(fb) Summer Nights - Solal & Noé

Je savais que je n'aurais pas dû venir. Je le savais mais me voilà. Y a pas à dire, les frères Pelletier me front royalement chier. J'en ai marre d'eux. Je les déteste. L'aîné ? C'est le pire, c'est ce type qui me sert de meilleur ami et sur qui je sais pouvoir compter mais qui a trop de fierté parfois. Le plus jeune, il me fait chier aussi, mais d'une toute autre manière. C'est peut-être lui le pire, en fait. Quand j'ai commencé à entendre parler d'une soirée pour fêter le bac de Noé, j'ai essayé de me dire que je n'allais pas y aller. En ce moment, la dernière chose dont j'ai besoin c'est de voir Noé passer une soirée de ouf avec tout le monde sauf moi. Ce qui est triste en soi, parce que je le connais depuis toujours et je peux pas souhaiter qu'il s'amuse pas ce soir. Quand on y pense, c'est pas que je ne veux pas qu'il s'amuse pas ce soir, c'est que je ne veux pas qu'il s'amuse sans moi. Boum, voilà c'est dit. Alors quand on arrive avec Ilyès, c'est la première chose que je me dis, que je n'aurais jamais dû venir. Mais bon, Ilyès est venu me voir en sous-entendant qu'il ne viendrait pas si je ne venais pas avec lui. Mon meilleur pote est du genre fier et je savais rien qu'en le regardant qu'il avait très envie d'être présent pour son petit frère ce soir, mais faire style que c'est la corvée du siècle de supporter des petits lycéens pendant quelques heures, c'est mieux. J'ai dit oui pour ça et parce que ça me soulait de manquer une occasion de voir Noé. Ouais, j'en suis réduit à ça. C'est peut-être moi le lycéen en fait. Du coup, quand on arrive, pas mal de gens sont déjà là et je me sens déjà pas dans le truc. Hors-sujet  total.

Noé arrive pour nous saluer et je regrette encore plus d'être venu. Il nous sourit, dit à son frère et moi qu'il est content de nous revoir, pose sa main sur mon bras et retourne avec ses potes et ses collègues. Voilà. Si ça se trouve, c'est la seule et unique fois que je vais le croiser ce soir. Ilyès ne me laisse pas le temps de broyer du noir et nous nous approchons déjà des bouteilles d'alcool. Je dois avouer que sans ça, j'ai du mal à me dire que je vais rester ici plus d'une heure. Les minutes suivantes sont... longues ? Pas passionnantes ? Il y a de la musique, des boissons sans alcool et avec l'alcool, des gens qui dansent alors que l'air est doux en ce début de soirée de juillet. Ilyès et moi on va danser mais ça dure le temps de deux chansons parce que c'est pas le truc d'Ilyès, sauf quand il est avec Katherina, évidemment. Résultat, alors qu'on parle tous les deux, mes yeux tombent sur Noé en train de danser avec une de ses collègues. Pendant de longues secondes, mes yeux sont incapables de quitter le duo des yeux alors que j'enchaîne les gorgées de bière. Hypnotisé, je me force à reporter mon attention sur... n'importe quoi mais autre chose. Franchement, je suis à deux doigts de me taper la tête contre la table et encore, je me force à rester à la bière. Quel cliché je fais. Soudain, Ilyès disparaît quelque part, je sais pas où mais le temps que je réagisse, il est juste plus là. Pendant ce temps, Noé commence à jouer à une soirée de beer pong avec ses potes. Normalement dans ce genre de soirée, je serais aussi en train de faire une partie ou je serais en train de discuter foot avec les gars ou encore, en train de draguer une file. Mais là, j'ai juste pas en vie... j'ai pas envie. Je sais pas l'heure qu'il est quand je décide de reprendre mon souffle à l'intérieur. Une bonne partie de la maison est interdite aux fêtards de ce soir mais je ne suis pas n'importe quel fêtard. J'ai passé tellement de temps chez les Pelletier que certaines règles ne s'appliquent pas à moi. Certaines personnes sont dans la cuisine ou dans le salon, tranquilles, mais je ne m'arrête pas. Je m'attends à trouver des gens dans la zone interdite par Noé mais rien, tout est calme. La musique me parvient de façon de plus en plus étouffée et j'apprécie de retrouver le calme et la fraicheur d'un intérieur. Au final, je finis par pousser une porte, celle du bureau du père de Noé et d'Ilyès. Normalement, quand j'entre dans cette pièce, mon meilleur ami est avec moi mais là, je ne sais pas pourquoi... j'ai qu'une envie, c'est de m'écrouler confortablement dans le canapé du bureau. J'appuie sur l'interrupteur et la pièce s'éclaire doucement grâce aux appliques contre le mur. Vu mon humeur, je me passerai d'éclairage trop violent. Je m'affale dans le canapé et ferme les yeux. Noé et cette fille dansent encore sous mes paupières. Du coup comme un con je me frotte les yeux, comme si ça pouvait changer quoique ce soit. Moi qui croyais que toute cette connerie sur Noé n'allait pas durer putain, je peux pas croire que...  « Qu’est-ce que tu fais caché ici ? » lance Noé en apparaissant sur le seuil. Pu-tain. Mais VDM quoi. Si j'étais croyant, je pourrais sérieusement penser que le mec de là-haut m'en veut. Voir Noé apparaître me force à revenir sur terre. Je peux pas me permettre à continuer à faire un bad comme ça. Je fais la moue qui veut dire "je vois pas de quoi tu parles". « Rien de spécial. J'en avais marre de passer ma soirée avec des petits lycéens, c'est tout. »ai-je fait avec un très léger sourire en coin. C'est totalement un truc que son frère aurait pu dire pour le faire chier, tiens.

