blake&solal - eye of the tiger

Moi qui voulais avoir une soirée tranquille, je suis servi. Je pense que Blake espérait aussi que la suite de notre soirée se déroule normalement. Après avoir brièvement parlé politique avec Blake, nous sommes confrontés à l’escalade du côté de notre bande de potes préférée. Entre une discussion sur le président Trump et arrêter une bagarre… j’ignore quel est le pire. De là à faire un lien entre notre discussion et la pseudo bagarre entre les abrutis du bar, c’est vite fait et je ne le ferai pas. J’habite à New York depuis trop longtemps pour généraliser la population Américaine et mettre tout le monde dans le même panier. Quand la situation empire au comptoir, les gens commencent à s’agiter. Certains essaient d’aider, d’autres essaient de se mettre en sécurité, ce que je peux comprendre. Tout le monde ne fait pas de la boxe comme nous. Je sais que Blake veut aider aussi et après avoir échangé un dernier regard, nous allons aider le mec de la sécurité et l’autre personne qui essaie de maîtriser ce qui est en train de se passer. Les prochaines minutes sont un bordel sans nom. Blake et moi sommes bien au coeur de cette bagarre et même si notre avantage, c’est d’être relativement sobre, ça ne veut pas dire qu’on échappe à tous les coups. L’atmosphère s’échauffe petit-à-petit. Je reçois un coup dans le ventre et mon dos heurte le comptoir. Du coin de l’oeil, je vois Blake se prendre des coups aussi et des gars le poussent à côté de moi, contre le comptoir. Puis, le proprio se ramène et menace d’appeler la police. Je serre les dents et me baisse pour éviter un coup. La seconde d’après, je vois Blake se prendre un coup de tête et je le vois tituber. « Blake ! » Je veux me rapprocher de lui mais au moment où il charge un des gars, je me fais projeter en arrière. Dans ma chute, je heurte les tabourets. Je pousse un grognement en sentant la douleur dans mes côtes. Mais je dois réagir vite. Alors que le proprio répète sa menace. Le problème c’est que les gars de la bande ne veulent pas s’arrêter. L’un d’entre eux veut se jeter sur moi mais je saisis un tabouret qui allait tomber et le repousse grâce à lui. Je réussis à me remettre debout, non sans avoir reçu un coup dans la mâchoire. « Putain, mais arrêtez vos conneries ! » ai-je hurlé furieux aux mecs de la bande. L’un d’entre eux me regarde avec de grands yeux et commence à pousser ses potes vers la sortie. C’est bien de savoir qu’on a un allier chez eux mais j’ignore si ça sera suffisant. Le proprio réitère sa menace et ajoute même : « J’ai une arme dans mon bureau, je n’hésiterai pas à m’en servir ! » Je ne peux m’empêcher de lever les yeux au ciel en repensant à la discussion qu’on avait avant que tout ça ne se passe. Tandis que je pousse un des gars vers la sortie, le mec de la sécurité essaie de faire pareil. La douleur me cuit le flanc et la mâchoire. Je jette un coup d’oeil à Blake. La situation n’est vraiment pas facile. Beaucoup de clients doivent être partis, d’autres ne savent pas trop quoi faire et je sais aussi que d’autres sont sûrement en train de filmer. Le mec de la sécurité, la lèvre et le nez en sang répète la menace de la police, mais c’est compliqué de résonner avec des mecs bourrés. Mais le point positif c’est qu’on arriver à mener plusieurs d’entre eux vers la sortie du bar, histoire au moins d’éviter un coup de fusil de la part du proprio, même si c’était peut-être un coup de bluff.

