kara&solal - back in the water

Je n'avais pas prévu que la nuit évolue de cette façon. Il va bien falloir que je retourne à mon poste à un moment mais pour le moment, une petite voix me pousse à ne pas la quitter des yeux. Comment lui faire confiance alors que je l'aie déjà vu à l'oeuvre ? Il va bien falloir que je prenne une décision. Après tout, la voilà prévenue : entre les caméras et mes collègues et moi, elle prendrait un gros risque en tentant quoique ce soit. En tout cas dans un premier temps, on se rassure sur le fait qu'on ne se plaît pas du tout et que, ô surprise, ça nous fait encore un point commun. « Ca commence à faire un peu beaucoup » dit-elle en... riant ? Oui, c'était bien un rire. Elle a l'air de se rendre compte de l'étrangeté de la situation car elle s'arrête aussitôt. C'est le genre de situation un peu étrange où on ignore totalement comment les choses vont tourner. Il y a quelques secondes à peine, la tension entre nous deux était à son maximum et même si elle est toujours présente, les mots ont fini par s'apaiser malgré leur aspect ironique. « Rien mais le fait que tu cherches à te justifier me donne raison » rétorque-t-elle quand je lui demande pourquoi elle pense que Nick a fait un clin d'oeil à cause de sa présence. Je hausse les sourcils parce que je ne vois pas du tout de quoi elle parle. « Moi ? Me justifier ? Okay, on va dire ça, si ça peut te faire plaisir. » Je ne vois pas en quoi je me justifiais et je soulignais tout simplement qu'il aurait pu me faire un clin juste à moi seul, mais je pense qu'on en est toujours au stade où l'autre ne peut pas avoir raison de toute façon. Vient le temps des présentations où je peux enfin mettre un prénom sur le visage de cette fille. Il était temps, au bout de trois rencontres, enfin deux pour elle. « Français alors, c’est ça l’accent. Je reconnais que ta technique de drague n’était pas la meilleure que j’ai connu » J'esquisse un sourire. « Je sais. Vivre dans ce pays perturbe mes habitudes. » ai-je dit en prenant un faux air dépité. Je plaisante bien sûr. Les clichés ont la vie dure et je ne suis pas particulièrement un grand fan. Seulement, je ne peux pas mentir en disant que le cliché qui entoure les français d'un certain aura ne m'a jamais aidé depuis que je suis à New-York. Sur ce, elle demande un nouveau verre et essaie de me tenter pour que je l'accompagne... ce qui n'arrivera pas. « Tant pis je vais continuer à boire pour deux » dit Kara. Je hausse les épaules, pas très touché par l'idée. Je bois régulièrement de l'alcool mais l'avantage à travailler dans un club c'est que parfois, à force d'être entouré par l'alcool t'as juste pas envie. Je demande ensuite sans réellement demander que, du coup, elle ne compte voler qui que ce soit ce soir, ce à quoi elle rétorque j'ai mis un moment pour comprendre. Je ne réponds rien car il n'y a rien à répondre. Notre conversation a repris une tournure assez sérieuse. Je commence à me faire à l'idée qu'elle ne prévoit rien ce soir mais nos deux précédentes rencontres sont toujours là. « C’est mon métier actrice en fait tu savais pas ? » rétorque Kara. Je hausse un sourcil et fais un sourire en coin. « Wow, t'as une vie qui doit être bien palpitante entre deux boulots très prenants... » ai-je répliqué. Bien sûr que je ne la crois pas quand elle dit qu'elle est actrice mais je ne peux pas m'empêcher de rentrer dans son jeu, le deuxième boulot étant bien sûr le fait qu'elle fait les poches aux gens. Ensuite, je m'excuse pour son bras, enfin. Elle répond, occupée avec son nouveau verre : « C’est pas grave j’ai connu pire et puis je n’ai même pas vraiment eu mal » Je ne peux pas m'epêcher de sourire à nouveau. « Tu vois, je ne suis pas si sauvage que ça. Peut-être même que je vais retourner à mon poste en fait, je réfléchis encore... »