Le fait est que je ne peux pas totalement regretter d'être venu ce soir. Ceux qui ont déjà été à ma place comprendront. Depuis plusieurs mois, le voir a un côté négatif et un autre plus positif, comme une torture dont je ne peux me passer. C'est comme ça que ça marche, ce genre de coup au coeur silencieux. Le genre qui ne peut évoluer. Alors que je regarde Noé s'éclater avec ses potes et ses collègues, je me demande pour la millième fois à quel moment les choses ont basculé dans ma tête. Si je pouvais identifier le moment exact, je l'effacerais peut-être... parce que ça serait tellement plus simple comme ça. Je n'aurais pas à me poser toutes ces questions sur ce qui m'arrive, sur qui je suis réellement. De toute façon, savoir qui on est réellement et ce genre de question existentielle, c'est surfait. Ça ne sert à rien, me suis-je dit en rentrant dans la maison. Tout ça ne sert à rien. C'est juste la bière, la douceur la nuit et la présence des gens qui me montent à la tête. J'ai juste besoin d'un moment de tranquillité, et c'est ce que je pensais trouver en m'affalant dans le canapé qui se trouve dans le bureau du père de Noé et d'Ilyès. La musique parvient encore jusqu'à mes oreilles mais de façon tellement étouffée que j'ai l'impression d'avoir changé de quartier, de ville ou même, de monde. Je ferme les yeux, essaie d'ignorer tout ce qui se passe autour. J'ignore combien de temps passe exactement, avant que Noé n'apparaisse sur le seuil et ruine mon plan qui devait me permettre de reprendre mon souffle. À croire que quelqu'un se fout de ma gueule. « Je serais presque vexé par ce que tu viens de dire, je me suis donné du mal pour organiser cette fête et sans vouloir me vanter je la trouve vraiment géniale » Je m'en veux aussitôt. Je vois bien que je l'ai blessé. Ce n'était pas ma volonté, j'espérais juste qu'il le prenne comme une pique amusante mais malgré son petit sourire en coin... je me sens mal à l'aise d'avoir dit ça. Parfois, il faudrait que les autres puissent lire dans nos pensées pour comprendre ce qu'on sous-entend, ce qu'on veut. Cela faciliterait bien des choses. Au lieu de ça, je sens mes défenses s'ériger à toute vitesse, ce qui est régulièrement le cas quand je me retrouve seul à avec Noé depuis quelque temps. Autant dire que je me suis arrangé que ça fait un moment que je m'arrange pour ne pas me retrouver trop souvent seul avec lui. J'essaie de garder la face en ignorant le fait que cette phrase que je viens de sortir, c'est un peu une façon de me protéger. Seulement, en sachant que cette soirée représente pour lui, je ne peux me résoudre à continuer là-dessus. « J'avoue, elle n'est pas si mal... Je pense que ça fait trop longtemps que je fréquente ton frère en fait. Tu sais, le mec trop fier qui me sert de meilleur ami ? » ai-je simplement répondu. Un peu une façon de m'excuser, de dire que je ne pensais pas du tout ce que je disais, que c'est une très belle fête. Mais c'est juste difficile d'être présent ce soir. J'ai l'impression que peu importe mes efforts, je ne peux pas me réjouir pour Noé à 100%. Je n'ai pas voulu non plus sous-entendre qu'Ilyès ne voulait pas être ici parce qu'au fond, il le veut. J'espère que Noé le sait. C'est juste d'Ilyès dont on parle. « Tout se passe bien du coup ? Ta soirée est comme tu l'imaginais ? » Sur le coup, j'ai envie de me frapper de poser une telle question étant donné la situation. Je suis ridicule. Pourquoi je m'inflige ça ? Je fronce les sourcils. « Tu devrais pas être avec tous tes invités au lieu d'être là ? J'ai juste besoin d'une petite pause et après tout, c'est toi la star de la soirée. » ai-je fait d'une voix qui se veut légère. Pourquoi il est là ? Non, non, non. Faut qu'il dégage. Pour retourner danser avec la meuf de tout à l'heure ? NON !  Oui mais non, c'est mieux s'il dégage. Je t'en prie...

