blake&solal - eye of the tiger

La soirée est déjà bien avancée et je pense que tout le bar serait d'accord avec moi si je commençais à poser la question. Je ne travaille pas cette nuit. La façon dont j'occupe mes soirées de liberté varie selon le jour et surtout, mes humeurs. Ce soir, j'ai appelé Blake parce que j'avais envie de sortir, de laisser un peu la maison et la coloc' pour la soirée. J'y ai passé la journée à tourner limite en rond parce que j'arrivais pas à dormir. Du coup, ce soir j'avais envie de changer d'air mais en même temps, je suis trop crevé pour boire avec excès. Alors ça va être une soirée tranquille avec un pote, voilà. Ça fait déjà presque deux heures que nous sommes installés à une table près du comptoir. On discute tranquillement. Je carbure à la bière, enfin quand je dis que je carbure, franchement j'ai fait pire. Je jette un coup d'oeil à ma peinte qui est vide depuis depuis... en fait j'en ai aucune idée. Je m'étire un peu, comme si mon corps était endolori par le manque de sommeil. « Putain, j'en peux plus. J'ai l'impression d'être un petit vieux. En même temps je prends un an de plus dans deux mois... » ai-je fait en rigolant un peu. Je connais Blake depuis un moment maintenant et notre lien principal, c'est la boxe. Quand on s'est parlés pour se voir ce soir, j'ai hésité entre une séance nocturne au club et le verre, mais même si finir de m'épuiser était tentant, je suis même pas sûr que j'aurais tenu le coup quinze minutes face à un punching ball. Donc le verre, c'était sûrement mieux. « Faut que je me réveille, désolé si je suis chiant ce soir. Je vais peut-être reprendre un truc à boire mais sans alcool. Tu veux quelque chose ? »

« T’en fais pas papy, ça finira par passer. Bientôt tu compteras même plus tes années. » lance Blake quand je lui fais comprendre, en gros, que je suis fatigué. C'est vraiment chiant parce que c'est pas comme si on arrivait à se voir souvent en dehors des cours de boxe avec Blake. Alors pour une fois qu'on arrive à aller boire un verre ensemble, c'est forcément la fois où je n'ai pas réussi à dormir de la journée. En tout cas, j'esquisse un sourire en l'entendant m'appeler papy. « J'ai hâte, bientôt la retraite ! » ai-je plaisanté. Je soupire intérieurement parce que je suis encore très, très loin de la retraite. C'est déjà le cas en France alors dans ce pays... je préfère pas y penser. Disons qu'il y a des jours où c'est plus facile de ne pas y penser. Mais bon, je suis tranquille avec un pote en train de boire un verre, c'est peut-être pas le moment de penser retraite ou bien même boulot. J'en profite pour lui demander à un moment s'il veut reprendre un truc comme ma pinte est vide. « La même chose, on a qu’une vie après tout et on est déjà presque mort. » Je lève les yeux au ciel. « Très drôle. Du coup je te conseille d'y aller directement à la tequila si on est déjà presque mort. » Je lui réponds en me levant pour rejoindre le bar. Il me faut quelques minutes pour récupérer nos deux bières. En attendant, j'ai tout le temps de constater que le groupe de mecs qui occupe la moitié du bar commence à être bien entamé, mais comme j'ai autre chose à faire, je m'en occupe pas. Une fois nos commandes récupéréest, je zigzague entre les gens pour revenir à notre table sans renverser nos boissons. Je pose la sienne devant lui tout en me réinstallant avec la mienne. « Tu sais que, généralement, entre le moment où tu débauches et celui où tu embauches t’es supposé dormir ? Je suis pas certain qu’on te l’ait signalé … » Je ris légèrement et fais mine d'être surpris. « Vraiment ? » Puis je reprends un air sérieux et hausse les épaules. « J'ai pas réussi à dormir, du coup c'est comme si j'avais fait nuit blanche. Ça m'arrive de temps en temps. C'est agréable pour personne. » C'est agréable pour personne mais tout le monde se remet d'une nuit blanche. Je dormirai mieux en rentrant tout à l'heure de toute façon. Au moment où je veux lui demander quand il sera à la salle cette semaine, on entend un grand bruit derrière nous. C'est la bande de gars du bar, il y en a un qui est tombé de son tabouret et vu sa réaction, un de ses potes l'y a aidé. Heureusement, le petit groupe réussit à calmer celui est en train de se relever. « S'ils foutent le bordel, je serais pas étonné. » ai-je dit après avoir avalé une longue gorgée de bière.