Ça nous apprendra à vouloir donner un coup de main. Est-ce que je regrette alors que je tombe à moitié contre des tabourets en bois ? C'est possible, honnêtement. Mais c'est trop tard pour regretter. On est déjà bien dans la merde, non seulement parce qu'ils sont plus nombreux que Blake, le mec de la sécurité, l'autre client et moi mais aussi parce que le proprio veut appeler la police. Autant faire comme s'il l'avait déjà fait d'ailleurs. Génial. Je me débats contre les gars de la bande tout en m'inquiétant pour Blake. Inquiète toi déjà pour toi, Devereaux. Je serre les dents alors qu'on essaie d'amener ces connards bourrés près de la sortie. L'un d'entre eux semble vouloir nous aider mais son état avancé d'ébriété ne nous aide pas du tout. À nouveau sur mes deux pieds, je recule vers la sortie, comme le videur. Malgré la douleur à ma mâchoire et à mon ventre, j'essaie de garder un maximum de lucidité. Grâce aux entraînements de boxe, j'y arrive sans trop de mal. En même temps, sans les entraînements en question, je ne serai pas en train de participer à cette bagarre. Je serais sûrement parti, en tout cas si une chose est certaine, je ne serais pas en train de filmer comme certains sont toujours en train de le faire. J'évite un nouveau coup. le proprio vient d'annoncer qu'il a une arme et qu'il n'hésiterait pas à s'en servir. J'ignore si c'est vraiment le cas, mais je ne veux pas le découvrir. Essoufflé, je recule encore et vois Blake commencer à faire la même chose que nous. Le troisième client qui nous a aidés essaie aussi de faire pareil. On est tous un peu amochés. Avec une certaine surprise, je sens du sang s'écouler le long de mon menton. Blake est encore pire que moi avec le coup de tête qu'il s'est pris. Je soupire à l'idée d'être pris au milieu d'une baston de bar alors que c'est mon jour de congé. À un moment, je crois qu'on va finir par s'en sortir. On arrive au niveau de la sortie. Déjà, le proprio va arrêter avec ses menaces mais encore une fois... ça serait trop simple. Blake met en premier le pied dehors et je vois tout de suite la lumière des gyrophares. Et merde. « Stop, ne faites pas un pas de plus ! » lance un des policiers. Je serre les dents et me fige pendant quelques secondes. Bizarrement, l'apparition soudaine des forces de l'ordre ont calmé tout le monde, comme par magie. Maintenant, certains ont l'air d'être à deux doigts de se faire dessus. Pas faute de les avoir prévenus. « Les mains contre le mur ! » J'essaie de garder mon calme et de ne pas faire de mouvement brusque. « On faisait qu’aider … » tente Blake. Je vois le flic qui a l'air jeune pointer son arme sur mon ami. Il a l'air jeune, ce qui n'arrange rien. « J’ai dit : les mains contre le mur ! » La colère augmente mais encore une fois, je la maîtrise. On est à New York, ville remplie de gens de tous les horizons, mais en tant que noir et étranger, je ne vais pas tenter ma chance. Comme les autres, je vais pour obéir aux ordres en essayant de trouver une solution pour qu'on se sorte de cette merde, Blake, l'autre client et moi. « Attendez officier, je suis le videur de ce bar et ces trois-là essayaient juste de m'aider. » Il va rejoindre le proprio. Mon coeur bat à mille à l'heure. J'aimerais vraiment éviter d'avoir une trace de cette baston dans mon casier, surtout quand je voulais juste donner un coup de main. L'officier fronce les sourcils et nous regarde tous les trois tour à tour. « Vous êtes sûr ? Il vaudrait peut-être mieux que je les amène au poste quand même... » Je perds patience malgré moi. « Vous avez entendu ce qu'il vient de vous dire ? On voulait juste donner un coup de main. Je suis un videur aussi, je sais ce que c'est ce genre de soirée alors quand je peux aider... »  Mais je vois directement qu'il s'en fout. « Ça ne prouve rien. » Prends ça dans ta gueule, Solal. Je grogne à moitié. Ce type est con... ou prudent, ce qui est peut-être mieux vu son boulot. Le gars de la sécurité essuie son menton plein de sang. « Ils ont juste essayé de m'aider, officier. Qu'est-ce qu'il faut que je vous dise pour que vous ne les traitiez pas comme les autres abrutis qui sont là ? Il faut que je me porte garant, c'est ça ? » Il a fait un geste de main pour montrer la bande au grand complet qui a bien fermé sa gueule. L'officier nous regarde une dernière fois puis, par miracle, finit par hocher la tête. « D'accord. » Il nous fait un signe de tête. Avec Blake et l'autre personne, on s'éloigne du mur et nos mains reprennent sagement nos places près de notre corps. « Est-ce que ça va ? » ai-je demandé à Blake avant de remercier le mec de la sécurité de nous avoir sauvés sur ce coup là.

Autant dire que je regrette un peu d’avoir voulu donner un coup de main, dans toute cette histoire. À voir le comportement des flics, l’idée de passer la nuit en cellule me traverse l’esprit, enfin ça, c’est s’il n’y a aucun problème avec l’arme qui est pointée sur nous. Pardonnez-moi d’être parano, mais dans ce pays, on ne sait jamais. En tout cas, tout le monde est bien amochés grâce à la bande de connard qui a cru que c’était une bonne idée de jouer à Rocky en étant bourré. C’est parfait. Je fulmine à l’idée que Blake et moi pourrions passer toute la nuit au poste, seulement, un étranger noir qui s’énerve face aux flics… c’est juste pas une bonne idée. Alors j’assiste silencieusement à ce qui est en train de se passer. C’est comme regarder un train en percuter un autre sans pouvoir rien faire. Le soulagement que je ressens après avoir entendu le videur nous défendre est de courte durée quand je vois l’hésitation du flic. Je ne peux pas m’empêcher d’intervenir tout en essayant de maîtriser ma voix. Mais évidemment, le flic a encore besoin d’entendre le videur plutôt que de me croire. Bref, disons que tout ce qu’on va retenir, c’est le moment où il semble enfin comprendre les choses. Cette fois, je suis vraiment soulagée. Nous échangeons un regard avec le videur et je le remercie silencieusement. Alors que les forces de l’ordre vont s’occuper de la bande, je vais vers Blake, inquiet. J’ai encore l’image du coup de tête qu’il a reçu en tête. Je lui demande si ça va. « Mieux maintenant que je sais qu’on va pas aller au poste. » dit-il. Je hoche la tête. Bien trop conscient qu’on a échappé au pire. « C’est pas vraiment ce que j’avais en tête pour une soirée tranquille. » ai-je lancé. Je parle d’une façon générale, que ça soit pour la bagarre générale et le risque de finir au poste. « T’as une sale gueule. » Je le regarde, avec une esquisse de sourire, encore sous le coup de tout ce qui s’est passé. « Tu t’es pas regardé. » Je ne sais même pas où commencer quand j’essaie de répertorier les endroits où j’ai mal. Je regarde autour de nous. L’autre client qui nous a aidés a dû partir parce que je ne le vois plus et le proprio et son videur sont occupés avec la police. Je grimace en sentant une pointe de douleur au niveau de mes côtés. « On devrait peut-être aller à l’hosto ? T’as quand même reçu un putain de coup de tête. » Il pourrait avoir une commotion. Je sais que Blake est habitué à ce genre de chose, il est même sûrement capable de déterminer s’il a une commotion ou pas. Mais je dois avouer que je me sentirai mieux si on y allait. « On sort d’ici ? Ou on devrait probablement demander de la glace au proprio avant... » Mes côtes et ma mâchoire me font un mal de chien.

