaux faisaient des économies en faisant par eux-même de temps en temps et que ça coûtait plus cher de toujours acheter tout fait.” Et ça avait du sens, il n’était juste pas d’accord avec ça. “Tu sais quoi, si jamais j’arrive à cuisiner un jour, je te ferais goûter, tu pourras être honorée.” Ou inquiète au choix. Oui, c’était sûrement la plus probable des réactions.

C’est quelque chose qui lui tient tellement à coeur, Juilliard, qu’elle n’est pas très à l’aise quand ils en parlent. Et c’est surtout que ça lui fait peur. Si ça, ça ne marche pas, qu’est-ce qu’il lui restera au juste ? A part des regrets, elle n’en sait rien. Du coup, elle n’ose pas se lancer, même si elle sait qu’elle a toutes ses chances. Soit Warner a compris que c’est un sujet tendu et il aime la torturer avec, soit il n’y a vu que du feu à son malaise. « Si j’y arrive pas, je sais pas ce qu’il me reste et ça me fait très peur. » Quand elle s’est retrouvée sans personne à part sa tante, elle a dû se raccrocher à quelque chose et ce quelque chose, c’est le chant. Si elle n’a plus ça… Elle n’a plus rien à nouveau. Il y a des gens dont elle est proche mais… c’est pas pareil. Et se retrouver seule à nouveau, ça lui fout une trouille terrible. Pour se redonner un peu de contenance, elle hausse les épaules, comme si de rien n’était. Elle préfère nettement parler de lui. Par exemple, il va l’emmener faire de l’escalade. Enfin, il a dit que ça ne le dérangerait pas de lui apprendre, et elle le prend au mot. « Tu dis pas ça parce que t’as envie de te défiler hein ? » Elle le taquine, elle ne peut pas le forcer s’il n’a pas envie, il a peut-être accepté juste pour être gentil. Parce qu’il est gentil au fond, c’est ce qui le caractérise le plus à ses yeux. Trop gentil parfois. Peut-être pas stupide comme il le dit, mais trop gentil, définitivement. « T’es loin d’être stupide Warner. » Elle ne sait même pas comment il peut penser une chose pareille. Il est beaucoup de choses, mais pas ça. Il lui parle ensuite de son chien, et même si elle ne voit pas trop quoi répondre à ça, elle est un peu triste pour lui, qu’il ait dû le laisser en Angleterre. Elle imagine qu’il est bien traité mais bon, ça ne doit pas être facile pour lui quand même. « C’est une promesse ? » demande-t-elle quand il lui propose d’être son cobaye, en quelque sorte, quand il réussira ses expériences culinaires. Ou pensera avoir réussi en tout cas, vu qu’elle sera son cobaye? « Ce sera avec plaisir, mais au pire, peu importe ce que tout le monde dit, si t’as pas envie de cuisiner, qu’est ce que ça peut faire hein ? » Elle hausse les épaules. Elle n’aime pas spécialement cuisiner non plus et elle s’en sort très bien comme ça. Une nouvelle question lui vient à l’esprit, et elle hésite un peu avant de la lui poser. « Qu’est ce que… Qu’est ce que tu as fait quand tu as réalisé que j’étais partie ? » Loin d’elle l’idée de le forcer à se replonger dans des souvenirs douloureux, mais elle veut justement savoir si ça n’a pas été trop dur pour lui.