Contrairement à ce qu'on aurait pu penser quand cette conversation a commencé, les choses finissent par se calmer. Il y a même quelques sourires discrets qui prouvent qu'on va peut-être pouvoir échanger quelques mots en desserrant les dents. Pourtant ça ne veut pas dire que tout va bien. Si vraiment c'était le cas, je la laisserais tranquille et je repartirai bosser. « Il ne tient qu’à toi de les retrouver » dit-elle quand je lui apprends que je perds mes bonnes manières de français en vivant à New York. Pour toute réponse, j'esquisse un sourire. Il n'y a pas grand chose de plus à ajouter sur le faux-pas que je viens de faire en saisissant son bras brusquement. Il n'y a plus qu'à oublier maintenant, même si je pense qu'elle ne me laissera pas faire. Je commence à me dire qu'elle veut juste passer une soirée tranquille et que je n'ai rien à craindre mais ce n'est pas évident de se débarrasser de la méfiance. Je garde d'ailleurs une certaine ironie en lui disant qu'elle doit avoir une vie de folie entre son boulot de voleuse et celui d'actrice. « Tu n’as pas idée » rétorque Kara. « Disons que je commence à me faire une idée, au contraire. » ai-je fait en utilisant une pointe de sérieux dans ma réponse tout en gardant un petit sourire en coin. En tout cas, je finis par m'excuser de l'avoir brusquée et je le fais sérieusement cette fois. Je pense que ça méritait que je le fasse sans détours et sans utiliser le sarcasme. Néanmoins je ne peux pas m'empêcher de continuer avec une note d'ironie en lui disant que je ne suis pas tellement un sauvage en fait, terme qu'elle a précédemment utilisé. Un sourire tout sauf discret apparaît sur son visage. « J’avoue que j’ai peut-être exagéré » confesse Kara. Je hausse les sourcils et ne peux m'empêcher de saisir cette opportunité : « Attends... je suis pas sûr d'avoir bien compris, tu peux répéter ? » Quoi ? C'était beaucoup trop tentant. « Ah bon tu as du travail je ne m’en étais pas rendu compte » Je ne peux m'empêcher de lever les yeux au ciel. « Haha, très drôle. » Je me redresse et essaie de me résoudre à lui faire... confiance. « Bon, faudrait pas que tu dises en plus à mon boss que je fous rien en même temps. On dit que si l'envie te prend d'avoir la main lâche sur les clients, tu viens me voir ? » ai-je fait avec un sourire amusé. Puis je repense à autre chose. « Ah et tu me dois toujours 40 dollars, oublie pas. » ai-je continué à en lui faisant un clin d'oeil qui, cette fois aucun doute, lui était bien destiné.

« Je suis contente d’avoir quelqu’un qui me comprennes » dit-elle en souriant quand je dis que je commence à me faire à l'idée de la vie palpitante qu'elle mène. Son ton amusé me fait comprendre que je suis encore à des kilomètres de comprendre quoique ce soit la concernant. Néanmoins, je pense que c'est une bonne chose que ça se soit calmé entre nous. La tension et la méfiance sont encore là mais par rapport à cet instant où j'ai saisi son bras, ça n'a rien à voir. Considérant le fait que nous sommes sur mon lieu de travail, c'est vraiment mieux ainsi. Du coup, je ris légèrement et ne réponds rien, parce qu'il n'y a pas grand chose à répondre je pense. Je doute que je la comprenne réellement mais pour le moment, je peux m'efforcer de ne pas la juger. Kara avoue ensuite avoir un peu exagéré dans ses propos concernant la façon dont je lui ai pris la bras. Sur le coup, je suis tellement étonné que je me sens obligé d'en rajouter une couche en lui demandant de répéter. « Tu as très bien compris et je ne vais certainement pas le répéter » Elle sourit en levant les yeux au ciel. Je me retiens de rire. « T'es pas drôle. » ai-je dit sans réfléchir en souriant. Je me doutais qu'elle refuserait. Sur le coup, je me dis qu'on pourrait penser qu'on est amis, à nous écouter parler et plaisanter de cette manière. C'est étonnant. On n'est pas amis du tout mais c'est normal. Déjà, le fait que le plus gros de cette tension ait disparu est tout ce qui compte. Ensuite, je commence à me dire qu'il faudrait que je reparte bosser avant que je ne commence à briller par mon absence. Je m'écarte et sous-entends qu'elle pourrait très bien aller dire à mon patron que je ne fous rien. « Franchement je ne vois pas de quoi tu parles je n’irais jamais me plaindre de toi à ton boss ce n’est pas mon genre » Cette fois, c'est à mon tour de lever les yeux au ciel, alors que je me souviens qu'il y a quelques instants, elle n'hésitait pas à me menacer d'aller voir Braeden. « Comme j'ai dit, une vraie actrice. Je commence à percevoir tout ton talent. » ai-je fait rétorqué légèrement ironique. Encore une fois, je ne crois pas à cette histoire d'actrice mais bon, vu ses activités j'imagine qu'elle doit être débrouillarde