Le soulagement m’envahit quand les choses finissent par se calmer. Je dois avouer que j’éprouve une certaine satisfaction à voir la tête de ces crétins quand les forces de l’ordre débarquent et s’intéressent ensuite à eux de très près. C’est vraiment des crétins et ils ont un peu gâché notre soirée. Malgré la douleur qui se développe un peu partout dans mon corps, en particulier au niveau de mes côtes, je prends le temps de me concentrer sur Blake. J’ai morflé mais il a autant morflé que moi, voir plus parce que je l’ai vue prendre un coup de tête. Mais une chose à la fois : au moins on ne va pas finir en cellule ce soir. Malgré tout, c’est  loin d’être la soirée tranquille que j’avais imaginé. Blake rit, adossé contre le mur. Il a besoin d’un moment pour se remettre de ce qui s’est passé. « Moi non plus. La prochaine fois on se prend des bières et on va chez l’un ou chez l’autre. Tu sais quoi, on fera même un barbecue, ça sera nettement plus détente que notre soirée.  » répond Blake. Je hoche la tête, tenté par la perspective de faire un barbecue.  « Si tu proposes je suis partant. Au moins y aura pas des connards pour venir nous faire chier chez toi. » Sur le moment, je me dis que c’est nous qui sommes allés nous mêler à la baston de ce soir. Si on avait voulu être tranquilles, on ne l’aurait pas fait… Mais c’était assez compliqué de laisser le videur se démerder tout seule. Évidemment, je ne regrette pas mais c’est vrai que maintenant, Blake et moi avons une salle tête. Je grimace légèrement, la main sur mes côtes douloureuses. Je parle de l’hôpital à mon pote. On est tous les deux habitués aux coups, surtout lui mais ça n’empêche pas d’être prudent. « Dommage que j’ai pas la tête plus dure, j’aurais aimé qu’il se fasse un peu plus mal. Mais ouais, les urgences ce n’est pas une mauvaise idée. » répond Blake. « Je pense que la nuit en cellule va lui faire assez mal. » ai-je lancé en jetant un coup d’oeil au mec en question qui est en train d’être rassemblé avec ses potes pour être emmené par les flics. En tout cas je suis content qu’il veuille bien aller aux urgences. Je dois avouer que c’est tentant de juste rentrer chez nous et de se reposer, mais aller aux urgences est vraiment la chose à faire. Du coup je propose à Blake de se tirer, non sans avoir parler d’aller demander de la glace au proprio. « Si t’as envie d’être accueilli par son fusil, tu peux aller lui demander. C’est une tête de con. » répond Blake en s’éloignant du mur. Je jette un coup d’oeil vers le comptoir où le videur et le proprio sont en pleine discussion. Je grogne. « J’avais oublié l’histoire du fusil. Ouais, non du coup… J’ai déjà pris assez de risques aujourd’hui.  » Il manquerait plus que je me fasse flinguer par erreur. « Ça va être en taxi par contre, je suis venu en transport et je suis pas en état de conduire de toute manière. » Ah oui, c’est vrai. Je suis aussi venu en transports de toute façon alors on aura pas le choix. Même si j’étais venu en voiture, j’aurais été comme lui, incapable de tenir tout le trajet derrière un volant. Nous sortons donc du bar pour aller à la recherche d’un taxi. Sur le trottoir, certaines personnes nous dévisagent. Je veux même pas savoir de quoi j’ai l’air. Heureusement, on est dans une rue très fréquentée donc on a pas besoin d’attendre très longtemps pour qu’un taxi s’arrête et nous prenne.