Une pause, c'est tout ce que je voulais en venant me réfugier dans le bureau du père des gars, mais apparemment, même ça, c'est trop demandé. Résultat, me voilà seul face à l'objet de mes pensées, le tout dans une pièce plutôt étroite. Finalement, c'était pas si mal tout à l'heure, avec tous les gens autour de nous. Ouais, même la fille avec qui il a dansé. Du coup, mon premier réflexe, c'est de jouer les durs mais je me corrige rapidement, en admettant que peut-être, cette soirée est pas si mal, même s'il n'y a que des "petits lycéens". Et peut-être, je dis bien, peut-être, que son sourire valait le coup de se corriger. « Tu veux dire le mec jamais content qui passe son temps à se plaindre ? » dit-il en parlant de son frère. Je ne peux pas me retenir d'avoir un sourire en coin en pensant à mon meilleur ami qui doit faire je ne sais quoi à cet instant précis. Je détourne le regard en souriant avant de reporter mon attention sur lui.   « Oui, je crois qu'on parle bien de la même personne. Le mec qui pense qu'il a toujours raison même quand c'est pas le cas ? » Pauvre Ilyès, s'il savait... Mais je vous rassure, mon meilleur pote, malgré son sale caractère, ça restera toujours mon meilleur pote. C'est juste son petit frère qui complique la donne. Ensuite, pour donner le change, je demande à Noé ce qu'il pense de sa soirée. Elle est difficile pour moi mais j'espère que lui, en profite. « Oui tout se passe super bien, tout le monde a l’air de s’amuser en plus donc je suis content. Enfin tout le monde sauf toi apparemment » La dernière phrase vient après un instant de pause, comme s'il avait réfléchi à sortir ou non sa phrase. Sur le moment, je ne sais pas quoi répondre parce que je ne me suis pas attendu à ce qu'il dise ça. J'ai pensé que mon absence passerait inaperçue au milieu de tous les invités de ce soir. Apparemment, j'avais tort. Est-ce que ça l'a foutu en rogne que je m'isole ? Nooooon... « Oh non, j'avais juste besoin d'une pause en fait. Comme je connais pas grand monde en plus ce soir... j'ai eu un coup de mou. » J'ai un peu bu aussi, ça aide pas. Mais sinon je m'amuse, pas vrai ? Hein que ça s'est vu que je m'amusais, avant de venir ici ? Non mais vraiment, est-ce que je m'amuse depuis que je suis arrivé ? Euh... joker ? Je suis supposé dire la vérité là ? Je retrouve mes réflexes qui consistent à me protéger. C'est pas que je veux qu'il dégage mais... aaargh, c'est horrible. Je veux qu'il parte mais en même temps je veux qu'il reste. Je lui parle de ces invités qui doivent l'attendre alors qu'il reste avec moi. « Mes invités ont pas besoin de moi, ils ont tellement bu qu’ils m’ont tous oublié » J'ai un rictus et ne contrôle pas la suite. « Comme si c'était possible. » Quand je réalise ce que mes mots peuvent signifier, c'est trop tard. Je sens la chaleur envahir mes joues. « Je veux dire, cette soirée a été organisée en ton honneur donc je vois mal comment il pourrait t'oublier. » Oh. Putain. Oui, c'est tout ce que je voulais dire, c'est évident. Il y a pas d'autre signification derrière. Ça me ressemble tellement pas de déconner comme ça. Il regarde la porte. « Je crois que j’ai trop bu, je vais pas réussir à retourner jusqu’à la fête pour le moment » Sur ce, je le vois glisser le long du mur, et par réflexe, j'esquisse un mouvement pour le rejoindre mais m'arrête alors que mes fesses ont à peine quitté le canapé. Je me laisse retomber sur le canapé pour m'empêcher de le rejoindre. « Tu vas bien ? » ai-je fait inquiet. Ouais, dans une soirée, c'est pas souvent moi qui ai l'occasion de poser cette question. J'ai clairement moins bu que lui. En tout cas, je ne peux empêcher l'inquiétude d'apparaître. Pour l'empêcher de prendre trop de place, j'essaie de le provoquer, de le faire réagir. « T'as de la chance que ton frère te voit pas comme ça... Il te ferait chier en disant que t'as voulu te prendre pour un grand en buvant trop. » ai-je fait doucement, avec un sourire. Ilyès ferait carrément ça, juste pour l'emmerder, mais tout le monde sait qu'il adore son petit frère.