pour s'en sortir. « J’essaierai de garder mes mains dans mes poches promis » dit-elle quand je lui dis en gros, que si elle sent qu'elle a besoin de laisser trainer ses mains, qu'elle vienne me voir avant. Elle lève même les mains pour prouver sa bonne foi alors que je hoche la tête. Je souris tout en commençant à m'éloigner. Avant de retourner bosser, je lance que j'attends toujours qu'elle me rembourse l'argent qu'elle m'a volé lors de notre première rencontre. Elle semble surprise mais sourit tout de suite après. « J’aurais bien voulu te rembourser en te payant des verres mais tu as refusé mon invitation » Je lèves encore les yeux au ciel. « Bien sûr, ça va être de ma faute. » ai-je fait, surpris de me sentir plus amusé qu'agacé. « Je te laisse du temps pour réfléchir à une autre manière de me rembourser du coup. » Je hoche à nouveau la tête d'un air entendu, tout en souriant quand même, puis m'éloigne pour retourner à mon poste, où je me plonge à nouveau dans mon boulot en finissant par oublier de me méfier de Kara.

Le reste de la soirée se passe plus normalement. Rien à signaler. Les heures passent doucement mais la nuit est calme, contrairement à d'autres, ce qui ne m'empêche pas de rester concentré dans ce que je fais, de vaquer à droite à gauche. Si au départ, je pensais encore à jeter quelques coups d'oeil à Kara, juste comme ça, enfin je crois, très vite je me suis plongé dans le boulot. Je passe un certain temps à l'entrée, à faire passer les gens avant de retourner dans la salle principale pour occuper ma dernière heure de travail. Avec mes collègues videurs, on s'occupe, à l'heure habituelle, de mener vers la sortie ceux qui n'ont pas encore compris qu'à cette heure là, il faut rentrer chez soi. Une fois la salle pratiquement vide, le contraste est saisissant si on compare au monde qu'il y avait il y a encore une heure. J'ai l'impression d'être devenu sourd, tellement c'est tranquille et silencieux. Un de mes collègues m'indique que je peux y aller, qu'il s'occupe de faire sortir les dernières personnes et de ranger un peu. Je hoche la tête, reconnaissant et file vers les vestiaires pour prendre mes affaires. Ne voulant pas attraper le crève, je prends le temps de me changer et d'enfiler le pull que j'avais amené. Je bois une gorgée d'eau, enfile mon manteau et récupère mon sac. Prêt à partir, je salue certains employés du club sur le chemin de la sortie et me voilà dehors, sur le point de rejoindre le métro pour rentrer chez moi alors qu'à cette heure là, la plupart des gens partent au travail. Mais très vite, j'aperçois une silhouette en sortant.  « J’ai réussi à me tenir à carreau j’espère que tu es fière de moi » lance Kara. Je hausse les sourcils, surpris de la recroiser si vite. Je souris sans m'en rendre compte. « Très fier, je savais que t'en étais capable. » ai-je répondu sur le même ton qu’elle. Quand on y pense, rien ne me prouve ce qu'elle dit est vrai mais bon... vu comment les choses ont évolué, j'ai envie de la croire. Encore une fois, éviter de juger les gens c'est toujours une bonne chose même si je me dis que c'est normal d'avoir flippé pour mon job. J'arrive à son niveau. « Sinon ça a été ta soirée ? C’était pas trop dur ? » poursuit-elle. À nouveau, je suis surpris. Surpris qu’elle me pose une telle question parce que je ne pensais pas qu’on en était arrivé au point où elle pouvait se soucier de ça. À moins que… Au temps pour moi, j’ai oublié qu’elle magnait l’ironie aussi bien. « J’en reviens pas que pendant une seconde, j’ai cru que tu te souciais vraiment de la réponse que je pouvais te donner. Mais oui, la soirée s’est bien passée. Et toi ? Me dis pas que tu m’as attendu ? Tu t’es pas trop emmerdée sans vigile pour te faire chier ? » ai-je enchaîné en faisant référence à notre échange d’il y a quelque temps déjà. De petits nuages de vapeur se forment à chacun de mes mots. À ce moment, un de mes collègues sort du club et me salue en me souhaitant bonne nuit. Je lui réponds et reporte mon attention sur Kara. « Bon je sais pas toi mais j’ai bien envie de bouger plutôt que de rester ici. Je vais vers la station de métro… Tu vas peut-être par-là aussi ? On pourra peut-être parler de cette dette que tu as envers moi. » ai-je annoncé avec un sourire en coin.