« Nah ! La bière ça me suffit ! » répond Blake quand je lui suggère de prendre directement de la tequila vu qu'on va tous mourir. Je ris légèrement, amusé par sa réponse, avant de me diriger vers le comptoir. Cette soirée va être compliquée si elle continue comme ça. Faut vraiment que je me réveille. Ça serait dommage de ne pas profiter de ce moment avec Blake parce que j'ai pas dormi aujourd'hui. Je me fous une claque, ou plutôt un coup de poing mental. Après avoir commandé deux nouvelles bières, j'attends patiemment que le barman s'occupe de faire ça. Je doute que les pintes de bières soient les trucs les plus longs à faire dans un bar mais comme il y a quand même du monde ce soir je patiente tout en faisant gaffe au groupe de mecs qui occupe le comptoir. Je suis pas le seul à être fatigué, sauf qu'eux, ce n'est pas à cause du manque de sommeil. Je récupère les deux pintes et rejoint Blake à notre table. Le temps de poser nos boissons, je dois lui expliquer pourquoi je suis crevé après qu'il m'ait taquiné. « Je vois ce que tu veux dire. Tu devrais passer à la salle dans ces moments-là, histoire de te dépenser et dormir comme un bébé ensuite. » me conseille Blake. Je hoche la tête en haussant les épaules. « C'est ce que je fais de temps en temps, mais là je me suis dit que je préférais m'achever avec de la bière plutôt que d'utiliser la solution la plus saine... » ai-je fait avec un sourire en coin. Comme il parle de la salle, je veux lui demander quand il y sera cette semaine mais un des membres de la bande du comptoir se casse lamentablement la gueule. Je dis à Blake que je ne serais pas étonné qu'ils foutent le bordel. « Ouais en espérant que ça termine pas en bagarre générale. Bon t’allais me demander quelque chose avant que l’autre con tombe, non ? » Je jette un dernier coup d'oeil vigilent vers le comptoir avant de reporter mon attention sur Blake pour lui répondre. « J'allais te demander quand tu serais à la salle cette semaine. Pour la prochaine fois que je j'arriverai pas à dormir et que je n'aurais pas envie de bière. » Blake a à peine le temps de me répondre qu'un autre bruit sourd se fait entendre. Le mec qui est tombé y a deux secondes est encore par terre mais cette fois, il se tient la joue. J'ai pas vu ce qui s'est passé mais ça paraît assez clair quand la bande s'agite deux fois plus. « Oh merde... » Celui qui est tombé se précipite vers celui qui l'a frappé et le pousse. « Tu disais quoi déjà sur la bagarre générale ? » ai-je fait en voyant très bien la situation dégénérer.

« Ton estomac te fera regretter d’avoir repoussé la solution saine. » lance Blake quand je lui avoue être conscient de ne pas avoir choisi la solution la plus saine qui aurait été d'aller taper dans un sac à la salle. Je souris de toutes mes dents, réalisant totalement la différence entre m'achever en faisant du sport et m'achever en buvant de la bière. Mais on sait tous les deux que ce soir, on n'a pas vraiment prévu d'abuser de l'alcool donc je pense qu'on s'en sortira très bien. Je hausse les épaules. « Mon estomac a vu pire, t'inquiète. J'ai fait pas mal de soirées où je me suis mis minable et je pense pas que celle-ci va finir comme ça. » Ouais, pas mal de soirées quand j'étais ado mais surtout, pas mal de soirées quand j'étais à la fac. Aaaah les soirées étudiantes le jeudi soir... la belle époque. Nostalgie quand tu nous tiens. Mais ouais, en tout cas je sais que Blake n'a pas prévu de se mettre minable non plus. Lui, c'est un vrai sportif et l'alcool n'est pas vraiment l'élément le plus conseiller dans son cas. Mais des bières de temps en temps, ça ne peut pas faire de mal, pas vrai. En tout cas, malgré l'agitation foutue par le groupe au bar, nous réussissons à poursuivre notre conversation autour de nos toutes nouvelles pintes de bière. « Hm le mercredi et le samedi pour le moment. A partir de début juin je donnerai des cours tous les jours donc ça sera quand tu voudras. » répond Blake quand je lui demande quand il prévoit d'aller à la salle prochainement. « D'accord. » ai-je commencé à répondre. Parce qu'en fait, ma phrase n'était pas supposée s'arrêter là. J'ai encore la bouche ouverte quand un nouveau bruit attire notre attention. Toujours les mêmes sauf que cette fois, on dirait qu'ils ont commencé à utiliser leurs poings. « Tu veux qu’on aille aider à calmer les choses ou on les laisse se démerder pour boire tranquillement … aussi tranquillement qu’on puisse être avec un vacarme pareille. » me demande Blake. J'observe la situation. Ils sont en train de se pousser mutuellement au milieu du bar. Leurs potes se marrent où essaient de les séparer. « Je sais pas si on va avoir le choix... » La situation est en train de dégénérer. Le barman essaie de les calmer mais rien à faire. Avant que quelqu'un ne puisse faire quoique ce soit, le conflit s'étend à toute la bande. Quand le mec de la sécurité arrive enfin, le bordel est inévitable. C'est un bar calme normalement alors le proprio a pas mis l'accent sur la sécurité. Ce soir, il va peut-être le regretter. Des gens commencent à crier et à vouloir se diriger vers la sortie. Quelqu'un essaie d'intervenir mais il est repoussé par terre. Je lève les yeux au ciel. « Quelle blague... » ai-je fait en voyant l'ensemble se transformer en bagarre générale. « Je te jure si l'un d'entre eux a une arme je prends le premier avion pour Paris. » ai-je maugrée. J'ai déjà vu ça. Ce pays est vraiment fou quand il veut. Je me lève à moitié. « Tu pourrais t'en servir comme exercice pratique pour tes futurs élèves ? » ai-je dit en haussant la voix pour couvrir le bruit.