Poppy n’avait pas l’air vraiment sûre de quand elle allait essayer d’entrer à Julliard, Warner se demandait même si elle allait vraiment essayer un jour. Quelque chose avait l’air de la bloquer mais il ne voyait juste pas quoi. Alors il lui posa la question, pas parce qu’il voulait la torturer mais parce qu’il voulait essayer de la comprendre. “Tu ne peux pas laisser la peur de te bloquer. Et si tu n’y arrives pas alors ? Ca ne voudra pas dire que tu ne sais pas chanter ou que tu n’es pas faites pour la musique, tu pourras toujours essayer d’y arriver d’une manière. Mais au moins, tu ne serais pas restée juste à attendre.” Il n’essayait pas de lui faire la leçon là, il voulait juste essayer de l’encourager ou un truc comme ça. Mais il n’était pas le plus doué pour les discours d’encouragement, il l’avait déjà remarqué quand il avait essayé de donner une leçon d’escalade à Olivia. C’est pour ça qu’il préférait prévenir Poppy dès le début sur le fait qu’il n’était pas un super professeur, loin de là. “Non pas du tout. Je dis juste ça pour que tu sois prévenue.” Et qu’elle ne s’étonne pas si elle se mettait à paniquer sur son mur d’escalade et qu’il ne trouvait rien de mieux à lui dire que le fait que lui aussi avait paniqué la première fois et était même tombé. Ou un autre truc dans ce genre-là. De l’escalade ils passèrent à un autre sujet, Kara. Poppy le trouvait gentil et généreux parce qu’il l'hébergeait gratuitement quand lui aurait plutôt utilisé le qualificatif de stupide. Elle lui fit savoir qu’il ne l’était pas, en tout cas pas pour elle mais Warner n’était toujours pas convaincu. Il préféra donc aborder la question de la cuisine qui était bien plus simple et il fit savoir à la jeune femme qu’il lui ferait goûter son premier repas. “C’est une promesse oui. Tu vas peut-être le regretter tu sais.” Il laissa échapper un petit rire. “Mais si, j’ai bien envie d’essayer quand même, juste voir que ce que ça donne et si je décide que j’aime pas bah tant pis.” Il haussa les épaules. La question que lui posa ensuite la jeune femme était loin d’être aussi facile. Il n’en était apparemment plus à faire connaissance puisqu’elle lui demanda ce qu’il avait fait quand il avait compris qu’elle était partie. Il s’avançait là sur une pente dangereuse car avec ce genre de questions, il lui serait difficile de répondre en ne montrant aucun reproche. Elle devait avoir confiance de ça. “Qu’est-ce que j’ai fait ? Et bah pas grand-chose. Il n’y avait pas grand-chose que je pouvais y faire. Je suis devenu passablement désagréable avec les gens de mon entourage car j’étais en colère et qu’ils étaient les seuls présents donc c’est sur eux que je me défoulais.” Logique, non ? Pas vraiment mais c’est comme ça qu’il avait toujours procédé. “Ils ont laissé passé un temps mais j’ai fini par avoir un gros accrochage avec ma soeur. Je pense que c’est la pire dispute que j’ai eu avec quelqu’un.” Il prit un air songeur. “Enfin ça l’était en tout cas jusqu’à ce que je te retrouve.” Oui, parce que là, Poppy avait eu la chance de remporter la palme. “Je t’ai cherché un peu aussi mais sans succès et je me suis vite lassé.” C’était comme chercher une aiguille dans une botte de foin. “Ca faisait longtemps que j’avais arrêté de te chercher quand je t’ai retrouvé tu sais. C’était un total fruit du hasard et il m’a fallu un moment pour vraiment me décider à venir te voir.”

Elle apprécie vraiment ce que Warner essaye de faire. Il n’est pas en train de la juger, il essaye juste de l’encourager. C’est un bel effort, et c’est très gentil de sa part. Rien ne l’oblige à dire tout ça, ou même à croire en elle. Mais c’est un peur dur d’y croire, là. Elle soupire d’ailleurs, puis finit par hausser les épaules. « Non, je sais que je sais chanter. C’est juste que c’est très difficile de percer, même une école comme Juilliard ne donne aucune garantie. Souvent je me dis que faire tous ces efforts pour rien, c’est pas réaliste. Que je devrais viser plus bas pour pas perdre mon temps ou mon argent. Que je n’ai pas. » Même ça, il a réussi à lui faire remettre en question, alors que ça a toujours été une de ses seules certitudes. Elle veut faire ça, elle veut réussir dans ce domaine. Mais plus ça avance, plus elle se rend compte que ça ne va pas arriver facilement. Qu’elle va devoir faire des sacrifices et qu’au fond, elle ne sait pas si elle prête à se jeter là-dedans. Elle préfère parler d’autre chose, et en ré-apprenant à connaître Warner, ils en viennent à se mettre d’accord pour qu’il l’emmène essayer l’escalade et lui prépare un dîner maison. Ca lui réchauffe un peu le coeur d’avoir ces garanties-là, qui lui prouvent qu’ils vont vraiment essayer. Elle sent qu’il est plus ouvert, elle a déjà moins peur de faire un faux pas. Mais elle prend quand même un risque quand elle dévie légèrement de ce qu’ils avaient dit qu’ils feraient : elle lui pose une question personnelle, qui pourrait réveiller sa colère. Elle a bien conscience que ce ne sera pas évident, mais elle est prête à accepter tout ce qu’il va dire. Elle ne commet même pas l’affront de baisser le regard quand il lui explique tout ce qu’il a fait quand il a réalisé qu’elle était partie. Dire qu’il n’a pas passé de bons moments est un euphémisme. Il est allé jusqu’à s’embrouiller avec ses proches qui n’y étaient pour rien. Mais elle imagine que c’est normal, l’objet de sa détresse, de sa colère étant introuvable… Elle s’en veut terriblement sur le coup, mais il sait déjà qu’elle est désolée. Et qu’elle soit désolée ne changera absolument rien, elle le sait pertinemment. « Ils ne t’en ont pas tenu rigueur ? » Parce que bon, c’était quand même elle la responsable. Pas lui. Lui, il n’avait absolument rien demandé, au contraire. « Je sais que… tu m’as dit que t’as pas eu de relation sérieuse depuis, et je me doute que c’est de ma faute mais c’est parce que t’avais des problèmes de confiance ou peur qu’une femme t’abandonne encore ou c’est parce que t’as jamais réussi à passer à autre chose ? » Clairement, elle n’est plus dans l’optique d’apprendre à le connaître. Avant de repartir à zéro, il faut qu’ils puissent tout mettre derrière eux. Que tout soit réglé. Enfin, Poppy le souhaite. Histoire que rien ne les retienne d’avancer. Et elle a conscience d’être un peu trop directe, mais elle veut savoir; elle a besoin de savoir. Elle espère juste qu’il ne lui en voudra pas de lui demander ça, ou de ne pas faire ce sur quoi ils se sont mis d’accord juste avant.