Il y a encore quelque heures, je ne m'imaginais pas sourire en voyant Kara s'avancer vers moi. C'est pourtant le cas quand, au moment de sortir de l'Output pour rentrer chez moi, je m'aperçois avec surprise qu'elle est toujours là. De là à dire qu'elle m'a attendu, je ne vais peut-être pas m'avancer, ça me paraît même un peu étrange mais c'est vrai qu'au final, je crois qu'on peut dire que le feeling est bien passé entre nous dans les derniers instants de notre discussion. Mais quand on se souvient du début, je reste tout de même intrigué par sa présence. « Fais attention je crois bien que tu es en train de me sourire » lance-t-elle quand je lui dis que je suis fier d'elle parce qu'elle s'est tenu tranquille ce soir. C'est vrai que vu mon boulot, j'apprécie vraiment qu'elle n'ait pas laissé traîner ses mains, mais à la fin de notre discussion tout à l'heure j'avais fini par me dire qu'elle n'avait, en effet, pas l'air de vouloir se faire remarquer. Pas comme ça en tout cas. Je me garde de lui faire remarquer qu'elle sourit aussi et pour toute réponse, ne fais que sourire un peu plus. Malgré la fatigue et mon envie de rentrer, je crois que ça me fait plaisir de la voir. À croire que j'ai apprécié notre précédent échange. Du coup là, devant la sortie de l'Output, on se retrouver à échanger sur notre soirée. « Ne te flatte pas trop, on a déjà établit que tu ne me plaisais pas il me semble. Mais oui ma soirée s’est bien passée même si je dois t’avouer que c’était exténuant d’être assise à boire des verres. Enfin moins que de te supporter. » rétorque Kara quand je la taquine en lui demandant si elle ne s'est pas trop emmerdée sans moi. Je ris légèrement. Je me dis qu'il y a encore peu, j'aurais sûrement mal pris sa réponse et des mots cinglants seraient sortis de ma bouche.« Tu me brises le coeur, tu sais ça ? Moi qui pensais qu'on avait passé un cap tous les deux. » ai-je fait en faisant une moue exagérée comme si j'avais été blessé par ses propos. C'est étrange, les piques que l'on s'envoyait il y a peu paraissent totalement différents de ceux qu'on échange à présent. Ensuite, je l'informe que je vais vers la station de métro la plus proche pour rentrer chez moi parce que ça me dit trop rien de rester à discuter comme ça dans la rue avec le froid qu'il fait. Comme ça, si elle veut qu'on parle de cette fameuse dette... « Ah oui c’est vrai cette fameuse dette » dit Kara en levant les yeux au ciel alors que nous avançons vers le métro. Je rigole à nouveau en voyant sa réaction. « Alors qu’est-ce que tu veux ? » « T'as raison, autant pas tourner autour du pot. » ai-je fait amusé. J'enfonce mes mains dans mes poches et hausse les épaules en même temps. « Que tu me les rendes, peut-être ? Ou alors que tu me paies quelques verres la prochaine fois que tu viendras à l'Output ? Et que je bosserai pas, bien sûr. Je sais pas encore. » ai-je fait avec mon plus beau sourire. Nous continuons à marcher dans le froid, au milieu de la foule très matinale new-yorkaise. Je pense soudain à une question que j'ai sur le bout des lèvres depuis le début et décide de prendre le risque de la poser. « J'ai une question mais tu vas sûrement la trouver indiscrète donc si tu veux pas répondre, je comprendrais. Pourquoi tu voles les gens ? » Mon ton est neutre, dénué de jugements. J'ai pas envie d'effacer les progrès qu'on a fait, j'ai juste envie de comprendre et j'espère qu'elle ne va pas mal réagir.