Je suis pas sûr que ça soit une bonne idée qu'on soit tous les deux seuls dans la même pièce alors qu'on a tous les deux bu. En tout cas pour mes nerfs, c'est pas une bonne chose. Mais pour le moment, on se contente de se moquer d'Ilyès, ce me qui me sert de meilleur ami mais qui m'a lâchement abandonné. « Exactement. Je crois que s’il nous entendait il nous tuerait » rétorque Noé en souriant. Pauvre Ilyès. C'est mon meilleur pote mais parler de lui avec Noé... disons que ça nous donne une occasion de parler et ça, c'est bien. « Tu crois ? Il oserait pas. Mais au pire, je pense qu'à deux on peut le maîtriser, non ? » Je préfère ne pas imaginer la scène, même si penser à un Ilyès un peu ivre en train de débarquer dans la pièce me ferait bien rire. Je me demande ce qu'il fout. Je regarde mon portable mais ne voit pas de nouveaux messages. Noé me questionne ensuite sur la raison pour laquelle je me suis isolé. Je ne peux pas lui dire que je m'ennuie, en plus ce n'est pas vrai, c'est bien plus compliqué que ça. Du coup je lui dis que j'ai juste un coup de mou et que vu que je ne connais personne, j'avais besoin d'une pause. « Je comprends je peux te présenter à des personnes si tu veux » Sur le moment, je fronce les sourcils avant d'esquisser un sourire. Je mets de côté le fait que sa phrase pourrait avoir un côté "je vais essayer de te caser". « Non, t'inquiète. T'occupe pas de moi pour ça, je suis un grand garçon. Et puis t'avait l'air bien occupé tout à l'heure. » Je laisse la phrase flotter pour m'empêcher d'aller plus loin. Parce que je pensais clairement à sa collègue avec qui il dansait, mais ça il ne peut pas le savoir, pas vrai ? Je pourrais parler de n'importe quel moment, par exemple... de la partie de beer pong. Ouais, au pire je lui parle du beer pong. Putain, pourquoi Ilyès m'a lâché déjà ? La suite, c'est encore moi en train de déconner et en train d'essayer de me rattraper la seconde d'après. Je me fais peur tout seul. J'ai l'impression de fait n'importe quoi à cause de lui. Puis Noé se laisse glisser contre le mur parce qu'il a trop bu. Je me retiens d'aller le voir. « Ca va aller je me suis juste retourné un peu trop vite » m'explique Noé. Je hoche la tête, sans le quitter des yeux. Je le taquine encore un peu parce que je ne sais pas quoi faire d'autre. Je n'arrive pas à trouver le juste milieu comme je n'arrive pas à savoir si je dois l'encourager à rester ou au contraire, faire en sorte qu'il parte. Je sais pas quoi faire. Je me sens perdu. « Il peut bien parler lui je suis sur qu’il est en train de cuver dans un coin de la maison, et puis je compte sur toi pour tenir ta langue » Il me fait un clin d'oeil à la fin de sa phrase. Non, je ne pense pas du tout aux rêves que je fais depuis quelques semaines, et je suis pratiquement sûr qu'il m'a fait un des clins d'oeil dans plusieurs d'entre eux. Je déglutis et essaie de me remettre les idées en place, comme si de rien n'était. Je hausse un sourcil. « Tu sous-entends que je pourrais mentir à mon meilleur ami pour toi ? Pourquoi je ferai ça ? » ai-je demandé en laissant parlé mon instinct. Mon coeur accélère alors que je me rends compte du ton que j'ai employé. Joueur... Charmeur ? Comme si... comme si... Oh merde. J'ai peut-être trop bu aussi en fait. « C'est confortable par terre ? » ai-je demandé comme pour me foutre une baffe mentale.