Warner comprenait que Poppy puisse avoir peur d’essayer d’entrer à Julliard mais il ne pensait pas qu’il fallait qu’elle laisse sa peur l’arrêter. Oui, bien sûr il y avait des risques qu’elle ne soit pas prise mais il y avait toujours des risques, il fallait juste savoir les prendre et honnêtement, il pensait qu’elle était plutôt du genre à les prendre. Il essaya de l’encourager du mieux qu’il le pouvait, cherchant les mots qu’il fallait, pas sûr d’y arriver pour autant. “C’est bien d’avoir des rêves aussi et d’essayer de tout faire pour les atteindre. Et puis qui te dit que tu n’y arriveras pas, tu n’en sais rien ? Ca pourrait aussi bien marcher. Ca marche bien pour certaines personnes.” Peut-être que Poppy ferait partie des chanceux pour qui ça irait. Parce que sur ce plan là, Warner pensait effectivement qu’il était plus de chance que de talent pour réussir.

Le tournant plus léger qu’avait pris la conversation cessa lorsque Poppy lui demanda ce qu’il avait fait quand il s’était rendu compte qu’elle était partie. Le fait était que même s’il essayait de ne pas avoir l’air trop amer ni rien, il devait évoquer une période pas facile de sa vie, des mauvais moments dont elle était responsable. Il réussit néanmoins à évoquer les faits assez sans trop de difficultés, expliquant qu’il n’avait pas été facile à vivre pour son entourage et que ça avait engendré une assez grosse dispute. La jeune femme voulut alors savoir s’ils ne lui en avaient pas tenu rigueur. “Non pas vraiment. Au début, un peu mais je me suis rattrapé aussi bien que j’ai pu donc ils ont fini par me pardonner. Pour la plupart en tout cas.” Ses parents ne lui avait pas tellement pardonné mais c’était en grande partie dû au fait qu’il avait décidé d’arrêter de tout faire pour leur plaire et qu’il s’était lancé dans le journalisme qu’ils jugeaient indignes. Rien à voir avec la période qu’il avait traversé après le départ de la jeune femme donc. En tout cas, Poppy semblait décidé à continuer avec les questions gênantes parce qu’elle voulait maintenant savoir pourquoi il n’avait pas eu de relations sérieuses depuis. Pour le coup, Warner regrettait de lui avoir donné cette information, il avait été un peu trop loin dans la confidence pour le coup. “Ni l’un ni l’autre. Ou un peu des deux. Je ne sais pas trop.” Cette réponse était d’une clarté monstre évidemment. “Quand je dis rien de sérieux, j’ai eu d’autres petites amies hein, c’est juste que ça n’a jamais duré vraiment longtemps et qu’elles n’ont pas vraiment compté pour moi.” En tout cas pas comme Poppy avait compté. “A tout le monde, j’avais l’habitude de dire qu’elles n’étaient juste pas assez biens et qu’il y avait toujours un truc qui clochait mais oui, je pense que je n’ai jamais vraiment réussi à passer à autre chose.” Il avait pourtant beaucoup prétendu le contraire. “C’est un peu pathétique je sais.”