« C’est bien ce qui me fait peur … » répond Blake, pas très confiant quant à la suite de notre soirée. J'ai beau être fatigué ce soir, je n'ai pas envie que cette soirée parte en couilles à cause de connards qui sont incapables de se tenir dans un lieu public. Ce genre de soirée est faite pour faire du bien pendant une semaine chargée, personne n'a besoin de s'occuper des conneries des autres. Seulement voilà, j'aurais voulu qu'on reste sur des sujets de conversations normaux, comme quand il serait présent à la salle de boxe cette semaine. Mais on n'a pas souvent ce qu'on veut dans la vie. La situation empire rapidement. L'agacement me gagne alors que je ne peux pas m'empêcher de faire une remarque sur mon envie de retourner chez moi si je vois des armes dans les mains de ces crétins. Au moins, ça a le mérité de faire rire Blake, même si je ne suis pas sûre que ça soit un rire positif. « C’est seulement que notre ego fait qu’on ne peut pas accepter d’être à terre donc à défaut d’avoir de bons poings on sort l’arme, c’est tellement plus équitable comme ça tu comprends. » Un court rire moqueur sort de ma bouche. Bien sûr, j'ai bien saisi l'ironie de ses propos, et je sais qu'il est contre les armes. Ça tombe bien, je le suis aussi. C'est sûrement ce que je déteste le plus dans ce pays. C'est un truc que je comprends pas. Mon pire souvenir à ce propos en arrivant ici, c'est ce mec que j'ai croisé dans l'entreprise de mon père et qui m'a sorti une connerie à propos des attentats du 13 novembre à Paris. Inutile de se demander pour qui il a voté aux élections présidentielles. « Je comprends totalement. Je comprends aussi pourquoi l'autre truc orange a été élu du coup... » Je me retiens d'ajouter autre chose. Déjà que notre soirée est sur le point d'être gâchée, si en plus, je m'étale sur ce sujet sensible, ça ne veut pas améliorer les choses. Je lui propose de s'inspirer de ce qui va se passer pour ses futurs élèves de la semaine mais il n'a même pas le temps de répondre que les choses sérieuses commencent. Quand le videur du lieu se retrouve par terre, c'est que la situation a réellement dérapé. « Je crois que c’est notre moment d’entrer dans la danse. » lance Blake en se levant. Je hoche la tête. « Ouais, je crois que c'était notre signal. » La bande entière fout le bordel maintenant. Les clients s'éloignent le plus possible. Je suis sûr que certains en ont profité pour partir sans payer. Blake et moi, on est de bout, prêt à aller donner un coup de main au videur et aux deux autres personnes qui essaient de se rendre utile, comme nous. Ça fait longtemps que je n'ai pas eu à me jeter dans une bagarre générale comme ça. Je me glisse entre un des mecs et le videur et c'est parti. Les coups pleuvent. Comme je suis sobre, j'en fous plus qu'eux mais j'en reçois un dans le ventre qui me coupe le souffle. Mon dos heurte le comptoir. J'esquive, une fois, deux fois, puis entreprends de pousser deux des gars vers la sortie. Je jette un coup d'oeil vers Blake quand le proprio débarque en hurlant. « Je vais appeler la police ! » J'espère juste qu'il se souvient que nous, on essaie d'aider.