Je n'avais pas réellement prévu que Noé me rejoigne. En vrai, je pensais qu'il ne me verrait même pas partir tellement il semblait s'éclater avec le reste de ses invités. Après tout, une partie de beer pong, c'est sacré. C'est drôle si on considère que je me suis isolé dans le bureau de son père en partie à cause de lui. « On sait jamais avec lui il est capable de tout mais si t’as mes arrières je suis sauvé » répond Noé quand je lui dis qu'à deux, on pourrait maîtriser son frère si jamais il nous posait problème. J'essaie de garder mon esprit concentré sur le fait que nous parlons de son frère là et qu'il n'y a aucun sous-entendus dans le fait que je puisse avoir ses arrières... mais c'est un peu un échec. Maintenant je pense à ses arrières et à ses avants aussi. On peut même enlever le pluriel évidemment. Les images des rêves de ces dernières semaines reviennent me hanter à ce moment précis. Logique. En plus, vu que j'ai bu de l'alcool, je pense que ça n'arrange rien. « J'ai pas encore dit que j'avais tes arrières. On parle quand même de mon meilleur ami, méfie-toi quand même. » Je peux pas être totalement déloyal envers mon meilleur ami juste parce que son petit frère... BREF, c'est pas la question. Noé essaie de savoir pourquoi je me suis éclipsé en plein milieu de sa soirée. Mon but était pas de lui faire croire que sa fête était à chier mais la vraie raison, je peux pas vraiment lui dire. À la place, je lui dis qu'il devrait plutôt rejoindre ses invités parce qu'il avait l'air d'être bien occupé. « On s’occupe comme on peut » lance Noé. Je ne sais pas quoi faire du sourire en coin. Il devrait vraiment arrêter de sourire. Je devrais lui dire d'ailleurs... tout serait beaucoup mieux s'il arrêtait de sourire. Non. Si. Je suis devenu obsédé par son sourire ces derniers temps. Je suis un crétin. Fallait que ça tombe sur le petit frère d'Ilyès. Sur un mec. Pour toute réponse, j'esquisse aussi un sourire avant de détourner les yeux histoire de prendre une petite pause visuelle. C'est moi où il fait chaud dans cette pièce ? Du coup, malgré ma pseudo tentative de le pousser à partir, il est toujours là. Il se laisse même glisser contre le mur parce qu'il a trop bu et qu'il se sent mal. Mon instinct me pousse à aller le voir pour être sûr qu'il va bien mais je me retiens juste à temps. Je suis pas sûr que ça soit une bonne idée que je me rapproche trop. À la place, je préfère le charrier sur le fait que son frère se fouterait de sa gueule s'il le voyait. Après avoir sous-entendu que je ne le dirai pas à Ilyès, je lui demande pourquoi je mentirais pour lui. J'avais pas vraiment prévu de répondre ça et surtout pas de cette façon. J'ai l'impression que ça clignote tout autour de ma tête. Un long frisson me parcourt de la tête aux pieds parce que je sais que ma voix a dû paraître joueuse et même... putain, est-ce qu'on est en train de flirter, là ? « Je sais pas à toi de me le dire » Comment notre discussion a pris cette tournure déjà ? Je passe une main dans mes cheveux, un peu paumé sur la situation... mais je souris. En fait, ma tête me dit d’arrêter tout ça mais mon corps… mon corps est un peu trop réveillé. Je plisse les yeux en le regardant. « Wow, comment détourner une question, une leçon par Noé Pelletier. Impressionnant. » ai-je fait amusé. Il pourrait me répondre que moi aussi je détourne le truc mais je m’en fous parce que c’est moi qui ai pose la question. J’ai l’impression que tout ce qui sort de ma bouche ne passe plus par mon cerveau. « Très confortable, viens tester par toi même » Il me tend la main pour m’inviter à le rejoindre par terre. Ouais… Non. Mes yeux passent tour à tour de son visage à sa main tendue. Mon coeur accélère et mon instinct fait le reste. « Tu rêves. Je pense que ce canapé est bien plus confortable et je suis plutôt du genre à m’asseoir sur les canapés tu vois. » Je garde un ton relâché et pas concerné, vaguement amusé. Je fais ce que je peux pour lui donner l’impression que c’est moi, Solal, le mec qui est juste le meilleur ami de son grand-frère et rien d’autre. Rien d’autre. « Du coup je te conseille plutôt de venir sur le canapé… Enfin si t’es encore capable de marcher, bien sûr. » J’ai dit rien d’autre ? Au temps pour moi.